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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2774(IT)I

ENTRE :

BARB PERRY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 21 novembre 2001 à London (Ontario), par

l'honorable juge en chef adjoint D. G. H. Bowman

Comparutions

Représentant de l'appelante :                Peter Perry

Avocat de l'intimée :                            Me Ifeanyi Nwachukwu

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels interjetés à l'égard d'avis de prestation fiscale pour enfants sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années de base 1998 et 1999 soient admis et que les avis soient déférés au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouveau calcul afin de déterminer la prestation fiscale pour enfants à laquelle l'appelante a droit, le cas échéant, en tenant compte du fait qu'elle avait cinq, et non trois, personnes à charge admissibles.

          Il ne sera pas adjugé de frais.


Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011130

Dossier: 2001-2774(IT)I

ENTRE :

BARB PERRY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      À la fin du procès, j'ai convenu de fournir ultérieurement à l'appelante un exposé écrit de mes motifs, car elle était intimement persuadée, tout comme son mari, Peter Perry, qui était son représentant, qu'une injustice avait été commise. Je ne crois pas qu'une injustice ait été commise, pas plus que je n'admets l'argument de M. Perry selon lequel l'appelante ne devrait pas avoir à rembourser les prestations fiscales pour enfants en raison de l'existence d'un accord prénuptial. J'estime toutefois que le Ministre devrait calculer à nouveau les prestations en tenant compte du fait qu'il y avait cinq, et non trois, personnes à charge admissibles.

[2]      Les appels ont été interjetés à l'encontre d'avis de prestation fiscale pour enfants délivrés aux termes de l'article 160.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, dans lesquels le ministre du Revenu national a exigé le remboursement de prestations fiscales pour enfants de 3 143,76 $ et de 1 825,83 $ pour les années de base 1998 et 1999 respectivement.

[3]      L'appelante s'est séparée de son premier mari, Gordon Begley, en 1986. Un accord de séparation a été conclu le 16 mai 1988. Les parties ont divorcé en 1989. M. Begley était tenu de verser une pension alimentaire à l'appelante à l'égard des trois enfants nés de leur mariage jusqu'à ce qu'ils aient 18 ans.

[4]      Gordon Begley est mauvais payeur. Il n'a jamais versé en totalité les pensions alimentaires qu'il devait payer et, certaines années, n'a effectué aucun versement. Ses arriérés de pension alimentaire s'élèvent à 82 000 $ à l'heure actuelle.

[5]      Le 24 avril 1998, l'appelante a épousé son mari actuel, Peter Joseph Patrick John Perry. Le 17 décembre 1997, ils ont conclu un accord prénuptial qui décrivait de façon assez détaillée les dispositions régissant leurs biens et leurs finances. En un mot, ils ont convenu d'un régime de séparation des biens. L'accord atteste la ferme volonté des deux parties d'être indépendantes.

[6]      La disposition 8b) se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Aucune des deux parties n'est responsable de quelque façon de l'obligation de l'autre partie de subvenir aux besoins des enfants qui lui sont nés d'une relation antérieure.

[7]      Après son remariage, l'appelante a demandé la prestation fiscale pour enfants comme elle l'avait fait avant, bien qu'elle eût indiqué dans sa déclaration de revenu qu'elle était mariée. Sa demande a d'abord été acceptée, mais quand l'ADRC a revu le dossier, elle a remarqué que l'appelante était mariée. Elle a donc déterminé que cette dernière n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants parce que les revenus combinés de l'appelante et de son mari en 1998 et 1999 (61 994 $ et 153 223 $ respectivement) dépassaient le plafond d'admissibilité à la prestation.

[8]      Le droit à la prestation fiscale pour enfants est déterminé au moyen d'un calcul complexe énoncé à l'article 122.61 de la Loi de l'impôt sur le revenu. J'ai formulé des commentaires sur une disposition analogue, à l'article 122.5, dans l'affaire Russell c. R., C.C.I., no 2001-428(IT)I, 20 juin 2001 ([2001] 3 C.T.C. 2652, [2001] A.C.I. no 409). Je n'ai pas l'intention de faire la même chose ici.

[9]      L'un des éléments qui entrent dans la formule d'une remarquable complexité qui est prévue à l'article 122.61 est le « revenu modifié » du contribuable, c'est-à-dire le total du revenu, selon la définition, de la personne qui demande le crédit et du revenu de son conjoint.

[10]     La formule permettant de calculer le paiement en trop réputé pour un mois a changé à trois reprises pendant les deux années considérées. Jusqu'en juin 1998, ce paiement en trop était égal à 1/12 (A - B). Après juin 1998, il était de 1/12 [(A - B) + C]. La formule a encore changé pour le calcul des paiements en trop réputés postérieurs à juin 1999. La valeur de chacune des lettres A, B et C est elle-même déterminée par un calcul dans lequel entrent un certain nombre d'autres formules, dont les éléments sont représentés par les lettres D, E, F, G et H.

[11]     M. Perry a déclaré dans son témoignage que, outre les trois enfants à charge de Mme Perry, qui étaient âgés de moins de 18 ans, il avait deux enfants, eux aussi de moins de 18 ans, issus d'un mariage précédent et que, comme l'un des éléments entrant dans la formule était le nombre de personnes à charge admissibles, le calcul devrait peut-être être fondé sur l'existence de cinq personnes à charge admissibles plutôt que trois.

[12]     Avant de me lancer dans la fastidieuse entreprise que constitue l'examen de la formule en question, je ferai quelques brefs commentaires sur les trois arguments qu'a fait valoir M. Perry pour soutenir que sa femme ne devrait pas avoir à rembourser la prestation fiscale pour enfants.

a)        En raison de l'accord prénuptial, elle se trouvait dans la même situation, concernant l'obligation de subvenir aux besoins de ses enfants, que si elle n'était pas mariée. Le fait que les époux aient conclu un accord prénuptial n'influe pas sur l'application de l'article 122.61.

b)       Le fait que l'ex-conjoint de Mme Perry était un mauvais payeur qui ne lui versait pas de pension alimentaire serait une justification au non-remboursement des prestations fiscales pour enfants que Mme Perry a reçues pendant qu'elle était mariée. Ce fait n'a lui non plus aucune influence sur l'application de l'article 122.61. M. Perry semblait être d'avis que, en exigeant le remboursement des prestations fiscales pour enfants, l'ADRC l'obligeait dans les faits à s'occuper d'enfants qui n'étaient pas les siens parce que Mme Perry n'avait pas les moyens de rembourser les prestations. J'ai du mal à suivre ce raisonnement. Si Mme Perry est tenue de rembourser les prestations, je ne vois pas en quoi la responsabilité en incombe à M. Perry, du moins sur le plan juridique, encore qu'il puisse exister une obligation morale. Je remarque qu'aucun intérêt n'est exigé.

c)        L'un des fils de Mme Perry a obtenu un prêt étudiant. La demande de prêt avait été refusée initialement à cause du revenu combiné de M. et Mme Perry. Ces derniers ont présenté l'accord prénuptial aux autorités provinciales, qui ont alors accordé le prêt. M. Perry soutient que, puisque les autorités provinciales ont reconnu la validité de l'accord, l'ADRC devrait faire de même.

          La réponse à cet argument tient en peu de mots : nul ne conteste la validité de l'accord, que ce soit l'ADRC ou la Cour. L'accord n'a tout simplement aucune pertinence dans le contexte de l'article 122.61.

[13]     En ce qui concerne l'effet d'une modification du nombre de personnes à charge admissibles, qui passerait de trois à cinq, j'essaierais, non sans quelque appréhension, d'effectuer le calcul qui avait cours entre le 1er juillet et la fin de l'année 1998. L'article 122.61, tel qu'il s'appliquait au cours de cette période, se lisait comme suit :

            Lorsqu'une personne et, sur demande du ministre, son conjoint visé à la fin d'une année d'imposition produisent une déclaration de revenu pour l'année, un paiement en trop au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l'année est réputé se produire au cours d'un mois par rapport auquel l'année est l'année de base. Ce paiement correspond au résultat du calcul suivant :

1/12 [(A - B) + C]

A          représente le total des montants suivants :

a)          le produit de 1 020 $ par le nombre de personnes à charge admissibles à l'égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois,

b)          le produit de 75 $ par le nombre de personnes à charge admissibles - supérieur à deux - à l'égard desquelles la personne était un particulier admissible au début du mois;

c)          le résultat du calcul suivant :

D - E

D          représente le produit de 213 $ par le nombre de personnes à charge admissibles âgées de moins de 7 ans avant le mois, à l'égard desquelles la personne est un particulier admissible au début du mois,

E           25 % du total des montants déduits en application de l'article 63, à l'égard de personnes à charge admissibles, dans le calcul du revenu pour l'année de la personne ou de son conjoint visé;

B           5 % (ou 2 1/2 % si la personne est un particulier admissible à l'égard d'une seule personne à charge admissible au début du mois) de l'excédent éventuel, sur 25 921 $, du revenu modifié de la personne pour l'année;

C          le résultat du calcul suivant :

F - (G x H)

F           représente

            a)          si la personne est un particulier admissible à l'égard d'une seule personne à charge admissible, 605 $,

            b)          si elle est un particulier admissible à l'égard de plusieurs personnes à charge admissibles, le total des montants suivants :

            (i)          605 $ pour la première,

            (ii)         405 $ pour la deuxième,

            (iii)        330 $ pour chacune des autres,

G          l'excédent éventuel, sur 20 921 $, du revenu modifié de la personne pour l'année,

H         

            a)          si la personne est un particulier admissible à l'égard d'une seule personne à charge admissible : 12,1 %,

            b)          si elle est un particulier admissible à l'égard de deux personnes à charge admissibles : 20,2 %,

            c)          si elle est un particulier admissible à l'égard de trois personnes à charge admissibles ou plus : 26,8 %.

[14]     Le revenu modifié est défini comme suit :

« revenu modifié » Quant à un particulier pour une année d'imposition, le total des montants qui représenteraient chacun le revenu pour l'année du particulier ou de la personne qui était son conjoint visé à la fin de l'année si aucun montant n'était inclus dans le calcul de ce revenu au titre d'un gain provenant d'une disposition de bien à laquelle s'applique l'article 79.

[15]     Voici la définition d'une personne à charge admissible :

« personne à charge admissible » S'agissant de la personne à charge admissible d'un particulier à un moment donné, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

            a)          elle est âgée de moins de 18 ans;

            b)          elle n'est pas quelqu'un pour qui un montant a été déduit en application de l'alinéa 118(1)a) dans le calcul de l'impôt payable par son conjoint en vertu de la présente partie pour l'année de base se rapportant au mois qui comprend ce moment;

            c)          elle n'est pas quelqu'un pour qui une allocation spéciale prévue par la Loi sur les allocations spéciales pour enfants est payable pour le mois qui comprend ce moment.

[16]     Par conséquent, s'il y avait cinq personnes à charge admissibles au lieu de trois, le calcul est le suivant :

1/12 x [(A - B) + C]

          A        est le total de

a)        1 020 $ x 5 = 5 100 $

b)       75 $ x 3 = 225 $

c)        D - E

Je fais l'hypothèse que les enfants ont tous plus de 7 ans, de sorte que la différence calculée en c) est nulle.

          A = 5 325 $

          moins B

          Ce chiffre est égal à 5 % de 61 994 $ = 3 099 $

(Je signale entre parenthèses que, si l'on fait l'hypothèse qu'il y a trois personnes à charge admissibles plutôt que cinq, A est égal à 3 060 $ + 75 $ = 3 135 $)

          C        est égal à F - (G x H)

F        est égal à 605 $ + 405 $ + 330 $ + 330 $ + 330 $ = 2 000 $

G        est égal à 61 994 $ - 20 921 $ = 41 073 $

H        est égal à 26,8 %

F - (G x H) est égal à 2 000 $ - [41 073 $ x 26,8 % (11 007 $)]

2 000 $ moins 11 007 $ donne un résultat négatif, de sorte qu'il est réputé égal à zéro aux termes de l'article 257.

Le résultat du calcul est donc :

1/12 [(A - B) + C]

= 1/12 [(5 325 $ - 3 099 $) + 0]

= 1/12 x 2 226 $ = 185,50 $

[17]     En ce qui concerne l'année 1999, j'estime très peu probable que la formule se traduise par un droit à prestation fiscale pour enfants. Si le revenu modifié est de 153 223 $ en 1999, B s'élève à 7 661,15 $, chiffre qui dépasse de beaucoup A.

[18]     Je me propose cependant d'admettre les appels relatifs aux deux années pour la simple raison que mes calculs sont approximatifs et qu'ils ne s'appliquent pas à toutes les années. En outre, il se peut que certaines de mes hypothèses de fait soient erronées, en ce qui concerne par exemple l'âge des enfants ou certains des éléments de D et E, dans le calcul de A. Enfin, la formule a changé pendant les périodes considérées. Je me suis livré au calcul non parce que je pensais être automatiquement en mesure d'en établir le résultat avec une précision parfaite, mais parce que je devais déterminer s'il était possible que l'appelante ait droit à quelque chose aux termes de l'article 122.61 s'il y avait cinq personnes à charge admissibles. Il se pourrait qu'un nouveau calcul effectué par l'ADRC ne donne pas de résultat positif pour l'appelante au cours de l'une ou l'autre des années en question. L'appelante a toutefois droit à ce que ce calcul soit effectué.

[19]     Les appels interjetés à l'encontre des avis de prestation fiscale pour enfants sont admis et les avis sont déférés au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouveau calcul afin de déterminer la prestation fiscale pour enfants à laquelle l'appelante a droit, le cas échéant, au cours des années de base 1998 et 1999, en tenant compte du fait qu'il y avait cinq, et non trois, personnes à charge admissibles.


[20]     Il ne sera pas adjugé de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2001.

« D. G. H. Bowman »

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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