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Dossier : 2002-2867(IT)G

ENTRE :

STATUS-ONE INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Requête entendue le 15 avril 2004, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gerald J. Rip

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me André P. Gauthier

Avocats de l'intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Gatien Fournier

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

Vu la requête de l'appelante faite en vue d'obtenir, en vertu de l'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale), une ordonnance portant radiation des faits apparaissant dans la réponse modifiée de l'intimée;

 

La Cour ordonne que seuls les alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée de l'intimée soient radiés, le tout avec dépens suivant l'issue de la cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2004.

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip


 

 

 

 

Référence : 2004CCI473

Date : 20040727

Dossier : 2002-2867(IT)G

ENTRE :

STATUS-ONE INVESTMENTS INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

Le juge Rip

 

[1]     Status-One Investments Inc., l'appelante, a présenté une requête à la Cour afin d'obtenir en vertu de l'article 53 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (ci-après les « RCCI ») une ordonnance portant radiation des faits apparaissant dans la réponse modifiée de l'intimée.

 

[2]     En établissant les cotisations à l'égard de l'appelante pour ses années d'imposition 1996, 1998 et 1999, le ministre du Revenu national a refusé la déduction de certaines pertes attribuées à l'appelante par une prétendue société en commandite (appelée « ASF No. 11 »), qui s'était elle même vu attribuer des pertes par une autre prétendue société en commandite (appelée « ARCP »). Les motifs du refus étaient notamment les suivants : l'appelante avait participé à un abri fiscal; il n'existait pas de sociétés; et de toute façon, les pertes attribuées n'étaient pas déductibles. Selon l'intimée, une entité connue sous le nom de Equicap faisait auprès de ASF No.1 la promotion et la mise en marché de placements. Le ministre a également refusé la déduction de frais d'emprunt que l'appelante aurait engagés pour investir dans ASF No. 11.

 

[3]     L'appelante a déposé son avis d'appel le 22 juillet 2002 et l'intimée y a répondu le 23 septembre 2002. La réplique a été déposée le 23 octobre 2002. Par ordonnance du juge Dussault en date du 22 décembre 2003, l'intimée a été autorisée à déposer une réponse modifiée au plus tard le 31 janvier 2004 et aussi, l'appelante a été autorisée à présenter, au plus tard le 15 février 2004, le cas échéant, une requête visant à faire radier certaines allégations de fait figurant dans la réponse modifiée de l'intimée.

 

[4]     Dans son avis de requête visant à obtenir, d'une part, l'autorisation de déposer une réponse modifiée et, d'autre part, la prorogation des délais, l'intimée a déclaré que les modifications qui seraient apportées à la réponse avaient pour but, entre autres,

 

(i)                de s'assurer que son contenu était conforme à la décision récente dans l'affaire Anchor Pointe[1];

(ii)              de préciser certains faits;

(iii)            d'améliorer la clarté, la syntaxe et la grammaire de la réponse.

 

[5]     L'intimée a déposé sa réponse modifiée le 30 janvier 2004 et l'appelante a présenté sa requête devant moi le 16 février 2004.

 

[6]     Cette requête de l'appelante vise à obtenir :

 

(i)                la radiation de l'alinéa 11j) tel qu'il est rédigé au motif que l'intimée apporte une modification et ajoute et introduit de nouvelles allégations de fait;

(ii)              la radiation des alinéas 11j.1), 11j.2) et 11j.3) au motif que l'intimée ajoute et introduit de nouvelles allégations de fait;

(iii)            la radiation des alinéas 11aa.1) et 11gg.1) au motif que l'intimée ajoute et introduit de nouvelles allégations de fait;

(iv)            la radiation de l'alinéa 11tt) tel qu'il est rédigé au motif que l'intimée apporte une modification et ajoute et introduit de nouvelles allégations  de fait;

(v)              la radiation des alinéas 11uu) et 11ww) aux motifs que l'intimée ajoute et introduit de nouvelles allégations de fait, que ces nouvelles allégations de fait n'ont absolument rien à voir avec l'appelante et que les nouvelles allégations élargissent le litige de manière à inclure d'autres contribuables;

(vi)            la radiation des paragraphes 11.1 et 11.2 au motif que l'intimée ajoute et introduit de nouvelles allégations de fait.

 

[7]     Les parties de la réponse modifiée dont l'appelante demande la radiation sont reproduites à l'Annexe I jointe à ces motifs.

 

[8]     Les actes de procédure remplissent plusieurs fonctions au moins : bien rédigés, ils permettent au juge de déterminer clairement ce sur quoi porte le litige; ils permettent au défendeur (ou à l'intimé) de savoir ce que le demandeur (ou l'appelant) lui reproche et au demandeur de savoir quel moyen de défense sera opposé à sa demande[2]. Souvent aussi, les actes de procédure donnent à la personne que les rédige une idée plus juste de sa cause. Après l'échange des actes de procédure, les parties devraient savoir exactement quels points sont en litige et la preuve que chacune d'elles devra faire.

 

[9]     La modification d'actes de procédure permet par exemple à une partie de radier une admission faite par inadvertance, et ce, sans qu'elle ait à prouver la fausseté de l'allégation de fait[3], ou de soulever des questions additionnelles[4], pourvu que la modification se fasse en temps utile et sans injustice pour la partie adverse[5]. Or, il n'y a pas d'injustice si l'autre partie peut être dédommagée par l'adjudication de frais[6]. Que les modifications puissent le rendre plus difficile à une partie d'obtenir gain de cause n'est nullement pertinent dans le contexte d'une requête en modification[7].

 

[10]    L'article 53 des RCCI se lit comme suit :

 

53.              La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l'acte ou le document :

 

a)         peut compromettre ou retarder l'instruction équitable de l'appel;

b)         est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c)         constitue un recours abusif à la Cour.

 

[11]    Puisque la requête de la contribuable a été présentée en fonction de l'article  53 des RCCI, il est important de résumer les principes qui se dégagent des affaires portant sur des demandes de radiation, en tout ou en partie, d'actes de procédure. Dans l'affaire Morris c. Canada[8], le juge Bonner résume ces principes comme suit :

 

1.      En général, les allégations de faits figurant dans une déclaration sont réputées être vraies ou susceptibles d'être prouvées. Voir : Unterreiner v. Wilson (1982), 40  O.R. 2nd 197, un arrêt qui a été confirmé par la Cour d'appel.

 

2.      Il incombe en grande part à la partie adverse de montrer qu'il ne fait absolument aucun doute que l'acte de procédure est scandaleux, frivole ou vexatoire ou constitue par ailleurs un recours abusif à la Cour. Ce principe s'appuie sur le jugement Erasmus v. The Queen, 91 DTC 5415.

 

3.      Le terme [TRADUCTION] "embarrassant" signifie que le rapport entre les allégations et l'affaire est tellement faible que leur non-radiation entraînerait des dépenses inutiles et, de plus, nuirait au procès de l'affaire en engageant les parties dans un différend n'ayant absolument rien à voir avec les questions en litige. [TRADUCTION] "Pour que les allégations puissent être radiées d'une défense pour un tel motif, il me semble que leur manque de pertinence ne doit faire aucun doute et, pour ainsi dire, doit sauter aux yeux. Il ne suffit pas que, après moults [sic] arguments, il puisse sembler qu'elles ne peuvent être défendues." Cette citation est extraite de la décision du lord juge Pickford dans l'affaire City of London v. Horner, (1914) 111 LT 512.

 

[12]    Similairement, dans l'affaire Enterac Property Corp. v. Canada[9], la Cour a manifesté sa réticence à radier un acte de procédure ou une partie d'un acte de procédure en concluant que la partie demanderesse n'avait pas pu démontrer qu'il était clair et évident que les paragraphes contestés étaient non pertinents.

 

[13]    Il faut aussi noter que la décision d'accueillir ou non une requête présentée en vertu de l'article 53 des RCCI relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour[10]. Cette discrétion résulte du verbe « peut » qui est utilisé par le législateur au début de la disposition.

 

[14]    Finalement, cette Cour a, à plusieurs reprises, indiqué qu'il revient au juge qui préside au procès de se pencher sur la question de savoir si un acte de procédure devrait être radié en tout ou en partie et que cela ne doit pas se faire dans le contexte d'une requête interlocutoire. Voir Mungovan c. Canada[11]. Les parties de la réponse modifiée que l'appelante veut faire radier font partie des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre du Revenu national s'est fondé pour établir les cotisations à l'égard de l'appelante. Les hypothèses, comme le juge en chef adjoint l'a dit dans la décision Mungovan, ne sont pas tout à fait comme des actes de procédure déposés dans le cadre d'une action en justice ordinaire. « Elles ressemblent », a‑t‑il expliqué, « plus à des précisions de faits sur lesquels le ministre s'est fondé en établissant la cotisation. Il est essentiel qu'elles soient complètes et véridiques. » Le juge qui préside au procès est dans une bien meilleure position qu'un juge entendant une requête préliminaire pour déterminer lesquelles des hypothèses de fait devraient être radiées, le cas échéant. C'est au juge qui préside au procès qu'il appartient de décider de ce qui est, ou de ce qui n'est pas, pertinent.

 

[15]    J'ai divisé en deux groupes les parties de la réponse modifiée que l'appelante souhaite voir radiées. Un groupe se compose de toutes ces parties, sauf les alinéas 11uu) et 11ww). L'appelante dit qu'il se peut que les parties en question apportent des modifications ou qu'elles ajoutent ou introduisent de nouvelles allégations de fait. Les alinéas 11uu) et 11ww) constituent le   deuxième groupe. D'après l'appelante, ceux-ci ajoutent et introduisent de nouvelles allégations de fait, les faits qui y sont allégués n'ont absolument rien à voir avec elle et les nouvelles allégations élargissent le litige de manière à inclure d'autres contribuables.

 

[16]    Je vais traiter d'abord des alinéas et paragraphes faisant partie du premier groupe. L'appelante soutient que dans ces alinéas et paragraphes l'intimée soulève un ou plus d'une question additionnelle. Or, un appel interjeté en vertu du paragraphe 169(1) — comme l'ont été les appels en l'espèce — ne porte pas sur des questions précises. Dans l'arrêt TransCanada Pipelines, précité, le juge Rothstein[12] n'a pas écarté la possibilité de modifier un avis d'appel pour qu'il soulève des questions additionnelles, pourvu que cela se fasse en temps utile et d'une manière conforme aux règles de la Cour.

 

[17]    S'il est loisible à une partie de modifier ses actes de procédure pour soulever une question additionnelle à l'égard d'une seule cotisation, alors elle peut aussi le faire pour changer des faits énoncés dans les actes de procédure originels et pour ajouter de nouveaux faits et de nouvelles allégations, dans la mesure où ils sont pertinents relativement à l'appel. Il n'y a en conséquence aucune raison de radier une partie quelconque de la réponse modifiée simplement parce que cette partie se rapporte à une question non soulevée dans la réponse elle‑même. De telles modifications doivent toutefois se faire en temps utile et, en règle générale, avant les interrogatoires préalables.

 

[18]    Il importe de noter qu'en l'espèce, bien que l'étape du dépôt des actes de procédure soit terminée, aucun interrogatoire préalable n'en encore eu lieu. L'appelante ne se trouve donc pas encore dans une situation où il lui est impossible de faire une enquête en soumettant à un interrogatoire préalable un agent de la Couronne afin de déterminer avec exactitude, d'une part, quels faits le ministre a tenus pour acquis en établissant les cotisations faisant l'objet des appels, et d'autre part, la preuve qu'elle aura à réfuter.

 

[19]  Mon collègue le juge Dussault a permis à l'intimée de modifier ses actes de procédure parce que celle‑ci voulait, entre autres choses, préciser certains faits. Il a conclu que l'appelante se ferait dédommager pour les frais entraînés par la modification des actes de procédure de l'intimée. « Préciser », dans le cas d'une réponse à l'avis d'appel, comprend l'ajout de faits. Le Petit Robert (2002) définit le terme « préciser » comme suit :

 

1.                 Exprimer, présenter de façon précise, plus précise.  [...]

2.                 Rendre plus net, plus sûr  [...]

3.                 [...] Apporter des précisions [...] éviter le vague, l'allusion.

 

Le terme « précisions » est défini comme suit :

 

Détail,  fait  précis,  explication précise permettant une information sûre.

 

Enfin, le terme « explication » signifie, selon le Petit Robert (2002) :

 

1.                 Développement destiné à faire comprendre qqc.  [...]

2.                 Ce qui rend compte d'un fait.  [...]

3.                 Éclaircissement (sur les intentions, la conduite de qqn).

 

De ces définitions il faut conclure que « préciser » ne signifie pas simplement « reformuler ». En somme, il semble que l'on puisse ajouter des faits afin de « préciser » certains autres faits.

 

[20]    À mon avis, je ne devrais pas toucher aux alinéas 11j), 11j.1), 11j.2), 11j.3), 11aa.1), 11gg.1) et 11tt) ni aux paragraphes 11.1 et 11.2 de la réponse modifiée. Il n'est pas évident, selon moi, que l'un quelconque des énoncés y figurant est sans pertinence relativement aux questions sur lesquelles portent les appels[13]. Je ne suis pas convaincu que ces alinéas et paragraphes ne précisent pas certains faits. Le juge qui présidera au procès sera bien mieux placé que moi pour déterminer leur pertinence et pour déterminer s'ils atteignent au moins un des objets exprimés de la requête en modification de la réponse, c'est‑à‑dire, pour déterminer si vraiment ils précisent certains faits.

 

 

[21]    Dans la présente cause, Me Fournier, l'avocat de l'intimée, a soutenu que les alinéas 11uu) et 11ww) sont pertinents en ce qu'ils servent à déterminer si la contribuable avait une intention de tirer des bénéfices de l'exploitation de ASF No. 11.

 

[22]    Les faits énoncés aux alinéas 11uu) et 11ww) pourront toucher des contribuables autres que l'appelante. Voilà ce que prétend l'appelante. Rappelons que les alinéas 11uu) et 11ww) sont ainsi rédigés :

 

11uu)   Equicap a procédé au cours des années 1993 à 1998 à la promotion et à la mise en marché, par voie de notices d'offre, de plusieurs arrangements de société en commandite;

 

11ww) Les aspects importants de ces arrangements de société en commandite étaient identiques à AFS No. 11, notamment en ce qui concerne la structure, le mode de fonctionnement, les ententes intervenues, les parties impliquées, les actions posées, les objectifs poursuivis et les résultats financiers et fiscaux obtenus.

 

[23]    N'eût été l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Reine c. Global Communications Ltd.[14], je rejetterais la requête de l'appelante relativement aux alinéas 11uu) et 11ww) également. Il s'agit en l'occurrence d'appels où, pour déterminer si une société de personnes existait, il faut tenir compte, entre autres choses, de l'intention véritable des parties telle qu'elle ressort de l'ensemble des faits de l'affaire[15].

 

[24]    Dans l'arrêt Global, la Cour d'appel fédérale a confirmé une décision de cette Cour rejetant la demande de la Couronne à modifier sa réponse par l'ajout d'une allégation selon laquelle une personne par suite des activités de qui la contribuable avait acheté certaines données sismiques, lesquelles données ont subséquemment constitué le fondement d'une déduction demandée au titre de frais d'exploration au Canada, s'était livrée à des activités semblables dans le cas d'autres contribuables. La Cour d'appel a partagé l'avis du juge de la Cour canadienne de l'impôt que l'allégation n'était pas pertinente et que, si on en permettait l'ajout, elle élargirait démesurément la portée du litige. Ni l'une ni l'autre cour ne semble avoir été influencée outre mesure par le fait que la requête avait été présentée deux mois avant la date fixée pour le procès. La situation en l'espèce est analogue à celle dans l'affaire Global, précitée : la Couronne souhaite ajouter à sa réponse des allégations selon lesquelles la personne par suite des activités de qui l'appelante a acquis une participation dans une société en commandite s'était livrée à des activités semblables dans le cas d'autres contribuables.

 

[25]    Dans son argumentation, l'avocat de l'appelante a dit que les allégations de l'avis d'appel, de la réponse à l'avis d'appel et de la réplique ne font aucunement mention de faits ayant trait à des investissements autres que ceux de l'appelante dans AFS No. 11 de sorte que plus de 80 pour 100 des documents mentionnés dans la liste de documents de l'intimée ne pourraient faire l'objet de questions à l'interrogatoire  préalable. L'avocat de l'appelante estime à environ 6000 le nombre des documents en question.

 

[26]    L'appelante croit que les faits énoncés aux alinéas 11uu) et 11ww) ne visent qu'à étendre le débat à des documents ayant trait à des investissements faits par d'autres contribuables que l'appelante, investissements auxquels l'appelante n'a aucunement participé.

 

[27]    Me Gauthier, l'avocat de l'appelante, a déclaré que l'exception prévue au paragraphe 241(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après la « Loi ») relativement à la divulgation de documents à des tiers ne s'applique que lorsque cette divulgation est nécessaire à la détermination du montant d'impôt. À la lecture des alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée, il est évident que les allégations qui y sont faites et que les documents qui pourraient y être reliés ne sont pas nécessaires. En effet, à l'alinéa 11ww), l'intimée affirme clairement que les documents des autres sociétés en commandite sont identiques à ceux de AFS No. 11. S'ils sont identiques à ceux de AFS No. 11, non seulement leur production n'est pas nécessaire mais elle devient totalement superflue. Reproduire un même document 4 ou 5 fois n'ajoute rien au débat et ne fait qu'encombrer le dossier de la Cour[16].

 

[28]    Je ne suis pas d'accord avec l'avocat de l'intimée que les alinéas 11uu) et 11ww) sont pertinents en ce qu'ils servent à déterminer si la contribuable avait une intention de tirer des bénéfices de l'exploitation de ASF No.11.  Point n'est besoin à ce stade‑ci d'inclure les alinéas 11uu) et 11ww) dans la réponse modifiée. Leur inclusion, suivant l'arrêt Global, précité, prolongerait indûment le processus des interrogatoires préalables ainsi que le procès, et ce, sans que l'enquête porte nécessairement sur des questions qui sont pertinentes relativement aux cotisations en cause.

 

[29]    Les faits énoncés aux alinéas 11uu) et 11ww) ont prétendument été tenus pour acquis par le ministre en établissant les cotisations à l'égard de l'appelante. Dans l'arrêt Anchor Pointe, précité, le juge Rothstein a expliqué que :

 

Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver.

 

[30]    Les alinéas 11uu) et 11ww) viennent embrouiller le processus d'appel. À ce stade du processus, les actions de Equicap paraissent n'avoir aucun rapport direct avec les questions fondamentales soulevées par les appels. Il convient de faire preuve d'une grande circonspection lorsque des tiers sont concernés. Ce sont les actes de l'appelante qui sont pertinents; c'est l'appelante qui a fait l'objet de cotisations et elle est en droit de savoir pourquoi. Il se peut bien que, dans certains cas, les relations ou les liens que peut avoir une partie appelante avec des tiers soient pertinents. Je pense notamment aux affaires en matière de négociation de titres. Je n'ai toutefois rien trouvé dans les actes de procédure des parties en l'espèce qui démontre que les faits allégués aux alinéas 11uu) et 11ww) sont pertinents. Une partie appelante doit toujours faire sa preuve elle‑même. Le ministre doit établir la cotisation à l'égard d'un contribuable en se fondant sur ce que ce dernier a fait, ou n'a pas fait, et non pas, d'une manière générale, sur la conduite d'un tiers.


 

[31]    Par conséquent, seront radiés seuls les alinéas 11uu) et 11ww) de la réponse modifiée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

 

 

[32]    Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2004.

 

 

 

« Gerald J. Rip »

Juge Rip


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI473

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-2867(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Status-One Investments Inc. c.

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 15 avril 2004

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :

 

L'honorable juge Gerald J. Rip

 

DATE DE L'ORDONNANCE:

Le 27 juillet 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me André P. Gauthier

 

Pour l'intimée :

Me Daniel Bourgeois

Me Gatien Fournier

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me André P. Gauthier

 

Étude :

Heenan Blaikie SRL

 

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 


ANNEXE I

 

11.             Pour établir ces nouvelles cotisations, le Ministre s'est appuyé sur les hypothèses ou conclusions de fait suivant:

 

 

« Abri fiscal déterminé » et « Montants à recours limité »

 

j)               le Ministre a déterminé, compte tenu notamment des déclarations faites dans la Notice d'offre concernant les unités d'AFS No. 11 (« Notice d'offre ») ainsi que dans une analyse financière préparée par Alliance Equicap Inc. (« Equicap »), qu'il était raisonnable de considérer que l'acquisition d'une unité de AFS No. 11 en 1996 allait engendrer pour l'acquéreur, à la fin d'une année d'imposition se terminant dans les quatre année suivantes, des pertes déductibles égales ou supérieures au coût de l'unité à la fin de l'année, réduit de la valeur totale des avantages décrits au sous-paragraphe 11p.1;

 

j.1)     le Ministre a déterminé qu'il était raisonnable de considérer que l'acquisition d'une unit d'Alliance No. 11 en 1996 allait engendrer pour l'acquéreur, à la fin d'une année d'imposition se terminant dans les quatre années suivantes, des pertes déductibles égales ou supérieures au coût de l'unité à la fin de l'année, réduit de la valeur totale des avantages décrits au sous-paragraphe 11p.1;

 

j.2)     les prêts effectués par Berkshire à l'ensemble des Participants étaient des dettes à l'égard desquelles le recours était limité, compte tenu des ententes conclues notamment entre Alliance No. 11, Warner Bros, Berkshire, la Banque et Equicap;

 

j.3)     le total des prêts de Berkshire aux Participants était de 25 403 920 $;

 

...

Remboursement du prêt découlant du Studio Loan Agreement et remboursement des billets à ordre

 

aa.1)  une série de transactions prédéterminées ont eu lieu le 3 décembre 1996 et le 30 janvier 1998 afin de permettre le remboursement partiel par Alliance No. 11 du prêt découlant du Studio Loan Agreement, le versement par Warner Bros. des Defined Gross Payments, et la mise en place d'un mécanisme assurant des distributions de revenus aux Participants et leur permettant de payer les intérêts et rembourser le prêt à Berkshire à l'échéance;

 

gg.1)  aux termes du Interest Support Agreement No. 1, intervenu le 30 janvier 1998, Equicap a donné suite à son engagement pris au terme de la Notice d'offre à l'égard de AFS No. 11 et s'est engagé pour le bénéfice des Participants à débourser les fonds nécessaires afin que l'on acquitte les intérêts payables par eux aux termes des billets à ordre et ce jusqu'à échéance, soit le 30 janvier 2006;

...

 

Alliance  No. 11 en tant qu'abri fiscal

 

tt)                le Ministre a déterminé, compte tenu notamment des déclarations faites dans la Notice d'offre concernant AFS No. 11 ainsi que dans l'analyse préparée par Equicap, qu'il était raisonnable de considérer que l'acquisition d'une unité de Alliance No. 11 en 1996 allait engendrer pour l'acquéreur, à la fin d'une année d'imposition qui se termine dans les quatre années suivantes, des pertes déductibles égales ou supérieures au coût de l'unité à la fin de l'année, réduit de la valeur totale des avantages décrits au sous-paragraphe 11p.1;

 

 

Autres arrangements de société en commandite similaire à AFS No. 11.

 

uu)     Equicap a procédé au cours des années 1993 à 1998 à la promotion et à la mise en marché, par voie de notices d'offre, de plusieurs arrangements de société en commandite;

...

ww)        Les aspects importants de ces arrangements de société en commandite étaient identiques à AFS No. 11, notamment en ce qui concerne la structure, le mode de fonctionnement, les ententes intervenues, les parties impliquées, les actions posées, les objectifs poursuivis et les résultats financiers et fiscaux obtenus;

 

 

11.1        Des ententes ont été conclues afin de permettre à Alliance Film Holdings No. 11 Inc., une filiale de Alliance Communications Corporation d'assumer la dette de Alliance No. 11 envers Warner Bros., aux termes du Studio Loan Agreement, en contrepartie d'unités catégorie "B" d'Alliance No. 11. Au moment où cette option d'achat a été exercée par Alliance Film Holdings No. 11 Inc., les unités catégorie "B" de Alliance n'avaient aucune valeur marchande.

 

 

11.2        L'ensemble des ententes reliées à l'utilisation de la facilité de crédit de la Banque accordent à AFS No. 11 et aux Participants, le droit de recevoir des sommes permettant aux Participants de rembourser leur prêt à Berkshire ainsi que les intérêts sur celui-ci. Ces avantages ont été accordés en vue de supprimer ou réduire l'effet d'une perte que les Participants et AFS No. 11 pouvaient subir en tant qu'associé de leur société respective.

 

 



[1] Anchor Pointe Energy Ltd. c. La Reine, [2003] A.C.F. n1045 (C.A.F.), 2003 DTC 5512 (F.C.A.).

[2] "Odgers On High Court Pleadings and Practice", D.B. Casson, 23e édition, Londres, Sweet & Maxwell, 1991, aux pages 123 et 124.

[3] Papp Estate v. M.N.R., 63 DTC 1219 (C.S.C.).

[4] TransCanada Pipelines Ltd. c. La Reine, [2001] A.C.F. no 1581 (C.A.F.), 2001 DTC 5625 (F.C.A.).

[5] La Reine c. Hollinger Inc., [2000] 1 C.F. 227 (C.A.F.), 99 DTC 5500 (F.C.A.). Voir McMechan & Bourgard, Tax Court Practice, aux pages 4-102 à 4-111, pour divers exemples de cas où les tribunaux ont soit autorisé, soit refusé, la modification d'actes de procédure.

[6] VisX Inc. c. Nidek Co., [1998] A.C.F. no 1766 (C.A.F.), (1998) 234 N.R. 94 (F.C.A.).

[7] Andersen Consulting c. La Reine, [1998] 1 C.F. 605 (C.A.F.), [1998] 1 C.T.C. 322 (F.C.A.).

[8] [1992] A.C.I. no 787 (C.C.I.), 93 DTC 316 (T.C.C.).

[9] 95 DTC 391, [1995] T.C.J. No. 341 (C.C.I.), aux paragraphes 7 et 8; conf. par [1998] A.C.F. no 302 (C.A.F.), 98 DTC 6202 (F.C.A.).

[10] Voir Dolson (Aaron) v. The Queen, C.C.I., no 94-688(IT)G, le 12 avril 1996 (non publié).

[11] [2001] A.C.I. no 445 (C.C.I.) au paragraphe 10, 2001 DTC 691 (T.C.C.).

[12] Au paragraphe 21.

[13] Bien sûr, si elle doute que le ministre, en établissant les cotisations, ait tenu pour acquis les faits énoncés au paragraphe 11, l'appelante aura, dans le cadre des interrogatoires préalables, la possibilité d'obtenir des éléments de preuve indiquant de façon précise les faits sur lesquels le ministre s'est fondé aux fins de l'établissement des cotisations.

[14] [1997] A.C.F. no 382 (C.A.F.), 97 DTC 5194 (F.C.A.), à la page 5195, le juge Hugessen.

[15] Backman c. La Reine, [2001] 1 R.C.S. 367, au paragraphe 25, les juges Iacobucci et Bastarache. Voir aussi Grant c. La Reine, [2000] A.C.I. no 140, au paragraphe 15, 2000 DTC 1985 (T.C.C.), le juge Bowman, J.C.A.

[16] Voir, par exemple, Ford Motor Company of Canada c. M.R.N., [1997] A.C.F. no 505 (C.A.F.), [1997] 3 C.T.C. 80 (F.C.A.) et  W.S. Hawkes et al. c. La Reine, [1996] A.C.F. n1694 (C.A.F.), 97 DTC 5060 (F.C.A.).

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