Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Dossier : 2003-1795(IT)I

ENTRE :

WARREN COUGHLIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

 

Appel entendu le 1er juin 2004 à Brandon (Manitoba)

 

Devant : L’honorable R.D. Bell

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Robert Johnston, c.r.

 

Avocate de l’intimée :

Penny Piper

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel formé à l’égard de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’août 2004.

 

 

"R.D. Bell"

Juge Bell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30jour de mars 2005.

 

Lucie Roberge, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2004TCC524

Date : 20040713

Dossier : 2003-1795(IT)I

ENTRE :

WARREN COUGHLIN,

appelant,

Et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bell

 

QUESTION EN LITIGE

 

[1]     Il s’agit de déterminer, en ce qui concerne l’année d’imposition 2001 de l’appelant, si une ordonnance d’homologation de la Cour du Banc de la Reine (Division de la famille), Centre de  Brandon, en mai 2000, a pour effet de créer une « date d’exécution » au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« la Loi »), déterminant ainsi que conformément à l’alinéa 60b) de la Loi, l’appelant n’aurait pas le droit de déduire des paiements mensuels de 225 $, soit un total de 2 700 $ l’année en question.

 

FAITS

 

[2]     Les parties ont admis les faits énoncés dans les observations écrites de l’appelant. En voici le texte intégral :

                   [traduction]

1.         Des parents mariés ont signé (avant l’entrée en vigueur des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants) un accord de séparation réglant tous les diférends entre eux concernant les responsabilités parentales, la pension alimentaire et les biens.

 

2.         Trois ans plus tard, toujours avant l’entrée en vigueur des Lignes directrices, un juge du Manitoba a prononcé un jugement de divorce conformément à la Loi sur le divorce, mais aucune ordonnance de mesures accessoires ou ordonnance définitive n’a été demandée ni obtenue.

 

3.         Le parent payeur « a versé la pension de façon irréprochable pendant plusieurs années » conformément au contrat qui avait été enregistré auprès du Programme d’exécution des ordonnances alimentaires du Manitoba pour le bénéfice et la protection des deux parents.

 

4.         Le parent bénéficiaire a déménagé en Colombie-Britannique, a par la suite satisfait aux conditions lui donnant droit de recevoir les prestations d’aide sociale dans cette province.

 

5.         Quelque huit années plus tard, soit après l’entrée en vigueur des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants (le 1er mai 1997), le ministre, en vertu de la B.C. Benefits (Income Assistance) Act, en tant que cessionnaire légal de la créance alimentaire pour enfant « actuellement » versée par le parent payeur conformément au contrat ou aux droits accordés par la Loi sur le divorce, a obtenu d’un juge d’une cour provinciale en Colombie-Britannique une ordonnance modificative provisoire ex parte ordonnant le versement d’une pension alimentaire du montant prévu par les Lignes directrices.

 

6.         Lorsque le ministre responsable de la sécurité du revenu en Colombie-Britannique a demandé au ministère de la Justice du  Manitoba de faire confirmer l’ordonnance « provisoire » au Manitoba, un règlement négocié a été conclu.

 

[3]     Les « parents mariés » dont il est question dans les observations écrites de l’appelant étaient l’appelant et Donna Marie Coughlin (« Donna »). L’accord de séparation qui, selon la date indiquée, a été conclu le 9 décembre 1988, prévoyait à l’égard de leurs enfants, notamment :

 

SHANNON MARIE COUGHLIN, née le 25 mai 1973;

STEVEN JAMES COUGHLIN, né le 27 août 1975;

SHARON LYNN COUGHLIN, née le 16 février 1985;

 

que l’appelant verserait à Donna pour subvenir aux besoins des enfants un montant de 225 $ par mois par enfant le premier jour de chaque mois à compter du 1er novembre 1988 jusqu’à ce que l’une des situations suivantes se réalise :

 

a)         l’enfant cesse de fréquenter à plein temps une école, un collège ou une université, à moins qu’il ne demeure une personne à charge en raison d’une incapacité physique ou mentale;

 

b)         l’enfant cesse de résider avec l’épouse, sauf s’il fréquente une école, un collège ou une université à plein temps ou s’il demeure une personne à charge en raison d’une incapacité physique ou mentale;

 

c)         l’enfant atteint l’âge de 18 ans, sauf s’il demeure une personne à charge en raison d’une incapacité physique ou mentale;

 

d)         l’enfant se marie;

 

e)         l’enfant décède.

 

[4]     Voici les passages pertinents de l’ordonnance d’homologation susmentionnée :

                  

[traduction]

Attendu que l’affaire a été entendue au palais de justice situé au 1104, avenue Princess, Brandon (Manitoba) R7A 0L9, à la demande du ministre en vertu de la  B.C. Benefits (Income Assistance) Act au nom de Donna Marie Coughlin;

 

Attendu qu’il s’agit d’une demande de confirmation de l’ordonnance modificative provisoire rendue le 16 mai 2000 par le juge Gill de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, qui modifie provisoirement un accord de séparation daté du 9 décembre 1988;

 

Et attendu que Warren Merle Coughlin et Donna Marie Coughlin, représentée pas son cessionnaire légal, n’ont aucune objection au contenu de tous les paragraphes de ladite ordonnance;

 

LA COUR ORDONNE en application de la Loi sur la réciprocité d’exécution des ordonnances alimentaires, que :

 

1.         L’ordonnance provisoire du juge G.S. Gill, de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, rendue le 16 mai 2000, soit confirmée avec modification et, par conséquent, affirme ce qui suit :

 

a)         La pension alimentaire pour enfant versée conformément à l’accord de séparation daté du 9 décembre 1988 n’est pas modifiée;

 

b)         Le revenu annuel de Warren Merle Coughlin est de 52 852 $;

 

c)         Warren Merle Coughlin verse à Donna Marie Coughlin pour Sharon Lynn Coughlin, née le 16 février 1985, une pension alimentaire d’un montant de 200 $ par mois le premier de chaque mois à compter du 1er janvier  2001 tant que Sharon Lynn Coughlin constitue un « enfant » au sens de la Family Relations Act de Colombie-Britannique;

 

d)         Les dispositions spéciales de l’accord de séparation daté du 9 décembre 1988 et prévoyant une pension alimentaire de 225 $ par mois profitent directement à l’enfant et ne sont pas modifiées par la présente ordonnance. Par conséquent, l’application des lignes directrices pertinentes aurait pour résultat un montant de pension alimentaire inéquitable compte tenu de ces dispositions spéciales;

 

e)         Le montant de la pension alimentaire pour enfant prévu dans l’ordonnance est différent du montant qui serait établi conformément aux lignes directrices applicables et les motifs à l’appui ont été ici consignés ci-dessus;

 

f)          Le montant payable mentionné à l’alinéa 1c) de la présente ordonnance passe à 425 $ par mois et le versement du montant de la pension alimentaire prévue dans l’accord de séparation prend fin une fois que Warren Merle Coughlin et les responsables du Programme d’exécution des ordonnances alimentaires ont été avisés que Donna Marie Coughlin a mis fin à la cession qu’elle avait consentie au ministre de ses droits à une pension alimentaire en vertu de la British Columbia Benefits Act;

 

g)         Les versements périodiques de la pension alimentaire prévus dans l’ordonnance sont faits en espèces, par chèques ou par mandat de poste payables à Donna Marie Coughlin et doivent être envoyés à l’agent désigné, Programme d’exécution des ordonnances alimentaires, 1104, avenue Princess, Brandon (Manitoba) R7A 6C2 conformément à la partie V de la Loi sur l’obligation alimentaire.

 

ARGUMENTS DE L’APPELANT

 

[5]     Voici une partie des observations écrites soumises par l’avocat de l’appelant :

          [traduction]

Questions à régler

 

1.         L’ordonnance « complémentaire » de pensions alimentaires pour enfants rendue par un tribunal élimine-t-elle la déductibilité des versements périodiques de pensions alimentaires pour enfants prévus par contrat et déterminés par les parents avant la mise en oeuvre des « Lignes directrices »?

 

2.         La Loi de l’impôt sur le revenu fédérale devrait-elle avoir préséance sur les objectifs des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants?

 

Position du contribuable/de l’appelant

 

1.         Les dispositions du paragraphe 60(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu sont ambiguës et, par conséquent, lorsqu’elle les interprète, la Cour a le droit d’examiner l’objet de la loi.

 

Larsson, 9 juillet 1996, juge O'Connor de la C.C.I.

 

2.         Les objectifs déclarés des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants ne sont pas (respectueusement) de générer des recettes fiscales (une « ponction fiscale » du gouvernement) mais d’établir des normes équitables, de réduire les conflits et les tensions entre époux au moyen d’un calcul objectif, de favoriser le règlement des affaires grâce à la constance des règles, et d’assurer un traitement uniforme des époux.

 

Objectifs des L.D.F.P.A.E. par.1

 

3.         L’ordonnance du juge de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique était seulement « provisoire » et elle ne pouvait donc pas influer sur la « date d’exécution » des versements.

 

4.         L’ordonnance du juge de la Haute Cour du Manitoba a confirmé la « date d’exécution » et toutes les autres conditions de l’accord de séparation.

 

5.         La pension alimentaire payée en vertu d’un accord conclu avant le 1er mai 1997 continue à être visée par le régime d’inclusion/déduction aux fins de l’impôt sur le revenu, à moins que l’accord n’ait été modifié à compter du 1er mai 1997 ou après cette date de manière à augmenter ou à diminuer la pension alimentaire.

 

6.         En toute déférence, la présente affaire se distingue de la décision ci-jointe sur les fondements suivants :

 

a)         il s’agit d’un accord non modifié antérieur aux Lignes directrices;

 

b)         il s’agit d’une ordonnance complémentaire ou isolée qui ne modifie pas radicalement ou ne remplace pas l’accord, mais modifie (certes) le montant total payable (non déterminante).

 

[6]     L’avocat de l’appelant a essentiellement soutenu que l’accord n’a pas été modifié pour changer les montants de la pension alimentaire pour enfant et que l’ordonnance n’a pas « modifié la date d’exécution ». Il a fait valoir que l’ordonnance d’homologation a confirmé l’ordonnance provisoire de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, établi spécifiquement que la pension alimentaire pour enfant versée conformément à l’accord de séparation daté du 9 décembre 1998 n’était pas modifiée et que le montant de 2 700 $ (soit 225 $ par mois pour  2001) a été payé conformément audit accord de séparation et n’a pas été modifié au sens du sous-alinéa 56.1(4)b)(ii), soit de la définition de l’expression « date d’exécution ». L’avocat se fonde sur le fait que l’accord n’a pas été modifié après avril 1997 pour changer le montant de la pension alimentaire pour enfants payable à la bénéficiaire.

 

[7]     L’avocat de l’appelant a cherché à étayer cet argument en ajoutant qu’il fallait majorer de 200 $ le versement mensuel parce que les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants n’existaient pas en 1988.

 

 

 

 

ANALYSE ET CONCLUSION

 

[8]     Même si je comprends l’argument de l’appelant concernant l’application conjuguée des lignes directrices fédérales et des nouvelles dispositions législatives sur l’impôt, je conclus qu’il ne peut pas avoir gain de cause. Voici la définition de l’expression « date d’exécution » :

 

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance:

 

a)         si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997,  la date de son établissement;

 

b)         si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997:

 

(i)         le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrites,

 

(ii)        si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

 

(iii)       si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997, et a pour effet de changer le total des montants de la pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

 

(iv)       le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

 

Le sous-alinéa (iii) ne peut pas être interprété de manière à aider l’appelant. En d’autres termes, la première partie de la définition de l’expression « date d’exécution » traite d’« un accord ou ordonnance ». Le sous-alinéa (iii) traite d’« un accord ou une ordonnance subséquent […]établi après avril 1997 ». On pourrait soutenir que l’expression « un accord ou une ordonnance subséquent » devrait nécessairement être un accord subséquent par rapport à un accord précédent ou une ordonnance subséquente par rapport à une ordonnance précédente et ne comprendrait pas une ordonnance subséquente par rapport à un accord antérieur. Une telle interprétation aiderait l’appelant. De toute évidence, cette disposition législative est mal rédigée et entraîne donc des difficultés d’interprétation. Cependant, l’esprit de la loi, peu importe qu’il soit acceptable du point de vue philosophique, semble être que toute modification d’une entente, qu’elle soit apportée d’un commun accord ou imposée par une ordonnance du tribunal, entraîne la création d’une date d’exécution.

 

[9]     Même si l’ordonnance d’homologation précise que la pension alimentaire versée conformément à l’accord de séparation n’est pas modifiée, la situation de l’appelant tombe sous le coup du sous-alinéa (iii) parce que l’ordonnance d’homologation rendue après avril 1997 a pour effet de :

 

changer le total des montants de la pension alimentaire pour enfants qui sont payables à

 

Donna par l’appelant. Le total des montants payables avant cette ordonnance était de 225 $ par mois. Le total des montants après cette ordonnance est passé à 425 $ par mois, bien qu’une partie de cette somme, soit 225 $, soit payable en vertu de l’accord de séparation.

 

[10]    En conséquence, malheureusement, l’appel est rejeté.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’août 2004.

 

 

"R.D. Bell"

Juge Bell

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mars 2005

 

Lucie Roberge, traductrice


RÉFÉRENCE :

2004TCC524

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1795(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Warren Coughlin c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Brandon (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er juin 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable R.D. Bell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Robert Johnston, c.r.

 

Avocate de l’intimée :

Penny Piper

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

Robert Johnston, c.r.

 

Cabinet :

Roy, Johnston & Co.

Brandon (Manitoba)

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.