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Dossier : 2002-1130(EI)

ENTRE :

BHAJAN SINGH UPPAL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune

avec les appels 2002-1374(EI) et 2002-1375(EI)

les 20 et 21 mars 2003 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Par : L'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Avtar Dhinsa

Avocate de l'intimé :

Me Johanna Russell

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l'appel interjeté devant lui en vertu de l'article 91 de la Loi est annulée au motif que l'appelant occupait un emploi assurable auprès de Randhawa Farm Contractors Ltd. aux termes de l'alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période allant du 7 avril 1997 au 23 août de la même année.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2004.

« M. A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice


Dossier : 2002-1374(EI)

ENTRE :

BHAJAN SINGH UPPAL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune

avec les appels 2002-1130(EI) et 2002-1375(EI)

les 20 et 21 mars 2003 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Par : L'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Avtar Dhinsa

Avocat de l'intimé :

Me Johanna Russell

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi pour les périodes du 15 avril au 31 août 1996 et du 24 juin au 8 octobre 1999 est rejeté. La décision du ministre du Revenu national au sujet de l'appel interjeté devant lui en vertu de l'article 91 de cette Loi est ratifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2004.

« M. A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice


Dossier : 2002-1375(EI)

ENTRE :

BHAJAN SINGH UPPAL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune

avec les appels 2002-1130(EI) et 2002-1374(EI)

les 20 et 21 mars 2003 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Par : L'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Avtar Dhinsa

Avocate de l'intimé :

Me Johanna Russell

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi pour la période du 29 juin au 24 octobre 1998 est rejeté. La décision du ministre du Revenu national au sujet de l'appel interjeté devant lui en vertu de l'article 91 de cette Loi est ratifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2004.

« M. A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice


Référence : 2004CCI255

Date : 20040331

Dossiers : 2002-1130(EI)

2002-1374(EI)

2002-1375(EI)

ENTRE :

BHAJAN SINGH UPPAL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      L'appelant a interjeté devant la Cour trois appels distincts identifiés par les numéros de dossier de la Cour suivants : 2002-1130, 2002-1374 et 2002-1375. Les trois appels ont été entendus ensemble sur preuve commune. Les questions en appel sont de savoir si l'appelant occupait un emploi assurable au cours des quatre périodes suivantes :

1996             du 15 avril au 31 août

1997             du 7 avril au 23 août

1998             du 29 juin au 24 octobre

1999             du 24 juin au 8 octobre

[2]      Le ministre du Revenu national a conclu que, dans le cadre de chacune de ces périodes, l'emploi de l'appelant n'était pas assurable par l'assurance-emploi parce que (i) l'appelant avait un lien de dépendance avec son employeur et que (ii) le ministre n'est pas convaincu que l'appelant et ses employeurs respectifs auraient conclu des contrats de travail à peu près semblables s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. L'appelant admet que, dans de cadre de chacune des périodes concernées, lui-même et son employeur respectif avaient un lien de dépendance. La seule question, dans le cadre de chaque période, est donc de savoir si l'appelant et l'employeur correspondant auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu de lien de dépendance entre eux. Les présents appels découlent des dispositions suivantes de la Loi sur l'assurance-emploi :

5(1)       Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)          l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne [...]

b)          [...]

5(2)       N'est pas un emploi assurable :

            a)          [...]

i)           l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3)       Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a)          la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)          l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[3]      L'alinéa 5(3)b) et son prédécesseur dans la Loi sur l'assurance-chômage, le sous-alinéa 3(2)c)(ii), ont fait l'objet d'un contentieux considérable. Dans son arrêt Tignish Auto Parts Inc. c. M.R.N., [1994] A.C.F. no 1130, la Cour d'appel fédérale a énoncé le principe selon lequel l'alinéa 5(3)b) concède au ministre un pouvoir discrétionnaire en la matière. Ce principe a été expliqué ainsi par le juge en chef Isaac dans Jencan Ltd. c. Procureur général du Canada, [1997] A.C.F. no 876 :

31         L'arrêt que notre Cour a prononcé dans l'affaire Tignish, précitée, exige que, lorsqu'elle est saisie d'un appel interjeté d'une décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), la Cour de l'impôt procède à une analyse à deux étapes. À la première étape, la Cour de l'impôt doit limiter son analyse au contrôle de la légalité de la décision du ministre. Ce n'est que lorsqu'elle conclut que l'un des motifs d'intervention est établi que la Cour de l'impôt peut examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Comme nous l'expliquerons plus en détail plus loin, c'est en limitant son analyse préliminaire que la Cour de l'impôt fait preuve de retenue judiciaire envers le ministre lorsqu'elle examine en appel les décisions discrétionnaires que celui-ci rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) [...]

33         ... La compétence que possède la Cour de l'impôt de contrôler la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) est circonscrite parce que le législateur fédéral, par le libellé de cette disposition, voulait de toute évidence conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire de rendre de telles décisions. Les mots « si le ministre du Revenu national est convaincu » que l'on trouve au sous-alinéa 3(2)c)(ii) confèrent au ministre la compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire administratif de rendre le type de décision visé par ce sous-alinéa. Comme il s'agit d'une décision rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, par opposition à une décision quasi-judiciaire, il s'ensuit que la Cour de l'impôt doit faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la décision du ministre lorsque celui-ci exerce ce pouvoir [...]

37         Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) - en examinant le bien-fondé de cette dernière -lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.

[4]      Mon interprétation du droit est que la première étape du contrôle judiciaire consiste à juger la légalité de la décision du ministre. En d'autres mots, le ministre (i) a-t-il agi de mauvaise foi ou dans un but illicite; (ii) le ministre a-t-il tenu compte de toutes les circonstances pertinentes? ou (iii) le ministre a-t-il tenu compte d'un facteur non pertinent? Si je conclus que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire dans les limites de la légalité, sa décision doit être maintenue. Mais si je conclus que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en violation de la loi, alors je peux entreprendre la deuxième étape du contrôle et examiner le bien-fondé de la décision du ministre. En théorie, l'approche à deux étapes établie pour réviser les appels interjetés en vertu de l'alinéa 5(3)b) est sans doute la bonne. Cependant, dans la pratique, lorsqu'un juge entame la première étape de la révision, il doit revoir toute la preuve et, ce faisant, il procède consciemment ou inconsciemment à la deuxième étape, c'est-à-dire à peser le bien-fondé de la décision du ministre.

[5]      Je vais d'abord examiner si le ministre a exercé légalement son pouvoir discrétionnaire. L'appelant n'a pas allégué que le ministre a fait preuve de mauvaise foi ou qu'il a agi dans un but illicite. Par conséquent, je ne vais examiner que les questions de savoir si le ministre a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes ou s'il a tenu compte d'un facteur non pertinent. Bien que l'appelant admette avoir eu un lien de dépendance avec son employeur pendant les périodes pertinentes, il est nécessaire d'établir les détails de chacun de ces liens de dépendance.

[6]      L'appelant et son épouse, Jagrajbir Uppal, ont été domiciliés au 387 Defehr Road à Abbotsford, en Colombie-Britannique, pendant toutes les périodes pertinentes, à compter du début des années 90. La propriété située au 387 Defehr Road consistait en cinq acres de terre où l'appelant et son épouse cultivaient des bleuets pour ensuite les vendre. Ils avaient deux fils : Pavenvir, né en 1980, et Gurminder, né en 1983. En 1995, l'épouse de l'appelant et la soeur de son épouse, Mme Bhalvinder Thandi, ont acheté une ferme de 20 acres près de Mission, en Colombie-Britannique. Abbotsford et Mission sont des municipalités voisines, situées à environ 20 km de distance, dans la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique. L'épouse de l'appelant et Mme Thandi exploitaient leur nouvelle ferme sous la dénomination de « B & J Farms » . Il ne s'agissait pas d'une société par actions. L'appelant a été employé par B & J Farms pendant les deux périodes suivantes dans le cadre des présents appels :

1996             du 15 avril au 31 août      -         139 jours      (20 semaines)

1999             du 24 juin au 8 octobre     -         107 jours      (15 semaines)

[7]      Kanwarbir Randhawa est le beau-frère de l'appelant, c'est-à-dire le frère de l'épouse de l'appelant et de Mme Thandi. M. Randhawa exploitait une ferme et une entreprise offrant des services d'affermage de la main-d'oeuvre agricole à de nombreuses fermes de la vallée du bas Fraser. Cette dernière entreprise était exploitée par Randhawa Farm Contractors Ltd., une compagnie appartenant à M. Randhawa. En 1997, l'appelant a été employé par Randhawa Farm Contractors Ltd. et en 1998 il a été employé par Randhawa Farms, qui était la ferme de M. Randhawa au 221 Defehr Road à Abbotsford. Les périodes de travail pertinentes sont :

1997             du 7 avril au 23 août        -         139 jours      (20 semaines)

1998             du 29 juin au 24 octobre -         118 jours      (17 semaines)

L'emploi pendant les années 1996 et 1999

[8]      En tenant compte des faits résumés dans les paragraphes 6 et 7 qui précèdent, le ministre a pris ses décisions en vertu de l'alinéa 5(3)b) ou de son prédécesseur, et a nié le caractère assurable de l'emploi de l'appelant. Je propose d'examiner d'abord l'emploi de l'appelant par B & J Farms en 1996 et 1999, parce que ces deux périodes comprennent la première année faisant l'objet du présent appel. L'appel interjeté par l'appelant au sujet des années 1996 et 1999 porte le numéro de dossier 2002-1374. La Réponse de l'intimé dans le dossier de la Cour no 2002-1374 énonce les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre se fonde. Ces faits sont décrits ainsi au paragraphe 3 de la Réponse :

a)                   B & J Farms exploite des serres situées dans la zone des Matsqui Flats de la vallée du bas Fraser;

b)                   les serres occupent environ 2 acres et demie sur une parcelle d'environ 20 acres;

c)                   B & J Farms est une société de personnes entre l'épouse de l'appelant, Jagrajbir Uppal et la belle-soeur de l'appelant, Bhalvinder Thandi;

d)                   dans les serres, sont cultivés surtout des poivrons;

e)                   les tâches de l'appelant au cours des périodes consistaient a : redresser les canalisations d'eau, serrer les crampons, vérifier l'état de santé des plantes, fertiliser, sortir les poivrons cueillis, superviser, accomplir d'autres tâches de nature générale;

f)                     l'appelant comptabilisait ses heures de travail et donnait ses relevés à B & J Farms à la fin de chaque semaine;

g)                   B & J Farms était propriétaire de tous les outils et de tout l'équipement nécessaires pour que l'appelant s'acquitte de ses fonctions;

h)                   avant l'embauche de l'appelant et après son licenciement, les tâches qu'il accomplissait étaient effectuées par des membres de la famille;

i)                     l'appelant travaillait entre 9 et 11 heures par jour;

j)                     B & J Farms avait établi son salaire à un montant de 7 $ de l'heure, mais il a été augmenté par la suite à 9 $ de l'heure;

k)                   la plupart des travailleurs qui n'avaient pas de lien de parenté recevaient le salaire minimum au cours des périodes pertinentes;

l)                     l'appelant n'a pas été payé par B & J Farms sur une base régulière ni périodique;

m)                 B & J Farms a émis au nom de l'appelant un chèque daté du 11 août 1998 au montant de 4 000 $, et ce chèque a été encaissé le 4 octobre 1999;

n)                   les travailleurs sans lien de parenté étaient payés régulièrement par B & J Farms;

o)                   l'appelant a accompli du travail pour B & J Farms avant et après les périodes pertinentes, mais il n'a pas été payé pour ce travail et ne figurait pas sur le registre de paye de B & J Farms relativement à ce travail;

p)          l'appelant et son épouse, Jagrajbir Uppal, exploitaient leur propre ferme pendant les années d'imposition 1996, 1997, 1998, 1999 et 2000;

q)          il existe, entre l'appelant et B & J Farms, un lien aux termes du paragraphe 251(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi de l'IR » );

r)           pendant la période en question, il existait entre l'appelant et B & J Farms un lien de dépendance aux termes de l'article 251 de la Loi de l'IR;

s)          en tenant compte de toutes les circonstances de l'emploi, y compris la rémunération versée, les conditions d'emploi, la durée, la nature et l'importance du travail accompli, l'appelant et B & J Farms n'auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[9]      L'appelant a été employé par B & J Farms en 1995, mais cette période ne fait pas l'objet des présents appels. L'appelant n'a participé ni aux gains ni aux pertes d'entreprise de B & J Farms. Il n'a pas participé non plus à la tenue des livres ni à l'administration. L'appelant ne li, ni n'écrit l'anglais et il parle très peu cette langue, en dépit du fait qu'il réside au Canada depuis 1979. La plus grande partie de son témoignage a été déposé par l'intermédiaire d'un interprète en langue punjabi. Il détient un permis de conduire ainsi qu'une licence spéciale l'autorisant à transporter jusqu'à 15 passagers dans une fourgonnette. En 1996, toutes les terres de B & J Farms ont été consacrées à la culture des fraises. L'appelant recevait un salaire hebdomadaire de 600 $ pour les fonctions suivantes :

- chaque jour, il allait chercher et ramenait quatre travailleurs avec sa propre voiture;

- il cueillait les fraises avec d'autres travailleurs;

- il livrait les fraises à la conserverie;

- il pulvérisait les plantes et, parfois, devait creuser la terre.

[10]     La première page de la pièce A-1 est le relevé d'emploi de l'appelant (le « RE » ) pour l'année 1996, qui indique que l'appelant a travaillé 20 semaines et gagné 12 000 $, ce qui coïncide avec son salaire hebdomadaire de 600 $. Les autres pages de la même pièce reproduisent les RE des cinq autres employés de B & J Farms pour l'année 1996. La combinaison des pièces A-1 et A-7 permet de parvenir aux conclusions de faits suivantes relativement aux six employés de B & J Farms dans le cadre de l'année 1996 :

Nom

Nbre de semaines

Salaire hebdomadaire

Dernier jour de travail

B. Uppal

(appelant)

20

600 $

31 août

J. Dherari

3

400 $

31 août

D. Sahota

20

400 $

21 sept.

P. Sahota

20

400 $

21 sept.

A. Sahota

20

350 $

21 sept.

B. Sahota

26

      420 $*

5 oct.

* 7,50 $ de l'heure pour une semaine de 56 heures

[11]     La comparaison des hypothèses de fait du ministre et des éléments de preuve portant sur l'emploi de l'appelant auprès de B & J Farms soulève problème, en ce que le ministre, dans sa Réponse au dossier de la Cour no 2002-1374, semble avoir formé les mêmes hypothèses de fait pour les deux années 1996 et 1999 alors que la preuve a révélé l'existence de circonstances différentes en ce qui concerne ces deux années. Par exemple, quand l'épouse de l'appelant et Mme Thandi ont acheté les 20 acres de terre près de Mission, en 1995, il n'y avait pas de serre et ils ne cultivaient que des fraises. Ils ont construit en 1997 leur première serre d'un acre à laquelle ils ont ajouté en 1999 une serre d'un acre et demi. L'appelant prétend avoir exercé des responsabilités différentes au cours de ces années-là. Je ne vais tenir compte que des hypothèses du ministre qui semblent différencier l'appelant des autres employés de B & J Farms.

[12]     Le ministre a formé les hypothèses de fait suivantes, qui ont été énoncées dans le paragraphe 8 précité :

m)                 B & J Farms a émis au nom de l'appelant un chèque daté du 11 août 1998 [sic] au montant de 4 000 $, et ce chèque a été encaissé le 4 octobre 1999;

n)                   les travailleurs sans lien de parente étaient payés régulièrement par B & J Farms;

Ces faits indiquent que l'appelant était payé moins fréquemment que les travailleurs sans lien de parente. Or, la preuve concernant l'année 1996 contredit sans doute ces hypothèses de fait. La pièce A-8 démontre que les cinq travailleurs sans lien de parente étaient payés avec retard alors que l'appelant était payé avec moins de retard. Voici les faits figurant à la pièce A-8 :

Nom

Période d'emploi

Rémunération nette

Dates de paiement

B. Uppal (appelant)

de 14 avril à 31 août

9 800,81 $

19 juillet : 5 000,00 $

14 août : 2 000,00 $

5 sept. : 2 800,81 $

J. Dherari

de 12 août à 31 août

1 076,63 $

5 sept. : 1 076,63 $

D. Sahota

de 5 mai à 21 sept.

7 096,00 $

5 sept. : 4 000,00 $

19 sept. : 2 000,00 $

24 sept. : 1 096,00 $

P. Sahota

de 5 mai à 21 sept.

7 096,00 $

5 sept. : 4 000,00 $

19 sept. : 2 000,00 $

24 sept. : 1 096,00 $

A. Sahota

de 5 mai à 21 sept.

6 263,70 $

5 sept. : 4 000,00 $

19 sept. : 1 500,00 $

24 sept. : 763,70 $

B. Sahota

de 7 avril à 5 oct.

   9 303,35 $

5 sept. : 4 000 $

19 sept. : 2 000 $

7 oct. : 3 303,35 $

[13]     Il est avéré, cependant, que l'appelant recevait en 1996 un salaire supérieur d'environ 50 p. 100 à tout autre travailleur (voir le paragraphe 10 ci-dessus) et, celui-ci a nié avoir occupé des fonctions de supervision ou de contremaître auprès de B & J Farms. À partir de l'année 1996 et jusqu'en 1999 inclusivement, Mme Thandi et sa soeur, l'épouse de l'appelant, ont travaillé à temps plein (non pas sur une base saisonnière) pour leur frère M. Randhawa. Elles travaillaient pour lui depuis le petit matin jusqu'au milieu de l'après-midi, puis elles partaient à leur ferme de 20 acres près de Mission. Tard dans l'après-midi, Mme Thandi donnait des directives aux travailleurs pour le jour suivant et l'épouse de l'appelant, qui savait un peu d'informatique, s'acquittait de quelques tâches administratives.

[14]     L'appelant a déclaré qu'en 1996, sa seule tâche supplémentaire était d'emmener en voiture les quatre travailleurs de la famille Sahota, à partir de la rue Defehr (près du domicile de l'appelant) jusqu'aux B & J Farms près de Mission, un trajet d'environ 30 minutes. Personne n'a expliqué comment la famille Sahota se rendait au travail après le 31 août 1996, le jour où l'appelant a été licencié par B & J Farms. Trois membres de la famille Sahota ont continué à travailler aux B & J Farms jusqu'au 21 septembre, et le quatrième a travaillé jusqu'au 5 octobre. Il semble que les travailleurs de la famille Sahota n'auraient pas été emmenés par Mme Thandi, ni par l'épouse de l'appelant, parce que les deux soeurs travaillaient à temps plein pour leur frère, M. Randhawa, de 1996 à 1999.

[15]     L'épouse de l'appelant et Mme Thandi ont toutes les deux témoigné dans le cadre des présents appels. Elles ont confirmé que, de 1996 à 1999, elles avaient travaillé à temps plein pour M. Randhawa. Mme Thandi a déclaré que B & J Farms a construit sa première serre d'un acre en 1997. Puis, ils ont ajouté une autre serre d'un acre et demi en 1999. Les serres devaient être chauffées tout au long de l'année, pour y maintenir une température constante entre 24 et 25 degrés Celsius. Les chaudières qui entretenaient la température étaient contrôlées par un thermostat et un ordinateur. En cas d'arrêt des chaudières un signal d'alarme retentissait auprès d'une compagnie locale de sécurité qui devait appeler au domicile de l'appelant et, en cas d'absence de réponse, appeler à d'autres numéros de téléphones cellulaires alternatifs.

[16]     L'appelant a déclaré qu'il était facile de rallumer la chaudière si la compagnie de sécurité appelait pour dire que la chaudière s'était éteinte. Quelqu'un devait aller à la serre et appuyer sur un bouton ou sur un interrupteur vert. Il a dit aussi que si la chaudière s'arrêtait le soir ou pendant la fin de semaine à un moment où il était l'employé de B & J Farms, alors il était obligé d'aller en voiture (30 minutes) à partir de son domicile sur la rue Defehr jusqu'aux serres de B & J Farms pour rallumer la chaudière. Il a ajouté que si la chaudière s'arrêtait pendant la nuit ou pendant la fin de semaine pendant qu'il n'était pas un employé de B & J Farms, il n'allait pas à la serre pour la rallumer. Cette dernière déposition n'est simplement pas crédible. Tous les éléments dont la Cour est saisie indiquent que l'appelant, son épouse et leurs deux enfants mènent une vie de famille harmonieuse sur la rue Defehr. Je ne crois pas que l'appelant laisserait sa femme faire un voyage aller-retour de une heure au milieu de la nuit pour rallumer la chaudière de la serre de B & J Farms.

[17]     La pièce A-5 contient une demande de prestations de chômage pour l'année 1999. La première page de la demande indique qu'il travaillait six jours par semaine, neuf heures par jour, à 9 $ de l'heure. Il a témoigné qu'il travaillait principalement dans la serre, en réparant et fixant les tuyaux, en pulvérisant des insecticides et en faisant la livraison des poivrons (l'unique récolte de la serre). Bien que l'appelant ait travaillé à partir du 24 juin jusqu'au 8 octobre 1999 et qu'il ait gagné un montant net de 7 871,03 $, il n'a reçu que trois chèques aux montants suivants :

le 11 août 1998 [sic]                   4 000,00 $

le 20 septembre 1999                 2 000,00 $

le 15 octobre 1999                     1 871,03 $.

Le chèque daté du 11 août n'a pas été encaissé jusqu'au 4 octobre 1999. L'appelant a dit qu'il était possible qu'il ait oublié de l'encaisser, mais il est possible qu'il ait plutôt essayé d'accommoder financièrement B & J Farms.

[18]     Une des obligations de l'appelant envers B & J Farms consistait à livrer les fraises à la conserverie. Il utilisait pour cela sa propre camionnette. Il a dit qu'il possédait une voiture et une camionnette, et qu'il laissait toujours sa camionnette à B & J Farms. Compte tenu de l'importance fondamentale de la livraison des fraises pour B & J Farms, la présence de la camionnette de l'appelant chez B & J jouait un rôle important. L'appelant, son épouse et Mme Thandi ont tous convenu que l'appelant était la seule personne « de la famille » employée par B & J Farms pendant les étés de 1996 et 1999.

[19]     Il est possible que l'appelant ait été continuellement présent aux B & J Farms pendant la totalité ou la quasi-totalité de la période durant laquelle il prétend avoir été employé là pendant les étés de 1996 et 1999. Je conclus, cependant, qu'ils y trouvait en qualité de gérant et non pas en qualité de simple employé. Il était la seule personne présente toute la journée sur les lieux qui avait un lien familial avec les propriétaires. Il livrait les fraises à la conserverie avec sa propre camionnette, qu'il laissait en permanence aux locaux de B & J Farms. Les livraisons de fraises (des champs) et de poivrons (des serres) constituaient deux activités comptables importantes des B & J Farms car elles constituaient les seules sources de revenus de la ferme. L'appelant pouvait s'assurer pour le compte des propriétaires que toutes les baies et tous les poivrons étaient livrés à la conserverie ou au marché; qu'il savait les quantités de baies et de poivrons qui avaient été livrés; qu'il était en mesure d'obtenir un reçu aux quantités exactes. Il occupait là une fonction importante au niveau de l'administration des B & J Farms. De plus, l'appelant était le seul membre de la famille qui était présent sur les lieux chaque jour pour s'en acquitter.

[20]     Quand on a demandé à Mme Thandi, au début de son témoignage, ce que l'appelant faisait auprès de B & J Farms, elle a répondu :

[traduction]

À ce moment, on avait des fraises. Il cueillait des fraises et il y avait quatre ou cinq personnes qu'il emmenait, pour livrer les fraises aussi. Sa responsabilité était de superviser les gens. (page 140 de la transcription)

Selon mon interprétation, la dernière phrase de Mme Thandi dit que l'appelant était responsable de la supervision des travailleurs parce que personne d'autre n'était présent pour représenter les propriétaires. En 1996, il recevait un salaire environ 50 p. 100 supérieur à celui des autres travailleurs, lequel salaire coïncidait avec ses responsabilités. Mais en 1999, il semble que son salaire ait été environ semblable à celui des autres travailleurs, ce ne coïncidait pas avec ses responsabilités.

[21]     L'avocate de l'intimé a présenté des faits intéressants qui sont probablement connus du ministre du Revenu national, bien qu'ils ne soient pas mentionnés dans ses actes de procédure. Dans ses déclarations de revenus pour les années 1995, 1996 et 1999, l'appelant a déclaré les revenus bruts suivants que son épouse et lui ont tiré de la vente des bleuets qu'ils cultivaient sur les cinq acres de terrain adjacents à leur domicile :

1995                                44 000 $

1996                                65 000 $

1999                                80 000 $

[22]     La cueillette de bleuets a lieu à partir du mois de juillet jusqu'au début de septembre. L'appelant et son épouse confiaient à un entrepreneur le soin de fournir des travailleurs pour ramasser les bleuets. Parfois, il pouvait y avoir jusqu'à 50 travailleurs cueillant des bleuets dans leur petite ferme. Cependant, il advient que pendant la saison des bleuets (juillet au début de septembre) des étés 1996 à 1999, l'appelant et son épouse ont été employés ailleurs que sur leur ferme. Quand on lui a demandé qui avait surveillé les travailleurs qui cueillaient les bleuets sur leur ferme, l'appelant a répondu que c'étaient ses deux fils. En 1996, son fils aîné, Pavenvir, avait 16 ans et le cadet, Gurminda, avait 13 ans. La tâche de surveiller une courte opération de cueillette produisant environ 50 000 $ de revenu brut semblerait excessive pour deux adolescents.

[23]     En ce qui concerne les années 1996 et 1999, je ne peux conclure que le ministre a omis de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes ou qu'il ait pris en considération des facteurs sans pertinence. Même si je pouvais conclure que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière illégitime, il me serait difficile d'annuler sa décision pour des motifs de fond. La crédibilité de l'appelant est sérieusement en doute. La pièce A-3 comprend la demande de prestations de chômage de l'appelant concernant les 20 semaines de 1997 au cours desquelles celui-ci a été employé par Randhawa Farm Contractors Ltd. La question no 35 de la demande, où figurent deux petites cases « Oui » ou « Non » qu'il faut cocher, est énoncée ainsi :

          [traduction]

35.        Aviez-vous un lien de parenté avec votre employeur ou avec un ou plusieurs actionnaires majoritaires, notamment des liens de sang, de mariage (y compris les unions de fait) ou d'adoption?

L'appelant a coché la case « Non » bien qu'il existât clairement un lien de parenté par mariage entre lui et M. Randhawa (l'actionnaire majoritaire de Randhawa Farm Contractors Ltd.), puisque l'épouse de l'appelant est la soeur de M. Randhawa.

[24]     La pièce A-4 consiste en la demande de prestations de chômage pour l'année 1998, après que l'appelant ait travaillé pour Randhawa Farms. La pièce R-1 consiste en la même demande pour l'année 1999, après que l'appelant ait travaillé pour B & J Farms. Les deux demandes contiennent la même question no 35, à laquelle l'appelant a répondu « Non » bien que, pendant les deux années, il avait clairement des liens de parenté avec son employeur. L'appelant a déclaré que sa femme avait rempli ses demandes de prestations de chômage parce qu'il ne sait, ni lire, ni écrire. Voici un extrait du contre-interrogatoire de l'épouse de l'appelant :

[traduction]

Q.         Je vous prie de vous référer à la pièce A-4, plus précisément à la demande de prestations de chômage de M. Uppal à la pièce 4. Voici la demande qu'il a présentée en 1998.

A.         Oui.

Q.         Reconnaissez-vous l'écriture sur ce formulaire comme étant la vôtre?

A.         La mienne.

Q.         Alors, vous avez rempli cette demande à sa place?

A.         Je l'ai fait.

Q.         De nouveau, dans la question no 35 à la page 2, vous avez indiqué que M. Uppal n'a pas de lien de parenté avec Randhawa Farms.

A.         Je pensais à un lien de sang. Je pensais qu'ils parlaient de liens de sang, soit frère ou soeur.

                                                                                    (Transcription, page 180)

Q.         Je vous renvoie maintenant à la pièce A-3. Je vous montre de nouveau la demande de prestations de chômage de M. Uppal pour l'année 1997. S'agit-il [...] Reconnaissez-vous cette écriture comme étant la vôtre?

A.         Oui.

Q.         Alors, vous compreniez suffisamment pour être en mesure de remplir cette demande?

A.         Oui. De nouveau, ici aussi j'ai probablement pensé qu'ils parlaient de liens de sang.

Q.         Bien, pourquoi auriez-vous pensé qu'il s'agissait uniquement de liens de sang alors que la question no 35 mentionne spécifiquement le mariage et que vous avez coché la case « Non » dans la demande de M. Uppal en ce qui concerne l'année pour laquelle il a travaillé pour vous?

A.         C'est ma faute. Je pensais simplement qu'ils parlaient d'un lien de sang. Je pensais simplement qu'ils parlaient d'un lien de sang.

                                                                                    (Transcription, page 181)

Je ne crois pas aux explications offertes par Mme Uppal pour justifier les réponses complètement fausses qu'elle a fournies à la question no 35.

[25]     L'épouse de l'appelant a aidé ce dernier à remplir ses demandes de prestations de chômage dans le cadre des années 1995 à 1999 inclusivement, mais les demandes correspondant aux années 1995 et 1996 n'ont pas été déposées en preuve. Elle a déclaré qu'elle ne connaissait pas le nombre de semaines pendant lesquelles son mari avait dû travailler chaque année pour avoir droit aux prestations d'assurance-chômage. Je n'attache aucun crédit à cette réponse. Il est impossible de participer au régime d'assurance-chômage pendant cinq ans dans une région bien précise du Canada (la vallée du bas Fraser de la C.-B.) sans savoir le nombre minimal de semaines nécessaire pour être admissible aux prestations d'assurance-chômage dans cette région.

[26]     Les dépositions de l'appelant et de son épouse sonnent faux. Tous deux ont travaillé loin de leur ferme familiale (cinq acres de bleuets) pendant les étés de 1996, 1997, 1998 et 1999, alors que de nombreux travailleurs à contrat ont été engagés pour cueillir leurs bleuets. Selon la déposition de l'appelant, le revenu brut de la culture de bleuets était de 65 000 $ en 1996 et de 80 000 $ en 1999. Son RE auprès de B & J Farms pour l'année 1996 (pièce A-1) le qualifie d' « ouvrier » . Son RE pour l'année 1999 le décrit comme « contremaître » , et sa demande de prestations pour la même année (pièce R-1) décrit ses fonctions par le mot « serre » . On me demande de croire que l'appelant a travaillé pendant 15 semaines de l'été 1999 (du 24 juin au 8 octobre) aux B & J Farms en tant que « contremaître » pour gagner 8 332,74 $ (voir pièce A-5) alors que ses deux fils adolescents restaient à la maison pour surveiller la cueillette de bleuets d'une valeur de 80 000 $. Dans les circonstances de la présente affaire, je trouve cette proposition dépourvue de toute crédibilité .

[27]     Si l'appelant a travaillé aux B & J Farms pendant l'été 1999, il l'a fait en qualité de propriétaire, en tant qu'époux d'une co-propriétaire et non pas en qualité d'ouvrier. Pendant la plus grande partie de la journée, il était la seule personne présente qui représentait les propriétaires. Il était le seul qui livrait le produit au marché et enregistrait les droits des propriétaires à des gains bruts. En 1996, il a été cosignataire de l'acte constitutif de l'hypothèque garantissant l'emprunt pour la construction de la première serre. Je n'admets pas le relevé des heures de travail quotidiennes de l'appelant (extrait de la pièce A-5) qui laisse entendre qu'il pointait comme un simple ouvrier, alors qu'à certains moments il a dû retourner au 387 Defehr Road pour surveiller la cueillette des bleuets.

[28]     Comme je l'ai déjà mentionné au paragraphe 23, je ne peux pas conclure que le ministre a exercé de manière illicite son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les années 1996 et 1999. Et même si tel était le cas, la preuve au fond appuie la position du ministre en ce qui concerne ces deux années. L'appel no 2002-1374 est rejeté.

L'emploi au cours des années 1997 et 1998

[29]     L'appel no 2002-1130 porte sur l'emploi de l'appelant auprès de Randhawa Farm Contractors Ltd. (la « compagnie » ) au cours de l'année 1997. L'appel no 2002-1375 porte sur l'emploi de l'appelant auprès de Randhawa Farms au cours de l'année 1998. En raison du fait que l'appelant a travaillé pour deux employeurs différents pendant ces années, les hypothèses de fait formées par le ministre sont différentes pour chaque instance. M. Randhawa a témoigné lors de l'audience de ces appels. Voici un résumé de son témoignage et de celui de l'appelant :

[30]     La pièce A-3 comprend les photocopies de trois documents : (i) un registre de paie où figurent les heures de travail quotidiennes à partir du 7 avril jusqu'au 23 août 1997; (ii) le RE de l'appelant pour son travail auprès de la compagnie en 1997; (iii) la demande de prestations de chômage de l'appelant de l'année 1997. Le registre de paie précise le nombre d'heures par jour; le taux horaire de 7 $; le calcul du salaire brut de 7 614,25 $; le montant de 3 000 $ accompagné du mot « prime » . M. Randhawa a expliqué que le montant de 3 000 $ ne constituait pas une prime, mais une rémunération (inscrite sous la colonne « Autre rémunération » du registre de paie) de 25 $ par jour pour conduire dans une fourgonnette 15 employés contractuels à différentes exploitations agricoles dans la vallée du bas Fraser. Une rémunération de chauffeur, au taux de 25 $ par jour, six jours par semaine, donnerait 150 $ par semaine et 3 000 $ pour 20 semaines. Les calculs déposés dans la pièce coïncident avec le témoignage de M. Randhawa.

[31]     La pièce A-6 indique qu'en 1997, l'appelant a reçu de la compagnie sept chèques représentant au total l'ensemble de son salaire net; en voici les détails :

31 mai                                          1 500 $

30 juin                                       2 000 $

31 octobre                                 2 000 $

30 novembre                                   900 $

30 novembre                                   900 $

30 novembre                                   900 $

30 novembre                                   779,48 $

Les six premiers chèques en chiffres ronds semblent être une avance de la part de l'employeur. M. Randhawa a déclaré que le dernier chèque s'élevant à un montant non arrondi tient compte de toutes les cotisations d'impôt sur le revenu, du RPC, etc. Dans la Réponse de l'intimé à l'appel no 2002-1130, voici les hypothèses de fait faites par le ministre au paragraphe 3 qui semblent pertinentes :

m)               Randhawa a payé à l'appelant 3 000 $ en sus de son salaire;

[...]

o)         l'appelant n'était pas payé régulièrement;

p)        les travailleurs sans lien de parenté étaient payés régulièrement par Randhawa;

q)          les travailleurs sans lien de parenté étaient payés à l'heure et la majorité des travailleurs sans lien de parenté recevaient un salaire horaire de 7 $;

[32]     Compte-tenu des hypothèses de fait précédentes, l'appelant et M. Randhawa ont donné des explications suffisantes pour justifier le montant de 3 000 $ visé au paragraphe m). Les faits présumés aux paragraphes o) et q) sont vrais mais l'hypothèse au paragraphe p) est clairement fausse. La pièce A-6 démontre que certains travailleurs sans lien de parenté ont été payés au moyen de plusieurs chèques certains jours particuliers, comme le 31 octobre et le 30 novembre. M. Randhawa a déclaré qu'en 1997, en raison des retards de paiement de salaires, contrevenant à la législation provinciale, on avait retiré à la compagnie son permis d'engager des travailleurs agricoles contractuels. La compagnie a cessé son exploitation et, en 1998, l'appelant a été employé directement par Randhawa Farms.

[33]     Mme Bella Black, une agente d'enquêtes et de contrôle de Développement des ressources humaines Canada a témoigné dans le cadre des présents appels. Elle a examiné les registres de paie de la compagne et de Randhawa Farms et a préparé en conséquence les pièces R-2 et R-3 indiquant les registres de paie de Randhawa Farms pour l'année 1997 (pièce R-3) et de la compagnie pour l'année 1998 (pièce R-2). Dans la pièce R-3, l'appelant apparaît comme employé numéro 20, ayant commencé à travailler en avril. Mme Black a déclaré que, dans la pièce R-3, le nom de l'appelant semblait ne pas être placé dans l'ordre établi, puisque les noms d'autres travailleurs qui avaient commencé en janvier figuraient après le sien sur la liste. Ceci pourrait être vrai, cependant, je ferai remarquer que (i) un bon nombre d'employés figurent sur la liste de la pièce R-3 sans égard à leur numéro d'employé ni au mois au cours duquel ils ont commencé à travailler; (ii) aucun employé placé avant l'appelant (no 20) n'a commencé à travailler après avril 1997.

[34]     À mon avis, le ministre s'est préoccupé excessivement des retards de paiement de salaire à l'appelant seul et de sa place sur la liste de paie. Si de nombreux employés sont payés en retard, les retards de paiement du salaire de l'appelant sont moins significatifs. En outre, l'ordre dans lequel figurent les noms de plusieurs employés sur la liste de paie ne correspond pas au mois pendant lequel ceux-ci ont commencé à travailler. Par conséquent, le registre de paie ne suffit pas à prouver que l'appelant était traité différemment des employés sans liens de dépendance.

[35]     Je conclus qu'en ce qui concerne l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à l'égard de 1997, le ministre a omis de considérer des circonstances pertinentes afférentes à des employés autres que l'appelant, circonstances qui démontraient que l'appelant a été traité de la même manière que d'autres employés en ce qui concerne les retards de paiement et la place qu'il occupait sur la liste de paie. Par conséquent, je peux examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Sur le fond, je conclus que la compagnie et l'appelant auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient eu aucun lien de dépendance. J'arrive à cette conclusion en dépit de la fausse réponse donnée par l'appelant à la question no 35 de la demande de prestations de chômage. L'appel no 2002-1130 est accueilli.

[36]     L'appel no 2002-1375 porte sur l'emploi de l'appelant auprès de Randhawa Farms en 1998. Comme en 1997, l'appelant était obligé de conduire la fourgonnette de son employeur pour aller chercher et ramener des travailleurs. Il travaillait aussi dans la serre. Il recevait un salaire horaire de 10 $ (il avait commencé à 7 $ de l'heure en 1997), mais il ne recevait pas de rémunération supplémentaire pour conduire les travailleurs (en 1997, il avait reçu un supplément quotidien de 25 $ pour ce faire). La pièce A-4 contient des photocopies de nombreux documents afférents à l'emploi de l'appelant auprès de Randhawa Farms en 1998 : (i) un registre de paie où figurent les heures de travail quotidiennes à compter du 29 juin jusqu'au 24 octobre 1998; (ii) le RE de l'appelant auprès de Randhawa Farms en 1998; (iii) la demande de prestations de chômage de l'appelant; (iv) et neuf chèques émis entre le 6 juillet et le 7 novembre 1997, dont voici les détails :

Date du chèque

            Montant

Date d'encaissement

6 juillet 1998

204,33 $

29 décembre 1998

20 juillet 1998

1 500,00 $

28 octobre 1998

6 août 1998

619,37 $

29 décembre 1998

20 août 1998

1 500,00 $

27 octobre 1998

6 septembre 1998

554,75 $

23 décembre 1998

20 septembre 1998

1 500,00 $

26 octobre 1998

7 octobre 1998

575,30 $

23 décembre 1998

15 octobre 1998

1 000,00 $

29 décembre 1998

7 novembre 1998

541,66 $

30 décembre 1998

[37]     Je trouve significatif qu'aucun de ces chèques n'ait été encaissé avant le dernier jour de travail de l'appelant, le 24 octobre. Les trois plus gros chèques, de 1 500 $, ont tous été encaissés les 26, 27 et 28 octobre. L'autre chèque au montant élevé de 1 000 $, ainsi que les cinq chèques de montants moindre, tous ont été encaissés durant les derniers jours de décembre. Le paragraphe 3 des hypothèses de fait suivies par le ministre, qui se trouvent dans la Réponse à l'avis d'appel no 2002-1375 de l'intimé est pertinent en l'espèce :

g)          le salaire de l'appelant était de 10 $ de l'heure;

h)          les travailleurs sans lien de parenté recevaient le salaire minimum de 7,15 $ pendant l'année d'imposition 1998;

[...]

j)           l'appelant n'était pas payé par Randhawa régulièrement ou sans retard;

k)          voici les détails des chèques de Randhawa reçus par l'appelant :

            (les détails se trouvent au paragraphe 36 ci-dessus)

l)           les travailleurs sans lien de parenté étaient payés régulièrement par Randhawa;

m)         le relevé d'emploi de l'appelant indique que celui-ci a été licencié pour manque de travail;

n)          le registre de paie de Randhawa pour l'année 1998 indique que 25 travailleurs sur 34 sont restés travailler après le dernier jour de travail de l'appelant.

[38]     Compte-tenu des faits présumés aux paragraphes g) et h), M. Randhawa a expliqué que le salaire horaire payé à l'appelant avait augmenté parce qu'en 1997 on lui payait le salaire minimum de 7 $ de l'heure, avec un supplément de 25 $ pour conduire la fourgonnette. En 1998, M. Randhawa a décidé de payer à l'appelant 10 $ de l'heure mais d'annuler le supplément de 25 $ pour conduire la fourgonnette. La différence entre les taux horaires (10 $ ou 7 $) pour des journées de huit ou à neuf heures s'élève à 24 $ ou à 27 $, soit des sommes comparables aux 25 $ que l'appelant recevait en 1997 pour conduire la fourgonnette. J'admets l'explication de M. Randhawa.

[39]     Si on se penche sur les faits présumés aux paragraphes j) et k), on constate que les chèques ont été émis au nom de l'appelant à temps et régulièrement. Cependant, ils n'ont été encaissés qu'après son dernier jour de travail. L'appelant a dit avoir reçu les chèques régulièrement et qu'il ne les a encaissés avec retard que par négligence. Je ne le crois pas. L'appelant et son épouse élevaient deux adolescents en 1998 (l'un avait 18 ans et l'autre 15). Ils ont probablement dû faire face à des problèmes de liquidités lorsque l'appelant a été licencié le 24 octobre et qu'il a fait une demande de prestations de chômage. La seule inférence que je puisse en tirer est que l'appelant avait avec son beau-frère (M. Randhawa) un arrangement selon lequel il aiderait à financer Randhawa Farms en 1998, en s'abstenant d'encaisser aucun chèque avant le 26 octobre, alors que Randhawa Farms aurait reçu la plus grande partie de ses recettes pour la livraison de ses récoltes.

[40]     Le retard d'encaissement des chèques était connu du ministre. Si le ministre a conclu qu'un employé sans liens de dépendance n'aurait pas retardé au jour suivant son dernier jour de travail l'encaissement de tous ces chèques, alors le ministre était en droit de tirer cette conclusion défavorable à l'appelant.

[41]     Quant aux faits présumés aux paragraphes l), m) et n), aucun document n'indique le moment auquel les travailleurs sans lien de parenté ont été payés. Le fardeau de la preuve reposait sur l'appelant. En l'absence de preuve documentaire, j'admets l'hypothèse énoncée au paragraphe l), qui établit une distinction marquée entre l'appelant et les travailleurs sans lien de parenté. M. Randhawa a déclaré que l'appelant avait été licencié le 24 octobre 1998 en raison d'un problème personnel entre eux deux. L'appelant a témoigné d'abord (sans témoin) et n'a pas fait allusion à un tel problème. S'il y avait eu des problèmes entre l'appelant et M. Randhawa, j'estime que l'appelant serait allé à la banque et aurait encaissé tous ses chèques immédiatement après le 24 octobre, si les chèques avaient été en sa possession. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, la crédibilité de l'appelant dans les présents appels à été constamment mise en question.

[42]     Je ne peux pas conclure que le ministre a exercé sa discrétion d'une manière illicite en ce qui concerne l'année 1998. Même si je pouvais conclure ainsi, la preuve sur le fond soutient le postulat du ministre. L'appel no 2002-1374 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2004.

« M. A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2004.

Ingrid B. Miranda, traductrice

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