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Dossier : 2001‑4456(IT)G

ENTRE :

LORRAINE MULLIN, EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE LA SUCCESSION D’AUDREY MACDONALD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 19 février 2004 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge T. O'Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat pour l’intimée :

MBrent Cuddy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1999 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2004.

 

 

 

 

 

« T. O'Connor »

Juge O'Connor

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2004.

 

 

 

Ingrid B. Miranda, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2004CCI333

Date : 20040510  

Dossier : 2001‑4456(IT)G

ENTRE :

LORRAINE MULLIN, D’EXÉCUTRICE TESTAMENTAIRE DE LA SUCCESSION D’AUDREY MACDONALD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge O'Connor

 

[1]     La question en litige en appel est mieux énoncée dans les paragraphes 9, 10, 11 et 12 de la réponse à l’avis d’appel. Poverello Charities Ontario (« Poverello ») est un organisme de bienfaisance enregistré.

 

[TRADUCTION]

 

En établissant ainsi une cotisation à l'égard de l’appelante, le ministre a formulé, notamment, les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         Les clauses du testament d’Audrey MacDonald ordonnent aux fiduciaires de la succession de diviser le reliquat de son patrimoine en parts égales, dont l’une doit être versée ou transférée à son frère, le père Joseph MacDonald, si ce dernier lui survit.

 

b)         le testament ne nomme aucun autre bénéficiaire relativement à la fraction du patrimoine qui est léguée au père Joseph MacDonald, de sorte que, si le père Joseph MacDonald était décédé avant la testatrice, il fallait diviser le reliquat du patrimoine également entre les trois bénéficiaires du reliquat de la succession.

 

c)         L’appelante a affirmé que le don à Poverello a été effectué conformément à la disposition du testament qui prévoit que soit légué le reliquat du patrimoine, la somme de 46 332,87 $ constituant un quart du reliquat du patrimoine.

 

d)                  Aucune disposition du testament ne prévoyait le versement ou le transfert d’une somme d’argent à Poverello. Par conséquent, tout versement ou transfert à Poverello a contrevenu aux dispositions du testament.

 

e)         La succession d’Audrey MacDonald n’a fait don d’aucune somme d’argent à Poverello.

 

f)          Aucun don en argent à Poverello ne peut être légitimement ajouté au total des dons de bienfaisance d’Audrey MacDonald pour l’année d’imposition 1999.

 

B.  QUESTIONS EN LITIGE

 

10. La question est de savoir si Audrey MacDonald a fait un don de 46 332,87 $ à Poverello qui peut être ajouté au total des dons de bienfaisance d’Audrey MacDonald pour l’année d’imposition 1999.

 

C. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURES DE REDRESSEMENT DEMANDÉES

 

11. Il [le ministre] invoque, entre autres, l’article 118.1 et le paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « Loi »), ainsi que les articles 3500 et 3501 du Règlement de l’impôt sur le revenu.

 

Il soutient respectueusement que le don à Poverello ne constitue pas un don d’Audrey MacDonald par voie testamentaire ou autrement. Par conséquent, le montant du don ne peut être ajouté à la rubrique « total des dons de bienfaisance », ni à la rubrique « total des dons » aux termes du paragraphe 118.1(1) de la Loi, de la déclaration d’Audrey MacDonald pour l’année d’imposition 1999.

 

 

[2]     L’appelante, sa qualité d’exécutrice de la succession d’Audrey MacDonald, fait valoir essentiellement que le père MacDonald et Poverello ne sont qu’une seule et même personne, et que le père MacDonald utilise toutes les sommes qui lui sont versées pour acquitter ses tâches au sein de Poverello. Les sommes en question ont été déposées dans le compte de banque de Poverello et sont utilisées afin de construire un solarium pour les personnes qui sont à la charge de Poverello, notamment les sans‑abri, les marginaux des rues et des gens atteints de problèmes psychiatriques ou mentaux.

 

[3]     Elle fait référence à un document qui détaille les tâches effectuées par Poverello, dont voici un extrait :

 

[TRADUCTION]

 

ORGANISME DE BIENFAISANCE POVERELLO

 

Initialement, en 1969, l’organisme de bienfaisance Poverello était un centre de jour pour les gens qui faisaient des courses. Son but initial consistait à amener la présence du Christ sur la place du marché. Il s’agissait d’un café chrétien au coin des rues Yonge et Teraulay jusqu’en 1973, puis au coin des rues Yonge et Bloor jusqu’en 1978.

 

Le café et centre de jour répondaient aux besoins changeants de la clientèle. Des foyers communautaires ont commencé en 1975. Un autre centre de jour a été ouvert en 1976 pour desservir les besoins des patients ayant quitté un hôpital psychiatrique. En 1976, des magasins d’aubaines ont été ajoutés à la liste des services. Les magasins « Brother Stores » ne se limitaient pas au recyclage bon marché, mais ils ont généré suffisamment de fonds pour permettre l’achat d’autres foyers communautaires et d’un centre récréatif et de retraite dans la Baie Georgienne.

 

Pendant les années 80, l’organisme de bienfaisance Poverello a participé à la fondation de la banque alimentaire Daily Bread Food Bank avec la participation des foyers St. Jude’s Homes (un complexe de 37 appartements pour des personnes atteintes de maladies mentales chroniques), ainsi qu’à l’élaboration d’une nouvelle méthode pour nourrir les moins fortunés. Cette méthode, un restaurant bon marché mais au décor agréable, a été constituée en société sous la ferme d’organisme de bienfaisance St. Francis Table.

 

Pendant les années 90, on a mis sur pied un ministère des rues du centre‑ville de Toronto, destiné à nourrir, rafraîchir et vêtis ceux et celles qui y vivent et y dorment. Ce programme, fondé il y a plus de 10 ans, est ouvert à partir du 15 novembre jusqu’au 15 avril.

 

Avec optimisme, on mettra bientôt sur pied des endroits où les gens frappés de maladie mentale pourront faire don de leur expérience et de leurs compétences tout en recevant une rémunération adéquate pour leurs efforts.

 

Le nom de l’organisme de bienfaisance Poverello Charities a été choisi en l’honneur de Saint‑François d’Assise, le « poverello » ou le pauvre petit, qui vivait humblement et travaillait auprès des pauvres.

 

L’organisme de bienfaisance Poverello Charities est enregistré auprès du gouvernement fédéral. Il a été constitué dans la province d’Ontario et il est doté d’un conseil d’administration.

 

L’appelante fait aussi valoir que Me Joseph M. McBride, c.r., l’avocat qui a réglé la succession, a émis le chèque de 46 332,87 $ au nom de Poverello Charities Ontario.

 

Analyse et décision

 

[4]     Le paragraphe 118.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») définit ainsi l’expression « total des dons de bienfaisance » :

 

118.1(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article

 

« total des dons de bienfaisance » Quant à un particulier pour une année d'imposition, le total des montants représentant chacun la juste valeur marchande d'un don (à l'exclusion de celui dont la juste valeur marchande est incluse dans le total des dons à l'État, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles du particulier pour l'année) qu'il a fait au cours de l'année ou d'une des cinq années d'imposition précédentes (mais non au cours d'une année pour laquelle il a demandé une déduction en application du paragraphe 110(2) dans le calcul de son revenu imposable) aux entités suivantes, dans la mesure où ces montants n'ont été ni déduits dans le calcul de son revenu imposable pour une année d'imposition se terminant avant 1988, ni inclus dans le calcul d'un montant déduit en application du présent article dans le calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d'imposition antérieure

 

a) organismes de bienfaisance enregistrés,

 

[...]

 

[5]     Cette Cour est compatissante envers la cause du père MacDonald et de Poverello, cependant les faits dans l’arrêt George W. Lucey and Lyman J. Lucey and The Catholic Orphanage of Prince Albert, commonly known as St. Patrick's Orphanage and Francis Charles Neate, Administrator of Estates of the Mentally Incompetent, as Administrator of the Estate of Nellie A. Lucey de la Cour suprême du Canada ([1951] R.C.S. 690) sont remarquablement semblables à ceux du présent appel.

 

 

[6]     Dans ce dernier arrêt, le legs est libellé ainsi :

 

[TRADUCTION]

 

Je lègue inconditionnellement tous les biens réels et personnels dont je serai saisi lors de mon décès, au révérend père William Bruck, O.M.I., Orphelinat de St. Patrick de la ville de Prince Albert dans la province de la Saskatchewan, et je nomme ledit révérend père William Bruck exécuteur unique de mon présent testament; par la présente, je révoque toute écriture testamentaire antérieure [...]

 

[...]

 

Voici l’arrêt de la Cour suprême :

 

[TRADUCTION]

 

Arrêt : les termes utilisés dans un testament doivent être interprétés dans leur sens grammatical et ordinaire; par conséquent, l’expression « au révérend père William Bruck, O.M.I., Orphelinat de St. Patrick de la ville de Prince Albert *** » signifie que le bénéficiaire de la succession était le révérend père William Bruck et non pas l’orphelinat.

 

La Cour a ajouté ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Notre première tâche consiste à interpréter les termes dans lesquels la testatrice s’est exprimée, en se fondant sur leur sens ordinaire et grammatical. Il n’y a pas le moindre doute dans mon esprit que, selon cette règle d’interprétation, l’expression « au révérend père William Bruck, O.M.I., Orphelinat de St. Patrick de la ville de Prince Albert dans la province de la Saskatchewan » signifie que le patrimoine de la testatrice a été légué à la personne nommée révérend père William Bruck, lequel est décrit plus précisément par les initiales et les mots qui suivent son nom, les lettres « O.M.I. » désignant l’ordre religieux auquel il appartient et les mots « Orphelinat St. Patrick » désignant son lieu de résidence. Interpréter l’expression « révérend père William Bruck » ou « révérend père William Bruck, O.M.I. » comme une locution épithète qualifiant l’Orphelinat St. Patrick, constituerait une interprétation tordue et insolite et je ne crois pas que la testatrice ait employé ainsi cette expression.

 

            Ensuite, il faut examiner la prétention de l’intimée selon laquelle si l'on conclut que le don a été fait au révérend père William Bruck, il doit être qualifié de don non pas à titre personnel, mais à titre officiel et en fiducie au bénéfice de l’orphelinat.

 

            Dans aucune des affaires invoquées par les avocats, il n'a été conclu qu’un legs à une personne nommée dans le testament constituait autre chose qu’un legs avantageux pour la simple raison que cette personne était qualifiée comme titulaire d’une certaine charge.

 

[...]

 

[...] « La simple description du légataire comme titulaire d’une charge ne suffit pas pour fonder une inférence de ce genre » (p. ex. une inférence qu’il ne s’agit pas d’un legs à titre personnel).

 

[...]

 

            Je n’ai trouvé aucun arrêt où il a été décidé, et je ne crois pas que tel devrait être le cas, que la qualification d’un bénéficiaire dans un testament comme membre d’un ordre voué à la pauvreté, suffit à elle seule pour l’empêcher d’être saisi à titre de bénéficiaire.

 

[...]

 

[...] Je ne trouve aucun jugement de la Cour d’appel qui diffère de la déclaration du juge Tomlin selon laquelle on ne peut imposer de fiducie à celui qui, en vertu d’un vœu ou autrement, est tenu par une obligation morale sans effet juridique, de traiter ce qu’il reçoit de quelque façon que ce soit

 

[...]

 

            Il suffit, je crois, de faire référence à la déclaration de Lord Cairns dans Charter v. Charter (2).

 

*** Vos Seigneuries, je n’ai jamais eu de doute quant à un aspect de l’affaire. Je conclus, et je pense que vous serez d’accord avec moi, qu’il ne s’agit pas d’un cas où l’on puisse admettre en preuve le témoignage oral de déclarations faites par le testateur quant à l’identité de la personne qu’il a choisie comme bénéficiaire ou quant à la personne qui était censée être bénéficiaire par son testament *** Je suis d’avis que telle preuve aurait dû être exclue. Le seul cas dans lequel ce type de preuve peut être accueilli est lorsque la description du légataire, ou celle des biens légués, est applicable de manière identique, dans toutes ses parties, à deux personnes ou à deux choses. Ce qui n’est clairement pas le cas en l’instance.

 

[...]

 

            Il n’y a aucun doute à mon sens que, si le révérend père Bruck avait survécu à la testatrice, il aurait utilisé tout son patrimoine, soit en faveur de l’orphelinat, soit dans le cadre d’autres objectifs tout aussi louables, et qu’il n’aurait gardé rien pour lui‑même; cependant, j’estime que de telles obligations ne lui ont pas été imposées par le libellé que la testatrice a utilisé dans son testament.

 

[...]

 

[7]     J’estime que cet arrêt de la Cour suprême est clairement applicable en l’instance et je dois conclure que le legs était destiné au père MacDonald et non pas à Poverello.

 

[8]     Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 2004.

 

 

 

 

 

« T. O'Connor »

Juge O'Connor

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2004.

 

 

 

Ingrid B. Miranda, traductrice

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