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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2001-16(IT)G

ENTRE :

GREGORY EBBINGHAUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 juin 2003, à Windsor (Ontario).

Devant : L'honorable juge Terrence O'Connor

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Jade Boucher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1992 est rejeté.

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995 sont admis uniquement afin d'annuler les pénalités imposées pour les années d'imposition 1994 et 1995. Il demeure entendu que le montant de 42 217 $ pour l'année d'imposition 1994 et le montant de 65 555 $ pour l'année d'imposition 1995 doivent être ajoutés au revenu de l'appelant et que les dépenses refusées sont les suivantes : néant pour l'année d'imposition 1994, par suite de la concession de l'intimée d'admettre la somme de 300 $ précédemment refusée, et 132 276 $ pour l'année d'imposition 1995, par suite de la concession de l'intimée d'admettre une déduction de 2 421 $ de la dépense initialement refusée de 134 697 $.

          L'intimée a droit à ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2003.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'avril 2005.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence : 2003CCI483

Date : 20030709

Dossier : 2001-16(IT)G

ENTRE :

GREGORY EBBINGHAUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1]      Le présent appel a été entendu à Windsor (Ontario), le 11 juin 2003.

[2]      Les seuls témoignages offerts l'ont été par l'appelant et par Mary Burnett, chef d'équipe de vérification (la « vérificatrice » ) pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « Revenu Canada » ).

[3]      Les faits et les questions en litige sont présentés dans les extraits suivants de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

[...]

4.          Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déclaré des pertes d'entreprise nettes de 7 365 $ et 65 587 $ respectivement.

5.          [...]

6.          Par des avis de nouvelle cotisation datés du 13 juillet 1999 pour les années d'imposition 1994 et 1995, le ministre a inclus des revenus non déclarés et a refusé des dépenses d'entreprise comme suit :

Revenus non déclarés

Dépenses refusées

Pénalités

1994

42 217 $

300 $

8 168,77 $

1995

65 555 $

134 697 $

12 671 $

(L'intimée a réduit le montant des dépenses refusées à néant pour 1994 en admettant la somme de 300 $ précédemment refusée et elle a réduit le montant des dépenses refusées à 132 276 $ pour 1995 en admettant une somme de 2 421 $.)

[TRADUCTION]

7.          Le ministre a également imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi » ), relativement à l'omission de l'appelant de déclarer des revenus [...]

8.          Pour établir ces cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé notamment sur les hypothèses suivantes :

(a)         [...]

(b)         l'appelant exploite une entreprise individuelle, Lunar Lights Contracting;

(c)         dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant n'a pas inclus tous les revenus reçus au cours de ces années;

(d)         l'appelant a omis de déclarer des sommes de 42 217 $ et de 65 555 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement;

(e)         le ministre a calculé le montant des revenus non déclarés en fonction des ventes déclarées par l'appelant dans ses déclarations de taxe sur les produits et services;

(f)          les dépenses refusées par le ministre sont détaillées à l'annexe 1 de la réponse et n'ont pas été justifiées par l'appelant;

(g)         l'appelant a omis de fournir des livres et des registres pour justifier le montant des revenus gagnés et le montant des dépenses déclarées pour 1994 et 1995;

(h)         les dépenses mentionnées à l'annexe 1 n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien; elles étaient des dépenses personnelles ou de subsistance de l'appelant;

(i)          l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans des déclarations, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, en omettant de déclarer un revenu de 42 217 $ et de 65 555 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement;

(j)          il n'y a pas eu de perte autre qu'en capital pendant l'année d'imposition 1995 et, par conséquent, l'appelant ne pouvait déduire une perte autre qu'en capital dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1992.

B.         POINTS EN LITIGE

9.          L'appelant a-t-il omis de déclarer un revenu de 42 217 $ et de 65 555 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement?

10.        L'appelant est-il en droit de déduire, au titre de dépenses d'entreprise [...] pour les années d'imposition 1994 et 1995 respectivement, [un montant excédant les montants admis par l'intimée]?

11.        L'appelant a-t-il subi des pertes autres qu'en capital pendant l'année d'imposition 1995 qui peuvent être déduites lors du calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1992?

12.        Le ministre a-t-il imposé à juste titre des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années d'imposition 1994 et 1995?

L'annexe 1 de la réponse se lit comme suit :

[TRADUCTION]

ANNEXE 1

1994

Frais d'entretien et de réparation

300 $

300 $

1995

Dépenses d'achats

78 258 $

Frais directs de main-d'oeuvre

19 569

Autres frais

14 089

Honoraires professionnels

1 670

Frais de publicité

1 635

Frais d'automobile

1 682

Frais d'assurance

4 266

Taxes, cotisations

8 571

Frais de carburant (excluant les dépenses pour véhicule automobile)

3 443

Frais de repas et de divertissement

340

Frais de location d'équipement

1 174

134 694 $

Il convient de signaler que le total des dépenses refusées qui figure à l'annexe 1 est de 134 694 $ pour 1995 alors que le montant exact est de 134 697 $.

[4]      Sans passer en revue tous les éléments de preuve écrits et oraux, je suis convaincu que les chiffres présentés par la vérificatrice sont exacts. Son témoignage était clair et concis et, à mon avis, il ne fait aucun doute que ses chiffres relatifs au revenu non déclaré et aux dépenses refusées (compte tenu de la révision susmentionnée) sont exacts. Comme je l'a expliqué, en l'absence de registres et de comptes convenables, et compte tenu du fait que les registres bancaires étaient inadéquats ou incomplets, la vérificatrice s'est fondée sur le montant brut des ventes figurant dans les déclarations de TPS produites par l'appelant afin de calculer le montant du revenu non déclaré pour 1994 et 1995. Pour ce qui est des dépenses refusées, telles que présentées à l'annexe 1 de la réponse reproduite ci-dessus, la vérificatrice a expliqué que, malgré les nombreuses demandes faites à l'appelant, celui-ci n'avait pas fourni les reçus, livres et registres pertinents détaillant et justifiant les dépenses, et que les dépenses qui ont été justifiées ont été admises. Les calculs de la vérificatrice relativement au revenu non déclaré pour 1994 et 1995 sont présentés à la pièce A-3. Les calculs relatifs aux dépenses refusées sont présentés à la pièce R-1.

[5]      L'idée centrale de la preuve offerte par l'appelant était que les ventes pour 1995 indiquées dans les écritures bancaires relatives aux dépôts étaient inexactes en raison de ce que l'appelant appelle des chèques falsifiés. Ces chèques falsifiés totalisent 137 869 $ et l'appelant a fourni des détails sur le montant de chacun de ces chèques et sur les personnes ayant participé à la fraude.

[6]      L'appelant a renvoyé à la pièce A-1, laquelle contient un jugement rendu le 7 juillet 1999 par la Cour supérieure de justice de l'Ontario lors d'une action en dommages-intérêts intentée par l'appelant et d'autres demandeurs à l'encontre de deux sociétés et de deux particuliers à titre de défendeurs alléguant des dommages résultant d'un détournement de fonds et de la perte d'activités commerciales futures. Ce jugement, qualifié de « jugement manuscrit » , indique que les demandeurs et les défendeurs avaient fusionné leurs entreprises d'électricité respectives, dont les activités devaient être poursuivies par une nouvelle société constituée le 15 mars 1995. Les entreprises fusionnées ont été exploitées dans les mêmes locaux, et il a été convenu que les bénéfices seraient divisés également par les deux entités fusionnées. Toutefois, le 13 août 1995, les défendeurs ont empêché les demandeurs d'accéder aux locaux communs et certains défendeurs ont détourné des fonds de l'entreprise pour eux-mêmes. Le jugement a donné raison aux demandeurs et a condamné les défendeurs à leur verser en dommages-intérêts la somme d'un million de dollars pour la perte d'activités commerciales futures et la somme de 280 000 $ pour les fonds détournés. Les principaux défendeurs et auteurs de la fraude étaient les deux particuliers défendeurs. Ils ont déclaré faillite et les dommages-intérêts imposés n'ont jamais été recouvrés.

L'appelant a fourni la preuve des chèques tirés sur le compte bancaire de l'entreprise à l'ordre principalement des deux particuliers qui étaient les défendeurs dans cette action. Comme il a été signalé plus tôt, le montant total des chèques falsifiés s'élevait à 137 869 $. Ce montant est exact, malgré le fait qu'un montant de 280 000 $ est mentionné dans le jugement.

[7]      L'appelant allègue que les « chèques falsifiés » sont à l'origine du fait que les chiffres des ventes sont inexacts. En d'autres mots, si l'on déduit le montant total des chèques falsifiés du montant total des ventes et des dépôts figurant dans les registres bancaires, le total des ventes, et de ce fait le revenu non déclaré, serait réduit.

[8]      L'avocate de l'intimée fait cependant remarquer que les registres bancaires indiquent des dépôts d'un montant total de 368 977 $ pour les ventes de 1995 et que si l'on déduit de ce montant le montant total des chèques falsifiés, soit 137 869 $, on obtient des ventes nettes de 231 108 $, ce qui est supérieur au montant de 204 297 $ fixé par la vérificatrice d'après les déclarations de TPS (voir la pièce A-3). Par conséquent, même si l'on reconnaît l'existence des chèques falsifiés, l'appelant n'a pas subi de préjudice étant donné que le montant du revenu non déclaré, qui a été établi en fonction des déclarations de TPS, est inférieur au montant des dépôts bancaires moins celui des chèques falsifiés.

[9]      Tout ce qui précède se rapporte à l'année 1995. Pour 1994, aucune explication n'a été fournie par l'appelant afin de démontrer que les chiffres utilisés par la vérificatrice étaient erronés.

[10]     L'appelant était crédible, mais il ressort clairement qu'il n'a pas fait preuve de diligence pour tenir les livres et les registres appropriés et qu'il s'est montré négligent dans la production de ses déclarations de revenus. En outre, malgré plusieurs demandes faites par la vérificatrice, les livres, les registres, les factures et les reçus étaient inadéquats ou n'ont pas été présentés.

[11]     Dans un régime d'autocotisation, le contribuable a le fardeau d'établir le montant des revenus et des dépenses et, en l'espèce, il ne s'en est pas acquitté. Il est reconnu qu'on peut présenter un témoignage oral relatif à des dépenses, mais ce témoignage doit néanmoins être clair et non équivoque. Comme il a été énoncé dans l'affaire Abramson c. M.R.N., C.C.I., no 89-287(IT), 25 septembre 1992, [1992] A.C.I. no 786 :

Il incombe au contribuable de prouver que les cotisations d'impôt auxquelles il s'oppose sont inexactes. En application de la Loi, les contribuables doivent conserver des registres comptables appropriés à l'appui du calcul de l'impôt qu'ils sont tenus de payer. [...]

L'appelant s'est présenté devant la Cour avec les pièces [...] mais avec peu d'autres documents. Il n'a présenté aucun dossier, aucun relevé bancaire, aucun talon de chèque, aucune pièce justificative, aucun reçu, aucune preuve de décaissement, aucun grand livre, aucun registre de compagnie, aucune documentation sur les prêts aux actionnaires ni aucun autre document qui aurait pu appuyer ses dires.

[...]

Dans sa plaidoirie, l'avocat a fait valoir que, si des documents ne peuvent être fournis, la Cour canadienne de l'impôt doit entendre des témoignages faits de vive voix. Je suis entièrement d'accord. Toutefois, la preuve doit, selon la prépondérance des probabilités, être digne de crédibilité, claire et convaincante afin de montrer l'inexactitude de la cotisation. En l'espèce, la Cour conclut qu'il peut y avoir eu des dépenses, mais, sans éléments de preuve plus convaincants, elle ne dispose d'aucun moyen de déterminer quelles ont été ces dépenses, à quel moment elles ont été effectuées ni comment elles sont liées aux questions dont elle est saisie.

[12]     La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Njenga c. Canada, C.A.F., no A-614-95, 26 septembre 1996, 96 D.T.C. 6593, [1996] A.C.F. no 1218, est essentiellement semblable à ladite décision de la Cour canadienne de l'impôt.

[13]     En conclusion, je n'ai pas été convaincu qu'il y avait des erreurs dans les chiffres calculés par la vérificatrice, lesquels, pour ce qui est des ventes, se fondaient sur les déclarations de TPS. J'estime en outre que la vérificatrice avait raison de ne pas admettre les dépenses refusées étant donné qu'aucun livre, registre, reçu ou facture pertinents ni aucune preuve écrite n'ont été présentés, et que les témoignages oraux relatifs à ces dépenses n'étaient pas convaincants.

[14]     Pour ce qui est des pénalités, malgré le fait que l'appelant ne se soit pas montré très minutieux dans la vérification de ses déclarations de revenus, je suis d'avis qu'aucune preuve satisfaisante n'a été fournie selon laquelle l'appelant a « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans des déclarations, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, en omettant de déclarer un revenu [...] » . Il se peut que l'appelant ait été négligent, mais je ne crois pas en l'espèce qu'il s'agisse d'un motif suffisant pour imposer des pénalités. L'intimée avait le fardeau de la preuve sur ce point et elle ne s'en est pas acquittée. Par conséquent, aucune pénalité ne sera imposée pour les années 1994 et 1995.

[15]     Par ailleurs, aucune perte autre qu'en capital ne peut être reportée rétrospectivement de l'année 1995 à l'année 1992; vu les révisions découlant du revenu non déclaré et des dépenses refusées pour 1995, il n'existe aucune perte qui puisse être reportée.

[16]     Ainsi, l'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1992 est rejeté. Pour les années 1994 et 1995, les appels sont admis, mais uniquement afin d'annuler les pénalités imposées pour les années d'imposition 1994 et 1995. Il demeure entendu que le montant de 42 217 $ pour l'année d'imposition 1994 et le montant de 65 555 $ pour l'année d'imposition 1995 doivent être ajoutés au revenu de l'appelant et que les dépenses refusées sont les suivantes : néant pour l'année d'imposition 1994, par suite de la concession de l'intimée d'admettre la somme de 300 $ précédemment refusée, et 132 276 $ pour l'année d'imposition 1995, par suite de la concession de l'intimée d'admettre une déduction de 2 421 $ de la dépense initialement refusée de 134 697 $.

[12]     L'intimée a droit à ses dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2003.

« T. O'Connor »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d'avril 2005.

Yves Bellefeuille, réviseur

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