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Dossier : 2003-513(GST)I

ENTRE :

NIKOLA ZUBIC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

__________________________________________________________________

Appel entendu le 17 décembre 2003, à Windsor (Ontario).

Devant : L'honorable G. Sheridan

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 4 juin 2002 et porte le numéro 02100008412370006, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d'avril 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI533

Date : 20040922

Dossier : 2003-513(GST)I

ENTRE :

NIKOLA ZUBIC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Sheridan

[1]      L'appelant, Nikola Zubic, a immigré au Canada, de la Bosnie, pendant les années où des troubles sévissaient dans ce pays. À son arrivée, il ne parlait pas anglais, il était sans emploi et plein d'espoir. Moins d'une décennie plus tard, il est établi en tant que citoyen canadien, il a une belle carrière, lui et sa famille se sont intégrés dans la collectivité et il a construit une maison. C'est cette maison qui est à l'origine de sa présence devant la Cour. Comme le permet la Loi sur la taxe d'accise, M. Zubic a demandé le remboursement de la TPS qu'il a payée pour construire sa maison. Sa demande de remboursement s'élevant à 4 109,25 $ a été refusée parce qu'il a omis de déposer sa demande dans le délai fixé au paragraphe 256(3) de la Loi.

[2]      Voici le texte de la disposition applicable de la Loi sur la taxe d'accise :

256(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

a)          le particulier, lui-même ou par un intermédiaire, construit un immeuble d'habitation - immeuble d'habitation à logement unique [...] pour qu'il lui serve de résidence habituelle [...]

L'application de cette disposition générale, laquelle confère au ministre du Revenu national le pouvoir de rembourser la TPS, est restreinte par le paragraphe 256(3) selon lequel « [l]es remboursements prévus au présent article ne sont versés que si le particulier en fait la demande dans les deux ans suivant le premier en date des jours suivants :

a)          le jour qui tombe deux ans après le jour où l'immeuble est occupé pour la première fois [...];

a.1)       le jour du transfert de la propriété [...];

b)          le jour où la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble sont achevées en grande partie. »

[3]      M. Zubic s'est représenté lui-même à l'audience. Il reconnaît que lui et sa famille ont occupé la maison en février 1997 et qu'en septembre 1997, la construction était achevée en grande partie. Il ne nie pas non plus le fait qu'il n'a déposé sa demande qu'en mars 2002, soit quelques trois ans après l'expiration du délai applicable. La question en litige est donc celle de savoir si, compte tenu du défaut de M. Zubic de présenter sa demande dans le délai prévu par la loi, le remboursement de la TPS peut néanmoins lui être versé.

[4]      Peu de temps après avoir déménagé dans sa maison en février 1997, M. Zubic s'est rendu au bureau de l'impôt de Windsor pour savoir comment il devait s'y prendre pour réclamer le remboursement de la TPS. Il a cru comprendre au détour de ses conversations avec les agents de la TPS que, même s'il habitait la maison, il ne pouvait présenter une demande de remboursement puisque l'immeuble n'était pas encore terminé. Il croyait donc qu'il devait attendre deux ans suivant la fin de la construction pour réclamer le remboursement; il a interprété le terme « achevé » comme s'il s'agissait du moment où la maison aurait fait l'objet de la dernière inspection. Convaincu qu'il avait encore bien du temps devant lui pour demander le remboursement de la TPS, M. Zubic a continué les travaux de construction en fonction du temps et des ressources dont il disposait. À cette époque, il était le seul soutien des six membres de sa famille; il occupait un emploi régulier et faisait autant d'heures supplémentaires que possible. En raison de son emploi du temps très chargé, M. Zubic n'a pu terminer la maison aussi rapidement qu'il l'aurait souhaité. Cela a obligé sa famille à vivre inconfortablement dans un chantier de construction pendant plusieurs mois mais, habitués aux conditions difficiles, ils ont persévéré.

[5]      En février 2000, M. Zubic a reçu une lettre de la ville de Windsor l'avisant du fait que, contrairement aux règlements municipaux, il occupait une résidence qui n'avait pas encore fait l'objet d'une dernière inspection. Il s'est donc dépêché de rendre la maison conforme aux normes prévues par le code et une inspection a été effectuée en mars 2000. Croyant toujours qu'il ne pouvait présenter une demande de remboursement de la TPS que deux ans suivant la dernière inspection, M. Zubic a patiemment attendu jusqu'en mars 2002, puis s'est empressé de déposer sa demande. Le ministre a reçu cette dernière le 2 avril 2002.

[6]      M. Zubic était un témoin digne de foi. Malgré ses connaissances élémentaires de la langue anglaise, la relative complexité des dispositions législatives et les nombreuses contraintes qu'il subissait à l'époque, il a fait preuve de diligence raisonnable dans ses efforts pour se renseigner sur les exigences à satisfaire pour demander le remboursement de la TPS et s'y conformer. À la lumière de la preuve présentée en l'espèce, je suis convaincue que, n'eut été de ses conservations avec les agents du bureau de l'impôt, M. Zubic aurait demandé un remboursement au début de 1997, bien avant que le délai prévu par la Loi ne soit expiré. Ce n'est qu'après ses discussions avec les agents qu'il a (à tort) conclu qu'il ne pouvait présenter une demande à ce moment. Le fait qu'il a présenté sa demande en mars 2002 est totalement compatible avec la façon dont il a compris ce que les agents du bureau de l'impôt lui ont dit.

[7]      Malheureusement, même si j'accepte son témoignage quant à la façon dont il est venu à se faire une opinion erronée des règles applicables, M. Zubic n'est pas plus avancé compte tenu du texte sans équivoque du paragraphe 256(3). Que les renseignements donnés à M. Zubic par les agents du bureau de l'impôt de Windsor aient été manifestement erronés ou aient simplement eu pour effet de laisser M. Zubic croire à une mauvaise interprétation de la Loi, il est bien établi dans la jurisprudence qu'un représentant de la TPS ne peut modifier les effets de la législation en la matière[1]. Suivant la Loi, M. Zubic avait jusqu'en février 1999, soit deux ans après que lui et sa famille ont commencé à occuper la maison, pour déposer sa demande. Il ne fait aucun doute que M. Zubic a présenté sa demande bien après ce moment. L'avocat de l'intimée a soutenu à juste titre que, comme M. Zubic a omis de déposer sa demande dans le délai prévu au paragraphe 256(3), le ministre ne pouvait, selon le libellé exprès de cette disposition législative, verser le remboursement à M. Zubic : « [l]es remboursements ... ne sont versés que si [...] » . L'emploi des termes « ne sont versés » prive tant le ministre que la Cour d'un quelconque pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai applicable au dépôt, même lorsque la situation, comme en l'espèce, justifie qu'une telle prorogation soit accordée[2]. Par conséquent, rien dans les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise ne permet au ministre de verser le remboursement de la TPS à M. Zubic après l'expiration du délai prévu par la loi.

[8]      La seule autre mesure que pourrait éventuellement prendre M. Zubic consiste à demander réparation en application du paragraphe 23 de la Loi sur la gestion des finances publiques[3]. Dans la décision Didkowski v. The Queen[4], la Cour n'a pu accueillir l'appel parce que l'appelant avait omis de déposer sa demande de remboursement de la TPS dans le délai prescrit. S'interrogeant sur l'injustice de la situation dans laquelle se retrouvaient l'appelant et son épouse, M. le juge McArthur a fait part à l'appelant et à son avocate de la possibilité de demander un décret de remise[5]. L'audience en l'espèce ne m'a pas permis de savoir si, au cours de ses diverses discussions avec les fonctionnaires, quelqu'un a mentionné cette possibilité à M. Zubic. Il me semble que, dans ce genre d'affaire, où des difficultés linguistiques ont entraîné un préjudice aussi inutile, les fonctionnaires ministériels pourraient souhaiter discuter de cette possibilité avec M. Zubic. Quoi qu'il en soit, il n'appartient pas à la Cour de se demander si M. Zubic doit tenter d'obtenir, ni s'il peut obtenir, un décret de remise. Ma décision doit se fonder sur les dispositions de la Loi telles qu'elles existent actuellement. À la lumière de la preuve présentée et d'une interprétation correcte du texte législatif applicable, je puis uniquement conclure que la Loi ne permet pas au ministre de verser un remboursement de la TPS à M. Zubic puisque la demande de ce dernier a été déposée après l'expiration du délai fixé au paragraphe 256(3) de la Loi. Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de septembre 2004.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d'avril 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI533

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2003-513(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Nikola Zubic c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 17 décembre 2003

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable G. Sheridan

DATE DU JUGEMENT :

Le 22 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] S. Goldstein v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2036.

[2] Le fait que cette absence de pouvoir discrétionnaire a, dans certaines circonstances, donné lieu à des injustices se reflète dans la modification que l'on propose d'apporter au paragraphe 256(3). Cette modification vise à conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire de verser le remboursement lorsque la demande est reçue après l'expiration du délai.

[3] L'aperçu qui suit concerne l'application des décrets de remise et les cas où il est possible de recourir à cette mesure. Au moment de la rédaction des présents motifs, cet aperçu figurait dans l'ouvrage intitulé Tax Court Practice, de McMechan et Bourgard, vol. 2, p. 21 et 22 : [TRADUCTION] « Lorsqu'un contribuable estime que les circonstances justifient une remise de dette ou du paiement d'une taxe, de l'intérêt et des pénalités et que tous les droits d'opposition et d'appel ont été épuisés, une demande visant à obtenir un décret de remise peut être présentée en application de l'article 23 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C., ch. F-11, modifiée par L.C. 1991, ch. 24.

Le décret de remise est pris par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre compétent. Lorsque l'affaire touche aux politiques, ou lorsqu'elle aura une incidence sur une catégorie particulière de contribuables, la demande doit être présentée au ministre des Finances. Lorsque l'affaire intéresse l'application et l'exécution de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d'accise et que l'exécution entraînerait des difficultés excessives ou que l'on s'est fié, à son détriment, à des renseignements fournis, la demande doit être présentée au ministre du Revenu national. La demande peut être faite directement au ministre au moyen d'un écrit énonçant tous les faits importants et expliquant pourquoi les circonstances justifient la réparation demandée.

Lorsque l'affaire en est une qui sera portée à l'attention du ministre du Revenu national, ce ministère privilégie la pratique qui consiste à présenter la demande au directeur de l'impôt de la région à laquelle appartient le contribuable. Le directeur local a aisément accès aux faits dont le ministre aurait besoin si la demande était présentée directement à Ottawa. Si le directeur juge que l'affaire devrait faire l'objet d'un nouvel examen, un rapport sera envoyé au comité responsable de la remise de la taxe du ministère du Revenu national. Une décision défavorable du directeur local n'empêche évidemment pas le contribuable de présenter une demande directement au ministre. »

[4] [2000] A.C.I. no 899.

[5] Pour de plus amples renseignements sur les décrets de remise, voir : Sharon Waldron Remission Order, SI/TR, JUS-601168, 25 août 1999. Wong v. Canada,[1996] A.C.I. no 1237; Whitehouse v. Canada, [2000] A.C.I. no 328; Snider v. Canada, [2002] A.C.I. no 205.

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