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Dossier : 2003-4476(IT)I

ENTRE :

ALEX KURESH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 13 avril 2004 à Toronto (Ontario).

Devant : L'honorable juge Georgette Sheridan

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Me Andrea Jackett

Bari Crackower (stagiaire en droit)

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2004.

Liette Girard, traductrice


Référence : 2004CCI317          

Date : 20040518

Dossier : 2003-4476(IT)I

ENTRE :

ALEX KURESH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Sheridan

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie par le ministre du Revenu national qui a rejeté la déduction demandée par l'appelant de certains frais d'intérêt de placement pour l'année d'imposition 2000.

[2]      L'appelant, M. Alex Kuresh, s'appelait auparavant « Satar Sadiqyar » , un nom qui figure sur certains documents déposés en preuve. En 2000, M. Kuresh a investi 90 000 $ dans des actions du domaine de la « haute technologie » . Il a indiqué, dans son témoignage, que ces sommes faisaient partie d'un prêt de 145 000 $ qui lui avait été consenti par sa cousine, Mme M. Nader. Cette dernière vit en Allemagne. Deux autres personnes font partie de ce scénario, soit son oncle, M. M. A. Raouf, qui réside également en Allemagne, et son frère, M. A. K. Sadiqyar, qui réside en Hollande. Selon le témoignage de M. Kuresh, aucun contrat de prêt écrit n'a été conclu entre lui-même et Mme Nader, mais il s'était engagé à rembourser les sommes que lui avait prêtées Mme Nader sur une période de cinq années au moyen de paiements forfaitaires et d'un intérêt de 9 p. 100 par année. Il a déclaré qu'en 2000, il avait remboursé 20 000 $ du prêt, ce qui comprenait des intérêts de 8 100 $ pour cette année.

[3]      Dans sa déclaration de revenus de 2000, il a demandé une déduction des frais d'investissement touchant ce montant. Cette déduction a été rejetée, et M. Kuresh s'est opposé à la cotisation du ministre. Après des discussions avec des fonctionnaires de l'ADRC, il est devenu évident que M. Kuresh avait un problème de manque de documentation relativement à sa demande de déduction de frais. En particulier, rien n'attestait que le prêt avait été consenti ou que les sommes avaient été avancées par Mme Nader à M. Kuresh ni n'établissait son remboursement du prêt à Mme Nader. Ces lacunes n'ont pas été réglées à la satisfaction du ministre, ce qui a amené M. Kuresh à interjeter appel à l'encontre de cette question devant la Cour.

[4]      La question en litige en l'espèce est celle de savoir si, dans les faits, un prêt valide existait entre M. Kuresh et Mme Nader selon les conditions établies ci-dessus. Le droit révèle clairement que M. Kuresh a le fardeau de prouver l'existence du prêt[1]. Comme on l'a expliqué à M. Kuresh à l'audience, pour obtenir gain de cause, il doit prouver que les hypothèses et les cotisations du ministre étaient erronées[2]. La Loi de l'impôt sur le revenu oblige les contribuables à conserver des livres comptables adéquats[3], une condition qui est logique dans le cadre d'un système fiscal fondé sur la notion d'autodéclaration par un contribuable. M. Kuresh, comme tous les autres contribuables, a l'obligation découlant de la loi de conserver les registres des opérations réalisées dans le cadre de ses investissements commerciaux. Comme il ne l'a pas fait pour ce qui est des négociations survenues entre lui-même et Mme Nader, la Cour ne dispose d'aucune autre preuve outre son témoignage pour prouver que ces opérations se sont bien produites.

[5]      La Cour d'appel fédérale a conclu, dans l'arrêt Njenga c. M.R.N.[4], que « [d]es reçus écrits par elle-même et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants. Le problème du manque de justification est encore aggravé par le fait que le juge du procès, à qui il revient d'apprécier la crédibilité, a conclu que la requérante ne répondait pas aux exigences sur ce point » . Je n'irais pas jusqu'à dire que M. Kuresh n'était pas crédible, mais son témoignage était incomplet au point de ne pas être convaincant. M. Kuresh se représentait. Au soutien de sa demande de déduction de frais, il a témoigné au sujet de l'opération de prêt et il a produit un document censé représenter les conditions écrites du contrat de prêt. Déposé sous la cote A-1, il s'agit d'une photocopie d'une page de papier blanc datée du 7 avril 2003 sur laquelle les conditions ont été indiquées à la main. Il a été créé environ trois ans après que le prêt est censé avoir été consenti et seulement après que l'ADRC eut demandé un document écrit appuyant la demande de M. Kuresh. M. Kuresh n'a pas préparé la document lui-même et il ne pouvait pas dire qui l'avait fait. Il a indiqué qu'il lui avait été envoyé d'Europe par la poste, mais il ne pouvait produire l'enveloppe dans laquelle il avait été envoyé. La signature originale de M. Kuresh figure à l'encre bleue sur la page photocopiée sous les mots [traduction] « Satar Sadiqyar (Alex Kuresh), emprunteur » . Ce qui semble être les signatures de [traduction] « Mme M. Nader, prêteuse » et de [traduction] « M. Raouf, témoin » figure au bas de la page. Ces personnes étaient absentes à l'audience, et aucun affidavit attestant la signature n'a été déposé, qui aurait prouvé l'existence du document du 7 avril 2003. Pour toutes ces raisons, même en vertu des règles de la procédure informelle plus souples, la pièce A-1 possède une faible valeur probante.

[6]      Le témoignage de M. Kuresh touchant le remboursement du prêt n'était guère plus convaincant. M. Kuresh est un homme d'affaires très averti, suffisamment pour gérer ses propres investissements à la bourse et pour savoir que le montant des intérêts versés sur un prêt à cet égard est déductible. En présentant ses observations devant la Cour, il a déclaré [traduction] « je connais les chiffres » et la Cour accepte qu'il est à l'aise et compétent dans le domaine financier. Dans cette perspective et à la lumière des demandes antérieures de documents par l'ADRC, il est difficile de comprendre pourquoi, s'il disposait de tels documents, M. Kuresh ne les a pas déposés, que ce soit auprès des fonctionnaires de l'ADRC ou à l'audience. Lorsqu'on l'a contre-interrogé au sujet des relevés bancaires indiquant le dépôt de produits de prêts, M. Kuresh a indiqué qu'il possédait de tels registres, mais qu'il ne les [traduction] « avait pas avec lui » . Il n'a pas non plus pu fournir de documentation indiquant la circulation de fonds de son compte pour le paiement des actions acquises grâce aux fonds du prêt. Pour ce qui est du remboursement du prêt, pour appuyer le fait qu'il avait effectué des paiements à Mme Nader, M. Kuresh a fourni une photocopie d'un virement télégraphique de 20 000 $ daté du 7 décembre 2000 payable, non pas à Mme Nader, mais à [traduction] « A. K. Sadiqyar » , son frère. M. A. K. Sadiqyar n'était pas partie au contrat de prêt. La raison qu'a donnée M. Kuresh pour expliquer pourquoi il avait effectué le paiement à son frère plutôt qu'à Mme Nader n'était pas claire, étant vaguement liée à la preuve du remboursement [traduction] « dans le cas où quelque chose lui arriverait » . Il me semble qu'il existe d'autres façons plus fiables et moins compliquées pour y parvenir.

[7]      En tout état de cause, en dehors de ses seules affirmations, M. Kuresh n'a pu produire de preuve fiable pour démontrer l'existence du prêt. S'il avait conservé de meilleurs registres de ses opérations, ce qui est une chose à faire tout à fait normale et condition juridique découlant de la Loi de l'impôt sur le revenu, le résultat aurait pu être différent. Mais, dans la situation actuelle, M. Kuresh n'a pas pu prouver que les hypothèses sur lesquelles la cotisation du ministre reposait étaient erronées. En conséquence, je n'ai d'autre choix que de rejeter l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de juillet 2004.

Liette Girard, traductrice



[1] Wellington Hotel Holdings Limited c. M.R.N., [1973] C.F. 875 (73 DTC 5391).

[2] Johnston v. M.N.R., [1948] R.C.S. 486.

[3] Holotnak v. Her Majesty the Queen, 87 DTC 5443 (C.F. 1re inst.).

[4] [1996] A.C.F. no 1218.

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