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Dossier : 2004-3527(IT)I

ENTRE :

DIANE CHICHELUK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 31 mai, le 1er juin et le 2 juin 2005 à Winnipeg (Manitoba).

Devant : L'honorable juge A.A. Sarchuk

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Kirsty Elgert

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

          Les appels des nouvelles déterminations effectuées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) pour les années de base 2000, 2001 et 2002 sont admis, et les nouvelles déterminations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et qu'il établisse de nouvelles cotisations au motif que, pendant la période en cause, l'appelante et Lincoln Oree n'ont pas vécu ensemble dans une relation conjugale, qu'ils n'ont pas habité ensemble, que Lincoln Oree n'était pas un proche admissible de l'appelante au sens de l'article 122.5 de la Loi, ni son conjoint visé au sens de l'article 122.6 de la Loi.

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont admis, et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour qu'il procède à un nouvel examen et qu'il établisse de nouvelles cotisations au motif que l'appelante a droit à un montant pour personne entièrement à charge à l'égard d'un de ses enfants pour chacune des années en cause.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2005.

« A.A. Sarchuk »

Le juge Sarchuk

Copie certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2005

Joanne Robert, traductrice


Référence : 2005CCI395

Date : 20050617

Dossier : 2004-3527(IT)I

ENTRE :

DIANE CHICHELUK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sarchuk

[1]      Il s'agit d'appels interjetés par Diane Chicheluk à l'égard de nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 et de nouvelles déterminations pour les années de base 2000, 2001 et 2002 par lesquelles :

a)        le ministre du Revenu national a informé l'appelante que, pour les années de base 2000, 2001 et 2002 (plus précisément pour la période allant du 1er juillet 2001 au 30 octobre 2003), le montant de la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) auquel elle avait droit avait été modifié en raison de son changement d'état civil (de célibataire à conjoint de fait) et, donc, qu'elle avait reçu des paiements en trop de l'ordre de 4 634,67 $ au titre de la PFCE;

b)       le ministre, dans des avis datés du 17 octobre 2003, a informé l'appelante que, pour les années de base 2000, 2001 et 2002, le montant du crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS) auquel elle avait droit avait été modifié pour la raison susmentionnée et, donc, qu'elle avait reçu des paiements en trop de l'ordre de 1 161,21 $ au titre du CTPS;

c)        le ministre, dans des avis de nouvelle cotisation datés du 18 novembre 2003, a refusé le montant demandé à l'égard d'une personne entièrement à charge pour chacune des trois années en question en supposant que l'appelante vivait en union de fait et, donc, n'avait pas droit à ce montant.

Preuve

[2]      Les faits qui suivent ne sont pas contestés :

a)        l'appelante est un « particulier admissible » au sens de l'article 122.5 de la Loi;

b)       l'appelante a deux enfants, à savoir Charlene, née en novembre 1984, et Ashley, née en janvier 1987;

c)        les enfants sont des « personnes à charge admissibles » de l'appelante pour ce qui est de la PFCE et du CTPS.

[3]      L'appelante a été mariée à Larry Chicheluk. En 1997, le mariage s'est brisé, la procédure judiciaire habituelle a été engagée et, en 1999, l'appelante a obtenu la garde des enfants et une pension alimentaire. L'appelante a témoigné qu'en 1997, elle a acheté une maison, qui se trouve au 72, chemin High Point, à Winnipeg. Elle a meublé la maison elle-même et elle en a assuré l'entretien pendant toute la période en cause, sans l'aide de personne. À un moment donné, elle a entamé une relation avec Lincoln Oree et, à divers moments pendant la période en cause, M. Oree a vécu avec elle dans sa maison.

[4]      D'après la preuve, la rupture du mariage a été une vilaine affaire, pour ne pas dire plus. L'ancien époux de l'appelante, M. Chicheluk, a recouru au harcèlement et aux appels téléphoniques nocturnes, il a communiqué avec les parents et l'employeur de l'appelante, il a endommagé la voiture de l'appelante, etc. De plus, il a appelé M. Oree au travail à quelques reprises pour lui dire que sa présence dans la vie des enfants était indésirable. L'appelante a dit qu'elle a fait changer ses serrures de porte quatre fois à cause des intrusions de son ancien époux et que la police est intervenue à plusieurs reprises. M. Chicheluk a eu recours au harcèlement pendant toute la période en cause et il semble avoir eu deux objectifs : (i) désaffectionner les enfants de leur mère et (ii) empêcher l'appelante d'établir une relation avec M. Oree. Par exemple, M. Chicheluk a dit aux enfants de s'opposer essentiellement à tout ce que disait M. Oree et il leur a secrètement demandé de veiller à ce que M. Oree dorme sur le divan et non pas dans la chambre de l'appelante. M. Chicheluk n'a pas changé son comportement malgré le fait que l'appelante ait obtenu une injonction. Pendant cette période, M. Chicheluk a intenté une procédure judiciaire relativement à la pension alimentaire, situation que l'appelante a trouvé extrêmement stressante, car elle n'avait pas les moyens de retenir les services d'un avocat. Elle a dit qu'à cause des tentatives de son époux, elle a perdu des mois de sa vie à se préparer pour des audiences qui n'ont été pour elle que source d'irritation.

[5]      L'appelante ne conteste pas que, quelque temps avant 2000, elle et M. Oree ont commencé à vivre ensemble et qu'elle a voulu établir une relation de cohabitation avec lui. Elle a toutefois fait remarquer ce qui suit :

[TRADUCTION] Pour diverses raisons, je n'arrivais pas à entretenir une relation avec lui. Je travaillais à plein temps, j'élevais deux enfants et je m'occupais de ma maison, de ma voiture et des situations de la vie quotidienne. De plus, je vivais un stress incroyable à cause de mon ex-mari. En rétrospective, je n'ai pas pu faire face à toutes les situations. Ma relation avec Lincoln en a souffert, et nous avons rompu plusieurs fois.

Selon l'appelante, le nombre de fois où M. Oree est déménagé de sa maison illustre bien ce dernier énoncé. Pendant les trois années en cause, l'appelante et M. Oree ont vécu séparés l'un de l'autre à plusieurs reprises. Plus précisément, l'appelante a témoigné qu'ils ont été séparés trois fois en 2000 : de la fin de mars à la mi-avril, de mai à la fin de juin (soit à peu près 90 jours) et de la mi-octobre à décembre (soit près de 90 jours, encore une fois). Au souvenir de l'appelante, les intrusions de son ancien époux ont débuté graduellement et elles se sont multipliées en 2000 et en 2001. Pendant cette année-là, le harcèlement constant a fait sentir ses effets sur l'appelante : elle a fait appel à un psychologue et, après plusieurs séances, elle a demandé à M. Oree de partir pour lui permettre de régler ses problèmes avec ses enfants. Elle et M. Oree ont donc vécu séparés l'un de l'autre du début d'octobre 2001 à la mi-avril 2002.

[6]      Il y a lieu de noter que, durant la période en cause, l'appelante a subvenu à ses besoins et à ceux de ses deux enfants grâce à son salaire de réceptionniste, à sa pension alimentaire, à des programmes fédéraux et provinciaux et à des fonds provenant du partage des biens matrimoniaux. Comme je l'ai dit plus tôt, l'appelante était propriétaire d'une maison et d'une voiture, et elle assumait toutes ses dépenses, notamment l'hypothèque, les services publics, la nourriture, les vêtements et toutes les nécessités de la vie quotidienne. Elle entretenait elle-même sa maison : elle faisait le nettoyage, la cuisine, le magasinage et la lessive. En outre, elle a fait clairement savoir que, même si elle et M. Oree ont vécu ensemble à certains moments pendant les trois années en cause, M. Oree ne jouait aucun rôle dans la prise des décisions quotidiennes, ni dans la garde des enfants, et il ne subvenait ni aux besoins des enfants, ni à ceux de l'appelante. Il a cependant contribué à l'entretien de la voiture, à l'entretien du gazon, au déneigement et à l'entretien de la maison le temps qu'il a vécu avec l'appelante et ses enfants.

Position de l'intimée

[7]      L'avocate de l'intimée a fait valoir que l'appelante et Lincoln Oree ont vécu ensemble dans une relation conjugale à compter de 1999, conformément à la définition de ce terme dans la Loi. L'avocate a ajouté que, dans son témoignage, l'appelante n'a fourni aucune preuve pour réfuter l'hypothèse du ministre. Selon l'avocate de l'intimée, en l'absence de preuves valables pour réfuter cette hypothèse, les appels doivent être rejetés.

Conclusion

[8]      Les circonstances décrites par l'appelante font clairement ressortir que, malgré les injonctions et les avertissements de la police, le comportement de l'ancien époux de l'appelante et l'antipathie manifeste des enfants de l'appelante pour M. Oree ont rendu pratiquement impossible l'établissement d'une relation normale entre l'appelante et M. Oree. À mon avis, l'appelante a fourni suffisamment d'éléments de preuve pour démontrer qu'elle et M. Oree n'ont pas eu une relation à caractère permanent au cours de la période en cause. De plus, dire que l'appelante et M. Oree vivaient dans une relation conjugale me semble être une simplification exagérée, car le témoignage sur les périodes de séparation ne satisfait pas à l'exigence des « 90 jours consécutifs » . Dans les circonstances actuelles, il serait déraisonnable de ne pas tenir compte de l'effet cumulatif des séparations constantes, dont trois ou quatre ont duré quelque trois mois selon l'appelante. À mon avis, ces circonstances confirment ce qu'a dit l'appelante, à savoir que, pendant la période en cause, elle ne pouvait pas gérer une relation en plus du reste. En définitive, j'ai déterminé que les appels doivent être admis. Par conséquent :

a)        M. Oree ne doit pas être considéré comme un conjoint visé, et son revenu net ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu familial net aux fins de la PFCE pour les années de base 2000, 2001 et 2002 au sens de l'article 122.6 de la Loi;

b)       M. Oree ne doit pas être considéré comme un proche admissible, et son revenu net ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu familial net aux fins du CTPS pour les années de base 2000, 2001 et 2002 au sens de l'article 122.5 de la Loi;

c)        l'appelante n'a pas touché des paiements en trop de 4 634,67 $ au titre de la PFCE, ni des paiements en trop de 1 161,21 $ au titre du CTPS pour les années de base 2000, 2001 et 2002;

d)       l'appelante peut demander un montant pour personne entièrement à charge à l'égard d'un de ses enfants pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 2005.

« A.A. Sarchuk »

Le juge Sarchuk

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de décembre 2005

Joanne Robert, traductrice

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