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Dossier : 2003‑3231(IT)I

ENTRE : 

ERIC SCHREINER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 25 mars 2004 à Saskatoon (Saskatchewan)

 

Devant : L’honorable juge Georgette Sheridan

 

Comparutions : 

 

Représentant de l’appelant :

James R. Schemenauer, c.a.

 

Avocate de l’intimée :

Me Penny Piper

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JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 est admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2004.

 

 

 

Ingrid B. Miranda, traductrice

 

 


 

 

 

 

Référence : 2004CCI314     

Date : 20040518

Dossier : 2003‑3231(IT)I

ENTRE : 

ERIC SCHREINER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     Le présent appel porte sur la décision du ministre selon laquelle, pendant les années de base 2000, 2001 et 2002, M. Eric Schreiner ne répond pas à la définition de « particulier admissible » aux termes de l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu. M. Schreiner et son ex‑épouse Nadine Schreiner sont les parents de Jessica, une « personne à charge admissible » dans le cadre de cette disposition.

 

[2]     Ce n’est pas la première fois que la Cour est saisie d’une demande de décider lequel des deux parents de la famille Schreiner est un « particulier admissible »[1]. Une décision datée du 11 février 2003 statue que Mme Schreiner était le « particulier admissible » pour la période de juillet, août et septembre 2001 de l’année de base 2000. Bien que le ministre ait cité M. Schreiner comme témoin dans l’appel du 11 février 2003, pour des raisons que la Cour ignore le ministre ne l’a pas mis en cause en vertu de l’article 174 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Sur le fondement de la décision quant à l’appel précité, le ministre a cessé de verser une prestation fiscale pour enfants à M. Schreiner et a cotisé celui‑ci pour les prestations qui auraient dû être versées à Mme Schreiner. M. Schreiner a contesté ce changement et il interjette appel devant la Cour de la ratification de la décision du ministre. Dans le présent appel, le ministre a cité Mme Schreiner comme témoin mais ne l’a pas mise en cause.

 

FAITS

 

[3]     M. Schreiner travaille dans un atelier de réparation de montres à Saskatoon. Il a épousé Mme Schreiner, la mère de Jessica, en 1983. Ils se sont séparés en 1998 et ont divorcé en juin 2000. Jessica est née en 1988 et avait quinze ans au moment de l’audience. Mme Schreiner, qui travaille à temps partiel à l’hôtel de ville, a obtenu au début la garde provisoire de Jessica. En 2001, cet état de choses a changé : M. Schreiner et Mme Schreiner ont consenti à une ordonnance prévoyant que Jessica « [traduction] résidera avec son père et passera des périodes de temps importantes et constructives avec sa mère ». L’ordonnance prévoit une rotation de 14 jours, pendant laquelle Jessica passe 8 jours avec son père et 6 jours avec sa mère. En raison de l’hostilité qui existe entre M. et Mme Schreiner, les deux adhèrent plutôt férocement à l’horaire établi. Leur hostilité était manifeste même pendant la présente audience. Alors que M. Schreiner entamait sa déposition, Mme Schreiner l’a interrompu par de bruyantes interventions. De la même manière, alors que Mme Schreiner présentait son témoignage, M. Schreiner a réagi à sa version des événements en faisant des grimaces, en remuant la tête et ainsi de suite.

 

[4]     Quant au côté positif, les deux parents ont démontré qu’ils s’occupaient bien de leur fille, qui leur rend bien leur affection. Les deux ont des revenus modestes et il leur est très difficile de satisfaire aux besoins de Jessica. Étant donné que Jessica passe avec chacun de ses parents des périodes de temps plus ou moins équivalentes, chacun d’eux supporte une charge financière à peu près équivalente. Donc, la réaction raisonnable à cet état de faits aurait été de demander que la prestation fiscale pour enfants soit divisée entre eux deux. Il est possible de partager la prestation fiscale pour enfants. Pour cela il suffit de que les parents joignent à leur demande une entente écrite et signée prévoyant que la prestation fiscale pour enfants soit payée six mois à un parent et six mois à l’autre.

 

ANALYSE

 

[5]     Il est regrettable que la législation ne permette pas à la Cour de diviser la prestation fiscale pour enfants entre les parents.[2] En conséquence de cela, un seul des parents peut être qualifié de « particulier admissible » « à un moment donné ». Pour décider qui se qualifie comme « particulier admissible » il faut trancher deux questions, à savoir : auprès de quel parent demeure l’enfant; et lequel des deux parents est, en tout temps, le principal pourvoyeur de soins. Pour trancher cette deuxième question, la Cour doit tenir compte des facteurs énumérés dans l’article 6302 du Règlement, dont la liste n’est pas exhaustive[3] :

 

Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

Les années de base 2000 et 2001

 

[6]     L’animosité entre les parents restreint sérieusement la crédibilité de la preuve qu’ils ont fournie. Sous réserve de leurs déclarations de tendresse pour Jessica, j’accorde peu de poids à la plupart de ce qu’ils ont dit. Selon les critères énumérés dans l’article 6302, la preuve démontre que, pour les années de base 2000 et 2001, chaque parent a assumé un rôle équivalent en ce qui concerne les facteurs énumérés aux alinéas 6302 a) à g).

 

[7]     Cependant, l’équilibre est rompu en ce qui concerne l’alinéa 6302h). En effet, l’ordonnance de la Division du droit de la famille de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan datée du 22 août 2001 s’applique dans cette province où, selon ses modalités, Jessica réside avec son père. Chaque période de 14 jours, l’enfant fait une rotation entre les domiciles de ses deux parents. Elle a une chambre à coucher complète dans chacune des résidences. Malgré cela, le libellé de l’ordonnance de la Cour prévoit que Jessica [traduction] « réside avec son père » et « passe des périodes de temps » avec sa mère, une petite distinction de grande importance. L’ordonnance a modifié la résidence de Jessica qui, en vertu de l’ordonnance de garde provisoire, se situait au domicile de sa mère. La nouvelle ordonnance a changé aussi le nombre de jours que Jessica passe chez chacun de ses parents : la période qu’elle passe chez son père a été augmentée à huit jours et la période qu’elle passe chez sa mère a été diminuée à six jours. Les parents de Jessica surveillent jalousement les périodes qui leur sont attribuées par l’ordonnance. Lors de son témoignage, Mme Schreiner a manifesté sa rancune à l’endroit des leçons de guitare que M. Schreiner avait organisées pour lui‑même et Jessica les mardis, alors qu’il s’agissait de « sa soirée à elle » avec Jessica. Elle refusait d’amener Jessica à ses leçons avec M. Schreiner.

 

[8]     Je constate que pendant les années de base 2000 et 2001, chaque parent a joué un rôle équivalent dans le cadre des facteurs a) à g) de l’article 6302. Cependant, dans le cadre du facteur h), je conclus que l’ordonnance prévoyant que Jessica réside avec son père 8 jours sur 14, fait pencher la balance légèrement en faveur de M. Schreiner. Par conséquent, je statue que ce dernier est le « particulier admissible » et qu’il a droit à la prestation fiscale pour enfants pour les périodes et les montants indiqués ci‑dessous :

 

 

Année de base 2000    de juillet 2001 à septembre 2001

553,81 $

Année de base 2000    d’octobre 2001 à juin 2002

1 661,42 $

Année de base 2001    de juillet 2002 à juin 2003

2 444,00 $

 

L’année de base 2002

 

[9]     Pour l’année de base 2002, je suis de l’avis que selon la preuve, M. Schreiner n’était pas le « particulier admissible ». Durant la période en question, Jessica a atteint ses quinze ans et, par conséquent, son degré de dépendance à l’égard de chaque parent a changé. Bien qu’elle résidât encore avec son père, Jessica a commencé à avoir un peu plus confiance en sa mère. Plus particulièrement, pour cette période, la preuve concernant l’alinéa 6302f), c’est‑à‑dire « le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière » et l’alinéa 6302g), c’est‑à‑dire « de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider », dépassent quelque peu en valeur l’alinéa 6302h) concernant l’importance de l’« ordonnance de la Cour ». À son âge actuel, Jessica est naturellement plus disposée à parler avec sa mère des sujets abordés dans l’alinéa 6302f). Quant à l’alinéa 6302g), M. Schreiner a indiqué qu’une jeune adolescente ne désire pas vraiment aller acheter des vêtements ou aller au salon de beauté en traînant son père derrière elle. Pour sa part, Mme Schreiner a témoigné qu’avec Jessica, elles consacraient du temps ensemble à ce type d’activités et passaient du temps à parler de ce qu’on appelait autrefois, quand il y avait moins de rectitude politique, des « choses de femmes ». Tout comme pour les années de base 2000 et 2001, chaque parent a joué un rôle équivalent au niveau des facteurs a) to e) de l’article 6302. La différence réside dans les facteurs f) et g) qui, dans la détermination du « particulier admissible », font pencher la balance légèrement en faveur de Mme Schreiner pour la période allant de juillet 2003 à octobre 2003.

 

[10]    L’appel est accueilli et la détermination est déférée au ministre afin qu’elle soit réexaminée conformément aux motifs ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mai 2004.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de juillet 2004.

 

 

Ingrid B. Miranda, traductrice



[1] Nadine Marie Schreiner v. Canada, 2003TCC91.

[2] Canada c. Marshall, [1996] A.C.F. no 431 (C.A.F.).

[3] Pollak c. Canada, [1996] A.C.I. n52, paragraphe 15.

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