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Dossier : 96-4749(IT)G

ENTRE :

NORMAND LASSONDE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Requête entendue les 11, 12, 13, 14 et 15 août 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Andrée Legault

Me Danny Leduc

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JUGEMENT

          Vu la requête de l'appelant afin d'obtenir l'annulation de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et les intérêts afférents pour l'année d'imposition 1989 pour délai déraisonnable et oppression;

          La requête en cassation de cotisation est rejetée. Les frais sont en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2003CCI715

Date : 20031003

Dossier : 96-4749(IT)G

ENTRE :

NORMAND LASSONDE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'une requête préliminaire pour annulation de la cotisation et des intérêts pour délai déraisonnable et oppression, se fondant sur les articles 1, 2, 7, 8, 11a, 11b, 11d, 12, 15(1), 24(1), 26 et 32(1) de la Charte des droits et libertés (la « Charte » ).

[2]      La nouvelle cotisation qui est l'objet du litige est en date du 7 septembre 1993 et concerne l'année d'imposition 1989. Elle a été émise à l'intérieur de la période normale de cotisation prévue aux paragraphes 152(3.1) et 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), la cotisation initiale datant du 24 octobre 1990. La nouvelle cotisation était dans le cadre d'une participation de l'appelant dans la Société en recherches expérimentales en télématique enr. (ou « SRET » ). Il s'agit d'une société en nom collectif dont l'appelant a été le promoteur.

[3]      L'appelant invoque le délai déraisonnable parce que nous sommes en 2003 et que la Cour Suprême du Canada aurait déterminé qu'un tel délai était déraisonnable. Selon lui, l'arrêt Askov ( R. c. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199), veut que si au bout de trois ans, quelqu'un n'a pas eu d'audition, les procédures doivent être arrêtées.

[4]      L'appelant invoque la mauvaise foi et l'oppression du Ministère du revenu national pour diverses raisons : le ministère du Revenu aurait commencé par s'occuper des plus grosses sociétés en nom collectif; un gestionnaire lui aurait fait la promesse de lui permettre de rencontrer les agents de l'administration centrale d'Ottawa et c'est à cause de cette promesse qu'il a demandé aux investisseurs de signer la renonciation au délai de prescription; une succession de suspensions de son dossier depuis 10 ans, dont la liste est dressée aux pages 27 à 30 de la requête et qui seront reprises pour les plus importantes au cours de ces motifs ainsi que l'introduction tardive de la notion de trompe-l'oeil. L'avocate de l'intimée indique qu'il s'agit d'un motif au soutien de la cotisation qui a été ajouté à la Réponse à l'avis d'appel qui n'a rien à voir avec les délais dans la poursuite de l'appel. Comme elle a raison à ce sujet, nous n'y reviendrons pas.

[5]      Au début de l'audience, l'appelant a mentionné qu'il ferait probablement témoigner messieurs Jacques Carle et Réal Turgeon. L'appelant mentionne que M. Turgeon était associé délégué de la SRET à la fin de 1989. M. Jacques Carle était vice-président de Geyser Informatique Inc. Nous verrons au cours de la description des faits que cette information concernant M. Turgeon est étonnante.

Témoignage de l'appelant

[6]      L'appelant a commencé son témoignage en donnant un aperçu de sa formation. Il a une formation en économie. L'appelant est un diplômé de l'Institut canadien des valeurs mobilières. Il a été journaliste pendant une dizaine d'années, directeur de l'information économique à La Presse et directeur de l'information boursière au journal Les Affaires. Il a commencé à s'intéresser à l'informatique au début des années 1980, quand les premiers ordinateurs personnels ont été mis sur le marché. Il s'en est beaucoup servi dans son rôle de directeur de l'information économique. Il a évolué dans deux domaines de spécialités, soit l'intelligence artificielle et les systèmes experts.

[7]      Il relate que de 1984 à 1988, il a monté des sociétés de recherche. Il s'agissait de sociétés en commandite dans lesquelles les investisseurs investissaient dans différents projets et avaient droit à des crédits d'impôt.

[8]      En 1988, la Loi a été modifiée, ce qui, selon le témoin, a rendu pratiquement inopérante l'utilisation des sociétés en commandite pour fins de recherche scientifique et développement expérimental ( « RS & DE » ). Le véhicule qui restait était la société en nom collectif. Il en a créé une en 1988. Il y avait environ 350 investisseurs. Le montant recueilli a été de l'ordre de 3,5 millions de dollars. Il n'y a pas eu de nouvelles cotisations pour l'année 1988. Le projet était de deux ans. Ça a été poursuivi en 1989 avec des fonds beaucoup plus importants et un nombre de sociétaires qui est monté à 1 104 personnes pour une société.

[9]      Toutefois, une société en nom collectif impliquait une notion de participation des associés. Il a demandé à des fonctionnaires de Revenu Québec s'il pouvait obtenir les paramètres ou les critères de participation des associés pour qu'ils n'aient pas l'étiquette d'associés déterminés. Autrement dit, que faut-il qu'un associé fasse pour ne pas être un associé déterminé. On lui aurait répondu qu'il n'y avait aucun paramètre. Avec les gens de Geyser, il a rédigé un document qui s'appelle : « Les mécanismes de participation des associés. »

[10]     Selon l'appelant, Revenu Canada ne donnait pas de décision anticipée.

[11]     En décembre 1988, il a signé un contrat de commercialisation avec Bell Canada. Bell Canada était le contenant, la société était le contenu. En décembre 1988, un premier prototype est mis sur le réseau Alex pour la commercialisation. Il y en a d'autres qui ont suivi en 1989. En 1989, il y avait une cinquantaine de chercheurs qui travaillaient pour Geyser.

[12]     En ce qui concerne le fait que Revenu Canada se soit d'abord intéressé aux sociétés ayant le plus de membres, il se rapporte au rapport : « Review of the General Partnerships in Quebec used as SR & ED Tax Shelters » du 13 avril 1995, (P-51 ou I-32) à la page 5 :

With the number of partnerships growing, audits were started first on the major ones, including a partnership with over 1,100 members ...

[13]     Le deuxième élément de mauvaise foi invoqué est un événement qui se serait passé en 1993 : une supposée promesse non tenue. L'appelant aurait eu deux rencontres avec messieurs Boucher et Beauregard de Revenu Canada, les 11 et 18 février 1993. Lors de la première rencontre, il était accompagné de M. Jacques Carle et à la deuxième de M. Réal Turgeon. Il aurait demandé à M. Boucher d'obtenir de la Cour supérieure un jugement déclaratoire sur la notion de participation. M. Boucher lui aurait plutôt offert une rencontre avec la division de la législation à Ottawa. Toutefois : « Pour avoir cette rencontre, il y a une condition, vous allez demander à tous les sociétaires de la SRET de signer une renonciation au délai de prescription parce qu'on est en retard. » « Pourquoi vous n'envoyez pas la lettre aux sociétaires? » « M. Lassonde, je n'ai pas l'autorité morale. Si le ministère envoie la lettre, il n'y a personne qui va répondre, il n'y a personne qui va renoncer. » (page 41 des notes sténographiques).

[14]     Il se réfère à la pièce P-80 pour lire les notes qu'il aurait prises à la suite de ces rencontres avec messieurs Boucher et Beauregard. Il pouvait dire aux sociétaires: « Vous allez signer la renonciation, j'ai une promesse que je peux aller faire des représentations à Ottawa. » Mais il n'a jamais été invité à la réunion. La promesse n'a pas été tenue alors que lui avait obtenu la renonciation de 1 300 personnes.

[15]     Une autre oppression : M. Boucher lui aurait aussi dit : « Les directeurs de recherche ne seront pas cotisés comme associés déterminés. » et il a été cotisé comme associé déterminé.

[16]     Une fois qu'il a été cotisé, c'est Me Jean-Maurice Gagné qui a rédigé l'avis d'opposition. Cet avis d'opposition est en date du 3 novembre 1993. Me Gagné était l'avocat de M. Lassonde depuis 1988.

[17]     Une suspension : le 3 décembre 1993, il reçoit une lettre de M. Pierre Dextraze de la Division des appels lui disant que son dossier était suspendu. Il s'agit de la pièce P-29. Une copie conforme est envoyée à l'avocat de l'appelant :

...

Veuillez être avisé que :

1 -         Nous avons votre avis d'opposition en mains aux fins de traitement.

2 -         Étant donné que la vérification de la Société de Recherches Expérimentales en Télématique Enr. fût effectuée par le Bureau du District de Montréal, nous plaçons votre dossier en veilleuse, dans l'attente de la décision qui sera rendue dans la cause type, laquelle, sera traitée par la Division des Appels dudit Bureau du District de Montréal.

3 -         Il est entendu que nous nous rallierons à la décision rendue par la Division des Appels du Bureau du District de Montréal et lorsqu'elle sera connue, nous vous en ferons part.

4 -         Même si la loi permet de retenir le paiement des impôts tant que votre opposition n'est pas réglée, les intérêts s'accumulent sur lesdits impôts impayés.

...

[18]     La pièce P-33 est une lettre en date du 5 avril 1995 venant du sous-ministre de Revenu Canada au président de l'association des contribuables ayant participé dans des projets de recherche et de développement indiquant que les avis d'opposition seront gardés en attente; une autre suspension. L'offre de règlement s'est faite en date du 30 juin 1995 (pièce P-32).

[19]     Une obstruction est décrite au paragraphe 169 de la requête. Ce paragraphe se lit comme suit :

Maître Daniel Verdon, procureur des intimées lors de la conférence préparatoire du 13 février 1997,[pièce P-41], devant la Cour canadienne de l'impôt à Montréal, a repoussé l'audition de la cause du requérant en attendant un amendement à la loi et en faisant, par un renvoi par le haut, un « bump up » passer la cause McKeon avant celle du requérant dans la SRET.

Témoignage de M. Simon Beauregard

[20]     Il est vérificateur auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ). Il a commencé à travailler dans les dossiers en cause en avril 1992.

[21]     La pièce P-19 est composée de deux documents, soit une lettre de présentation en date du 22 mai 1991 dont le destinataire est Geyser Informatics Inc., à l'attention de M. Normand Lassonde, et une copie du Rapport d'admissibilité des projets de RS & DE en date du 15 avril 1991 concernant la SRET. La lettre bien que préparée par M. Carl Deslonchamps est signée par M. Beauregard. Le témoin explique qu'il était dans le même groupe que M. Deslonchamps et que ce dernier lui avait demandé de remettre cette lettre à M. Lassonde qui viendrait la chercher au bureau la journée même. Le rapport scientifique est signé par le conseiller scientifique, M. Georges Husson. Le montant indiqué est de 15 millions de dollars.

[22]     Le témoin explique que le conseiller scientifique vérifie l'aspect scientifique du projet et le vérificateur, l'aspect comptable. Le montant de 15 millions de dollars mentionné au rapport scientifique est indiqué en fonction des demandes initiales des demandeurs. Cela n'a aucun rapport avec l'éligibilité à la déduction. C'est un montant qui identifie l'envergure des dépenses à être examinées par le vérificateur.

[23]     La pièce P-97 est une lettre en date du 12 mars 1992, signée par un M. Lalonde, préparée par M. Carl Deslonchamps et envoyée à un investisseur dans SRET. La même lettre a été envoyée à une trentaine d'investisseurs. Cette lettre disait que c'était l'intention du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) de le considérer comme associé déterminé et qu'un délai de 30 jours lui était accordé pour rapporter les activités auxquelles le contribuable aurait pris part et qui lui donneraient à croire qu'il n'est pas un associé déterminé.

[24]     M. Beauregard a pris charge du dossier de vérification de la SRET vers la fin d'avril 1992. Le 10 mai 1992, il envoie une lettre à M. Lassonde (pièce P-114). Il s'agit d'une lettre qui indique à M. Lassonde que Revenu Canada entreprendra sous peu la vérification de la SRET.

[25]     Je cite le deuxième paragraphe :

Pour ce faire, vous êtes prié de mettre à notre disposition les livres et registres de la société, toutes les pièces justificatives (factures, etc.) en plus de tous les documents mentionnés en annexe.

[26]     M. Beauregard a, vers la fin de décembre 1992, demandé l'aide d'un conseiller scientifique parce qu'il y avait deux dépenses majeures relativement au dossier SRET sur lesquelles il désirait plus d'information. Il s'agissait de logiciels et d'équipements électroniques. C'est ainsi que M. Husson a de nouveau été mandaté. Il n'a pas été possible pour ce dernier de visiter les lieux. Il a produit un Addendum au rapport scientifique (pièce P-107) le 1er février 1993.

[27]     M. Beauregard a confirmé les rencontres des 11 et 18 février 1993 entre l'appelant, Réal Turgeon, Jacques Carle, et M. Boucher. Pour M. Beauregard, le sujet des discussions étaient les implications fiscales suite à sa lettre du 4 février 1993 (P-75), avisant M. Lassonde du projet de cotisation.

[28]     Comme les délais de prescription approchaient, dans un but de continuer à étudier les points en litige à la demande de M. Lassonde, le témoin explique que Revenu Canada a demandé de fournir les avis de renonciation. À son souvenir, ce qui avait été discuté, c'était de soumettre au bureau principal les points soulevés et rien d'autre. Il n'est pas au courant d'une promesse de permettre à l'appelant de se rendre à Ottawa pour défendre le point de vue sur l'associé déterminé. Le témoin mentionne que s'il n'avait pas reçu les renonciations, il aurait envoyé les dossiers au bureau des cotisations immédiatement.

[29]     Toutefois, le 26 février 1993, M. Michel Lambert, du bureau d'Ottawa, lui a demandé d'aller à Ottawa pour expliquer le dossier et apporter toute la documentation à cette date. La réunion a eu lieu le 1er mars. À la réunion, il y avait M. Boucher et M. Beauregard. Cette réunion d'urgence à Ottawa était le résultat de plaintes que l'appelant avait envoyé au premier ministre et à un autre ministre en date du 16 février 1993 (pièce I-14).

[30]     La lettre du Ministre du revenu national, Otto Jelinek, en réponse aux lettres de M. Lassonde a été produite comme pièce P-45. Elle est en date du 22 avril 1993.

[31]     À une question de l'appelant, M. Beauregard confirme qu'en 1993, il est allé dans les bureaux de la Commission des valeurs mobilières du Québec ( « CVMQ » ) pour aller consulter des jugements touchant la SRET. C'est M. Lassonde lui-même qui l'avait mis au courant de ses différends avec cette Commission.

[32]     Le 11 mai 1993 (pièce P-86), M. Beauregard envoie une lettre à l'appelant l'informant que les membres de la SRET seraient cotisés à nouveau sur la base décrite dans la lettre.

[33]     Il a finalisé le dossier par une lettre envoyée à tous les sociétaires en date du 4 juin 1993 (pièce P-83), les avisant des changements apportés aux déclarations d'impôt des contribuables. Les nouvelles cotisations ont suivi. M. Beauregard n'a participé à aucune autre activité de vérification concernant la SRET.

[34]     Des documents que M. Beauregard avait apportés avec lui, suite au subpoena, l'appelant en a produit un, sous la cote A-1. Il s'agit des compte-rendus des réunions du 11 et 18 février 1993 rédigés par M. Beauregard. Il n'y a aucune mention d'une promesse quelconque ni non plus, quant à cela, de la demande des renonciations.

[35]     En contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimée demande à M. Beauregard des questions concernant des documents qu'il a apportés à la suite du subpoena et qui sont produits, en liasse, sous la cote I-1. Ces documents concernent l'acquisition des logiciels. Le 24 septembre 1992, il y a eu une demande de vérification internationale concernant l'acquisition en France de logiciels par Gestion Tecktel Inc. auprès de Challenge S.A. au coût de 5 300 000 $. Ce montant avait été payé par des actions de Tecktel.

[36]     Revenu Canada a reçu de l'attaché fiscal auprès de l'ambassade de France au Canada une lettre en date du 1er septembre 1993, disant notamment que : « Il ressort de la facturation et de la comptabilité de la S.A. Challenge qu'elle n'a fourni aucune prestation pouvant être assimilée à une vente de logiciels ni vendu de produits ou de matériel électronique ou informatique à la société Gestion Tecktel Inc. ou à tout autre. » Cette lettre accompagnait un rapport d'enquête.

[37]     M. Beauregard indique qu'il y avait aussi comme coûts réclamés, un achat en Russie d'équipement électronique au montant de 1 728 000 $. En ajoutant le coût des logiciels, cela équivalait à peu près à 50 p. 100 de la dépense réclamée.

[38]     En ce qui concerne les équipements électroniques dont on réclame la dépense, le témoin a expliqué qu'il n'y a pas d'entente avec la Russie, alors le vérificateur a procédé par une demande d'information auprès du département des enquêtes spéciales, département qui peut communiquer avec les douanes du Canada pour vérifier s'il y avait eu réception de pièces et s'il y avait eu un dédouanement. Il n'existe aucune trace de cette sorte.

[39]     M. Beauregard affirme que M. Réal Turgeon n'a pas investi dans la SRET en 1989. Il ne fait pas partie de la liste des sociétaires.

Témoignage de M. Jean-Marc Boucher

[40]     M. Jean-Marc Boucher est actuellement gestionnaire à la vérification des grandes entreprises pour l'ADRC. En 1992, il était gestionnaire responsable de la vérification des entreprises de recherche scientifique et de développement expérimental. Il a eu cette charge jusqu'à juin 1998.

[41]     M. Boucher avait apporté très peu de documents, suite à la demande du subpoena duces tecum. Il a produit une lettre en date du 27 mars 1992 adressée à M.    Lassonde et signée par M. Boucher. Cette lettre a été déposée comme pièce A-2. Cette lettre faisait suite aux projets de cotisation envoyés le 12 mars 1992 dont il est mention au paragraphe 23 de ces motifs. Elle indiquait que ces mesures à l'égard des investisseurs étaient suspendues durant la période requise pour l'examen des représentations de la SRET.

[42]     Le témoin a donné comme explication du peu de documents qu'il avait apportés par le fait qu'il n'est pas le vérificateur dans le dossier. Il a agi à titre de gestionnaire. Il n'a pas, par exemple, la documentation que M. Beauregard pouvait avoir en sa possession. La documentation qu'il a en ce qui concerne la société, c'est le plus souvent des interventions de la part de l'appelant et des plaintes contre les gestionnaires que l'appelant lui adressait. Ce n'était pas lui qui écrivait les rapports des réunions qui ont eu lieu.

[43]     M. Boucher dit que la position de sa division était prise depuis longtemps, mais qu'il y avait toujours des interventions de la part de l'appelant. Il a proposé de présenter le cas à l'administration centrale. L'appelant fait était d'une promesse de lui permettre d'assister à cette présentation. M. Boucher répond que c'est absolument faux. L'appelant peut avoir demandé d'assister à la rencontre, mais lui ne peut pas s'être engagé formellement à ce qu'il soit présent à la rencontre, parce que cela ne dépend pas de lui.

[44]     Toutefois pendant ce temps, M. Lassonde avait envoyé le 16 février 1993, sans en avoir informé M. Boucher, une plainte au ministre responsable des affaires du Québec ainsi qu'au premier ministre à l'encontre des décisions que voulaient prendre M. Boucher. Cette plainte a été envoyée à la direction des décisions à Ottawa pour réponse. M. Boucher a reçu un appel téléphonique de cette direction le 27 février. Le 1er mars, il est allé à Ottawa rencontrer les gens de cette direction. Il a peut-être reparlé du souhait que l'appelant avait exprimé, mais cette direction a dû juger que ce n'était pas utile d'avoir la présence de l'appelant.

[45]     Le témoin explique le but des renonciations : « Si on n'a pas de renonciation au délai de prescription, on va cotiser dans les meilleurs délais, avant que les années deviennent prescrites. » Il ajoute que : « Cela faisait depuis longtemps que la notion d'associé déterminé était claire pour eux et qu'elle s'appliquait aux membres de la société SRET. »

[46]     En ce qui concerne le fait que M. Lassonde ait été celui qui ait envoyé les formules de renonciation aux différents sociétaires, le témoin dit que c'est normal. C'est au responsable de la société de communiquer avec les associés. Ce qui est arrivé, c'est qu'eux avaient proposé à l'appelant de soumettre le dossier à Ottawa, en contrepartie, l'associé délégué s'engageait à demander aux membres de la société de signer des renonciations. « Les gens qui ne veulent pas signer la renonciation, on les cotisera immédiatement. »

[47]     Il affirme que cela n'a pas aidé du tout le ministère. Cela a simplement retardé le moment des cotisations car le ministère essayait de les émettre le plus vite possible. « Ça n'aide pas le ministère, ça aide le requérant à continuer à faire des représentations. »

[48]     En contre-interrogatoire, le témoin a produit comme pièce I-2, l'historique de la vérification de la SRET, principales étapes, et comme pièce I-3, l'historique des interventions écrites de Normand Lassonde. Les interventions de M. Lassonde ont eu comme résultat d'allonger les délais de vérifications. Le témoin affirme, non sans une certaine émotion, que dans ces interventions, on voit des tentatives d'intimidation, des plaintes, des faussetés, des menaces. Les pièces I-4 à I-29 sont produites comme preuve de cette affirmation.

[49]     À une question de l'avocate : « Dans toutes les communications que vous avez eues avec M. Lassonde, est-ce qu'il y a eu quelque indication que ce soit à un moment donné qu'il aurait cessé d'être associé délégué ou qu'il aurait dissout la SRET? Jamais . » Selon la pièce P-1, le 27 novembre 1989, M. Lassonde dissout la SRET au bureau du protonotaire de la Cour supérieure. Il indique qu'il était seul en affaires. Le même jour, la SRET est réenregistrée par M. Réal Turgeon qui indique lui aussi qu'il est seul en affaires.

Témoignage de madame Josée Rodrigue

[50]     Madame Josée Rodrigue est présentement agent des appels à l'ADRC. Elle a été l'agent des oppositions concernant SRET. Toutefois, elle n'a pas pris de décisions dans ce dossier, le dossier ayant été transféré au bureau principal d'Ottawa.

[51]     La pièce P-48 est une lettre de Mme Rodrigue en date du 14 avril 1994 adressée à Me Jean-Maurice Gagné lui demandant de recevoir ses représentations dans les plus brefs délais. L'appelant lui montre une lettre de Me Gagné en date du 21 octobre 1994, pièce P-50, qui était en réponse à sa lettre. Elle ne se souvient pas avoir pris connaissance de cette lettre parce qu'elle croit que le dossier avait été transféré.

Témoignage de M. Carl Deslonchamps

[52]     M. Carl Deslonchamps est dans le secteur privé. À l'époque, il était vérificateur à Revenu Canada. Il aurait commencé à s'occuper du dossier de la SRET en février 1991. Il y avait dans cette période beaucoup de sociétés de recherches dont les investisseurs réclamaient des crédits d'impôt. La vérification avait pour but de s'assurer que les particuliers qui réclamaient des crédits d'impôt y avaient droit.

[53]     Il se souvient d'avoir rendu visite à M. Lassonde accompagné de M. Husson. Ce dernier était un consultant externe spécialisé en informatique qui travaillait pour le ministère pour donner un avis sur l'admissibilité scientifique des projets. Il croit que M. Beauregard l'accompagnait probablement parce qu'il était sur le point de changer de section.

[54]     L'appelant réfère le témoin à la lettre en date du 22 mai 1991 (pièce P-19). Cette lettre présentait le rapport scientifique. Ce rapport est le fruit du travail de M. Husson.

[55]     Le témoin dit qu'il est resté au dossier probablement jusqu'au 12 mars 1992, date des projets de cotisation à quelques sociétaires de la SRET (pièce P-97). Ces projets ont été momentanément suspendus suite à une lettre signée par M. Boucher en date du 27 mars 1992, (pièce P-65 ou A-2).

[56]     Il ne se souvient pas d'avoir fait une vérification, même restreinte, des activités de la SRET. M. Husson a eu accès à la documentation scientifique, a rendu son rapport, puis par la suite le dossier a été pris en charge par M. Beauregard. Ce n'est pas parce qu'un projet est admissible que les dépenses ne doivent pas être examinées. Il faut déterminer quelles sont les dépenses et les activités qui ont été véritablement engagées pour le projet de recherche.

Témoignage de M. Michel Lambert

[57]     M. Michel Lambert a été le prochain témoin. Il est présentement agent supérieur des décisions. Son rôle principal est de rendre des décisions anticipées. Il fait également des analyses de dossier à la demande des bureaux et des services fiscaux. Il peut rendre des opinions, travailler sur des bulletins d'interprétation, fournir des renseignements au Ministre. Il s'agit de la direction des décisions en impôt, Direction générale de la législation et de la politique.

[58]     Il a été impliqué dans ce dossier à la suite d'une plainte faite au premier ministre et au ministre responsable des affaires du Québec le 16 février 1993 par M. Lassonde en tant qu'associé délégué (pièce I-14).

[59]     Il a demandé à M. Boucher de lui faire parvenir ou de lui apporter les documents concernant ce dossier. Ce dont il se souvient, c'est qu'il ait mentionné qu'il voulait prendre le temps de prendre connaissance de toute la documentation et de déterminer s'il y avait besoin d'autres entrevues ou d'autres documents. Les documents apportés ont suffi pour lui permettre de préparer une réponse pour la signature du Ministre du revenu, M. Otto Jelinek (pièce P-45 ou I-15). En ce qui concerne le dernier paragraphe de la lettre du Ministre, c'était son opinion en fonction de la documentation à l'époque.

[60]     La pièce I-18 est une lettre en date du 30 novembre 1992 de M. Lassonde à la division des décisions concernant l'interprétation à donner à l'expression : « prendre une part active dans les activités de la société » . En date du 3 mai 1993, il reçoit une longue lettre explicative préparée par M. Michel Lambert pour le directeur de la Division des industries manufacturières des sociétés et des fiducies (pièce I-19).

[61]     Il a participé en mars ou avril 1995 aux deux groupes de travail créés par le sous-ministre du revenu concernant les plaintes des contribuables cotisés à nouveau.

[62]     En contre-interrogatoire, à une question de l'avocate de l'intimée, il a répondu qu'il avait, pendant deux jours, passé au travers des archives des décisions anticipées pour vérifier si une décision avait été demandée ou accordée aux fins de la SRET. Il n'y en avait pas.

[63]     Il affirme qu'il n'y a jamais eu de politique à Revenu Canada de ne pas émettre de décisions anticipées sur des projets d'investissement dans les domaines de la recherche et du développement. Il dit, de surcroît, que les demandes de décisions anticipées sont traitées en priorité.

[64]     La pièce I-30 est une note à l'intention de M. Robert Roy, qui était sous-ministre adjoint à la vérification. Cette note, en date du 24 février 1993, signée par M. Denis Lefebvre, Sous-ministre adjoint, a été préparée par Michel Lambert. Cette lettre dit notamment :

Nous avons passé en revue nos dossiers de recherche et nous n'avons pas trouvé de décisions anticipées dans ce dossier. Toutefois, nous avons identifié une demande de décisions anticipées impliquant Geyser Informatique Inc., un des sous-traitants de SRET. Cette demande a été retirée le 25 juillet 1990 parce que les décisions que nous aurions rendues auraient été défavorables.

[65]     L'appelant présente à cet égard la pièce A-7, composée de trois factures du bureau de comptable Ernst and Young, concernant le projet Astrobotix commençant en février 1990 et se terminant le 28 avril 1990. Il dit qu'il s'agit probablement de ce projet qui n'a pas été continué.

Témoignage de M. Serge Huppé

[66]     M. Serge Huppé a été le prochain témoin. Il est présentement chef d'équipe à la direction générale des appels à l'administration centrale à Ottawa. En 1992, il était un agent des appels à la direction générale des appels à l'administration centrale.

[67]     Il explique le contexte historique qui a amené les autorités fédérales à proposer un règlement aux contribuables qui avaient investi dans des sociétés de RS & DE et qui avaient été cotisés à nouveau vers la fin de l'année 1993. Les nouvelles cotisations avaient été émises pour refuser les déductions fiscales.

[68]     Il y avait 176 sociétés en nom collectif qui étaient des abris fiscaux de recherche scientifique. C'étaient des sociétés de personnes avec de nombreux investisseurs. Ainsi, une société de personnes avait plus de 1 100 investisseurs, d'autres 200 et d'autres 500.

[69]     La majorité des contribuables cotisés ont produit des avis d'opposition et plusieurs ont également envoyé des lettres à leur député, au ministre du revenu et au premier ministre.

[70]     Les représentants des contribuables ont voulu rencontrer les gens de l'administration centrale et c'est ainsi que cette dernière a été saisie de façon plus particulière. Cette rencontre a eu lieu en octobre 1994 à Ottawa.

[71]     À la suite de cette rencontre, la direction générale des appels à Ottawa a décidé de regarder la question plus en profondeur et elle a demandé à toutes les divisions des appels dans les bureaux de services fiscaux, de suspendre les activités concernant l'examen des oppositions. Elle a demandé aux bureaux régionaux de lui faire parvenir toutes les représentations qu'ils avaient reçues dans le cadre de ces oppositions. Il y a eu aussi formation d'un groupe d'étude.

[72]     Les membres de l'exécutif de l'association des contribuables, car ces investisseurs avaient formé une association de contribuables, avec leur avocat fiscaliste avaient demandé une rencontre auprès du sous-ministre. La rencontre a eu lieu en mars 1995. La pièce P-33 est la lettre en date du 15 avril 1995 de Pierre Gravelle à M. Bernard Dupont, président de l'association des contribuables ayant participé dans des projets de recherche et de développement.

[73]     Cette lettre disait notamment :

Je suis sensible aux préoccupations des investisseurs et je tiens à vous assurer que les dossiers de tous les contribuables ayant participé à ces projets de recherche font l'objet d'un examen approfondi. Les diverses représentations reçues et tous les éléments pertinents seront pleinement pris en considération.

Comme je vous l'ai expliqué, le Ministère doit traiter ces dossiers d'une façon juste et équitable, à la lumière des faits et des dispositions législatives applicables. À cet égard, les mesures législatives en matière d'équité qui permettent l'annulation d'intérêt dans des situations données seront pleinement considérées.

Une fois notre étude terminée, votre Association et les autres représentants d'investisseurs seront informés des résultats. Je tiens à vous assurer que votre association ainsi que tous les autres représentants d'investisseurs aurez l'occasion de soumettre d'autres renseignements, s'il y a lieu, avant qu'une décision finale ne soit prise.

Entre temps, comme convenu, tous les avis d'opposition à cet égard, seront gardés en attente. Compte tenu, entre autres, de la prescription, les vérifications pour les années d'imposition 1991 et suivantes poursuivront leur cours normal et le processus de nouvelles cotisations sera maintenu afin de protéger les intérêts de tous les intéressés. Ainsi, les contribuables qui recevront une nouvelle cotisation pourront tout simplement produire un avis d'opposition à cet égard.

[74]     À la suite de cette rencontre, le sous-ministre, M. Pierre Gravelle, a créé un groupe de travail pour étudier cette question. Le groupe de travail était composé des sous ministres adjoints des directions techniques de Revenu Canada.

[75]     Le groupe d'étude a produit son rapport le 13 avril 1995 (pièce I-32 ou P-51). Un addendum a été produit le 21 avril 1995 (pièce P-31). La question qui s'est posée au groupe d'étude était de savoir si en plus d'être un associé passif, l'investisseur était un associé commanditaire. La conclusion fut qu'ils étaient tous des associés commanditaires. Le groupe d'étude a procédé par échantillonnage de sociétés, dont la SRET.

[76]     Le 12 mai 1995, ce fut le rapport du groupe de travail qui a été soumis au sous-ministre du Revenu national (pièce P-103 ou I-33). La proposition de règlement a été présentée le 30 juin 1995 (pièce P-32).

[77]     Le règlement proposait aux investisseurs une perte d'entreprise pour le montant réel de leur participation dans l'année de disposition de la participation. Ce règlement s'appliquait pour les années d'imposition 1989 à 1993 et pour les projets qui avaient obtenu un numéro d'abri fiscal.

[78]     Ainsi, un contribuable qui aurait fait un investissement de 10 000 $, qui aurait été racheté pour 5 000 $, le règlement prévoyait une perte d'entreprise sur le montant de 5 000 $. De plus, pour ceux qui avaient emprunté pour investir, la dépense d'intérêt était accordée.

[79]     Pour les investisseurs qui n'étaient pas des promoteurs, il y avait annulation des intérêts, de la date de production de la déclaration d'impôt jusqu'au 31 octobre 1995. En ce qui concerne les promoteurs, il n'y avait pas d'annulation des intérêts.

[80]     Selon le témoin, le règlement était identique que les sociétés aient fait de la recherche admissible ou non. Il avait été déterminé, d'après les éléments au dossier, que ces investisseurs étaient des investisseurs commanditaires et la Loi voudrait qu'un associé qui est commanditaire, que la recherche soit admissible ou non, n'ait droit à aucun crédit d'impôt à l'investissement sur la recherche scientifique, ni non plus à aucune déduction fiscale pour les dépenses de recherche scientifique. Ce sont des assimilés.

[81]     La plupart des contribuables, soit 85 p. 100, ont accepté l'offre de règlement. Des règlements ont eu lieu jusqu'en février 1997 et par la suite quelques-uns dans des cas spéciaux. En février 1997, l'étude spécifique des dossiers des contribuables qui n'avaient pas accepté le règlement et qui croyaient être des cas différents a été commencée (pièce P-40).

[82]     Au début de septembre 1997, 600 avis d'appel ont été reçus à la Cour canadienne de l'impôt avant la ratification des cotisations par le Ministre. Ils se sont prévalus de l'alinéa 169(1)b) de la Loi qui leur permet, après 90 jours de la signification de l'avis d'opposition, d'en appeler directement à la Cour canadienne de l'impôt.

[83]     Le témoin explique que la lettre citée au paragraphe 17 de ces motifs référait à une cause type de la division des appels et non pas à la Cour canadienne de l'impôt. À la suite de cette lettre, il y a une nouvelle cotisation et, par la suite, la prise en charge des oppositions par l'administration centrale à Ottawa.

[84]     En ce qui concerne le projet de règlement, Me Gagné en a reçu une copie. Il a rencontré les agents de Revenu Canada en juillet 1995 à Montréal.

[85]     Le document, à la pièce P-34, est un document préparé en 1995 par M. Huppé pour les rencontres prévues avec les représentants. Il n'a pas été distribué. La dernière partie concerne un deuxième groupe d'investisseurs qui auraient investi dans les années 1992 à 1994. Ces sociétés de personnes n'avaient pas de numéro d'abri fiscal. Le règlement ne s'appliquait pas à eux. Ce groupe, c'est Revenu Québec qui en faisait la vérification. Le groupe principal était composé de 6 300 contribuables et le deuxième groupe, de 1 700 contribuables.

[86]     Selon M. Huppé, maître Gagné ne désirait pas procéder avec la SRET comme dossier type au niveau de cette Cour.

[87]     La pièce P-50, qui est la lettre de Me Gagné à Mme Rodrigue, en date du 21 octobre 1994, a été envoyée au bureau d'Ottawa. Une réponse lui a été envoyée en avril 1995.

[88]     À la question de l'appelant : « Lorsqu'un contribuable dépose son rapport d'impôt le 30 avril, quels sont les délais normaux d'avis de cotisation ? » M. Huppé répond que la norme de service est de six semaines, donc il devrait recevoir son avis de cotisation à moins qu'il n'y ait des difficultés, vers la fin juin ou début juillet.

[89]     Il n'y a pas eu d'autres témoignages. En ce qui concerne les témoignages de Messrs. Jacques Carle et Réal Turgeon, annoncés par l'appelant au début de l'audience, ils n'ont pas eu lieu. Selon l'appelant, les témoignages de M. Réal Turgeon et Jacques Carle auraient été utiles pour confirmer qu'il y avait eu promesse lors des réunions en février 1993, réunions auxquelles ils ont participé. L'appelant considère que la preuve a été faite par d'autres témoins et que leur témoignage ne sera pas nécessaire.

[90]     Le jugement du juge en chef de cette Cour dans l'affaire McKeown (McKeown c. La Reine, 2001 DTC 511) a été rendu le 12 mars 2001. Il y a eu un correctif en septembre 2001. Par la suite, selon l'avocate de l'intimée, l'intimée attendait la position de Me Gagné. Ce dernier a cessé d'occuper en septembre 2002 (pièce I-40). Une fois que Me Gagné s'est retiré du dossier, la Cour a convoqué M. Lassonde. L'instance a repris le 3 octobre 2002.

Les subpoenas

[91]     M. Michel Beaudry : ce dernier avait été assigné parce qu'il était le signataire d'une note de service à la direction des décisions d'Ottawa, en date du 16 avril 1996 demandant l'interprétation à donner à l'expression « associé déterminé » (pièce P-85). L'avocate de l'intimée fait valoir que cette lettre a été demandée au sujet d'un promoteur dans une autre série de sociétés.

[92]     En ce qui concerne le subpoena à M. Pierre Gravelle, l'avocate de l'intimée relate qu'il ne travaille plus à l'ADRC. Le subpoena a été reçu par fax à l'ADRC. M. Gravelle n'a jamais eu signification du subpoena. Elle fait valoir que d'une part, il n'a pas reçu le subpoena et que d'autre part, il ne peut révéler des faits qui n'ont pas déjà été mis à la disposition de la Cour. La Cour a entendu les témoins et a reçu les rapports.

[93]     En ce qui concerne le subpoena de M. Roy Shultis, l'avocate relate qu'il était à l'extérieur du bureau au moment où les subpoenas sont arrivés et il est toujours à l'extérieur. Il est en vacances jusqu'au 18 août. M. Shultis est sous-commissaire adjoint à la direction des décisions à l'impôt depuis 1993 ou 1994. Il n'a pas de connaissance personnelle du dossier de l'appelant. M. Lambert a comparé les deux subpoenas et à peu près les mêmes choses sont demandées. Les documents demandés étaient identiques à ceux demandés à M. Michel Lambert. M. Shultis ne pourrait apporter plus de renseignements.

[94]     En ce qui concerne l'assignation de M. Claude Lamarche, l'avocate explique qu'il n'était pas au courant des faits spécifiques concernant les cotisations de l'appelant.

[95]     En ce qui concerne le subpoena envoyé à M. Alan Neimark, qui est le Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, le contenu du subpoena était à peu près semblable à celui de M. Huppé, sauf en ce qui concerne le premier article. M. Neimark ne pourrait pas apporter plus de documents que ce que M. Huppé a apporté, parce que lorsque M. Gravelle, le sous-ministre du Revenu à l'époque, a quitté Revenu Canada, il a fait parvenir à la Direction générale des appels tous les documents pertinents au sujet des abris fiscaux de RS & DE.

[96]     En ce qui concerne les subpoena de Me Pierre Cossette et Me Daniel Verdon, l'avocate de l'intimée fait valoir que toutes les demandes du subpoena relèvent du privilège avocat-client.

[97]     Il y a eu des représentations de la part d'une stagiaire en droit pour Revenu Québec. La requête de l'appelant mentionnait le gouvernement du Québec comme intimé. Elle demandait à ce que cette mention soit rayée. Elle l'a été. Elle a demandé aussi la cassation des subpoenas concernant madame Diane Jean, sous-ministre à Revenu Québec, M. Léonid Cloutier et Mme Hélène Jobin.

[98]     Ces subpoenas ont été cassés au cours de l'audience au motif que la présence de ces témoins n'était pas nécessaire pour la compréhension du contexte historique de la requête. Ces personnes n'avaient aucune connaissance personnelle de la cotisation de l'appelant. Les faire témoigner aurait constitué une perte du temps de la Cour ainsi qu'un abus de procédure. En ce qui concerne les avocats de l'intimée, il y a la raison du privilège avocat-client.

[99]     En ce qui concerne les documents produits par l'appelant, les pièces auxquelles s'objecte l'avocate de l'intimée, quant à la pertinence, sont les pièces : P-3, qui est une réponse de Revenu Québec; P-23, l'avis de nouvelle cotisation du 2 septembre 1993 émise par Revenu Québec; P-39 qui est le rappel de l'offre d'entente par Revenu Québec; P-44, le rapport du Protecteur du citoyen du Québec; P-45, une opinion du Ministre (Revenu Canada), P-56, la définition de « commanditaire » par Revenu Québec; P-72, un extrait du dictionnaire Larousse; P-85, le document concerne un autre dossier; P-92, P-93, P-96 (aucun document), P-104, P-113, P-122 et P-125, tous documents non pertinents. Je ne vois pas d'utilité à me prononcer à ce sujet pour les fins de cette requête.

Contre-interrogatoire de l'appelant

[100] L'avocate de l'intimée se réfère à la pièce P-9, qui est un contrat type intitulé : « Contrat ALEX entre Bell Canada et le fournisseur de services » . À la ligne où il faut donner le nom du fournisseur de services, on y lit le nom de Geyser Informatics Inc. L'avocate demande à l'appelant s'il a fait de la recherche pour Bell, il répond « Oui » . Le contrat de fournisseur de services serait ce contrat de recherche. Cette entente est en date du 8 décembre 1988.

[101] En date du 29 août 1989, Bell Canada, par l'intermédiaire de ses avocats, a envoyé une mise en demeure à Normand Lassonde, président de Geyser Informatics Inc. parce qu'il enfreignait les marques de commerce de Bell Canada d'une manière inacceptable (pièce I-35).

[102] Selon cette mise en demeure, le document produit comme pièce P-5, intitulé : « L'ère du vidéotex » , publié par Geyser Informatics Inc. pour ses investisseurs, donne l'impression que cette brochure est autorisée par Bell Canada. Cette brochure doit être révisée entièrement.

[103] Toujours selon la même mise en demeure, la publication Alex, faite par Geyser Informatics Inc., doit être immédiatement retirée de la circulation étant donné qu'elle enfreint la marque de commerce. Cette brochure a été produite comme pièce I-36.

[104] Une autre lettre, en date du 25 octobre 1989, provenant des avocats de Bell Canada, a été déposée comme pièce I-37. Cette lettre dit notamment ceci :

À tout événement, le fait que vous soyez un fournisseur de service ne peut en aucune façon vous autoriser à utiliser tant le matériel produit par notre cliente que ses marques de commerce pour faire la promotion d'abris fiscaux auprès du public.

En tant que participant au service ALEX, une étroite collaboration entre vous et Bell Canada est de rigueur. Cependant ladite collaboration ne peut certes pas servir à brimer Bell Canada de ses droits d'auteur et de l'utilisation de ses marques de commerce en général. Il nous semble assez clair qu'une brochure de promotion rédigée par Bell Canada expliquant le service ALEX pourrait être utilisé auprès de l'utilisateur potentiel mais définitivement pas pour promouvoir vos intérêts personnels ou ceux d'entreprises auxquelles vous pourriez être associé et notamment en vue d'intéresser des investisseurs à des projets de recherche et développement comportant des bénéfices fiscaux. Le fait que l'origine de ces brochures et marques de commerce est bien identifiée ne change rien à cette situation. Notre cliente Bell Canada en aucun temps, vous a-t-elle autorisé ou consenti de quelconque manière que ce soit à être associé aux programmes d'investissements que vous offrez au public.

Par conséquent nous recevons instructions de notre cliente de vous mettre en demeure de cesser immédiatement, directement ou indirectement, d'associer ou de laisser croire que Bell Canada est associé aux projets de recherche et développement dont vous faites la promotion vous-même ou par l'entremise de d'autres personnes, compagnies, sociétés en commandite ou autres sociétés pour votre compte et de cesser d'utiliser le matériel, les documents ainsi que les marques de commerce de notre cliente à cette fin ou à toutes fins autre que la stricte promotion du service ALEX.

[105] L'avocate de l'intimée produit comme pièce I-38, une autre mise en demeure, celle-ci provenant du Centre de recherche informatique de Montréal ( « CRIM » ) :

Nous avons récemment pris connaissance d'un document intitulé « Alex » qui serait distribué par Geyser Informatics Inc. ( « Geyser » ) dans lequel est inclus un extrait d'un livret explicatif du CRIM et une lettre datée du 26 mai 1989 qui est signée par le président du CRIM, M. Pierre Coulombe.

La présente a pour but de vous aviser que vous n'avez obtenu aucune autorisation d'utiliser la documentation ci-devant mentionnée. De plus, les feuillets intitulés « Cas types » font référence au CRIM et ce, sans aucune autorisation de la part de notre cliente.

Notre cliente reconnaît que vous être membre du CRIM mais ce statut ne vous confère aucun droit d'utiliser le nom du Centre de Recherche Informatique de Montréal pour des fins de levées de fonds auprès d'investisseurs éventuels qui pourraient être portés à conclure que Geyser et le CRIM sont partenaires dans cette sollicitation.

En conséquence, nous vous sommons, par les présentes, de cesser immédiatement toute utilisation de la documentation du CRIM ou du nom du CRIM pour des fins de levées de fonds.

[106] L'appelant explique qu'il s'agit dans les deux cas, tant à l'égard de Bell Canada que le CRIM, de l'action de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

[107] L'avocate se réfère maintenant à la pièce P-1 : « À la première page, le 29 juin 1988, vous enregistrez une raison sociale sous le nom de SRET. Vous indiquez à ce moment que personne n'est associé avec vous. À la troisième page, vous produisez un avis de dissolution de la SRET en date du 27 novembre 1989. Pourquoi avez-vous fait cela? » L'appelant explique qu'il y avait un jugement contre lui où la Commission des valeurs mobilières du Québec était une des parties. La CVMQ avait attaqué le mandat de recherche. Selon lui, c'est le protonotaire qui lui aurait dit de procéder de la façon dont il a procédé. C'est M. Réal Turgeon, son beau-frère, au titre de sociétaire unique qui, le même jour, enregistre à nouveau la société. C'est M. Turgeon qui est devenu associé délégué.

[108] « Dans l'acte de dissolution, vous dites que vous êtes seul en affaires, où sont les 1 103 associés? M. Beauregard a témoigné à l'effet que M. Turgeon n'avait pas investi dans la SRET, il n'est pas dans sa liste d'investisseurs, comment peut-il être associé délégué? À quel titre alors avez-vous fait toutes les représentations à Revenu Canada depuis ces années? » Elle se réfère à la pièce I-14, lettre à M. Pierre Blais, Ministre. La lettre est signée : « Normand Lassonde, associé délégué » . Les lettres sont toutes signées en tant que « associé délégué » . Sur certaines lettres, on voit l'ajout 1988-89.

[109] L'avocate de l'intimée lui demande s'il a envoyé une lettre aux 1 103 investisseurs pour leur dire qu'il n'était plus l'associé délégué de la SRET mais que c'était maintenant M. Réal Turgeon.

[110] L'avocate de l'intimée commence à lui poser des questions sur les dépenses d'achats de logiciels en France. Il nie, au départ, que ces dépenses soient contestées. La compagnie « Gestion Tecktel » a réclamé une dépense de 5 290 000 $ concernant des achats de logiciels auprès d'une société S.A. Challenge, une société qui appartient au beau-frère de l'appelant, soit M. Bernard Fromageau. M. Fromageau a une agence de voyages en France. L'appelant affirme, qu'à sa connaissance, il avait deux compagnies, une compagnie informatique reliée à France Télécom et une agence de voyages.

[111] Le rapport d'enquête de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, qui a été déposé comme un des documents de la pièce I-1, mentionne que la S.A. Challenge n'avait pas les compétences ni les moyens de réaliser ces opérations :

Néanmoins, Bernard FROMAGEAU a reconnu avoir signé durant l'été 1989, une convention en date du 1er août 1988 en sa société SA CHALLENGE et GESTION TECKTEL INC. Cet accord prévoyait le cadre d'un échange de logiciels télématiques développés et appartenant à la SA CHALLENGE contre des actions de la société GESTION TECKTEL INC. Tout en admettant que cet acte comportait à l'évidence des fausses déclarations, Bernard FROMAGEAU a affirmé qu'il n'avait donné lieu à aucun commencement d'exécution et qu'il n'avait par la suite signé aucun acte supplémentaire se rapportant à cette opération, malgré les demandes pressantes de son beau-frère.

[112] L'appelant affirme quand même avoir acheté des logiciels de S.A. Challenge.

[113] L'avocate de l'intimée se réfère à la pièce I-16. Il s'agit d'une lettre à l'attention des associé(e)s de la SRET, en date du 19 mai 1993, écrite par M. Normand Lassonde, en tant qu'associé délégué (1988-89) :

...

Il me fait plaisir de vous annoncer que le litige opposant les associés de la S.R.E.T. Société de Recherche en Télématique (1989) à Revenu Canada concernant les menaces de cotisations sur la notion de leur « participation » aux activités de la S.R.E.T. est maintenant réglé.

En effet, dans une lettre qu'il m'a fait parvenir, le ministre du Revenu national, M. Otto Jelinek écrit : « ... les dispositions de la loi qui ont pour effet d'exclure les dépenses de RS et DE dans la détermination de la perte d'un associé ne s'appliquent qu'à des associés commanditaires ou qui y sont assimilés, ce qui n'est pas le cas des associés de Télématique » . Donc il n'y aura pas de cotisations au niveau de votre participation dans la S.R.E.T.

...

[114] L'avocate lui demande pourquoi avoir fait une telle présentation erronée aux associés, alors qu'en fait la question d'associé déterminé n'était pas du tout réglée et que cela concernait justement la participation de l'associé dans la SRET. Il lui donne comme explication qu'il n'est pas un fiscaliste et qu'il a confondu « associé déterminé » et « commanditaire » . L'avocate lui demande alors pourquoi avoir osé faire une telle affirmation.

[115] La pièce P-82 est la lettre qui a été envoyée par M. Normand Lassonde, associé délégué 1988-1989, aux sociétaires pour leur demander de signer un avis de renonciation. L'avocate lui demande, après avoir lu le premier paragraphe de la lettre : « Est-ce que vous ne pensez pas que ça induit les gens en erreur que de dire que votre projet de recherche s'appelle ALEX ? »

[116] Ce premier paragraphe se lit ainsi :

En 1989, vous étiez sociétaire de la SRET (Société de Recherches Expérimentales en Télématique Enr) qui a réalisé, avec Geyser Informatiques Inc. et Infotique Tyra Inc., un important projet de recherche, connu sous le nom d'Alex, en collaboration avec Bell Canada et Minitel.

[117] L'avocate, par la suite, lui a parlé de ses démêlés avec la Commission des valeurs mobilières.

[118] Elle produit comme pièce I-42, un jugement de la Cour d'appel du Québec, La Reine c. Imbeault et Lassonde, cassant un acquittement sur instruction du juge présidant au terme d'un procès devant jury qu'avait subi l'appelant pour avoir comploté avec un autre individu pour frauder et avoir fraudé le public. La Cour d'appel a ordonné un nouveau procès qui a été entendu devant le juge Guérin. L'appelant a été condamné pour avoir fraudé le public en général par l'intermédiaire d'une société en commandite, Calypso, entre le 24 avril 1987 et le 1er septembre 1987. Ce jugement a été produit comme pièce I-43.

[119] L'avocate de l'intimée réfère l'appelant à la pièce I-45, copie d'un jugement de madame la juge Piché, en date du 9 novembre 1989. Par ce jugement, elle déclare l'intimé, Normand Lassonde, coupable d'outrage au tribunal pour avoir violé l'ordonnance d'injonction émise par M. le juge Yves Mayrand le 25 novembre 1987. L'ordonnance avait interdit au défendeur toute autre forme d'investissement régi par la Commission des valeurs mobilières. Il s'agissait d'investissements faits dans Geyser Informatics Inc. Ce jugement de la juge Piché est en date du 9 novembre 1989.

[120] La pièce I-46 est une requête faite par Geyser Informatics Inc., Gestion Tecktel Inc., Systèmes Financiers Iceberg Inc. et Société de recherches expérimentales en télématique. Il s'agit d'un jugement en date du 5 février 1990 rendu par le juge Paul Martineau. Ce jugement confirme la compétence de la Commission des valeurs mobilières du Québec dans sa demande de gel des fonds.

[121] Le jugement de la Cour d'appel du Québec, en date du 19 décembre 1994, annule le jugement de la juge Piché au motif que l'ordonnance du juge Mayrand n'était pas suffisamment claire.

[122] La pièce I-49 est un jugement de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, sous la présidence de M. le juge Pierre Verdon. La date est le 30 mars 1992. La Commission des valeurs mobilières du Québec était la poursuivante. L'appelant était défendeur ainsi que Geyser Informatics Inc. La période visée est entre le 19 octobre et le 9 novembre 1989. Ils ont été déclarés coupables des 20 infractions qui leur était reprochées : « On leur reproche en substance d'avoir, en vingt occasions et auprès d'autant de personnes, procédé au placement de contrats d'investissement suivant la définition de l'article 1 de la Loi sur les valeurs mobilières, sans avoir eu un prospectus visé par la Commission des valeurs mobilières. Il s'agissait en l'occurrence de mandats de recherches, confiés par ces personnes à Geyser Informatics Inc., et impliquant le versement de sommes variant entre dix mille et trente mille dollars. »

[123] La pièce I-50 est le jugement du juge Trottier de la Cour supérieure, chambre criminelle, en date du 1er février 1993. L'appel du jugement du juge Verdon a été rejeté.

[124] La pièce I-53 est un jugement du juge André Plante de la Cour du Québec pour déterminer la sentence en date du 28 avril 1995.

Analyse et conclusion

[125] L'appelant fonde sa requête sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Askov, précité. Cette décision veut qu'un délai de près de deux ans après l'enquête préliminaire soit manifestement excessif et déraisonnable.

[126] Je cite du résumé des motifs écrits par le juge Corey les parties qui me paraissent les plus pertinentes :

. . . En vertu de l'al. 11b) de la Charte, tout inculpé à le droit d'être jugé dans un délai raisonnable et ce droit, comme les autres droits garantis en vertu de l'art. 11, vise principalement un aspect de la justice fondamentale garantie en vertu de l'art. 7.    L'alinéa 11b) a principalement pour objet de protéger les droits individuels et de garantir la justice fondamentale aux accusés. . . .

Le tribunal doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs pour décider si le délai est déraisonnable:    (1) la longueur du délai; (2) l'explication du délai; (3) la renonciation; et (4) le préjudice subi par l'accusé. . . . Par ailleurs, certains actes de l'accusé peuvent justifier des délais.    La renonciation de l'accusé sera une justification du délai, mais elle doit être claire, consentie librement et faite en connaissance de cause.

[127] Cette décision a été rendue en matière de droit criminel.

[128] L'avocate de l'intimée s'est référée à la décision de la Cour suprême du Canada dans Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, où il est clairement énoncé que le droit constitutionnel d'être jugé dans un délai raisonnable ne s'applique qu'en matière criminelle.

[129] Je cite le juge Bastarache qui a écrit les motifs pour la majorité à la page 359 :

Il faut cependant souligner que ces propos ont été tenus dans le contexte de l'al. 11b) de la Charte, qui prévoit que tout inculpé a le droit « d'être jugé dans un délai raisonnable » . Pour que ce droit s'applique, il faut que la personne en question soit « inculpée » . Le droit garanti par l'al. 11b) ne s'applique donc pas dans le cas de procédures civiles ou administratives. Notre Cour a souvent fait des mises en garde contre l'application directe en droit administratif des normes de la justice criminelle. Nous devrions éviter de confondre des notions qui, suivant notre Charte, sont clairement distinctes.    Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable que l'al. 11b) garantit à tout inculpé ne peut être transposé dans l'art. 7. Aucune disposition analogue à l'al. 11b) ne s'applique aux procédures administratives, et le droit constitutionnel d'être « jugé » dans un délai raisonnable ne s'applique qu'en matière criminelle.

[130] La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Blencoe ci-dessus a été rendue dans un contexte de droit administratif. Il s'agissait d'une plainte admise par une commission des droits de la personne et déposée devant un tribunal des droits de la personne. La Cour suprême a décidé que l'article 7 de la Charte peut déborder le cadre du droit criminel et s'appliquer à une affaire en matière de droits de la personne. Elle a toutefois considéré que dans cette affaire il n'y avait pas eu violation de l'article 7 de la Charte. Elle indique aussi que le droit administratif peut offrir des réparations, comme l'arrêt des procédures, en ce qui concerne le délai imputable à l'État dans les procédures en matière de droits de la personne. Dans cette affaire, elle a décidé qu'il n'y avait pas matière à un tel arrêt des procédures.

[131] Je cite deux passages du résumé de cette décision à la page 312 :

L'arrêt des procédures n'est pas la seule réparation possible dans le cas d'un abus de procédure en matière de droit administratif, et la personne faisant l'objet d'une plainte qui demande l'arrêt des procédures doit s'acquitter d'un lourd fardeau de preuve. . . .   

La question de savoir si un délai est excessif dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature de l'affaire et sa complexité, de l'objet et de la nature des procédures ainsi que de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai.   

[132] Dans des procédures relatives à des plaintes faites dans le cadre du droit administratif, la question de savoir si un délai est excessif dépend non pas uniquement de la longueur de ce délai, mais de facteurs contextuels, dont la nature de l'affaire et sa complexité, de l'objet et de la nature des procédures ainsi que de la question de savoir si la personne visée par les procédures a contribué ou renoncé au délai.

[133] Une cotisation en vertu de la Loi n'est pas une plainte ni un acte d'accusation. Il s'agit tout simplement d'un acte constatant la dette d'un contribuable en vertu de la Loi, dans un système d'autocotisation.

[134] Dans la matière couverte par la présente requête, il y a une partie qui je crois relève du droit administratif et l'autre qui relève de la procédure civile. La partie du droit administratif serait celle qui va de la déclaration de revenu jusqu'à la cotisation. À partir du moment où un appel d'une cotisation est institué devant notre Cour, qui est une cours de justice ou un tribunal civil, il ne s'agit plus de droit administratif mais de droit civil.

[135] En ce qui concerne la notion de diligence du Ministre, requise par la Loi dans le processus de cotisation, les cours s'y sont déjà penchées. La Cour d'appel fédérale dans Canada c. Ginsberg, [1996] 3 C.F. 334, a conclu que le défaut pour le Ministre d'agir avec diligence lors de la cotisation initiale, tel que requis par le paragraphe 152(1) de la Loi, n'entraînait pas l'annulation des cotisations. Ce paragraphe prévoit que le Ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d'un contribuable pour l'année, fixe l'impôt pour l'année ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels.

[136] Je cite les passages pertinents de cet arrêt :

. . . Si l'on se souvient cependant, comme le juge de la Cour de l'impôt l'a conclu, que le ministre a établi la cotisation en retard, la seule question à laquelle je dois répondre est la nature de la sanction à infliger une fois qu'il y a défaut d'exercer un devoir prévu au paragraphe 152(1).

...

Il n'y a selon moi aucune façon d'échapper au libellé clair du paragraphe 152(3) et plus particulièrement aux mots « Le fait . . . qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les responsabilités du contribuable à l'égard de l'impôt prévu par la présente Partie » (Liability for the tax under this Part is not affected by . . . the fact that no assessment has been made).

Le paragraphe 152(8) dispose, pour sa part : « une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant tou[t] . . . vice de forme ou omission . . . dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi » (An assessment shall . . . be deemed to be valid and binding notwithstanding any . . . defect or omission . . . in any proceeding under this Act relating thereto).

L'article 166, dispose, à l'appui de cette thèse, que « Une cotisation ne doit pas être annulée . . . uniquement par suite . . . d'omission . . . de la part de qui que ce soit dans l'observation d'une disposition simplement directrice de la présente loi » (An assesment shall not be vacated . . . by reason only of any . . . omission . . . on the part of any person in the observation of any directory provision of this Act).

[137] L'avocate de l'intimée s'est référée à la décision du juge Bowie de cette Cour dans Antosko c. Canada, [2000] A.C.I. no 466 (Q.L.). Dans cette affaire le juge Bowie a eu à décider une prétention semblable à celle de l'appelant à l'effet que les cotisations devraient être annulées pour délai déraisonnable.

[138] Le Ministre avait établi de nouvelles cotisations pour les années 1977 et 1980, le 6 novembre 1996, aux termes du paragraphe 164(4.1) de la Loi, en application de l'arrêt de la Cour Suprême [1994] 2 R.C.S. 312. Cet arrêt était l'aboutissement de quelques dix années de procédures judiciaires concernant les cotisations de ce contribuable.

[139] L'appelant s'appuyait pour faire casser les cotisations de l'année 1996, sur la décision de notre Cour dans l'affaire Ginsberg et sur l'article 7 de la Charte. En ce qui concerne la décision de notre Cour dans l'affaire Ginsberg, elle avait été renversée par la Cour d'appel fédérale aux motifs que nous avons vus précédemment. Pour l'article 7, l'appelant s'appuyait sur la décision de la Cour d'appel de la Colombie Britannique dans l'affaire Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission), (1998) 160 D.L.R. (4th) 303 (C.A.C.-B.). Cette dernière décision a été cassée par la Cour suprême du Canada tel que nous l'avons aussi vu précédemment. Ce fait n'était pas encore à la connaissance du juge.

[140] En ce qui a trait à l'article 7 de la Charte, je cite le paragraphe 12 de cette décision Antosko :

12         L'avocat de l'appelant a fait référence à l'arrêt de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission) 160 D.L.R. (4th) 303 (C.A.C.-B.). Dans cette affaire, la cour a statué que l'article 7 de la Charte justifiait qu'il soit mis fin à une enquête sur une plainte de harcèlement sexuel qui avait été formulée contre l'appelant. Me Mockler a soutenu que l'affaire appuie la notion selon laquelle :

[TRADUCTION]

[...] l'art. 7 protège un citoyen contre une poursuite de durée illimitée intentée par le gouvernement. Une telle poursuite porte atteinte à la sécurité de la personne

Il n'existe aucune similarité, sur le plan des principes, entre la présente affaire et l'affaire Blencoe. L'appelant ne fait l'objet d'aucune enquête. Sa plainte à cet égard tient uniquement au fait qu'il a fallu près de 13 années, dans le cadre d'appels des premières nouvelles cotisations portés devant quatre instances différentes, pour régler la question de fond ayant donné lieu à l'établissement des nouvelles cotisations. Celles-ci n'étaient pas l'aboutissement d'une longue recherche des faits; il n'y avait qu'une question sur laquelle les parties divergeaient de vues, et c'était simplement l'interprétation d'un article de la Loi. Je n'ai pas l'intention de relater la genèse du litige. Il me suffit de dire que l'appelant pouvait se prévaloir de certaines procédures qui auraient permis de réduire les délais au minimum, s'il avait choisi de les invoquer. Dans le même ordre d'idées, même si le ministre a tardé à établir les nouvelles cotisations après l'arrêt de la Cour suprême, et qu'il a également tardé à ratifier les cotisations après que l'appelant s'y fut opposé, ce délai était attribuable, en partie du moins, à la correspondance échangée avec l'avocat quant au bien-fondé des nouvelles cotisations. À n'importe quel moment, l'appelant aurait pu insister pour obtenir les nouvelles cotisations afin de pouvoir interjeter appel. En outre, après le dépôt des avis d'opposition, le délai d'attente n'était que de 90 jours pour interjeter appel devant la Cour. L'appelant a préféré attendre que les cotisations soient ratifiées, ce qui a pris plus de sept mois. Ces faits diffèrent à tous égards des faits de l'affaire Blencoe, dans laquelle l'enquête sur une plainte très grave semblait ne jamais vouloir aboutir et avait un effet néfaste sur la vie et le bien-être de M. Blencoe et de sa famille. Dans cette affaire, le juge en chambre a fait une constatation de fait particulière, à savoir que la tache associée à la plainte était l'une des principales causes de la dépression clinique pour laquelle l'appelant avait dû être traité.

[141] Comme nous venons de le voir, une cotisation ne peut pas être annulée pour manque de diligence dans le traitement d'une cotisation. Une fois les procédures devant cette Cour entamées, il appartient à l'appelant de promouvoir l'audience de sa cause.

[142] De toute façon, en ce qui concerne le traitement des cotisations, je suis d'avis que la preuve a révélé qu'il n'y avait pas eu de manque de diligence de la part des agents du Ministre compte tenu des délais prévus à la Loi pour l'administration de celle-ci.

[143] L'appelant prétend que sa cotisation originale n'a pas été émise dans le délai habituel. Il s'agit d'un délai de procédure interne et non législatif. Le retard de quelques mois sur ce délai n'a pas été expliqué mais il est trop minime pour que l'on s'y attarde plus longtemps.

[144] Une fois la cotisation initiale émise, la Loi prévoit des délais et des conditions dans lesquels le Ministre peut émettre de nouvelles cotisations.

[145] Le paragraphe 152(3.1) définit la période normale de nouvelle cotisation. Pour un particulier, cette période est de trois ans suivant le jour de mise à la poste d'un avis de première cotisation.

[146] Le paragraphe 152(4) prévoit que le ministre établit une nouvelle cotisation dans la période normale de cotisation à moins que le contribuable ait présenté une renonciation au cours de la période normale de cotisation.

[147] Cette période normale devient illimitée si le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement.

[148] Les nouvelles cotisations ont été établies dans la période normale de cotisation ou à l'intérieur de la période prévue à la renonciation.

[149] Dans le cas de l'appelant, il n'aurait pas eu à signer une renonciation car il a été cotisé à nouveau dans la période normale de cotisation. Les associés en ont signé une à la suggestion de leur associé délégué.

[150] L'appelant a fait beaucoup de cas de cette signature à une renonciation. Il a fait état d'une promesse non tenue de l'inviter à présenter ses vues à l'administration centrale à Ottawa.

[151] Il est à cet égard intéressant de lire la lettre qu'il a envoyée le 5 mars 1993 aux associés pour obtenir la signature des renonciations (pièce P-82). Un passage traite de sa rencontre avec M. Boucher et il est nullement question de la dite promesse. Pourtant cette lettre est écrite peu de temps après les événements.

[152] Je cite :

Suite à nos représentations, M. Boucher nous a fait la proposition suivante le 22 février 1993: « Je vous propose de demander une interprétation de la Loi à la section de la "Législation" à Ottawa, à condition que les sociétaires de la SRET renoncent aux délais de prescription. Si vous refusez, il y aura cotisations immédiates » .

[153] Ceci m'amène à parler du but et de l'utilité d'une renonciation. Il arrive que les contribuables croient qu'ils se sont fait jouer en signant une renonciation. Ainsi, dans l'affaire Charron c. Canada, [1997] A.C.I. no 303 (Q.L.), le comptable du contribuable lui laissait croire qu'il avait commis une erreur en signant une renonciation. Je cite les paragraphes 10, 13, 14 et 15 :

10         À l'audience, l'appelant se représentait seul. Il a répété que le comptable qui avait préparé l'Avis d'appel lui avait dit qu'il n'aurait pas dû signer la renonciation, qu'en signant, il renonçait à la période normale de cotisation qui est de trois ans pour un particulier. L'appelant dit qu'il a signé parce qu'il avait été mis en confiance par l'agent du Ministre.

. . .

13         Dans Cal Investments Ltd. c. La Reine, 90 DTC 6556, le juge Joyal de la Cour fédérale de première instance, a ainsi expliqué aux pages 213 et 214 le but et les circonstances d'une telle renonciation :

Une renonciation semblable à celle qui fait l'objet du présent litige pourrait être considérée comme un accommodement entre la Couronne et un contribuable qui permet d'améliorer l'administration de la Loi de l'impôt sur le revenu de déterminer de façon plus efficace toute dette découlant de l'application de celle-ci. Compte tenu des délais de prescription prévus à l'article 152 de la Loi à l'égard des cotisations, la Couronne demande une renonciation afin de pouvoir continuer son évaluation dans le cadre d'un processus administratif normal sans devoir se préoccuper des délais. Pour sa part, le contribuable sait très bien que, lorsqu'une cotisation est établie, lui seul a le fardeau de prouver qu'elle est erronée. Ce fardeau devient beaucoup plus lourd si la Couronne, qui voit approcher la fin du délai, établit ce qu'on pourrait appeler une cotisation prématurée dans laquelle elle inscrirait, par mesure de prudence, de nombreux éléments divers que le contribuable devrait réfuter un à un. Dans ces circonstances, le contribuable sera porté à considérer la renonciation comme une solution avantageuse tant pour lui que pour la Couronne et se conformera habituellement à la demande de celle-ci.

En outre, dans bien des cas, la renonciation peut se limiter à des questions précises, c'est-à-dire les questions relativement auxquelles le travail d'évaluation n'est pas terminé et qui demeurent effectivement les seuls points non réglés à l'égard desquels la Couronne pourrait décider d'établir une cotisation ou une nouvelle cotisation. Ce genre de renonciation a pour effet de rétrécir la portée de la cotisation et comporte des avantages tant pour la Couronne que pour le contribuable.

14         Dans Bailey c. M.R.N., 89 DTC 416, à la page 419, le Juge Rip de notre Cour s'exprime ainsi au même sujet :

Un contribuable adresse généralement une renonciation au Ministre lorsque la contestation est engagée sur une ou plusieurs questions spécifiques et que le délai de trois ans dans lequel le Ministre peut établir une nouvelle cotisation est sur le point d'expirer. L'envoi d'une renonciation permet d'éviter que le Ministre fixe une nouvelle cotisation à la hâte; elle permet au contribuable d'examiner encore une fois les rajustements que le Ministre entend effectuer et de formuler d'autres observations au soutien de sa réclamation.

15         Le but d'une renonciation est de continuer l'analyse d'une transaction ou d'une affaire au sujet de laquelle il y a incertitude quant au fondement de la cotisation. Il est difficile de comprendre pourquoi le comptable a soulevé des doutes dans l'esprit de l'appelant quant à la pertinence de sa signature de la renonciation et il est à noter que le comptable ne représentait plus l'appelant lors de l'audience. Le Ministre aurait pu cotiser immédiatement puisqu'il était toujours dans la période normale de cotisation. Il valait tout aussi bien, ainsi que le dit le juge Joyal, dans un but d'efficacité, d'accepter cet accommodement mutuel plutôt que de procéder à une cotisation hâtive, ce qui ne serait pas plus dans l'intérêt du contribuable que dans celui du Ministre en tant qu'administrateur de la Loi.    Je ne vois aucun élément dans cette affaire qui puisse faire douter de la validité de la renonciation, donc elle est valide.

[154] Dans la présente affaire, la preuve a révélé que le Ministre aurait pu cotiser immédiatement. Il a accepté de retarder le moment de la nouvelle cotisation pour permettre une analyse supplémentaire du dossier.

[155] Nous avons vu lors de la description des faits, que le grand nombre de personnes cotisées à nouveau ainsi que leurs plaintes au niveau exécutif, ont amené une étude particulière du dossier. L'étude a abouti à une offre de règlement en 1995. L'appelant et plusieurs associés ont décidé de ne pas accepter le règlement.

[156] L'étude et la proposition de règlement ont eu lieu après la signification de l'avis d'opposition par les investisseurs et avant la ratification par le Ministre. En effet, un contribuable qui n'est pas satisfait de sa cotisation signifie un avis d'opposition au Ministre en vertu de l'article 165 de la Loi. Pendant cette période, un contribuable peut en vertu de l'alinéa 169(1)b) de la Loi, interjeter appel auprès de notre Cour après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le Ministre ait notifié au contribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

[157] En fait, c'est ce qui a été fait par les 600 sociétaires qui ont suivi le conseil de l'appelant ou de son avocat de ne pas accepter l'offre de règlement faite en avril 1995 et d'interjeter appel auprès de cette Cour sans attendre la décision du Ministre. Il est à noter à cet égard que les diverses pièces de correspondance qui auraient amené les associés à agir de cette façon n'ont pas été produites en preuve.

[158] Il est possible pour un contribuable de demander à notre Cour d'inscrire son appel pour audition une fois que la Réponse a été produite. En fait, dans une procédure judiciaire qui est un appel, c'est à l'appelant de la promouvoir.

[159] L'avocat de l'appelant représentait plusieurs sociétaires. L'avocat s'est entendu avec les avocats de l'intimée pour suspendre le délai relatif à la production de la Réponse à l'avis d'appel dans certains appels. Il s'est aussi entendu avec les avocats de l'intimée pour choisir une cause pour les fins de l'audition. Cette décision de l'avocat des sociétaires et de l'appelant allait dans le sens de la bonne administration de la justice. Il n'y a absolument aucun élément dans la preuve qui puisse me faire croire que l'avocat n'a pas fait ce choix librement.

[160] Plusieurs assignations de témoins ont été cassées pour raisons de pertinence et d'abus de procédure. Selon l'ouvrage à feuilles mobiles intitulé : « Witnesses » , des auteurs Mewett et Sankoff, publié chez Carswell, il y aurait trois grands motifs de cassation des subpoenas, soit que les personnes assignées n'aient pas une connaissance personnelle des faits, qu'il s'agirait d'un abus de droit ou d'une violation de la Charte :

[161] Je cite des passages du chapitre 7.7 :

[TRADUCTION]

a)          Motifs d'annulation d'un subpoena ou d'une assignation

(i)          Le témoin ne peut présenter une preuve pertinente

Le subpoena n'est pas un instrument judiciaire qui fonctionne indépendamment. Il doit sa force à la notion selon laquelle le système de justice doit être en mesure de contraindre à comparaître les témoins qui doivent fournir les témoignages nécessaires pour que des décisions puissent être rendues. Il s'ensuit donc que, pour être valide, un subpoena doit être signifié à un témoin éventuel qui pourra présenter à l'audience une preuve quelconque qui est à la fois pertinente et admissible. Sera en conséquence annulé le subpoena signifié à une personne qui ne pourra offrir une preuve de ce genre.

Dans plusieurs causes où un subpoena a été annulé au motif que la personne qu'il visait ne pouvait fournir une preuve pertinente, il s'agissait d'un titulaire d'une charge publique. Ainsi, dans la décision R. v. Baines, la Cour du Banc du Roi en Angleterre a annulé des subpoenas adressés au premier ministre et au secrétaire de l'Intérieur. L'affaire concernait un prétendu attentat à l'ordre public et ils ont tous deux déposé qu'ils n'avaient pas été témoins de l'attentat et ont soutenu que l'on avait demandé les subpoenas simplement dans un but de harcèlement. La cour a dit que ces deux personnes ne jouissaient d'aucune immunité qui les dispensait d'avoir à témoigner, mais a statué que les subpoenas constituaient néanmoins un abus dans les circonstances.

Si les tribunaux canadiens ont suivi la décision R. v. Baines en refusant d'accorder l'immunité aux titulaires d'une charge publique uniquement en raison de la non-pertinence du témoignage qu'ils pourraient donner, ils ont tout de même été pleinement conscients du fait que ces personnes peuvent être la cible du harcèlement et qu'il peut arriver que leur comparution soit demandée sans aucun but légitime.

C'est pourquoi il semble que les tribunaux saisis d'une demande de contrôle visant un subpoena adressé au titulaire d'une charge publique examineront minutieusement - peut-être bien plus que dans le cas d'un témoin ordinaire - si le témoin a vraiment des éléments de preuve à offrir. Dans l'affaire R. v. Brown, l'accusé devait répondre à une accusation de voies de fait après avoir atteint le premier ministre du Canada au visage avec une tarte à la crème.

Un témoin peut aussi ne pas être essentiel si le témoignage que l'on se propose de lui faire présenter ne pourra, du point de vue juridique, influer sur l'issue de la cause. Dans l'affaire Baldwin v. Bauer, les avocats des accusés voulaient interroger deux procureurs de la Couronne concernant leur décision de réduire les accusations portées, mais la Haute Cour de l'Ontario a annulé les subpoenas obtenus à cette fin au motif que la réduction des accusations relevait du pouvoir discrétionnaire des procureurs de la Couronne et que le témoignage qu'ils pouvaient donner à cet égard ne pourrait être pertinent. De même, dans une affaire civile, où l'avocat de la défenderesse voulait interroger des députés à l'Assemblée législative de l'Ontario au sujet de modifications apportées à la Loi sur l'aménagement du territoire, modifications dont l'effet était de réduire les droits de la défenderesse, le tribunal a statué que la manière de prendre les décisions législatives n'avait aucune pertinence et les subpoenas ont été annulés.

(ii)         Le subpoena est abusif

L'annulation du subpoena sera prononcée également lorsque le tribunal est convaincu que sa délivrance constituait dans les faits un recours abusif au tribunal. Il n'existe sans doute pas de terme judiciaire plus souvent employé à mauvais escient que l'expression « recours abusif au tribunal » et, dans ce contexte, malheureusement, la jurisprudence manque nettement de précision. Néanmoins, on peut sans trop de difficulté en dégager les principes généraux. Le subpoena délivré à l'appui d'un objet illégitime, soit un objet non lié à l'obtention de la déposition du témoin, sera, normalement, annulé.

(iii)        Le subpoena entraînerait une violation de la Charte

...

[162] Un recours abusif au tribunal est décrit de la façon suivante dans Odgers' Principles of Pleading and Practice in Civil Actions in the High Court of Justice, 22e éd., Stevens & Sons, 1981 :

[TRADUCTION]

De la même façon, l'expression « recours abusif au tribunal » est descriptive. Elle a comme connotation que quiconque se prévaut des pouvoirs du tribunal doit le faire de bonne foi et d'une manière appropriée et non abusive. Le tribunal interviendra pour empêcher l'utilisation inappropriée de sa procédure et n'admetrra pas que l'on s'en serve pour agir de façon vexatoire et oppressive dans le cadre d'un litige.

[163] Il est à noter que l'appelant n'a fait entendre aucun témoin ayant participé avec lui à la gestion de la SRET.

[164] L'appelant soulève comme motif de discrimination le fait que le rapport d'étude ait mentionné que les vérifications des sociétés de RS & DE ont commencé auprès des sociétés comprenant le plus de membres. En vertu de l'article 220 de la Loi, le Ministre assure l'application et l'exécution de la Loi. En faisant ce qu'il a fait auprès des sociétés en question, le Ministre n'a fait que remplir son devoir qui est de veiller à l'observation de la Loi.

[165] L'appelant a également fondé sa requête sur des actes d'oppression de la part des agents du ministre. La preuve n'en a pas révélé. Tout ce que les vérificateurs ont fait ne relevait que de leur travail normal. L'appelant a tenté de les en empêcher à tous les détours. S'il y a eu des actes d'oppression, ils sont venus de la part de l'appelant. Je donne comme exemples la lettre du 17 mars 1992 (pièce I-4) dénigrant le comportement de M. Deslonchamps à son directeur M. Jean-Marc Boucher, la lettre du 13 janvier 1993 (pièce I-11) à M. Simon Beauregard qualifiant sa demande de vérification des logiciels et de l'équipement électronique d'acharnement intempestif et de harcèlement, la lettre du 22 janvier 1993 (pièce I-12) à M. Jean-Marie Boucher, pour se plaindre de M. Beauregard, la lettre du 18 février 1993 au Ministre Pierre Blais pour se plaindre de M. Boucher (pièce I-14) et j'en passe moult.

[166] Les informations données aux sociétaires n'ont souvent été que de demi vérités. L'appelant s'est toujours affublé du titre trompeur de délégué associé alors qu'en fait sur le document officiel, il avait renoncé à sa part dans la société, dès le 27 novembre 1989 (pièce P-1).

[167] Il a mentionné lors de l'audience que Revenu Canada ne donnait pas de décisions anticipées sur les projets de RS & DE. Cela a été nié par M. Lambert de cette direction, tel que mentionné au paragraphe 63 de ces motifs.

[168] Vu les nombreux différends de l'appelant avec la Commission des valeurs mobilières du Québec et la propension de ce dernier à les utiliser comme excuses, je crois utile de mentionner l'objet de cette dernière à l'article 276 de sa loi constitutive (L.R.Q., c. V-1.1) :

. . .

Elle a pour mission :

10    de favoriser le bon fonctionnement du marché des valeurs mobilières;

20 d'assurer la protection des épargnants contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses;

30 de régir l'information des porteurs de valeurs mobilières et du public sur les personnes qui font publiquement appel à l'épargne et sur les valeurs émises par celles-ci;

40 d'encadrer l'activité des professionnels du marché des valeurs mobilières, des associations qui les regroupent et des organismes chargés d'assurer le fonctionnement d'un marché de valeurs mobilières.

[169] Concernant la portée d'un numéro d'abri fiscal, je crois utile de citer un passage de la lettre d'attribution du numéro d'abri fiscal à la SRET (pièce P-2) requérait ceci :

. . .

Tout promoteur à l'égard d'un abri fiscal devra inclure l'énoncé suivant sur tout avis écrit fait par lui se rapportant au numéro d'inscription de l'abri fiscal :

« Le numéro d'inscription attribué à l'abri fiscal doit être indiqué dans toute déclaration de revenus produite par l'acquéreur. L'attribution du numéro d'inscription sert uniquement à des fins administratives et ne confirme aucunement le droit d'un acquéreur aux déductions de pertes ou d'autres montants qui peuvent être, associés avec l'abri fiscal. »

[170] Malgré tout, même si l'appelant n'avait pas lui-même contribué au délai, la décision demeurerait la même pour les raisons ci-dessus données. Il n'y a pas de motifs ni en droit ni en fait pour la cassation des cotisations pour délai déraisonnable ni à l'étape de l'établissement des cotisations ni à l'étape du recours judiciaire.

[171] La requête en cassation de cotisation est rejetée. Les frais sont en faveur de l'intimée.   

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'octobre 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2003CCI715

No DU DOSSIER DE LA COUR :

96-4749(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Normand Lassonde et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

les 11, 12, 13, 14 et 15 août 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 3 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Me Marie-Andrée Legault

Me Danny Leduc

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Étude :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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