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Dossier : 2001-4026(IT)G

ENTRE :

CANUTILITIES HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de Canadian Utilities Limited (2001-4030(IT)G) à Calgary (Alberta) le 3, le 4 et le 5 février 2003

Devant : l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Mes Curtis R. Stewart, Michel Bourque,

Cliff D. O'Brien, c.r.,

J. Patrick Peacock, c.r.

Avocats de l'intimée :

Mes Bonnie F. Moon, David Palamar et

Brooke Sittler

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont accueillis avec dépens et les cotisations déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto, Canada, ce 28e jour d'août 2003.

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'août 2004.

Mario Lagacé, réviseur


Dossier : 2001-4030(IT)G

ENTRE :

CANADIAN UTILITIES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune avec l'appel de CanUtilities Holdings Ltd. (2001-4026(IT)G) à Calgary (Alberta) le 3, le 4 et le 5 février 2003

Devant : l'honorable juge J. E. Hershfield

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Mes Curtis R. Stewart, Michel Bourque,

Cliff D. O'Brien, c.r.,

J. Patrick Peacock, c.r.

Avocats de l'intimée :

Mes Bonnie F. Moon, David Palamar et

Brooke Sittler

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1996 sont accueillis avec dépens et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.


Signé à Toronto, Canada, ce 28e jour d'août 2003.

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'août 2004.

Mario Lagacé, réviseur


Citation : 2003TCC193

Date : 20030828

Dossiers : 2001-4026(IT)G

2001-4030(IT)G

ENTRE :

CANUTILITIES HOLDINGS LTD.,

CANADIAN UTILITIES LIMITED,

appelantes,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hershfield

[1]      Les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune. Ils concernent la disposition des actions d'ATCOR Resources Ltd. ( « ATCOR » ) détenues par chacune des appelantes. Avant cette disposition, ATCOR était une société ouverte cotée à la Bourse de Toronto, et elle était contrôlée par un groupe lié d'actionnaires qui comprenait les appelantes. Les opérations portant disposition des actions d'ATCOR portaient également la disposition d'autres actions d'ATCOR en circulation (lesquelles étaient la propriété d'un grand nombre d'actionnaires) en faveur d'un acheteur unique que je nommerai pour le moment Forest Subco.

[2]      Les appelantes sont également des sociétés publiques dont les actions sont cotées à la Bourse de Toronto. Les deux appelantes ont, dans le passé, payé des dividendes périodiques sur leurs actions cotées, y compris sur les actions qui appartenaientt à un grand nombre de particuliers et de sociétés non liés.

[3]      Avant les opérations portant disposition finale des actions d'ATCOR des appelantes, il y a eu fusion d'une société nouvellement formée, 3140334 Canada Ltd. ( « Newco » ), et d'ATCOR. La société fusionnée a continué d'agir sous le nom de son prédécesseur ATCOR. Les nouvelles actions ont été reçues par les appelantes (et par les autres actionnaires d'ATCOR) de la société ATCOR fusionnée en échange de leurs anciennes actions avec report d'imposition. Les nouvelles actions d'ATCOR détenues par les appelantes ont alors été rachetées. D'autres actionnaires d'ATCOR ont disposé de leurs actions d'une manière semblable ou ont vu leurs actions rachetées directement par Forest Subco au même prix.

[4]      Les deux appelantes, Canadian Utilities Limited ( « CU » ) et Canutilities Holdings Ltd. ( « CU Holdings » ), ont reçu le produit du rachat de leurs nouvelles actions d'ATCOR le ou vers le 31 janvier 1996. Le financement de ces rachats et des rachats et acquisitions des autres actions d'ATCOR en circulation détenues par les autres actionnaires d'ATCOR a été fourni par Forest Oil Corporation ( « Forest » ). Avant la fusion, Forest avait accepté sous condition d'acquérir toutes les actions émises d'ATCOR.

[5]      Forest a financé le rachat des actions d'ATCOR en versant les fonds à une nouvelle filiale, 3189490 Canada Ltd. ( « Forest Subco » ). Forest Subco a elle-même souscrit des actions d'ATCOR après la fusion et après avoir acquis le contrôle des actions avec droit de vote d'ATCOR. Le prix de souscription était égal au prix de rachat des nouvelles actions d'ATCOR détenues par les appelantes et par les autres actionnaires d'ATCOR qui ne vendaient pas leurs actions directement à Forest Subco. Ledit prix de rachat était équivalent au prix que Forest et les appelantes avaient avant la fusion déterminé être le prix de vente des actions d'ATCOR.

[6]      En vertu du paragraphe 84(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), le rachat des actions d'ATCOR des appelantes a eu pour résultat qu'un dividende a été réputé reçu par elles, qui équivalait à la différence entre le capital versé des actions rachetées et leur prix de rachat.

[7]      Bien que les dividendes réputés reçus par les appelantes sur les rachats n'eussent pas été imposables en vertu de la partie I de la Loi grâce à l'application de l'article 112, ils l'étaient en vertu de la partie IV de la Loi. Un tel impôt est remboursable au complet en vertu de l'article 129 si les dividendes reçus (ou un montant équivalent) sont retransmis à titre de dividendes aux actionnaires suivants, c'est-à-dire lorsque celui qui reçoit le dividende imposable en vertu de la partie IV verse un dividende équivalent. Les deux appelantes ont versé assez de dividendes après la réception du produit du rachat pour obtenir des remboursements complets de l'obligation fiscale de la partie IV qui leur était imposée. Le remboursement à CU a été gagné au complet au moyen de dividendes qu'elle a payés en 1996. Le remboursement à CU Holdings a été gagné au complet par le versement de dividendes en 1996 et en 1997. L'effet du traitement du dividende réputé, de l'application de l'article 112 et de la partie IV et du remboursement de l'impôt de la partie IV a été qu'aucune des appelantes n'a payé d'impôt non remboursé sur la disposition de leurs actions d'ATCOR. Ne serait-ce du traitement des dividendes causé par le rachat, les dispositions se seraient traduites par des gains en capital importants s'ils avaient été réalisés par les deux appelantes sur la vente directe à Forest de leurs actions d'ATCOR[1]. Les circonstances et une planification minutieuse des opérations entreprise à la lumière de ces circonstances ont permis ce résultat.

[8]      Le ministre a appliqué le paragraphe 55(2) de la Loi et établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1996 de chacune des appelantes sur le fondement qu'elles avaient reçu le produit d'une disposition plutôt que des dividendes sur la disposition de leurs actions d'ATCOR. Les nouvelles cotisations qui font l'objet de l'appel incluent le gain en capital imposable dans l'année d'imposition 1996 de chaque appelante, laquelle se termine le 31 décembre dans les deux cas. De plus, les nouvelles cotisations ne tiennent pas compte dans l'application du paragraphe 55(2) du dividende réputé pour éliminer l'obligation fiscale de la partie IV et les remboursements de dividendes en 1996 et, dans le cas de CU Holdings, les remboursements de dividendes de 1997. L'élimination du remboursement demandé par CU Holdings pour son année 1997 a été faite par une nouvelle cotisation pour 1997 qui fait également l'objet de l'appel. La décision dans l'appel pour 1996 résoudra donc par conséquent l'appel pour 1997.

[9]      Le paragraphe 55(2) est une disposition anti-évitement visant précisément sur ce type d'opérations, sauf si elles sont couvertes par les exceptions expresses. Pendant la période pertinente, il se lisait comme suit :

55. (2) Lorsqu'une société résidant au Canada a reçu, après le 21 avril 1980, un dividende imposable à l'égard duquel elle a droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1) ou 138(6) comme partie d'une opération ou d'un événement ou d'une série d'opérations ou d'événements (sauf comme partie d'une série d'opérations ou d'événements qui ont commencé avant le 22 avril 1980) dont l'un des objets (ou, dans le cas d'un dividende visé au paragraphe 84(3), dont l'un des résultats) a été de diminuer sensiblement la partie du gain en capital qui, sans le dividende, aurait été réalisée lors d'une disposition d'une action du capital-actions à la juste valeur marchande, immédiatement avant le dividende et qu'il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à autre chose qu'un revenu gagné ou réalisé par une société après 1971 et avant l'opération ou l'événement ou le début de la série d'opérations ou d'événements visés à l'alinéa (3)a), malgré tout autre article de la présente loi, le montant du dividende (à l'exclusion de la partie de celui-ci qui est assujettie à l'impôt en vertu de la partie IV qui n'est pas remboursé en raison du paiement d'un dividende à une société lorsqu'un tel paiement fait partie de la série d'opérations ou d'événements).

[10]     Dans le contexte des présents appels, cette disposition anti-évitement porte que, lorsqu'un dividende visé au paragraphe 84(3) (comme c'est le cas en l'espèce) a pour effet de causer une réduction importante du gain en capital qui aurait, si l'on fait abstraction du traitement que lui impose le paragraphe 84(3), été réalisé sur la disposition d'actions autrement que par remboursement, le dividende n'est pas traité comme un dividende mais comme le produit d'une vente donnant lieu à un gain en capital. Toutefois, le paragraphe prévoit des exceptions à son application. L'exception concernée par les présents appels est celle qui s'applique lorsque le dividende réputé sur le remboursement est assujetti à l'impôt de la partie IV. Même si cette qualification est respectée, comme c'est le cas en l'espèce, elle ne suffit pas si (1) il y a remboursement dudit impôt de la partie IV par suite du versement du dividende (par le bénéficiaire du dividende réputé) à une société; et (2) le versement du dividende (par le bénéficiaire du dividende réputé) fait partie de la même série d'opérations et d'événements dont le résultat est la réception du dividende réputé. C'est l'application de ces conditions pour exclure l'application du paragraphe 55(2) qui définit les questions qui sont ici en litige. Le libellé du paragraphe 55(2) confirme la position adoptée par les parties aux présents appels voulant que l'exception à l'application du paragraphe 55(2) s'appliquera, si l'on présume qu'il est déterminé que le dividende réputé est assujetti à l'impôt de la partie IV, si l'une ou l'autre des conditions énoncées en (1) ou en (2) ci-dessus n'ont pas été respectées. Si l'on élimine la tournure négative employée dans le paragraphe en cause, la question qui se pose en l'espèce peut être énoncée comme suit : si les remboursements de la partie IV sont une conséquence des dividendes versés à des sociétés et font partie de la série d'opérations et d'événements qui a donné lieu au dividende réputé reçu (c.-à-d. la fusion et les rachats d'actions), les nouvelles cotisations doivent être maintenues[2]. Si une de ces conditions n'a pas été remplie, l'appel doit être accueilli.

[11]     CU et CU Holdings soutiennent toutes deux que les dividendes qu'elles ont versés et qui ont donné lieu au remboursement de l'impôt de la partie IV ne faisaient pas partie de la série d'opérations et d'événements qui comprenaient le rachat de leurs actions d'ATCOR qui a donné lieu au traitement des dividendes réputés. De plus, CU ayant versé des dividendes à des sociétés et à des particuliers, soutient que les dividendes qu'elle a versés en 1996 à des particuliers (et non à des sociétés) couvrent le montant total des remboursements reçus en 1996 et que l'exception à l'application du paragraphe 55(2) citée ci-dessus s'applique donc au montant total du dividende réputé qu'elle a reçu en 1996 même si les dividendes qu'elle a versés en 1996 faisaient partie de la série. CU Holdings ayant versé des dividendes à des sociétés et à des particuliers maintient une position semblable dans toute la mesure où elle a versé les dividendes à des particuliers en 1996 et 1997. L'intimée soutient à l'égard des deux appelantes que les dividendes donnant lieu au remboursement faisaient partie de la série d'opérations et d'événements donnant lieu au traitement de dividendes réputés sur le rachat des actions d'ATCOR et que les dividendes versés par les appelantes à des sociétés (et non à des particuliers) couvrent le montant total des remboursements.

[12]     Avant de me pencher sur ces questions, il peut être utile d'émettre quelques commentaires généraux sur l'application de la partie IV et du paragraphe 129(1) dans le contexte des faits de ces affaires. Le paragraphe 186(1) de la Loi impose l'impôt de la partie IV sur le tiers des « dividendes déterminés » reçus par une société privée ou par une « société assujettie » sauf si la société payante est rattachée à la société qui les reçoit. Bien que les deux appelantes soient des sociétés publiques, elles sont également des « sociétés assujetties » au sens du paragraphe 186(3). Plus précisément, il a été reconnu qu'un particulier, Ronald Southern, contrôlait directement ou indirectement les deux appelantes pendant toute la période pertinente. À la lumière de ce fait, les parties ont admis que la question de savoir si les appelantes sont des « sociétés assujetties » n'est pas en litige. De plus, comme l'ordre des opérations décrites ci-dessous le dicte, les appelantes, bien que « rattachées » au payeur du dividende réputé (ATCOR) avant et immédiatement après la fusion de 1996, n'étaient pas « rattachées » à ATCOR au moment du rachat des actions d'ATCOR, qui est le moment où les dividendes réputés en litige sont présumés avoir été payés en application du paragraphe 84(3). Avant le rachat, Forest Subco avait acquis toutes les actions assorties de droit de vote d'ATCOR de telle manière qu'ATCOR n'était pas « rattachée » à aucune des appelantes au sens où cette relation est définie au paragraphe 186(4) de la Loi. De plus, il ne fait pas de doute que les dividendes réputés étaient des « dividendes déterminés » au sens où ce terme est défini au paragraphe 186(3) car les appelantes étaient des « sociétés assujetties » recevant des dividendes imposables pleinement déductibles en vertu de l'article 112. Par conséquent, l'obligation fiscale en vertu de la partie IV n'est pas en litige dans les présents appels sauf dans la mesure où l'application du paragraphe 55(2) résulterait en sa non-application. En ce qui concerne le remboursement de l'impôt de la partie IV, le paragraphe 186(5) étend l'application du paragraphe 129(1) aux dividendes payés par les sociétés publiques comme les appelantes qui sont des « sociétés assujetties » en les assimilant à des sociétés privées aux fins de l'article 129.

Les opérations et événements

[13]     Pour résoudre la question de savoir si les dividendes versés par les appelantes qui ont donné lieu au remboursement de la partie IV faisaient partie de la série d'opérations et d'événements qui ont donné lieu au traitement du dividende réputé sur les produits reçus du rachat des actions d'ATCOR, un examen de toutes les opérations et de tous les événements qui ont entouré le rachat et le versement de dividendes par les appelantes est nécessaire. La détermination de telles questions de fait a été facilitée par la signature par les parties d'un exposé conjoint des faits. En plus de l'exposé conjoint, un recueil commun de documents a été déposé et les appelantes ont cité cinq témoins. Avant d'examiner le témoignage de ces témoins, je résumerai les faits pertinents acceptés par les parties et reproduits dans le recueil conjoint de documents.


A.       Les intéressés

ATCO Ltd. ( « ATCO » )

[14]     Bien que je n'aie pas mentionné cette société, il est nécessaire de la décrire brièvement. Il s'agit d'une société de portefeuille de gestion constituée en vertu des lois de l'Alberta. Elle a un certain nombre de filiales exploitant plusieurs entreprises, surtout dans le domaine de l'électricité et du gaz naturel. Elle est contrôlée par Ronald Southern et est une société assujettie au sens du paragraphe 186(3) de la Loi. Elle est rattachée à CU et à CU Holdings. En fait, elle détient directement 100 % des actions assorties d'un droit de vote de CU Holdings. Avec CU Holdings, ATCO détenait indirectement 67% des actions assorties d'un droit de vote de CU. En outre, ATCO détenait directement des actions d'ATCOR, mais cela n'est pas pertinent dans le contexte des présents appels.

CU

[15]     CU, au moyen de ses filiales d'exploitation, poursuit des activités liées aux services publics d'électricité et de gaz naturel. Parmi ses actifs figuraient des actions d'ATCOR cotées en bourse.

[16]     CU avait deux catégories d'actions ordinaires et un certain nombre de catégories et de séries d'actions privilégiées. Ses actions ordinaires de catégorie A ne sont pas assorties d'un droit de vote et ses actions ordinaires de catégorie B sont assorties d'un droit de vote. Les deux catégories d'actions ordinaires de CU sont cotées à la Bourse de Toronto. Les deux catégories d'actions ordinaires ont le même rang en ce qui concerne le droit aux dividendes.

[17]     Tout au long de l'année d'imposition de CU qui s'est terminée le 31 décembre 1996, environ 58,5 % de ses actions ordinaires de catégorie A non assorties d'un droit de vote et 32 % de ses actions ordinaires de catégorie B assorties d'un droit de vote étaient détenues par le grand public, y compris des particuliers et des sociétés. Les autres actions ordinaires de CU étaient détenues par des sociétés rattachées à CU, y compris CU Holdings. Cela signifie que 68 % des actions assorties de droit de vote et 48,5 % des actions non assorties d'un droit de vote étaient détenues par un petit nombre d'actionnaires.

[18]     Au 31 décembre 1996, il y avait 11 catégories ou séries d'actions privilégiées de CU distinctes émises et en circulation dont la valeur de rachat combinée était de 534 500 000 $. Chaque catégorie ou série d'actions privilégiées de CU était assortie d'un taux de dividende particulier. À l'exception d'une série d'actions privilégiées de CU, elles étaient toutes cotées et transigées à la Bourse de Toronto. Tout au long de l'année d'imposition de CU qui s'est terminée le 31 décembre 1996, 99,9 % des actions privilégiées de CU étaient détenues par le grand public, y compris des particuliers et des sociétés.

[19]     CU paie des dividendes sur ses actions ordinaires depuis 1950 (sauf en 1955 et 1956), et elle a payé des dividendes à taux fixe sur ses actions privilégiées conformément aux conditions dont elles étaient assorties. CU a augmenté les dividendes annuels qu'elle versait sur les actions ordinaires pendant 30 années consécutives. Les dividendes sont payés à chaque trimestre.

[20]     Pendant la période allant de 1994 à 1998, CU a payé des dividendes trimestriels sur les actions ordinaires et sur les actions privilégiées de CU émises et en circulation. Les totaux annuels desdits dividendes étaient les suivants :

Année

Actions

ordinaires

de CU

Actions privilégiées de CU

1994

        89 470 015 $

45 189 139 $

1995

92 439 215 $

41 767 186 $

1996

94 571 891 $

36 964 119 $

1997

99 579 121 $

30 559 583 $

1998

103 908 817 $

28 689 000 $

[21]     Les dividendes payés en 1996 à des actionnaires qui n'étaient pas des sociétés ont totalisé 56 919 973 $ (43,273 %) et les dividendes payés en 1996 à des actionnaires qui étaient des sociétés totalisaient 74 616 036 $ (56,727 %) (onglet 53, volume 5 du recueil conjoint de documents).

CU Holdings

[22]     CU Holdings est une société de portefeuille dont le seul actif était des actions de CU et d'ATCOR cotées en bourse.

[23]     CU Holdings a une catégorie d'actions ordinaires et une catégorie d'actions privilégiées cumulatives rachetables pouvant être émises en séries. Toutes les actions ordinaires émises étaient détenues indirectement par ATCO. Elles n'étaient pas cotées en bourse.

[24]     Pendant toutes les périodes pertinentes, il y avait trois séries d'actions privilégiées émises, dont le montant de rachat total était de 299 999 925 $ au 31 décembre 1996. Tout au long des années d'imposition de CU Holdings se terminant le 31 décembre 1996 et le 31 décembre 1997, 99,3 % de ses actions privilégiées étaient détenues par le grand public.

[25]     Chaque série d'actions privilégiées de CU Holdings était assortie de droits à des dividendes particuliers. Les dividendes étaient payés tous les trimestres ou tous les mois suivant la série. Pendant la période allant de 1994 à 1998, CU Holdings a versé des dividendes sur ses actions privilégiées émises et en circulation. Le total annuel de ces dividendes était le suivant :

Année

Actions privilégiées

de CU Holdings

1994

11 916 000$

1995

19 867 800 $

1996

15 800 696$

1997

14 388 597 $

1998

16 341 600 $

L'énoncé conjoint ne reconnaît pas que des dividendes ont été versés sur les actions ordinaires de CU Holdings.

[26]     Les dividendes versés en 1996 à des actionnaires qui n'étaient pas des sociétés ont totalisé 2 992 256 $ (18,9 %). Les dividendes payés en 1996 à des actionnaires qui étaient des sociétés ont totalisé 12 808 440 $ (81,1 %). Les dividendes payés en 1997 à des actionnaires qui n'étaient pas des sociétés totalisaient 2 657 373 $ (18,5 %). Les dividendes versés en 1997 à des actionnaires qui étaient des sociétés ont totalisé 11 731 223 $ (81,5 %). (Onglet 54, volume 5, recueil conjoint de documents.)


ATCOR

[27]     ATCOR avait des activités d'exploration, de production, de traitement et de mise en marché du pétrole et du gaz.

[28]     Avant le 31 janvier 1996, le capital d'ATCOR était constitué d'actions ordinaires de catégorie A non assorties d'un droit de vote et d'actions ordinaires de catégorie B assorties d'un droit de vote. Les actions de catégorie A et de catégorie B étaient toutes deux cotées à la Bourse de Toronto. Au 31 janvier 1996, il y avait 27 272 536 actions de catégorie A et 10 835 416 actions de catégorie B émises et en circulation. Lesdites actions étaient détenues comme suit :

Actions de catégorie A d'ATCOR                     Actions de catégorie B d'ATCOR

Grand public    19 377 315                                           1 406 570

ATCO                                          0                                                     2 500

CU                                6 350 583                                           5 531 708

CUHL                           1 544 638                                           3 894 638

Total                            27 272 536                                           10 835 416

[29]     Ensemble, ATCO, CU et CUHL (les « actionnaires majoritaires » ) détenaient, directement ou indirectement, environ 29 % des actions de catégorie A non assorties d'un droit de vote et environ 87 % des actions de catégorie B assorties d'un droit de vote. Les statuts d'ATCOR n'ont pas été déposés en preuve. Cependant, étant donné que les deux catégories d'actions ont été traitées de la même manière lors du rachat, nous pouvons sans crainte présumer que les actionnaires ont participé au prorata à toute distribution des bénéfices et de l'actif de la société.

Forest et Forest Subco

[30]     Forest est une société de gaz naturel et de pétrole constituée à New York en 1924. Elle est une société publique depuis 1969 pendant toute la période pertinente était cotée et transigée sur le marché national Nasdaq[3]. Forest Subco a été constituée en vertu des lois du Canada. Pendant toute la période pertinente, elle était une filiale à cent pour cent de Forest.

Newco

[31]     Newco a été constituée en vertu des lois du Canada et, avant sa fusion avec ATCOR, sa seule action émise et en circulation, une action ordinaire assortie d'un droit de vote, était détenue par ATCO.

Opérations entre parties sans lien de dépendance

[32]     Pendant toute la période pertinente, avant, pendant et après la date de conclusion, aucun des actionnaires majoritaires n'était lié à Forest ni à Forest Subco au sens de l'article 251 de la Loi et aucun desdits actionnaires majoritaires n'avait de lien de dépendance avec Forest et Forest Subco.

B.       La proposition

[33]     Le 30 août 1995, ATCO et Forest ont conclu une entente de confidentialité portant sur la proposition d'opération de vente d'ATCOR à Forest. En octobre 1995, Forest ou ses conseillers financiers ont transmis trois propositions différentes visant l'acquisition des actions d'ATCOR. La structure convenue, approuvée par les administrateurs d'ATCOR le 12 décembre 1995, est présentée dans la convention d'acquisition datée du 12 décembre 1995 entre Forest, ATCOR et les actionnaires majoritaires. Ladite structure convenue est également décrite dans la circulaire de procuration émanant de la direction datée du 15 décembre 1995.

[34]     La circulaire de procuration émanant de la direction accompagnait un avis d'assemblée spéciale des actionnaires d'ATCOR devant avoir lieu le 16 janvier 1996 (l' « Avis-circulaire » ). L'objet de l'assemblée spéciale des actionnaires était d'étudier et de voter sur la fusion d'ATCOR et de Newco.

[35]     Une lettre accompagnant l'Avis-circulaire énonçait clairement que la fusion, si elle était approuvée, entraînerait les opérations subséquentes prévues par la convention d'acquisition, ce qui aurait pour effet que les actionnaires d'ATCOR verraient leurs actions rachetées au montant de 4,88 $ l'action et que Forest Subco détiendrait toutes les actions émises et en circulation de l'entité fusionnée. La lettre énonce que Forest entendait effectuer une offre de titres aux États-Unis en janvier 1996 et que la fusion et les opérations subséquentes étaient subordonnées à la capacité de Forest de lever les fonds requis. La lettre informe les actionnaires d'ATCOR qu'un comité spécial du conseil d'administration d'ATCOR, après avoir reçu une opinion en matière financière d'une source indépendante, a recommandé l'approbation de la fusion. De plus, le conseil d'administration d'ATCOR avait reçu d'un autre conseiller financier indépendant une opinion distincte sur le caractère équitable du prix offert avant de recommander l'approbation des opérations proposées au prix proposé.

[36]     En vertu de la convention de fusion proposée, les actions de l'ATCOR remplacée étaient échangées contre des actions de l'ATCOR fusionnée. Les actions de Newco émises et en circulation (devant être détenues par ATCO) devaient être converties en actions ordinaires de l'ATCOR fusionnée. En vertu de la convention d'acquisition, ces actions ordinaires devaient être acquises par Forest Subco à un prix global de 1 $. En vertu de la convention de fusion, les détenteurs d'actions de l'ATCOR remplacée pouvaient choisir d'échanger leurs actions d'ATCOR sur une base de un pour un contre des actions spéciales de catégorie A, des actions spéciales de catégorie B ou des actions spéciales de catégorie C de l'ATCOR fusionnée. Les actions spéciales de catégorie A, les actions spéciales de catégorie B et les actions spéciales de catégorie C étaient rachetables à 4,88 $ par action. En vertu de la convention d'acquisition, Forest Subco achèterait toutes les actions d'ATCOR offertes à 4,88 $ par action. Toutes les actions non offertes seraient rachetées[4].

[37]     La convention de fusion attribuait un capital versé aux actions spéciales de catégorie A de 2,65 $ chacune et il était alloué aux actions spéciales de catégorie B un capital versé de 1,40 $ chacune. Lors du rachat, le dividende réputé pour les actions spéciales de catégorie A aurait donc été de 2,23 $ par action (4,88 $ moins 2,65 $) et le dividende réputé pour les actions spéciales de catégorie B aurait été de 3,48 $ par action (4,88 $ mois 1,40 $). Je désire noter maintenant que le prix de base rajusté pour CU des actions qu'elle a reçues lors de la fusion était de 2,68 $ par action et que le prix de base rajusté pour CU Holdings des actions qu'elle a reçues à la fusion était de 1,43 $ par action. La répartition du capital versé par action approximativement égale au prix de base rajusté par action respectif pour les appelantes a résulté non seulement en l'établissement des montants de dividendes réputés que chacune était réputée avoir reçu lors du rachat mais a en réalité éliminé le gain en capital sur la disposition de leurs actions d'ATCOR[5].

[38]     Le capital versé relativement aux actions spéciales de catégorie C a été déterminé par une formule qui assurait que ledit capital versé n'excéderait pas le capital versé de toutes les actions d'ATCOR comme il serait calculé selon la Loi immédiatement avant la fusion.

[39]      Je pourrais faire observer qu'à cette étape-ci, lorsque les allocations de capital versé ont été faites, les appelantes auraient su le montant exact du dividende que chacune d'elles serait réputée avoir reçu au rachat de leurs actions d'ATCOR ainsi que les paiements de dividendes probables que chacune aurait à effectuer; elles auraient su à cette étape avec un certain degré de certitude quelle serait l'obligation fiscale de la partie IV et quels seraient les remboursements de l'impôt de la partie IV en 1996 et en 1997. L'Avis-circulaire indique de manière passablement détaillée les incidences fiscales des rachats pertinents, y compris l'obligation relative à la partie IV des sociétés assujetties, même si elle ne traite pas des remboursements de l'impôt de la partie IV.

C.       Les opérations conclues

[40]     Le 16 janvier 1996, une assemblée spéciale des actionnaires d'ATCOR s'est tenue, au cours de laquelle les actionnaires ont étudié et ont adopté une résolution spéciale approuvant et adoptant la fusion d'ATCOR et de Newco.

[41]     Le 25 janvier 1996, Forest a effectué une offre de titres aux États-Unis, au Canada et au niveau international.

[42]     Le 31 janvier 1996, Forest a réussi à conclure une offre de titres de 13 200 000 actions ordinaires à un prix de 11 $ (U.S.) par action. Elle a utilisé le produit net de 126 500 000 $ (U.S.) en conjonction avec des facilités de crédit au montant de 8 300 000 $ (U.S.) pour financer l'acquisition d'ATCOR[6].

[43]     Conformément à la convention d'acquisition, ATCOR et Newco ont fusionné le 31 janvier 1996 en vertu des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C-44 ( « LSA » ).

[44]     Lors de la fusion, l'action ordinaire de Newco détenue par ATCO a été convertie en une action ordinaire d'ATCOR. En détenant cette action, la seule action émise d'ATCOR assortie d'un droit de vote, ATCO contrôlait ATCOR immédiatement après la fusion.

[45]     À la fusion, les 27 272 536 actions de catégorie A d'ATCOR émises et en circulation et les 10 835 416 actions de catégorie B d'ATCOR émises et en circulation ont été converties en actions spéciales de catégorie A, en actions spéciales de catégorie B et en actions spéciales de catégorie C de manière que, tout de suite après la fusion, les actions d'ATCOR étaient détenues comme suit :

Ordinaires

Actions spéciales de catégorie A

Actions spéciales de catégorie B

Actions spéciales de catégorie C

ATCO

1

2 500

CU

11 882 291

CU Holdings

5 439 276

Grand public

_

6 926 232

2 217 176

11 640 477

TOTAL :

1

18 808 523

7 658 952

11 640 477

[46]     Après la fusion, Forest Subco a acheté d'ATCO l'action ordinaire d'ATCOR pour la somme de 1 $. Grâce à cet achat, Forest Subco a acquis le contrôle d'ATCOR.

[47]     Tout de suite après la vente de l'action ordinaire d'ATCOR, CU et CU Holdings n'étaient plus rattachées à ATCOR au sens du paragraphe 186(4) de la Loi.

[48]     Après avoir acquis le contrôle d'ATCOR, Forest Subco a souscrit et acheté 1 000 000 d'actions ordinaires d'ATCOR pour un prix de souscription total de 129 161 278 $.

[49]     ATCOR a alors procédé au rachat de toutes les 18 808 523 actions spéciales de catégorie A et 7 658 952 actions spéciales de catégorie B à un produit de rachat de 4,88 $ par action pour un produit de rachat total de 129 161 278 $. Étaient incluses dans ledit rachat 11 882 291 actions ordinaires de catégorie A d'ATCOR détenues par CU (57 985 580 $) et 5 439 276 actions spéciales de catégorie B d'ATCOR détenues par CU Holdings (26 543 667 $).

[50]     Forest Subco a alors acquis les 11 640 477 actions spéciales de catégorie C d'ATCOR en circulation de tous les détenteurs contre une somme de 56 805 527,76 $, soit 4,88 $ par action.

D.       Les dividendes normaux

[51]     Les appelantes ont versé des dividendes normaux en 1996 et en 1997 comme il a été indiqué aux paragraphes 20 et 25 ci-dessus.

E.       Les nouvelles cotisations

[52]     Dans le calcul de son obligation fiscale en vertu de la partie I de la Loi pour l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 1996, CU a inclus le montant de 26 497 509 $ (le « dividende réputé de CU » ) dans sa déclaration T2 en application du paragraphe 84(3) de la Loi relativement au rachat de ses actions spéciales de catégorie A d'ATCOR. Ce montant a ensuite été déduit en vertu du paragraphe 112(1). CU a calculé son dividende réputé de la manière suivante :

Montant payé pour rachat des actions spéciales de catégorie A d'ATCOR (11 882 291 x 4,88 $)                         57 985 580 $

Moins capital versé des actions spéciales de catégorie A d'ATCOR rachetées (11 882 291 x 2,65 $)                     31 488 071 $

                                                                                                                                                                                                26 497 509 $

[53]     Dans le calcul de son obligation fiscale en vertu de la partie I de la Loi pour l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 1996, CU Holdings a inclus le montant de 18 928 680 $ (le « dividende réputé de CU Holdings » ) dans sa déclaration T2 en application du paragraphe 84(3) de la Loi relativement au rachat de ses actions spéciales de catégorie B d'ATCOR. Ce montant a ensuite été déduit en vertu du paragraphe 112(1). CU Holdings a calculé son dividende réputé de la manière suivante :

Montant payé pour rachat des actions spéciales de catégorie B d'ATCOR (5 439 276 x 4,88 $)                              26 543 666,00 $

Moins capital versé des actions spéciales de catégorie B d'ATCOR rachetées (5 439 276 x 1,40 $)                       7 614 986,00 $

                                                                                                                                                                                                 18 928 680,00 $

[54]     Dans le calcul de leur obligation fiscale en vertu de la partie IV de la Loi pour l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 1996, CU et CU Holdings ont traité leur dividende réputé comme un dividende déterminé non reçu d'une société rattachée et ont payé l'impôt de la partie IV en vertu de l'alinéa 186(1)a). CU Holdings a également payé l'impôt de la partie IV en vertu de l'alinéa 186(1)b) qui équivalait à la portion du remboursement de CU en vertu du paragraphe 129(1) qui était attribuable au dividende de CU payé à CU Holdings. CU a payé un impôt de la partie IV de 8 832 503 $ (un tiers du dividende réputé de CU) et CU Holdings a payé 9 266 097 $ (un tiers du dividende réputé de CU Holdings plus l'impôt en vertu de l'alinéa 186(1)b)). CU a compensé son obligation en vertu de la partie IV de la Loi par un remboursement des dividendes de 8 832 503 $ demandé par CU par suite du versement des dividendes en 1996 sur ses actions ordinaires et privilégiées (les dividendes normaux). CU Holdings a partiellement compensé son obligation fiscale en vertu de la partie IV par un remboursement des dividendes de 5 269 117 $ demandé par CU Holdings par suite des versements de dividendes effectués sur ses actions privilégiées en 1996 (les dividendes normaux). Le reste de l'impôt payé par CU Holdings en vertu de la partie IV a été remboursé en 1997 par suite des versements de dividendes effectués sur ses actions privilégiées en 1997[7].

[55]     Par une nouvelle cotisation datée du 22 mai 2001, le ministre :

(i)       a augmenté l'impôt payable par CU en vertu de la partie I de la Loi de 5 646 814 $ pour l'année d'imposition 1996 de CU en ajoutant un montant de 19 605 780 $ au revenu de CU sur le fondement que, en vertu du paragraphe 55(2), le montant du dividende réputé de CU devait être traité comme un produit de disposition avec le traitement de gains de capital corrélatif. Le ministre a calculé l'inclusion dans le revenu comme suit :

                          Produit de disposition (11 882 291 actions x 4,88 $ par action)              57 985 580,00 $

                          Prix de base rajusté (11 882 291 actions x 2,68 $ par action)                 31 844 539,00 $

                          Gain en capital                                                                                       26 141 041,00 $

                          Gain en capital imposable (26 141 041 $ x 75 %) devant
être ajouté au revenu                                                                              19 605 780,00 $

(ii)       a réduit l'obligation fiscale de CU en vertu de la partie IV de la Loi de 8 832 503,00 $[8];

(iii)      a réduit le remboursement de dividendes de CU en vertu du paragraphe 129(1) de la Loi de 8 832 503 $;

(iv)      a effectué les rajustements corrélatifs pour les intérêts et les pénalités.

[56]     Par une nouvelle cotisation datée du 22 mai 2001, le ministre :

(i)       a augmenté l'impôt payable par CU Holdings en vertu de la partie I de la Loi de 4 095 982 $ pour l'année d'imposition 1996 de CU Holdings en ajoutant un montant de 14 066 082 $ au revenu de CU Holdings sur le fondement que, en vertu du paragraphe 55(2), le montant du dividende réputé de CU Holdings devait être traité comme un produit de disposition avec le traitement de gains de capital corrélatif. Le ministre a calculé l'inclusion dans le revenu comme suit :

                          Produit de disposition (5 439 276 actions x 4,88 $ par action)                26 543 666,00 $

                          Prix de base rajusté (5 439 276 actions x 1,432 $ par action)                   7 788 890,00 $

                          Gain en capital                                                                                       18 754 776,00 $

                          Gain en capital imposable (18 754 776 $ x 75 %) devant
être ajouté au revenu                                                                              14 066 082,00 $

(ii)       a réduit l'obligation fiscale de CU Holdings en vertu de la partie IV de la Loi de 9 266 097 $. À l'égard de CU, il n'y avait aucun dividende déterminé si le paragraphe 55(2) s'appliquait et aucun impôt en vertu de l'alinéa 186(1)b) dans la mesure où le remboursement de CU avait été éliminé par la nouvelle cotisation à l'égard de CU;

(iii)      a réduit le remboursement de dividendes de CU Holdings en vertu du paragraphe 129(1) de la Loi de 5 269 117 $; et

(iv)      a effectué les rajustements d'intérêts corrélatifs.

[57]     Par la nouvelle cotisation à l'endroit de CU Holdings pour l'année d'imposition 1997, le ministre a réduit le remboursement de dividendes de CU Holdings en vertu de l'article 129 de la Loi par suite de la réduction de l'impôt remboursable en main de CU Holdings vu la réduction de l'obligation fiscale de la partie IV opérée par la nouvelle cotisation de 1996.

Les témoins des appelantes

[58]     Les appelantes ont cité cinq témoins qui ont participé aux opérations ATCOR/Forest. Les témoins ont été cités pour attester du fait que la disposition des actions d'ATCOR a été effectuée pour des raisons d'affaires et commerciales et que la structure des opérations comprenant la fusion et les rachats d'actions a été effectuée pour des raisons commerciales afin de faciliter la disposition. De plus, leur témoignage visait à confirmer que le versement des dividendes de CU et de CU Holdings en 1996 et en 1997 ne dépendait pas du tout des opérations ATCOR/Forest et que ces dividendes auraient été payés de toute manière dans le cours normal sans égard aux opérations ATCOR/Forest. Sur ce point, les avocats de l'intimée ont reconnu au cours du procès qu'ils ne contestaient pas que les dividendes de CU et de CU Holdings en 1996 et en 1997 auraient été versés sans égard aux opérations ATCOR/Forest et que le financement du versement des dividendes de CU et de CU Holdings en 1996 et en 1997 ne dépendait pas des opérations ATCOR/Forest. Par contre, l'intimée n'a pas reconnu que la structure des opérations avec Forest, y compris le processus de fusion et le rachat des actions d'ATCOR, en faisait des opérations ayant un but strictement commercial.

[59]     Je voudrais faire remarquer à ce moment que la pertinence de l'objectif de la structure des opérations avec Forest n'a pas été plaidée. Lorsqu'on applique le paragraphe 55(2) à un cas de dividende en vertu du paragraphe 84(3), le critère applicable est de savoir si un des résultats de la série d'opérations ou d'événements a été d'opérer une réduction significative du gain en capital qui, en l'absence du dividende réputé en vertu du paragraphe 84(3), aurait été réalisé sur la disposition d'actions à leur juste valeur marchande immédiatement avant le rachat. Dans le cas de l'application du paragraphe 84(3), l'objectif de la série d'opérations ou d'événements n'a pas à être débattu. En revanche, un objectif fiscal pourrait donner lieu à la prétention que les dividendes normaux de CU et de CU Holdings versés en 1996 et en 1997 devraient être inclus dans la série d'opérations ATCOR/Forest car l'objectif fiscal de la structure de cette série relierait lesdits dividendes à ladite série. Cela aurait pour effet de faire passer la thèse de l'exclusion des dividendes normaux pour la raison qu'ils ne dépendent pas des autres opérations au second plan après la thèse de l'inclusion desdits dividendes pour la raison qu'ils y sont liés par leur objet. Un événement prévisible et prévu que l'on sait suivre une séquence donnée pourrait être amené dans la série lorsque l'événement est à dessein utilisé pour obtenir un avantage. Je traiterai de cette question dans la suite des présents motifs, mais je la soulève maintenant afin de mettre le témoignage des témoins des appelantes en perspective.

[60]     Le premier témoin cité par l'appelante était Bill Britton, un avocat du cabinet Bennett Jones à Calgary. Les sociétés ATCO étaient depuis longtemps clientes de Me Britton et de la firme. Me Britton était responsable de l'administration des services juridiques fournis par Bennett Jones aux sociétés ATCO. En 1995 et en 1996, il était administrateur d'ATCO, de CU, de CU Holdings et d'ATCOR.

[61]     Comme dans le cas d'opérations antérieures, y compris l'acquisition de CU en 1980, le rôle de Me Britton comprenait la responsabilité de mener à bien diverses acquisitions et dispositions sous réserve de l'approbation en dernier lieu de la haute direction et du conseil d'administration des diverses sociétés qui pouvaient être touchées par une acquisition et une disposition données que Me Britton supervisait ou dirigeait.

[62]     Me Britton a témoigné que, bien qu'une des raisons de l'acquisition d'ATCOR était de faciliter le flux de revenus pour contribuer à financer les obligations de CU en terme de paiement de dividendes sur ses actions privilégiées, les résultats financiers d'ATCOR n'étaient pas compatibles avec la stratégie de croissance fixée pour les sociétés ATCO. Il fut déterminé que la contribution d'ATCOR n'était pas suffisante et qu'elle fluctuait de manière à causer des variations inacceptables de la stratégie de croissance. On a prétendu que les fluctuations étaient attribuables aux fluctuations des cours du pétrole et du gaz qui avaient elles-mêmes un effet sur les valeurs des réserves. De plus, Me Britton a suggéré que les banques d'investissement perdaient intérêt dans CU à cause de sa participation à ATCOR. Cela a été corroboré par M. William Sembo. Il y avait également une question de rendement du temps investi. ATCOR avait 14 administrateurs, et les affaires d'ATCOR exigeaient que l'on y consacre beaucoup de temps et d'attention sans que l'on puisse obtenir les résultats escomptés. Pour toutes ces raisons, en mai 1995 ou vers ce mois, Ron Southern et Cam Richardson, alors chef des finances d'ATCO, ont demandé à Me Britton de sonder le marché dans le but de vendre ATCOR.

[63]     Me Britton a témoigné que l'intention dès le début était de sonder le marché sur le fondement que tous les actionnaires d'ATCOR seraient inclus dans la vente. Autrement dit, il n'était pas question d'exclure les actionnaires publics. Il a dit que cette approche avait été dictée dans une certaine mesure par les lois en matière de valeurs mobilières qui protègent les intérêts des actionnaires minoritaires et par ce que Me Britton a désigné comme étant une attitude [traduction] « maternelle » responsable. Sur ce dernier point, je remarque que la correspondance datée du 1er juin 1995 (onglet 25, volume 3 du recueil conjoint de documents) suggère qu'une offre devait d'abord être recherchée pour les actionnaires majoritaires d'ATCOR et que la probabilité qu'une offre serait faite aux autres actionnaires ferait l'objet d'une autre étude à une date ultérieure. Une telle approche a peut-être aidé à assurer le meilleur prix possible pour tous les actionnaires.

[64]     Me Britton a témoigné que, bien que les actionnaires majoritaires aient voulu garder certains éléments d'actif (ce qui exigeait que l'acheteur et les actionnaires minoritaires d'ATCOR approuvent l'exclusion de certains éléments d'actif d'ATCOR), l'objectif était de trouver un acheteur qui puisse absorber l'exploitation de manière à maintenir la meilleure valeur possible et à préserver les emplois. Il a dit que la contrepartie devait être en liquide.

[65]     Me Britton a eu des pourparlers confidentiels avec les chefs de l'exploitation relativement à certains candidats potentiels. Lui et M. Richardson contactèrent également trois maisons de courtage en valeurs mobilières pour obtenir des demandes de propositions relativement à la vente d'ATCOR. En juin 1995, trois propositions furent reçues. Elles indiquent le rôle que la maison de courtage proposante jouerait. Elles mentionnaient des options de dessaisissement en termes très généraux, traitaient de stratégies de marketing et d'établissement des prix, et de manière générale faisaient la promotion de leur rôle potentiel si elles étaient retenues pour participer à la vente. Une des propositions va plus loin. Elle couvre le transfert à l'abri de l'impôt des éléments d'actif devant être gardés par les actionnaires majoritaires d'ATCOR et recommande en dernier lieu une vente au comptant des actions d'ATCOR car un report d'impôt sur les échanges d'actions ne semblait pas nécessaire puisqu'il était estimé que le prix de base des actions d'ATCOR détenues par les actionnaires majoritaires était élevé. Cela ne fait que confirmer ce que je crois qui aurait été évident de toute façon : une stratégie de vente, même à ses premiers stades, tiendrait compte de l'influence des stratégies fiscales dans l'établissement de la structure de l'opération.

[66]     Me Britton a témoigné que, pour des raisons de confidentialité, aucune des maisons de courtage auxquelles on avait demandé des propositions ne fut engagée pour aider à trouver un acheteur. Me Britton a continué de rechercher lui-même des acheteurs potentiels et a trouvé lui-même Forest. À la suite de rencontres initiales, une entente de confidentialité fut conclue en août 1995 entre le président de Forest et Me Britton. À la suite d'un contrôle préalable, Forest a envoyé une proposition le 4 octobre 1995. Il s'agissait d'une proposition d'acquisition de toutes les actions d'ATCOR en échange d'actions de Forest à un prix de 4,63 $ par action. Une proposition subsidiaire comprenant une contrepartie en argent était conditionnelle, la portion en argent de l'offre subsidiaire dépendant de l'obtention des fonds par Forest.

[67]     Me Britton a témoigné qu'il croyait qu'une telle condition créerait des difficultés en vertu du droit des valeurs mobilières canadiennes. À tout le moins, Me Britton était d'avis que, contrairement au droit américain, le droit canadien interdisait une vente conditionnelle au financement.

[68]     Le 24 octobre 1995, les conseillers juridiques de Forest aux États-Unis écrivirent afin d'organiser une rencontre pour compléter les négociations. Cette lettre mentionnait toujours une contrepartie en argent et en actions pour l'achat des actions d'ATCOR. Me Britton a témoigné que Forest a alors appris l'existence de l'exigence relative aux liquidités et une lettre semblable mais révisée fut envoyée par les conseillers de Forest le 31 octobre 1995. Elle retardait le calendrier de conclusion, indiquait une contrepartie en argent pour l'achat des actions d'ATCOR (avec une option pour le vendeur de recevoir une contrepartie en actions) et stipulait que la contrepartie serait versée sur une base convenant fiscalement à toutes les parties. Dans les deux lettres figurait la condition relative à l'obtention des fonds par Forest dans le cadre d'un appel public à l'épargne. Bien que Me Britton ait témoigné que la condition posait problème, la correspondance révisée n'indique nullement qu'un tel problème ait été soulevé. Il me semble qu'on peut raisonnablement présupposer que la façon de traiter de cette question (savoir la structure de la fusion) avait déjà été considérée par les conseillers des appelantes.

[69]     Un communiqué de presse fut émis le 22 novembre annonçant des négociations pour la vente d'ATCOR. Bien que la proposition n'eût pas été complétée ni le prix final convenu au moment du communiqué de presse, Me Britton a confirmé qu'il était raisonnablement confiant à ce moment qu'une affaire serait conclue avec Forest. Cela suggère encore une fois qu'une solution au problème du financement conditionnel avait déjà été étudiée par les conseillers des appelantes.

[70]     L'émission du communiqué de presse signifiait également, selon le témoignage de Me Britton, que l'on était raisonnablement confiant qu'une entente serait conclue qui soit approuvée par la majorité requise des votes de chaque catégorie d'actions en circulation d'ATCOR (y compris les actions non assorties d'un droit de vote dont les actionnaires majoritaires ne détenaient qu'environ 29 %). Cela signifiait que, pour qu'il y ait transaction, la coopération des actionnaires publics d'ATCOR était nécessaire. Il semble probable par conséquent qu'une structure tenant compte des exigences des actionnaires publics et des actionnaires majoritaires devait déjà avoir été considérée par les conseillers des appelantes.

[71]     Me Britton a ensuite témoigné qu'au début de décembre 1995 deux firmes avaient été retenues afin d'obtenir une opinion sur le caractère équitable du prix offert dans le cadre du projet de vente. Les lettres d'engagement montrent que les conditions et la structure de la vente (le prix, la fusion et le rachat, par opposition à une option de vente offerte à tous les actionnaires) étaient déjà connues à ce moment. Ni les conditions d'engagement ni les avis figurant au recueil conjoint de documents ne renvoient à la convention de fusion elle-même ni aux conséquences fiscales associées à la structure de la fusion. Néanmoins, les avis confirmaient que l'acquisition était équitable envers tous les actionnaires. À la suite de l'obtention de ces avis, la convention d'acquisition, à laquelle étaient joints les documents comprenant les statuts de fusion et la convention de fusion proposés, fut conclue le 12 décembre.

[72]     Bien qu'il admît que les appelantes ont reçu des conseils fiscaux du groupe de droit fiscal de son cabinet, Me Britton n'a pas reconnu avoir eu connaissance ni se souvenir de nul détail d'une éventuelle planification fiscale par son cabinet relativement aux opérations en question. Il a affirmé que la structure n'avait pas été dictée par les appelantes mais par Forest dans le but de régler des problèmes. Ce témoignage a été corroboré dans une certaine mesure par un autre témoin, David Baxter, qui avait travaillé à l'opération au nom de Forest. De plus, je note que la correspondance provenant des conseillers d'ATCOR tend à confirmer que ce sont eux qui ont recommandé la structure. Cependant, comme le confirment les autres témoignages que je mentionnerai ci-dessous, il ne fait pas de doute que les conseillers des appelantes ont donné leur avis sur des détails de la structure qui n'étaient d'aucun intérêt pour Forest. Même en ce qui concerne la structure de la fusion elle-même, il semble probable que les conseillers des appelantes avaient la même idée que ceux de Forest. Bien sûr, ils étaient probablement un peu en avance sur les conseillers de Forest sur ces questions, car il s'agissait de questions d'impôt sur le revenu du vendeur. L'empressement des conseillers des appelantes à produire les divers documents requis, l'Avis-circulaire, les conventions de fusion et d'acquisition et les autres instruments qui assuraient des options acceptables pour les actionnaires, qu'ils soient publics ou majoritaires, qui soient acceptables sur le plan fiscal confirme cette opinion, comme le fait le témoignage de Me Baxter et, plus particulièrement, celui de Me MacNeil, que je commenterai un peu plus loin dans les présents motifs.

[73]     Me Britton a également témoigné au sujet des pratiques et des versements de dividendes antérieurs de CU et de CU Holdings. Cet aspect de son témoignage n'est pas contesté.

[74]     Le deuxième témoin, Daniel Baxter, est avocat au service du cabinet MacLeod Dixon, qui représentait Forest pendant la période pertinente. Les services de ce cabinet avaient été retenus au début de novembre 1995. À ce moment, la transaction dépendait du versement, conditionnel au financement, d'une somme d'argent pour l'achat de toutes les actions d'ATCOR.

[75]     Me Baxter a témoigné que trois structures différentes avaient été considérées pour l'achat des actions d'ATCOR : une offre publique d'achat, une fusion dans laquelle les actionnaires recevaient des valeurs rachetables ou un plan d'arrangement. Forest a décidé qu'elle désirait procéder avec la structure de fusion. Il n'est pas nécessaire que j'élabore sur les considérations qui l'ont poussée à cette décision. Je suis convaincu que ses seules motivations étaient commerciales. L'achat d'une société publique assujettie au financement par une offre publique d'un acheteur étranger présente des complexités, surtout lorsque l'opération doit se faire en quelques mois. La structure de la fusion atteignait les objectifs commerciaux d'une manière coordonnée et efficace. Même a posteriori, on ne voit pas de manière d'agir plus efficace commercialement.

[76]     Comme Me Britton, Me Baxter n'était pas familier avec les incidences fiscales qui ont pu être considérées dans l'ajustement de la structure de la fusion. Il a toutefois admis qu'il ne verrait aucune raison, sauf peut-être des considérations fiscales, d'établir différentes catégories d'actions remboursables à la fusion. D'ailleurs, il a reconnu que l'achat direct d'une seule catégorie d'actions remboursables d'ATCOR après la fusion par Forest (Forest Subco) aurait satisfait les objectifs commerciaux de Forest. Il a toutefois reconnu que l'établissement de différentes catégories d'actions dans ce type de structure de rachat est courant.

[77]     Le prochain témoin, William Sembo, est le vice-président de RBC Capital Markets à Calgary. En 1995, il était vice-président et directeur de RBC Dominion valeurs mobilières à Calgary. Il était responsable de la prestation de conseils financiers corporatifs généraux aux sociétés ATCO. Il a travaillé à la fois à la proposition et à l'opinion sur le caractère équitable du prix offert susmentionnées préparées par RBC. Relativement à l'opinion sur le caractère équitable du prix offert, il a témoigné que sa société était d'avis que l'opération proposée était équitable du point de vue financier pour tous les actionnaires. Il a dit que sa société s'était assurée qu'il n'y avait pas d'avantages collatéraux pour ATCO ni pour ses sociétés liées en vertu des termes de l'opération mais qu'elle n'avait pas considéré les incidences fiscales pour les actionnaires d'ATCOR relativement à ces dispositions.

[78]     Il a continué son témoignage en affirmant qu'en qualité de conseiller en placements, RBC a suivi les activités et les développements du groupe ATCO et a publié des rapports sur ce groupe à l'intention du public sur le fondement de ses recherches. Il a témoigné que les sociétés de services publics et de pipelines étaient évaluées par les investisseurs selon leur politique de dividendes et selon le rendement desdits dividendes. Il a confirmé qu'il y avait une tendance de croissance stable des dividendes dans le groupe ATCO et que c'était ce à quoi le marché s'attendait. Il a témoigné que l'attente de croissance était largement fondée sur la poursuite de l'application d'un plan d'affaires qui prévoyait que les entreprises affiliées d'ATCO connaîtraient une croissance et une expansion. Ce plan d'affaires prévoyait également la vente d'entreprises qui ne contribuaient pas à cette croissance, ne cadraient pas avec les autres entreprises ou n'étaient pas en synergie avec celles-ci. La tendance était de vendre les entreprises qui ne cadraient pas bien. Le marché recherchait les placements « purs » positionnés dans une ou deux industries. M. Sembo a également témoigné que la vente de sociétés affiliées dans le cas du groupe de sociétés ATCO permettait l'accumulation de liquidités pour racheter certaines actions privilégiées dont le rachat venait à échéance.

[79]     Le témoignage de M. Sembo corrobore de manière générale le témoignage de Me Britton en ce qui concerne les raisons de la vente d'ATCOR.

[80]     Le témoin suivant était Arthur Easterly, un ingénieur à son compte qui était, pendant la période pertinente, président et chef de l'exploitation d'ATCOR.

[81]     Il a témoigné qu'il n'était pas au courant de la proposition de vente d'ATCOR jusqu'à un certain moment en octobre 1995, alors que Me Britton lui a parlé de la possibilité de la vente.

[82]     Le rôle de M. Easterly dans la vente d'ATCOR était d'offrir et d'expliquer l'actif d'ATCOR aux représentants de Forest. Il a également fait partie d'un comité indépendant du Conseil qui a retenu les services d'un conseiller financier afin d'obtenir une opinion sur le caractère équitable du prix offert dans le but d'émettre une recommandation au conseil d'ATCOR. Un des points les plus importants de l'opinion sur le caractère équitable du prix offert était de confirmer la valeur de l'actif d'ATCOR et le caractère équitable de l'opération pour tous les actionnaires. M. Easterly a affirmé qu'il n'avait pas participé à la négociation du prix; c'était plutôt Bill Britton qui s'occupait de ces négociations.

[83]     M. Easterly a confirmé que le comité n'a pas directement tenu compte des incidences fiscales pour les actionnaires. M. Easterly a en revanche reconnu qu'il était lui-même actionnaire et qu'il connaissait sa propre situation, et il a supposé que les actionnaires majoritaires connaissaient de même leur propre situation.

[84]     Comme les témoins qui l'ont précédé, M. Easterly n'a pu répondre aux questions d'ordre fiscal qui lui ont été posées, y compris les questions sur les incidences fiscales de l'évaluation des actions d'ATCOR. On lui a demandé si l'évaluation de l'actif au niveau de la société et si l'évaluation des actions relativement à l'actif tenaient compte des incidences fiscales. Il n'a pu répondre à ces questions.

[85]     Le dernier témoin, John MacNeil, est un avocat exerçant pour le cabinet Bennett Jones à Calgary. Me MacNeil avait fait une déclaration solennelle en décembre 2002 et il a donné une preuve directe sur le contenu de cette déclaration.

[86]     Me MacNeil était à l'emploi de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario de 1987 à 1989, puis a été conseiller juridique de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario de 1989 à 1992. Il a été conseiller principal au bureau de l'Avocat-conseil de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario de 1992 à 1994. Il est entré à l'emploi de Bennett Jones en 1994 et est devenu associé en 1998. Sa pratique est principalement orientée dans les domaines du droit des valeurs mobilières, des fusions et des acquisitions. Il a travaillé à des fusions et à des transactions importantes.

[87]     Me MacNeil a été cité à la fois pour donner son avis et pour témoigner de sa participation à l'opération en question. L'intimée ne s'est pas opposée à la qualification de témoin expert de Me MacNeil.

[88]     En novembre 1995, l'avis de Me MacNeil fut sollicité relativement au projet d'achat. Il a confirmé que la condition de financement imposée par Forest empêchait à toutes fins pratiques une structure d'offre publique d'achat. Il s'agissait d'une opération « privée » visant l'acquisition de 100 % des actions en circulation d'ATCOR. Hormis le problème relatif à la condition de financement, une offre publique d'achat n'était pas réalisable car une telle solution aurait pu mener à des exigences d'acquisition obligatoires nécessitant des opérations de deuxième étape visant à écarter les actionnaires récalcitrants.

[89]     En ce qui concerne la possibilité d'un plan d'arrangement, cette solution a été décrite comme un processus plus compliqué, plus long et plus cher prenant de trois à six mois. Elle nécessite une détermination du caractère équitable par un tribunal. Me MacNeil a reconnu qu'il y avait d'importants avantages à procéder par arrangement et qu'il s'agirait là probablement d'une manière convenable de procéder mais que le processus serait plus compliqué, plus long et plus cher[9].

[90]     En ce qui concerne la contribution de Me MacNeil aux opérations Forest/ATCOR, il a témoigné qu'il avait exprimé aux avocats de droit commercial de son cabinet l'opinion que la condition de financement de Forest était problématique. Il s'est entretenu avec Dan Baxter, et Forest est revenue avec une proposition de fusion qu'il a étudiée. La proposition prévoyait un type courant de fusion qui aurait pour effet que tous les actionnaires d'ATCOR recevraient des actions privilégiées rachetables et seraient ainsi désintéressés. L'opinion de M. MacNeil était qu'il s'agissait là d'une opération acceptable qui respectait le droit des sociétés et des valeurs mobilières.

[91]     La structure de la fusion était simple et efficace. Je n'ai pas à me fonder sur l'opinion de Me MacNeil pour arriver à cette conclusion, mais je n'essaie pas de justifier son utilisation uniquement comme moyen de contourner les lois sur les acquisitions conçues pour protéger les actionnaires minoritaires. Néanmoins, je constate que, du point de vue commercial, une structure de fusion n'exige pas une convention de fusion qui crée et permet l'échange d'actions du prédécesseur contre différentes catégories d'actions de la société fusionnée ayant chacune un capital versé différent, dont le choix avait été approuvé par le conseil d'administration d'ATCOR sur le fondement d'une opinion sur le caractère équitable du prix offert et d'une recommandation d'un comité qui ne mentionnaient pas ces questions. La seule explication des différentes catégories d'actions spéciales et de la répartition entre elles du capital versé était que la fusion avait été structurée de la manière normale ou habituelle, ce qui veut dire que la structure suivait des techniques d'application normales ou habituelles, ce à quoi j'ajouterais « telles que conçues par les planificateurs fiscaux » .

[92]     En fait, Me MacNeil a témoigné que la demande visant la création de différentes catégories d'actions rachetables ne provenait pas de Forest mais plutôt du groupe de droit fiscal de Bennett Jones. Me MacNeil a reconnu que le groupe de droit commercial avait demandé des conseils fiscaux sur la structure des opérations. Il a admis que Ron Sirkis et Stan Ebel, deux fiscalistes extrêmement chevronnés, faisaient partie de l'équipe de droit fiscal. Me MacNeil a reconnu que les fiscalistes voulaient différentes catégories d'actions privilégiées rachetables afin de faciliter le traitement des dividendes réputés pour les actionnaires majoritaires. Plus précisément, il a témoigné que le groupe de droit fiscal avait participé à la mise au point des détails de la fusion, y compris la répartition du capital versé. Ce qui suit est extrait de la transcription des débats, aux pages 209 et 210 :

[traduction]

Q.         Est-il courant qu'une structure de fusion comprenne des actions privilégiées rachetables?

R.          Absolument.

Q.         Est-il courant qu'une structure de fusion comprenne plus d'une catégorie d'actions privilégiées?

R.          Oui.

[...]

M. LE JUGE : Je voudrais juste clarifier un point dont je ne suis pas certain relativement au paragraphe 17 de votre déposition, pardon, de votre déclaration.

            La première ligne parle d'une structure de fusion qui avait été proposée par les avocats de Forest. Cela m'aurait induit à croire et d'ailleurs, lorsque vous avez commenté précisément ce paragraphe, j'ai eu l'impression que la structure de la manière dont elle s'est développée avec trois catégories différentes d'actions remboursables ou deux catégories de remboursables et une directement achetables, les comptes de capital versé et différentes catégories d'actions et j'en passe, j'ai eu l'impression que cela avait été proposé par Forest ou que c'était ce sur quoi vous avez déposé et sur quoi vous aviez témoigné en premier, mais vous avez par la suite en contre-interrogatoire je crois mentionné que la proposition en ce qu'elle comportait différentes catégories d'actions, que cette structure provenait en fait de M. Ebel.

R.          C'est exact.

Lorsqu'il fut interrogé sur les incidences fiscales des différentes catégories, ce témoin a mentionné l'Avis-circulaire qui indiquait des remboursements de l'impôt de la partie IV dans les circonstances applicables aux appelantes et a admis avoir su que les appelantes étaient intéressées à recevoir des actions privilégiées rachetables, nommément les actions spéciales de catégorie A et de catégorie B, et que cela aurait pour effet qu'un impôt remboursable serait payable.

[93]     Lorsqu'il fut interrogé sur le fait que le conseil d'ATCOR avait formé un comité spécial afin de conseiller les administrateurs et afin de disposer de sa propre opinion sur le caractère équitable du prix offert, Me MacNeil a déclaré qu'un comité spécial avait été formé parce que certains administrateurs d'ATCOR étaient également administrateurs des actionnaires majoritaires. Les actionnaires majoritaires auraient été en conflit d'intérêts s'ils appuyaient la fusion. Par conséquent, le conseil d'administration a jugé prudent d'établir un comité spécial distinct composé de personnes indépendantes et de rechercher également l'opinion d'experts indépendants sur laquelle il pourrait se fier. Aucune explication n'a été donnée sur la raison pour laquelle le conflit n'a pas amené le Conseil ni le comité spécial à rechercher un avis sur le caractère équitable des attributions du capital versé, qui était un facteur déterminant dans la détermination des conséquences fiscales sur tous les actionnaires ainsi que sur le choix des actions spéciales devant être souscrites lors de la fusion.

[94]     Relativement aux dividendes normaux versés par les appelantes au cours des années pertinentes, la déclaration solennelle de M. MacNeil indique qu'ils n'ont joué aucun rôle dans la structure et dans la mise au point de l'opération. En contre-interrogatoire, M. MacNeil a reconnu que cet élément de sa déclaration concernait selon lui le fait que les dividendes aient influé ou non sur son opinion et que la réponse à cette question était que les dividendes normaux n'avaient pas influé sur son opinion. M. Ebel, bien qu'il fût présent à l'audience, n'a pas été appelé à témoigner sur l'influence que ce fait eût pu avoir sur son opinion.

[95]     Pour terminer, je ferai remarquer qu'il y a eu lecture de la transcription des interrogatoires préalables. La lecture est celle du témoignage d'un vérificateur de l'ADRC qui a reconnu au nom de la Couronne qu'il n'y avait aucun problème relativement au versement de dividendes normaux par les appelantes, que l'on tienne comte de la transaction ATCOR/Forest ou que l'on en fasse abstraction. Le vérificateur a reconnu que les appelantes auraient pu verser les dividendes qu'il y ait transaction ou non. Le vérificateur a également convenu que certains des remboursements étaient la conséquence de dividendes versés à des personnes autres que des sociétés. (C'est là une conclusion de droit qui n'a aucune pertinence.) L'objectif de la lecture était de souligner que la vente d'ATCOR et les produits reçus du rachat par les appelantes n'étaient pas nécessaires pour financer les dividendes normaux respectifs. Les avocats de l'intimée ont concédé ce point à l'audition.

Arguments de l'intimée

[96]     L'intimée a allégué que la série d'opérations ou d'événements mentionnée au paragraphe 55(2) était la suivante :

a)        le choix par les appelantes de convertir leurs actions de l'ATCOR remplacée en des actions spéciales rachetables de catégorie A et de catégorie B de l'ATCOR fusionnée (le « choix » );

b)       le rachat par l'ATCOR fusionnée des actions spéciales de catégorie A et de catégorie B des appelantes qui ont résulté dans la réception du dividende réputé de CU et du dividende réputé de CU Holdings (le « rachat » ); et

c)        la déclaration et le versement de dividendes par CU en 1996 et par CU Holdings en 1996 et en 1997 (les « paiements de dividendes » ).

[97]     L'intimée a soutenu que les paiements de dividendes constituent une série d'opérations ou d'événements au sens que lui donne la common law dans OSFC Holdings Ltd. c. Canada, C.A.F. no A-424-99, 11 septembre 2001 (2001 DTC 5471), et que le choix et le rachat sont des opérations liées et conclues en considération des paiements de dividendes et font donc en application du paragraphe 248(10) partie de la même série d'opérations que les paiements de dividendes. Le passage particulier d'OSFC sur lequel l'intimée s'appuie fortement est le paragraphe 36, qui se lit comme suit :

[36]       Ainsi, avant d'appliquer le paragraphe 248(10), le terme « série » doit être interprété selon son sens en common law, lequel ai-je conclu, vise les opérations déterminées d'avance et dont la réalisation est pratiquement certaine. À cela, on ajoute « [d]es opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série » . Le paragraphe 248(10) n'exige pas que l'opération liée soit déterminée d'avance. Il ne précise pas non plus quand l'opération liée doit être terminée. Dès lors que l'opération a quelque lien avec la série au sens de la common law, elle fera partie, si elle a été terminée en vue de réaliser une série au sens de la common law, de la série en raison de l'effet déterminatif du paragraphe 248(10). Pour déterminer si l'opération liée est terminée en vue de réaliser une série au sens de la common law, il faut décider si les parties à l'opération étaient au courant de la série au sens de la common law, de façon qu'on puisse dire qu'elles en avaient tenu compte lorsqu'elles ont décidé de terminer l'opération. Le cas échéant, on peut dire que l'opération a été terminée en vue de réaliser une série au sens de la common law.

[98]     Le paragraphe 248(10) se lit comme suit :

Pour l'application de la présente loi, la mention d'une série d'opérations ou d'événements vaut mention des opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série.

[99]     L'intimée prétend que les paiements de dividendes constituaient en common law une série d'opérations ou d'événements tels que décrits dans OSFC parce que :

a)        les paiements de dividendes étaient déterminés d'avance afin de produire un résultat final, la distribution de fonds aux actionnaires;

b)       lorsque le premier dividende (trimestriel ou mensuel) fut déclaré et payé en 1996 à chacune des appelantes, tous les éléments essentiels des déclarations et des paiements subséquents furent déterminés par les personnes qui avaient la ferme intention et la capacité de les mettre en application, soit le conseil d'administration de chacune des appelantes; et

c)        il n'y avait aucune probabilité pratique que chaque dividende déclaré et payé en 1996 pour CU et en 1996 et en 1997 pour CU Holdings n'aurait pas lieu.

[100] Relativement au choix, l'intimée soutient que les actions spéciales de catégorie A et de catégorie B ont été créées pour permettre aux appelantes de choisir de les prendre en échange des actions de l'ATCOR remplacée et que ce choix a été fait par les appelantes pour assurer qu'elles reçoivent leur dividende réputé sur la disposition des actions de l'ATCOR fusionnée.

[101] L'intimée prétend que le choix était un événement qui était clairement lié aux paiements de dividendes. L'intimée soutient que le choix avait clairement [traduction] « un certain lien » avec les paiements de dividendes car le choix a donné lieu au rachat, lequel a lui-même donné lieu au dividende réputé de chaque appelante et à l'impôt de la partie IV qui devait être remboursé par suite des paiements de dividendes. De plus, l'intimée prétend qu'il n'y a aucune preuve suggérant que les appelantes auraient fait le choix si elles ne s'étaient pas attendues à ce que l'impôt de la partie IV qu'elles payaient sur leur dividende réputé respectif serait remboursé par suite des paiements de dividendes.

[102] L'intimée a de plus soutenu que le choix a été fait en vue des paiements de dividendes et qu'il est raisonnable de déduire de la preuve que les appelantes savaient qu'en faisant ce choix, l'impôt de la partie IV payable au rachat des actions choisies serait remboursable. Elle prétend également qu'il est raisonnable d'inférer de la preuve que les appelantes non seulement connaissaient le fait que l'impôt payable sur le rachat de leurs actions de l'ATCOR fusionnée serait remboursé à cause des paiements de dividendes, mais également qu'elles en ont tenu compte.

[103] L'intimée prétend donc que le choix était lié aux paiements de dividendes et réalisé en vue des paiements de dividendes comme l'exige le paragraphe 248(10) tel qu'il est interprété dans OSFC. À ce titre, le choix est réputé en application du paragraphe 248(10) faire partie d'une série d'opérations ou d'événements qui sont les paiements de dividendes.

[104] À l'égard du rachat, l'intimée a soumis des arguments semblables à ceux relatifs au choix. Il s'ensuit que, puisque le rachat était rattaché au choix, les conclusions seraient les mêmes, soit que le rachat était rattaché aux paiements de dividendes et effectué en vue de les réaliser dans la mesure applicable au choix. Par conséquent, l'intimée prétend donc que le rachat était lié aux paiements de dividendes et réalisé en vue des paiements de dividendes comme l'exige le paragraphe 248(10) tel qu'il est interprété dans OSFC. À ce titre, le rachat est réputé en application du paragraphe 248(10) faire partie d'une série d'opérations ou d'événements qui sont les paiements de dividendes.

[105] En réponse à l'argument des appelantes que les paiements de dividendes étaient les dividendes normaux et n'étaient pas par conséquent rattachés aux opérations ATCOR/Forest, l'intimée prétend que la position des appelantes néglige de considérer le sens de l'expression « série d'opérations ou d'événements » comme elle est utilisée aux paragraphes 55(2) et 248(10). L'intimée soutient que c'est précisément la régularité et la certitude des paiements de dividendes qui les fait entrer dans la même série d'opérations ou d'événements que l'obtention des dividendes réputés aux fins du paragraphe 55(2) de la Loi.

[106] De plus, en réponse à l'argument des appelantes que les paiements de dividendes auraient eu lieu qu'il y ait vente ou non et ne faisaient par conséquent pas partie de la même série, l'intimée affirme qu'une telle interprétation aurait pour effet de limiter excessivement l'effet du paragraphe 55(2) et a soumis l'exemple suivant, que l'intimée a qualifié comme étant l'inverse de la situation qui est ici en litige :

[traduction]

M. A détient toutes les actions de Holdco, laquelle détient elle-même toutes les actions de Target. M. B et Holdco concluent une convention d'achat et de vente des actions de Target. Le prix d'achat est établi à 1 million de dollars plus un montant équivalant aux liquidités de Target à la date de conclusion. Avant la conclusion, Target verse un dividende à Holdco. Le versement du dividende avant la vente est une situation classique couverte par le paragraphe 55(2).

Dans un tel cas, l'événement donnant lieu à la réduction du gain en capital est le dividende réellement versé. La question, aux fins du paragraphe 55(2), est de savoir si cet événement forme une série avec la vente subséquente. L'intimée a prétendu que, de suggérer que le paragraphe 55(2) ne dût pas s'appliquer à cet exemple parce que la vente aurait eu lieu qu'un dividende eût été versé ou non aurait pour effet de donner au paragraphe 55(2) une application trop étroite.

[107] Relativement à la deuxième condition qui pourrait empêcher l'application de l'exception à la partie IV (c.-à-d. si le remboursement de l'impôt de la partie IV était la conséquence du paiement de dividendes aux sociétés), l'intimée a simplement argué qu'il y avait assez de dividendes à verser à des sociétés en 1996 dans le cas de chaque appelante pour couvrir la totalité des remboursements permis par l'article 129. L'intimée a argué subsidiairement que la portion du dividende réputé respective de chaque appelante qui serait admissible à l'exception de la partie IV serait la portion des dividendes totaux payés à des personnes autres que des sociétés. Ces arguments ne devront être considérés que si je décide que les dividendes payés, c'est-à-dire les dividendes normaux, ne faisaient pas partie de la même série d'opérations ou d'événements que les opérations ATCOR/Forest.

Les arguments des appelantes

[108] Les appelantes ont prétendu que l'exception de la partie IV exige spécifiquement une conclusion que les dividendes normaux font partie de la même série d'opérations ou d'événements que la transaction ATCOR/Forest. Le paragraphe 55(2) parle d'une « série d'opérations ou d'événements » à laquelle la disposition peut s'appliquer. Il a été soutenu que le sens ordinaire de l'exception de la partie IV ne permet pas une conclusion que les dividendes normaux sont cette série d'opérations (que les avocats des appelantes ont désigné sous le nom de [traduction] « série d'opérations de base » ). La série d'opérations de base est, selon ce qui est argué, les opérations ATCOR/Forest.

[109] Dans l'étude de la question de savoir si les dividendes normaux peuvent être considérés comme faisant partie de la série d'opérations ATCOR/Forest, les avocats des appelantes ont cité le paragraphe 19 d'OSFC, dans lequel la Cour d'appel fédérale a accepté les critères avancés par la Chambre des lords dans Furniss v. Dawson, [1984] A.C. 474 (C.L.), tels que précisés par la Chambre des lords dans Craven v. White, [1989] A.C. 459 (C.L.), qui sont les suivants (les « exigences de Furniss & Dawson » ) :

Dans l'état actuel du droit, les éléments essentiels qui ressortent de l'arrêt Furniss v. Dawson, [1984] A.C. 474, me semblent être au nombre de 4: (1) que la série d'opérations était, au moment où l'opération intermédiaire est intervenue, déterminée d'avance de manière à produire un résultat donné; (2) que l'opération n'avait d'autre but que la réduction des impôts; (3) qu'à ce moment-là il n'existait aucune probabilité pratique que les événements planifiés d'avance ne se produiraient pas dans l'ordre envisagé, de manière que l'opération intermédiaire n'était même pas envisagée pratiquement comme ayant une vie indépendante, et (4) que les événements préétablis ont effectivement eu lieu.

[110] Les appelantes soutiennent que les exigences nécessaires pour attacher les dividendes normaux à la série d'opérations ATCOR/Forest ne sont pas respectées.

[111] Les avocats des appelantes citent au surplus les affaires 454538 Ontario Ltd.c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., nos 89-51(IT) et 89-52(IT), 5 avril 1993 ([1993] 1 C.T.C. 2746), Industries S.L.M. Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., nos 87-523(IT)O, 87-549(IT)O, 12 juin 1995 ([1996] 2 C.T.C. 2572)et Les Placements E. & R. Simard Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., no 95-2381(IT)I, 21 juillet 1997 (97 DTC 1328) comme autorité au soutien de leur argument que, pour déterminer ce qui constitue une « série d'opérations » , la common law exige que les éléments généraux suivants soient présents :

(i)       un lien logique ou raisonnable entre les opérations;

(ii)       l'intention des contribuables que les opérations soient liées afin d'atteindre un résultat spécifique; et

(iii)      l'interdépendance et l'interrelation des opérations.

[112] Les appelantes prétendent que les dividendes normaux ne sont pas rattachés à la série ATCOR/Forest selon ces exigences. Il n'y a aucun lien raisonnable entre les opérations et l'intention de les rattacher ne devrait pas être induite des résultats obtenus. Les opérations sont réellement indépendantes. Chacune était complète en soi. Plus précisément :

a)        les opérations ATCOR/Forest n'ont pas eu de conséquences sur la régularité ni sur le montant des dividendes normaux;

b)       les opérations ATCOR/Forest étaient des ententes commerciales séparées et indépendantes réalisées aux fins d'un objectif commercial distinct;

c)        les dividendes normaux auraient été versés, que les opérations ATCOR/Forest aient été envisagées ou réalisées ou non;

d)       les opérations ATCOR/Forest n'étaient pas rattachées ni réalisées en vue de la déclaration et du paiement des dividendes normaux; et

e)        la déclaration et le paiement des dividendes normaux avant ou après la date de clôture des opérations ATCOR/Forest n'ont pas été effectués en vue de réaliser les opérations ATCOR/Forest ni n'étaient liés à celles-ci.

[113] Les avocats des appelantes ont soutenu que la série d'opérations en common law a débuté et s'est terminée avec la conclusion de toutes les opérations et de tous les événements décrits dans la convention d'acquisition et que toute opération ou tout événement qui n'était pas décrit dans la convention d'acquisition échappe à la définition de la série d'opérations en common law, y compris les dividendes normaux.

[114] En ce qui concerne la question de savoir si le paragraphe 248(10) s'applique de manière à ce que le paiement des dividendes normaux soit réputé faire partie de la série en common law, c'est-à-dire faire partie de la série d'opérations ATCOR/Forest, les avocats des appelantes ont reconnu que la Cour d'appel fédérale dans OSFC a conclu que le paragraphe 248(10) de la Loi étendait le sens de l'expression « série d'opérations ou d'événements » au-delà de ce qui avait été défini par la Chambre des lords dans Craven v. White. Le paragraphe 248(10) exige trois critères tels qu'énoncés au paragraphe 36 d'OSFC, savoir :

a)        une série d'opérations au sens de la common law;

b)       une opération « liée » à cette série; et

c)        la réalisation de l'opération liée « en vue de réaliser » la série.

En ce qui concerne l'exigence « en vue de réaliser » , la Cour d'appel fédérale ajoute également au paragraphe 36 de la décision dans OSFC, qu'aux fins du paragraphe 248(10) il est nécessaire de savoir si :

[...] les parties à l'opération étaient au courant de la série au sens de la common law, de façon qu'on puisse dire qu'elles en avaient tenu compte lorsqu'elles ont décidé de terminer l'opération. Le cas échéant, on peut dire que l'opération a été terminée en vue de réaliser une série au sens de la common law.

[115] Appliquant l'analyse de la Cour dans OSFC aux présents appels, les avocats des appelantes ont soutenu que, pour que le paragraphe 248(10) s'applique, il faudrait que je conclue que :

(i)        le paiement des dividendes normaux est lié aux opérations ATCOR/Forest (c.-à-d. la série au sens de la common law); et

(ii)        le paiement des dividendes normaux a été fait en vue de réaliser les opérations ATCOR/Forest.

[116] À l'égard de l'exigence du lien, les avocats des appelantes ont soutenu qu'OSFC n'éclaire pas beaucoup le sens du mot « lié » , et que cette décision se limite à dire que l'opération en question exige un certain lien avec la série au sens de la common law, mais n'élabore pas sur l'étendue du lien nécessaire. Les avocats des appelantes ont soutenu que, pour déterminer le lien requis exigé entre les opérations, l'on doit se fier à la jurisprudence de cette cour. En essence, cela amène les avocats des appelantes à soutenir que le mot « lié » tel qu'il est utilisé au paragraphe 248(10) ne soulève pas les mêmes considérations de common law relativement à l'étroitesse du lien entre les éléments d'une série. S'ils ne me convainquent pas de cela et si la common law aide la cause des appelantes, leur argument devient le suivant :

[traduction]

Il est soumis respectueusement que le paiement des dividendes normaux n'était pas lié à la transaction ATCOR/Forest. Plus précisément, il n'y a aucune interdépendance entre la vente d'ATCOR et le paiement des dividendes normaux. L'objectif premier des appelantes était la vente d'ATCOR à Forest, et ledit objectif était tout à fait indépendant et n'était nullement lié au paiement des dividendes normaux. Ce qui est capital, la transaction ATCOR/Forest aurait eu lieu qu'il y ait eu paiement subséquent de dividendes normaux ou non. La transaction était viable en soi même si les dividendes normaux avaient par la suite cessé.

[117] En ce qui concerne l'exigence « en vue de réaliser » , les avocats des appelantes ont soutenu que, en plus de conclure que les appelantes connaissaient les opérations ATCOR/Forest lorsqu'elles ont déclaré les dividendes, il serait également nécessaire, afin de satisfaire à l'exigence décrite dans OSFC, de conclure que les appelantes ont considéré les opérations ATCOR/Forest dans leur décision de déclarer et de payer les dividendes normaux dans l'intention que les dividendes normaux soient liés aux opérations ATCOR/Forest afin d'atteindre un résultat particulier.

[118] Les avocats des appelantes ont ensuite plaidé que la preuve démontre qu'au moment de la négociation des opérations ATCOR/Forest le paiement de dividendes normaux n'a joué aucun rôle dans l'atteinte de la décision de procéder à l'acquisition au moyen d'une fusion. En fait, on a prétendu que la preuve soutient une conclusion que l'exigence d'effectuer les opérations ATCOR/Forest au moyen d'une fusion était nécessaire pour tenir compte des circonstances particulières de Forest. Il a été prétendu au surplus que, dans les circonstances présentes, il est clair que les dividendes normaux auraient été payés sans égard à la réalisation, à la non-réalisation ou à la structure des opérations ATCOR/Forest. Donc, en déclarant et en payant les dividendes normaux, CU et CU Holdings n'ont pas tenu compte des opérations ATCOR/Forest.

[119] Relativement à leur plaidoyer subsidiaire, les avocats des appelantes ont suggéré que, s'il est conclu que les dividendes normaux font partie de la même série d'opérations ou d'événements que les transactions ATCOR/Forest, le paragraphe 55(2) n'exige pas que la partie des dividendes réputés assujettie à l'impôt de la partie IV remboursé par suite du paiement d'un dividende à une personne autre qu'une société soit requalifiée comme produits de disposition. Conséquemment, dans la mesure où tout ou partie du dividende réputé qui est assujetti à l'impôt de la partie IV est remboursé par suite du paiement des dividendes normaux à un bénéficiaire autre qu'une société, le paragraphe 55(2) ne s'appliquerait pas de manière à traiter cette portion du dividende réputé comme des produits d'une disposition. Il est à remarquer que l'article 129 ne calcule ni n'attribue des remboursements à des dividendes spécifiques ni ne renvoie à des bénéficiaires spécifiques. Les remboursements sont calculés selon les dividendes « versés --- dans l'année » . Dans les circonstances, les avocats des appelantes ont formulé les observations suivantes :

[traduction]

Nous soumettons que le libellé de l'exception de la partie IV du paragraphe 55(2) est clair et sans ambiguïtés. La condition de l'exception de la partie IV ne s'applique pas à l'impôt de la partie IV remboursé par suite du versement d'un dividende à une personne autre qu'une société. Le montant des dividendes versés à des personnes autres que des sociétés par CU et CUHL dans les années pertinentes n'est pas contesté. Nous soumettons que le paragraphe 129(1) prévoit le remboursement de l'impôt de la partie IV dans les circonstances relativement au versement de dividendes à des personnes autres que des sociétés par CU et CUHL dans les années pertinentes.

Nous soumettons par conséquent que, même s'il est conclu que les dividendes normaux font partie de la série, l'exception de la partie IV s'applique néanmoins à la portion des dividendes réputés assujettis à l'impôt de la partie IV qui a été remboursée par suite du versement de dividendes à des personnes autres que des sociétés.

Analyse

[120] Je traiterai d'abord du premier argument de l'intimée, lequel porte que le paragraphe 248(10) s'applique de manière à inclure les opérations ATCOR/Forest dans la série des dividendes normaux. L'intimée maintient que les dividendes normaux en tant que série au sens de la common law et en elle-même, peuvent inclure les opérations ATCOR/Forest antérieures par l'application du paragraphe 248(10) même si, en l'absence de la présomption législative, les opérations ne seraient pas une série au sens de la common law. À mon avis, le sens ordinaire du paragraphe 248(10) ne suggère ni ne permet une telle application.

[121] L'exception de la partie IV à l'application du paragraphe 55(2) exige que l'on se demande s'il y a eu remboursement de la partie IV « en raison du paiement d'un dividende lorsqu'un tel paiement fait partie de la série » . (Je souligne.)

[122] De quelle série s'agit-il? On peut difficilement douter qu'il s'agit de la série particulière nommée au début du paragraphe 55(2), savoir la série d'opérations ou d'événements dans laquelle une société a reçu un dividende imposable à l'égard duquel elle a droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1). La mention de cette série restreint la portée de la série étudiée. Sans se reporter à la définition étendue de « série » au paragraphe 248(10), les dividendes normaux ne font pas partie des événements par lesquels un dividende imposable a été reçu par les appelantes à l'égard duquel le bénéficiaire avait droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1). Si elle faisait partie de cette série sans l'application de 248(10), l'application de ce paragraphe serait redondante[10].

[123] Si les dividendes normaux ne font pas partie de la série d'événements mentionnée à l'exception figurant dans la partie IV, alors, dans l'application de l'exception de la partie IV à la présente cause, on ne peut dire que le remboursement de la partie IV était la conséquence du paiement d'un dividende qui faisait partie de la série qui a résulté en la réception par les appelantes de leur dividende réputé respectif sauf si le paragraphe 248(10) s'applique pour dicter une autre solution.

[124] Le paragraphe 248(10) cherche expressément à identifier une série mentionnée dans la Loi et comprend des opérations ou des événements faisant partie d'une « série » mentionnée dans la Loi, telle que la série mentionnée au paragraphe 55(2) s'ils (lesdites opérations ou lesdits événements) sont liés et sont terminés en vue de la réalisation de ladite série. La série du paragraphe 55(2) à laquelle le paragraphe 248(10) peut lier les opérations ou les événements et la série dans laquelle une société a reçu un dividende imposable à l'égard duquel elle a droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1). Donner au paragraphe 248(10) un effet autre que celui de lier des opérations liées à la série exige une interprétation passablement circulaire que son libellé ne suggère pas, à mon avis[11]. Dans le jargon des arguments des appelantes, la [traduction] « série de base des opérations » aux fins de l'exception de la partie IV à l'application du paragraphe 55(2) sont les opérations ATCOR/Forest, non les dividendes normaux payés par les appelantes.

[125] L'intimée s'est dite préoccupée par le fait que cette interprétation des paragraphes 55(2) et 248(10) pourrait avoir pour effet de toujours exclure de la série qui forme une structure d'évitement fiscal les opérations ou les événements qui se produiraient en faisant abstraction de cette structure. J'estime que cette inquiétude est sans fondement. Dans l'exemple classique qui est donné (voir le paragraphe 106 des présents motifs), l'événement donnant lieu à la réduction du gain en capital est le dividende réellement payé. La question aux fins du paragraphe 55(2) est celle de savoir si l'événement forme une série avec l'opération de vente subséquente. Pour arriver à cette décision, il n'est pas nécessaire de se demander si la vente pourrait être considérée comme ayant été effectuée en vue du dividende même si la vente aurait eu lieu de toute façon. Cette question n'est soulevée que s'il est nécessaire de se pencher sur l'application du paragraphe 248(10). Dans cet exemple, cela n'est pas nécessaire.

[126] Je désirerais ajouter que, même si la mention de « série » au paragraphe 248(10) restreint la portée du paragraphe dans des cas tels que l'exemple classique qui est proposé par l'intimée, elle n'a pas pour effet de contrer la nature élargie de ce paragraphe (sur laquelle j'élaborerai plus loin dans les présents motifs) ni n'empêche l'application du paragraphe 55(2), puisque la détermination d'une série au sens de la common law dans un tel exemple, sans faire appel au paragraphe 248(10), arrive au résultat voulu par l'intimée. Je suis certain que le dividende versé à Holdco serait considéré en common law reçu dans le cadre d'une série d'opérations qui inclut la vente, dont un des objectifs était d'opérer une réduction significative du montant de gain en capital qui aurait été réalisé sur la vente s'il n'y avait pas eu dividende. Contrairement à l'espèce, le dividende semble n'avoir aucune existence indépendante. En l'espèce, les dividendes normaux et la vente ont tous deux une existence indépendante. Comme il est discuté ci-dessous, l'analyse de Craven v. White liait le dividende à la vente dans une série au sens de la common law. Contrairement au paragraphe 248(10), la common law, y compris l'analyse de Craven v. White, ne dépend pas de l'identification d'une opération particulière de laquelle les autres opérations doivent découler afin de former une série. En fait, l'exemple classique cité par l'intimée est un bon exemple du type de détermination d'avance d'événements découlant de la même volonté consciente que l'analyse dans Craven v. White définit comme étant le critère pour constituer en common law une série à des fins fiscales.

[127] Ayant conclu que le paragraphe 248(10) ne peut s'appliquer de manière à lier le choix, le rachat et les dividendes réputés à la série de dividendes réputés (c.-à-d. les dividendes normaux), cela ne clôt pas définitivement le débat. Comme la plupart des arguments des appelantes le prévoyaient, la question de savoir si les dividendes normaux font partie d'une série d'opérations ou d'événements qui inclut les opérations ATCOR/Forest continue de se poser. La réponse des appelantes au paragraphe 10(l) présuppose que les dividendes normaux résultant des remboursements de l'impôt de la partie IV font partie de la série d'opérations ou d'événements entreprise par les appelantes. L'intimée a également argué que c'est la prévisibilité des dividendes normaux qui les font entrer dans la série d'opérations ATCOR/Forest.

[128] Avant d'étudier les exigences s'appliquant au rattachement (en common law ou en application du paragraphe 248(10)) des dividendes normaux à la série d'opérations ou d'événements qui comprend les opérations ATCOR/Forest, je vais par respect pour la position de l'intimée résumer certaines conclusions de fait dont l'intimée soutient qu'elles appuient sa position.

[129] Essentiellement, la position de l'intimée est que, lorsque des éléments de planification dans une série tiennent compte d'un événement futur connu afin d'assurer un résultat désiré, l'intégration de ces éléments « lie » l'événement futur à la série en common law ou satisfait à l'exigence de lien et d'objectif énoncée dans OSFC et dans le paragraphe 248(10).

[130] Par conséquent, la position de l'intimée dépend de conclusions de fait confirmant que des éléments des opérations ATCOR/Forest ont été intégrés dans le seul but de régler la question des remboursements découlant des dividendes normaux. Bien qu'il existe certains éléments de preuve de l'existence d'une certaine planification fiscale, il n'y a aucune preuve directe sur ce qu'a été cette planification en réalité. Je puis tirer des inférences raisonnables de la preuve qui m'a été soumise sans tirer des conclusions défavorables du silence des appelantes, mais il me faut également traiter de la question de savoir si les appelantes ont par leur silence décidé de ne pas tenir compte du fardeau de la preuve qui leur incombait. Malgré mes invitations à réagir à mes préoccupations relatives à la preuve, particulièrement en ce qui concerne la répartition du capital versé, les appelantes ont décidé de ne pas réagir ni de répondre à ces questions. Les avocats des appelantes ont délibérément choisi de ne citer que des témoins qui étaient incapables ou n'étaient pas préparés à répondre aux questions relatives à la planification fiscale des opérations ATCOR/Forest. En dernier ressort, il semble que leur position est que la planification fiscale effectuée n'est pas pertinente.

[131] Relativement à la planification fiscale effectuée, je fais les observations suivantes :

a)        Les fiscalistes de Bennett Jones ont commencé à participer aux opérations ATCOR/Forest en novembre 1995 au plus tard. L'implication de Daniel Baxter au nom de Forest a débuté au début novembre. Les services de Me MacNeil de Bennett Jones ont été retenus par le groupe de droit commercial de son cabinet et il a entrepris des pourparlers avec Daniel Baxter, qui lui a proposé une fusion. Me MacNeil était au courant de l'implication du groupe de droit fiscal de son cabinet au nom des actionnaires majoritaires et des subtilités que ce groupe a intégrées à la version finale de la convention de fusion. Le communiqué de presse a été émis le 22 novembre 1995. Me Britton a témoigné que les actionnaires majoritaires étaient à ce moment convaincus que les détails de la transaction seraient réglés. Je suis persuadé que, comme c'était le cas de l'exigence relative à la contrepartie en argent et de la résolution du problème du financement conditionnel, la structure fiscale était déjà à ce point bien avancée.

b)       Les appelantes auraient probablement été informées de la préférence commerciale pour une fusion même avant qu'elle ait été proposée par Daniel Baxter. Elles auraient été informées des avantages d'une telle structure sur tous les plans, non seulement sur le plan de l'efficacité commerciale, que j'ai reconnue. Que la structure ait été en dernier lieu proposée par Forest vu les réalités commerciales entourant la transaction ne fait pas échec à la probabilité que les appelantes aient connu les avantages de cette structure d'un point de vue fiscal et commercial. Les conséquences fiscales d'une fusion, en apportant certaines mises au point, résulteraient en un évitement d'impôt sur les gains en capital sur la vente des actions d'ATCOR. Il serait naïf à mon avis de croire que les appelantes n'étaient pas au courant de cela lorsqu'elles ont accepté la structure de fusion, qu'elles pouvaient ajuster à leur avantage. L'approbation de la convention de fusion par les actionnaires majoritaires a été le point de départ de la conclusion des opérations ATCOR/Forest. L'engagement des actionnaires majoritaires à approuver la fusion a été énoncé dans l'Avis-circulaire bien avant le vote à l'assemblée spéciale. Leur approbation était relativement indépendante de la recommandation du conseil d'administration d'ATCOR. Cette approbation ne dépendait pas d'une attestation d'équité. Dès le début des opérations ATCOR/Forest, elles savaient qu'elles approuvaient une vente à l'abri de l'impôt de leurs actions d'ATCOR.

c)        Bien que l'Avis-circulaire (sous le titre [traduction] « Considérations juridiques » ) indique que Bennett Jones était l'étude juridique qui représentait ATCOR, la preuve qui est devant moi indique que cette étude agissait également pour les actionnaires majoritaires.

d)       Dans les mises au point à la convention de fusion, les intérêts de diverses catégories d'actionnaires ont dû être considérés et rationalisés. Toutefois, aucune preuve directe n'a été présentée sur ce que cette rationalisation a été en réalité. Cela dit, je remarque que l'approbation d'avance, dont Bennett Jones avait connaissance, par les actionnaires majoritaires qui, à titre d'actionnaires, peuvent agir dans leur propre intérêt, était nécessaire. Les actionnaires majoritaires connaissaient et ont approuvé les conditions de la convention de fusion qui comprenaient des attributions de capital versé qui, relativement aux deux catégories d'actions d'ATCOR, correspondaient au prix de base rajusté respectif des actions d'ATCOR détenues par les appelantes. Cette approbation a eu lieu avant le 15 décembre 1995.

e)       L'établissement du capital versé est un événement pertinent. Le capital versé des actions d'une société peut être réparti à nouveau à la fusion. Je ne considère pas que des opérations dans le cadre desquelles le capital versé est redistribué entre différentes catégories d'actions ont une connotation péjorative. Les actionnaires vont et viennent. De nouvelles actions peuvent être émises ou annulées à différents moments et à différents prix. La Loi n'essaie aucunement d'associer des comptes de capital à des actionnaires particuliers. La distribution des comptes de capital versé est un outil de planification fiscale et il n'y a aucune raison dans un cas comme l'espèce que les répartitions versées ne soient pas pondérées dans les mises au point à la convention de fusion dans le cadre d'une planification fiscale ou si cela aurait pour effet de faire approuver la vente à Forest. Toutefois, il n'y a aucune preuve que les attributions de capital versé particulières à l'espèce ont aidé à assurer l'approbation de la vente par les actionnaires publics. L'approbation des actionnaires majoritaires était le point de départ nécessaire et je suis convaincu que, contrairement aux actionnaires publics, ils ont eu leur mot à dire, directement ou par l'intermédiaire de leurs avocats, Bennett Jones, dans les attributions et les rationalisations du capital versé.

f)        Quelles sont les rationalisations des répartitions du capital versé? La répartition du capital versé dans les actions spéciales de catégorie C n'est pas pertinente. Les actionnaires d'ATCOR choisissant les actions spéciales de catégorie C vendaient leurs actions et le capital versé relativement à leurs actions ne serait pas un montant pertinent dans le calcul du revenu aux fins fiscales. Chaque action de catégorie A et chaque action spéciale de catégorie B recevait une attribution du capital versé approximativement égale au prix de base rajusté par action d'une des actions des appelantes dans l'ATCOR remplacée. Comme il a été noté précédemment dans les présents motifs, cette répartition a eu pour effet non seulement d'établir le dividende réputé respectif que chaque appelante recevrait mais a en réalité éliminé le gain en capital sur la disposition de leurs actions d'ATCOR. Les actionnaires majoritaires savaient que la répartition du capital versé particulière qu'ils avaient approuvée résulterait en un évitement fiscal total pour les appelantes sauf si le paragraphe 55(2) s'appliquait[12] et, comme je l'ai déclaré, elles ont eu un rôle pour dicter un tel résultat. La preuve devant moi ne me permet pas de conclure à une autre rationalisation pour les répartitions.

g)        Que les attributions de capital versé aient été adoptées en vue d'atteindre le résultat final est un facteur susceptible de lier les opérations ATCOR/Forest aux dividendes normaux et d'ainsi établir une série. Les appelantes n'ont fourni aucune preuve allant à l'encontre d'un tel lien.

h)        Dans ma conclusion que les actionnaires majoritaires ont eu un rôle à jouer pour dicter les attributions du capital versé, je suis conscient que l'on ne peut dire qu'ils, ou plus particulièrement les appelantes, ont déterminé le capital versé des actions qu'elles ont choisi de prendre. Le capital versé a été établi par les conseils des deux sociétés remplacées. Toutefois, ici encore, il serait naïf de croire qu'elles n'ont pas été consultées sur les attributions du capital versé et sur les incidences de ces répartitions avant qu'elles ne les approuvent. En fait, il semble que seuls les actionnaires majoritaires aient manifesté un intérêt dans ces attributions. Bien que je donne à ATCOR et à ses conseillers le bénéfice du doute que les attributions du capital versé n'étaient pas conçues dans le but d'accorder à un actionnaire un traitement préférentiel au détriment d'un autre, je n'ai rien vu qui indiquât que les attributions aient été étudiées par le conseil d'administration d'ATCOR malgré sa responsabilité d'étudier les effets de tous les aspects de l'acquisition pour tous les actionnaires. Les opinions sur le caractère équitable du prix offert ne tenaient pas compte de ces attributions. Les actionnaires publics ne disposaient que de choix limités mais, selon la preuve qui m'a été présentée, ils n'ont ni exprimé leur avis ni n'ont disposé de représentation indépendante relativement à la question des attributions de capital versé. L'Avis-circulaire ne mentionne pas la manière dont les attributions ont été établies. Trois choix étaient offerts aux actionnaires publics. L'Avis-circulaire décrivait la manière dont chaque actionnaire pouvait, de la manière fiscalement la plus avantageuse, déterminer quelle catégorie d'actions il voulait souscrire à la fusion. Les choix donnés aux actionnaires publics ont apparemment été jugés suffisants pour assurer l'approbation et il va sans dire que ce jugement s'est révélé juste. Néanmoins, les choix offerts aux actionnaires publics ne reflétaient pas une opinion qu'ils auraient émise ni tous les aspects de leur situation sauf d'une manière grossière. En revanche, les appelantes, par l'expression de leur propre opinion et de celle de leurs avocats, ont eu leur mot à dire relativement aux incidences fiscales du rachat de leurs actions dans l'ATCOR fusionnée au-delà de ce qui était permis simplement par l'exercice d'un choix de catégorie d'actions d'ATCOR devant être souscrite à la fusion. Cela les distingue des actionnaires publics [13].

i)         J'ai remarqué que ni le Conseil d'administration d'ATCOR ni le comité spécial n'ont demandé ni obtenu de commentaires sur les attributions de capital versé dans les opinions sur le caractère équitable du prix offert qu'ils ont sollicitées. Bien que je reconnaisse que le Conseil d'administration d'ATCOR s'est efforcé d'être équitable dans sa recommandation de la proposition de fusion, je ne suis pas disposé à admettre aux fins des présents appels que le manque d'intérêt apparent du Conseil d'administration d'ATCOR envers cette question constitue une preuve sur ce que sont les conditions commerciales normales d'une transaction d'acquisition de ce type. Je ne retiens pas non plus le témoignage des témoins des appelantes sur ce point. Aucune preuve fiable n'a été présentée sur cet aspect de la convention de fusion. En fait, comme je l'ai fait remarquer, les avocats des appelantes ont délibérément choisi de ne pas présenter de preuve sur cet aspect des opérations ATCOR/Forest.

(j)       Relativement à la décision des avocats des appelantes de ne pas présenter de preuve sur la stratégie de planification associée aux répartitions de capital versé, je remarque que les réponses aux avis d'appel ne formulent aucune hypothèse sur ce point. Néanmoins, j'ai fait remarquer au procès qu'un planificateur fiscal compétent qui serait au courant des dividendes normaux pourrait prédire avec un certain degré de certitude le remboursement de l'impôt de la partie IV auquel il pourrait avoir droit en vertu de l'article 129 de la Loi. Ainsi, l'appréciation des considérations factuelles entourant cette connaissance est nécessaire à l'analyse des questions de lien entre les opérations et les événements dans la détermination des opérations et des événements qui font partie de la même série. L'hypothèse contenue dans les réponses que les dividendes normaux faisaient partie de la même série d'opérations et d'événements que les opérations ATCOR/Forest suffit pour placer le fardeau de la preuve sur les appelantes relativement à tout facteur de rattachement pertinent, y compris les facteurs qui n'ont pas été spécifiquement énoncés dans les arguments. Les appelantes n'ont pas réussi à se décharger de ce fardeau. Les conséquences de cette conclusion sont exposées ci-dessous.

[132] Je reviens maintenant à la question de l'identification de la série d'opérations et d'événements. Bien que je me sois déjà penché sur le paragraphe 248(10) relativement à l'argument de l'intimée qu'il a pour effet de lier les opérations ATCOR/Forest à la série de dividendes normaux, il me reste à traiter du lien entre cette disposition et l'argument qu'elle a pour effet de lier les dividendes normaux à la série d'opérations ATCOR/Forest. Par conséquent, je me pencherai à nouveau sur cette disposition dans ce contexte particulier et me prononcerai ensuite sur la signification du terme « série » en common law.

Paragraphe 248(10)

[133] Ce paragraphe est une extension de la série au sens de la common law. Voir les paragraphes 33 et 34 d'OSFC.

[134] Le paragraphe 248(10) exige trois éléments : premièrement, une série d'opérations au sens de la common law; deuxièmement, une opération liée à cette série; et, troisièmement, que l'opération liée soit terminée en vue de réaliser la série. Voir le paragraphe 35 d'OSFC.

[135] Il n'est pas contesté que la première exigence est respectée. Il y a série d'opérations au sens de la common law, soit une série constituée des opérations ATCOR/Forest. Même si l'on suppose que la deuxième exigence du paragraphe 248(10) est respectée, c'est-à-dire que les dividendes normaux sont liés à la série, la troisième exigence voulant que les dividendes normaux (comme opération liée) ont eu lieu en vue de réaliser la série n'est pas remplie. Il est clair que les dividendes normaux n'ont pas été terminés en vue de réaliser la série. Il s'agit d'événements indépendants. Le fait que les opérations et les événements qui constituaient la série ATCOR/Forest visaient les dividendes normaux n'est pas pertinent. Même le fait de tenir compte des dividendes normaux dans l'établissement des attributions de capital versé n'est pas pertinent si la question est de savoir si les dividendes normaux ont été terminés en vue de réaliser cet événement. C'est l'opération que l'on se propose d'ajouter à la série par l'effet de la définition étendue du paragraphe 248(10) qui doit être terminée en vue de réaliser la série. Ce n'est clairement pas le cas pour les dividendes normaux. Je suis convaincu que les appelantes n'ont pas tenu compte des opérations ATCOR/Forest dans leur décision de déclarer et de payer les dividendes normaux. Ce paiement n'est aucunement la preuve de l'intention que les dividendes normaux soient liés aux opérations ATCOR/Forest afin d'atteindre un résultat particulier.

[136] Bien qu'il ne soit pas nécessaire de déterminer si la deuxième exigence du paragraphe 248(10) nécessaire à l'ajout des dividendes normaux aux opérations ATCOR/Forest (qu'ils soient liés à cette série) a été remplie, la question se pose de savoir si les facteurs devant être considérés dans la détermination des opérations qui sont « liées » sont les mêmes que ceux qui doivent être considérés en common law dans la détermination qu'une opération fait partie d'une série. À mon avis, la question ne peut pas être la même. Les opérations « liées » au sens du paragraphe 248(10) peuvent l'être de manière moins étroite que ne l'exige le lien en common law. D'où la mention « quelque lien » au paragraphe 36 d'OSFC. Autrement, le paragraphe 248(10) ne serait pas une définition ayant une fonction d'élargissement de l'application, ce qui est clairement son but, comme le confirme OSFC. Un lien moins étroit que celui qui est exigé en common law associé à l'exigence que l'opération que l'on analyse afin de déterminer si elle doit être incluse dans la série doit être terminée en vue de réaliser la série suffit aux fins du paragraphe 248(10). L'étroitesse du lien exigé par la common law pour lier les opérations d'une série est confirmée par le besoin d'une telle disposition d'élargissement. C'est dans ce contexte que je me pencherai maintenant sur la signification de « série » en common law.

Le critère de common law pour constituer une série

[137] Pour déterminer s'il y a série en common law, on doit d'abord se demander quelle doit être l'étroitesse du lien entre les opérations afin qu'elles constituent une série. Ce type d'analyse est approuvé par la Cour d'appel fédérale dans OSFC concernant la détermination d'une série aux fins de la DGAE au paragraphe 18 d'OFSC. Il doit s'agir là à mon avis de la principale zone d'analyse, qu'il s'agisse d'un cas où l'application de la DGAE est en jeu ou non. Afin de compléter cette analyse principale en common law, nous pouvons nous fonder sur les exigences de Furniss & Dawson, approuvées dans OSFC, afin de déterminer si une opération fait ou non partie d'une série. Je dis que les exigences de Furniss & Dawson complètent l'analyse principale comme je la conçois (dans le contexte où ces exigences sont énoncées dans Craven v. White) seulement pour centrer l'analyse afin de déterminer si une opération fait partie d'une série. Le fait de voir ce sur quoi reposent ces exigences permet leur juste application lorsque l'on doit répondre à la question de l'étroitesse du lien que doivent avoir les événements afin de constituer une série.

[138] Craven v. White portait sur trois causes distinctes dans lesquelles il y avait une série d'opérations linéaires comprenant la réalisation d'une opération intermédiaire ayant un effet d'évitement fiscal. Il s'agissait de déterminer si l'opération intermédiaire devait recevoir son effet fiscal. La Chambre des lords s'est attaquée antérieurement à cette question à plusieurs occasions. Les causes mentionnées et commentées dans Craven v. White dénotent un vif débat intellectuel sur la question de savoir dans quels cas une opération effectuée dans le seul but d'éviter l'impôt sur une autre opération doit avoir un effet. Il est évident qu'en réglant la question, les juges majoritaires dans l'affaire Craven v. White, lord Oliver en particulier, n'avaient pas l'intention d'endosser un critère qui aurait pour effet de faire abstraction d'une opération valide en droit simplement parce que son seul objet était d'obtenir un allègement ou un évitement fiscal. Dans le cadre de l'application du critère, la question qui se posait était de savoir si les opérations en question, c'est-à-dire des opérations ayant pour effet de réduire l'impôt qui serait autrement payable sur l'autre opération, forment avec celle-ci une seule opération indivisible et composée. Dans l'application de ce critère, lord Oliver a énoncé les quatre exigences essentielles de Furniss & Dawson pour que l'opération n'ait pas de conséquence fiscale. À strictement parler, les exigences de Furniss & Dawson approuvées par la Cour d'appel fédérale dans OSFC ne sont pas des conditions préalables à l'existence d'une série en common law. Cette question précise n'a pas été soulevée dans Craven v. White. Autrement dit, il n'était pas contesté dans les affaires Craven v. White que les opérations intermédiaires concernées faisaient partie d'une série d'opérations linéaires. Elles faisaient partie d'une série comme le démontrait le résultat du principal point d'analyse qui porte sur l'étroitesse du lien entre les opérations sans égard, par exemple, à un objectif de réduction de l'impôt. Un lien commercial est suffisant. L'exigence de réduction ou d'évitement de l'impôt n'était pas essentielle pour amener l'étape motivée par des considérations fiscales dans la série mais elle était essentielle pour décider de ne pas en tenir compte et de considérer plutôt les incidences fiscales appropriées de la série dans son ensemble. Pour que l'on puisse s'attaquer avec succès à l'évitement fiscal résultant de la série d'opérations sur laquelle portaient ces affaires, la Chambre des lords a décidé que les quatre exigences de Furniss & Dawson devaient être respectées. Bien que la Cour d'appel fédérale dans OSFC accepte cet énoncé comme étant la définition appropriée en common law du terme « série » tel qu'il est utilisé dans la Loi, cet énoncé ne peut être considéré dans le vide. Pour qu'il puisse s'appliquer à d'autres contextes, l'on doit se fonder plus extensivement sur l'analyse plus large offerte par Craven v. White. D'ailleurs, le résumé par le juge Rothstein de la signification du mot série en common law, au paragraphe 36 d'OSFC, invite une telle analyse. Cette signification est la suivante :

[36]       Ainsi, avant d'appliquer le paragraphe 248(10), le terme « série » doit être interprété selon son sens en common law, lequel ai-je conclu, vise les opérations déterminées d'avance et dont la réalisation est pratiquement certaine.

Cette définition de « série » invite à élaborer sur la signification de l'expression « déterminées d'avance » dans la définition d'une « série » en common law, plus particulièrement à l'égard de la troisième des quatre exigences de Furniss & Dawson, celle qui consiste à déterminer si les opérations avaient une vie indépendante.

[139] Avant de commencer à élaborer sur ce point, ce qui m'oblige à revenir au point d'analyse principal (c.-à-d. la nature du lien entre les opérations et événements nécessaire pour qu'ils constituent une série ou une partie de série), je disposerai de la question de savoir si les exigences de Furniss & Dawson aident la position de l'intimée si on les applique en tant qu'exigences pour ajouter les dividendes normaux à la série d'opérations ATCOR/Forest. Les dividendes normaux sont dans ce contexte les opérations intermédiaires (bien qu'ils soient en fait une opération finale) mentionnées dans les exigences de Furniss & Dawson. Si l'on considère les quatre exigences essentielles de Furniss & Dawson :

a)        Que la série d'opérations était, au moment où l'opération intermédiaire (c'est-à-dire les dividendes normaux) a été conclue, déterminée d'avance de manière à produire un résultat donné. La série d'opérations ATCOR/Forest était déterminée d'avance comme l'était la série de dividendes normaux. Dans le cadre de la série ATCOR/Forest, les répartitions de capital versé ont eu lieu, à un moment où les dividendes normaux étaient à toutes fins pratiques certains, « de manière à » produire un résultat donné, soit l'évitement d'un gain en capital. Par conséquent, la première exigence est à mon avis respectée même si chacune des séries vue dans son ensemble visait également, en fait visait principalement, à obtenir de véritables résultats commerciaux distincts. Le paragraphe 55(2) exige que je me penche sur l'événement qui a eu pour effet d'éviter la qualification de gains imposables. Cette exigence a pour conséquence que je dois donner moins de poids à l'objectif global de la série.

b)       Que l'opération (les dividendes normaux) n'avait aucun autre but que la réduction des impôts. Ce n'est clairement pas le cas. Je ferai remarquer ici que, alors qu'aux fins de l'application du paragraphe 55(2) aux présents appels nous n'avons à nous préoccuper que des résultats, non des objectifs, la deuxième exigence de Furniss & Dawson et la première exigence citée en a) ci-dessus rendent nécessaire l'application d'un critère téléologique. Il est clair que la common law exige que l'identification d'une série se fasse selon un critère téléologique. En fait, l'intention constitue un lien essentiel entre les éléments d'une série. Je remarque ici encore que, comme l'indique l'acceptation par les parties que les opérations ATCOR/Forest constituaient en elles-mêmes une « série » et que les dividendes normaux constituent en eux-mêmes une série, l'objectif fiscal n'est pas pertinent à l'identification de chacune des « séries » . Séparément, chacune forme une série. Autrement, nous n'aurions pas de « série d'opérations de base » à laquelle la common law (ou le paragraphe 248(10)) pourrait rattacher une autre opération. L'objectif fiscal peut lier des opérations à une série mais il n'est pas une composante nécessaire à l'identification d'une série.

c)        Qu'à ce moment-là, il n'existait aucune probabilité pratique que les événements planifiés d'avance ne se produiraient pas dans l'ordre envisagé, de manière que l'opération intermédiaire (c.-à-d. les dividendes normaux) n'était même pas envisagée pratiquement comme ayant une vie indépendante. Si la première partie du critère est respectée, soit qu'il n'y avait aucune probabilité pratique que les événements planifiés d'avance, y compris les dividendes normaux, ne se produiraient pas dans l'ordre envisagé, la deuxième partie du critère n'est pas respectée. Autrement dit, les dividendes normaux avaient clairement une vie indépendante.

d)       Que les événements déterminés d'avance aient effectivement eu lieu. Ce critère est respecté.

[140] Si l'on applique les exigences de Furniss & Dawson pour se demander si les dividendes normaux doivent être ajoutés à la série d'opérations ATCOR/Forest, il est clair qu'ils ne peuvent être ainsi ajoutés ni faire partie d'une série. Bien que cette conclusion puisse donner à croire que cela règle la question, il y a toutefois un lien entre la série d'opérations ATCOR/Forest et les dividendes normaux - savoir que l'on se soit fondé sur la certitude de ces derniers - qui exige un examen plus poussé. Est-ce qu'une telle détermination d'avance emporte un lien concluant en common law bien que la stricte application des exigences de Furniss & Dawson ait pour effet de nous amener à conclure que le lien n'est pas suffisant? Je me pencherai maintenant sur cette question plus générale.

[141] La question plus générale, qui a rapport à l'étroitesse du lien entre la série d'opérations ATCOR/Forest et les dividendes normaux, se résume à savoir si le lien entre les répartitions de capital versé (faisant partie de la série d'opérations ATCOR/Forest) est suffisamment lié aux dividendes normaux afin de fondre les deux séries en une série unique ou commune (ce qui voudrait dire qu'elles seraient alors la même série). Cette question reste ouverte. L'établissement des montants du capital versé des actions que les appelantes avaient l'intention de recevoir à la fusion a été fait en vue de la réalisation des dividendes normaux. Voilà un terrain fertile pour l'argument qu'il y a un lien, un rattachement ou une relation suffisants entre les deux afin d'intégrer les dividendes normaux dans la série d'opérations ATCOR/Forest en common law.

[142] Je suis convaincu que les répartitions de capital versé à titre d'événement distinct faisant partie de la série d'opérations ATCOR/Forest ont été faites en tenant compte des dividendes normaux et que l'on s'est fié sur ceux-ci. L'objectif premier de la répartition était d'éviter la réalisation du gain en capital. Toutefois, ce seul résultat, sans expectative d'un remboursement de l'impôt de la partie IV, n'aurait peut-être pas suffi. En ce sens, on pourrait dire que les dividendes normaux étaient un lien important sinon nécessaire aux répartitions de capital versé. Ces répartitions ont été effectuées dans le but de profiter des dividendes normaux pour éliminer l'impôt sur la vente des actions d'ATCO. Aucune preuve que ce lien ne présentait pas une importance primordiale n'a été présentée. En l'absence d'une telle preuve, je conclus que les faits sont probants : le lien existe. Je dois maintenant juger de leur caractère suffisant. Si les répartitions de capital versé, l'événement qui a donné lieu aux dividendes réputés respectifs de chaque appelante, sont suffisamment liées aux dividendes normaux de manière à lier cet événement et les dividendes normaux en une série, l'exception de la partie IV à l'application du paragraphe 55(2) ne peut s'appliquer, sous réserve toutefois de l'argument subsidiaire des appelantes relativement à la deuxième partie de l'exception de la partie IV.

[143] Comme je l'ai affirmé précédemment dans les présents motifs, la Cour d'appel fédérale m'encourage dans OSFC à me pencher plus avant sur l'affaire Craven v. White, au-delà de la stricte application des exigences de Furniss & Dawson, afin de déterminer en quoi ces exigences doivent s'appliquer au contexte des présents appels afin de déterminer l'éventuelle pertinence du fondement des événements déterminés d'avance dans l'établissement d'une série. Bien que le juge Rothstein rejette, au paragraphe 24 d'OSFC, les principes de l' « interdépendance » ou du « résultat final » tels qu'il les décrits au paragraphe 21, il accepte la version de ces critères décrite dans la troisième des quatre exigences de Furniss & Dawson. Autrement dit, il affirme que l'opération ne peut être incluse dans la série que si l'opération « n'était même pas envisagée pratiquement comme ayant une vie indépendante » . Le jugement de lord Oliver dans Craven v. White insiste sur cette exigence. En tentant d'endiguer les conséquences possibles de certaines décisions antérieures de la Chambre des lords, qui pourraient être interprétées comme ayant pour effet d'ignorer aux fins fiscales toute opération ayant un objectif d'évitement, lord Oliver formule sa décision de manière à assurer que l'on retienne l' « autre interprétation » , qu'il décrit à la page 517 comme suit :

[traduction]

...Selon l'autre interprétation, la décision dans Dawson n'avait pas une portée plus large que l'interprétation de l'application à donner aux opérations interdépendantes sanctionnées par Ramsay à ce qui a été décrit comme étant une opération « linéaire » et à une opération circulaire s'annulant elle-même si les conditions nécessaires sont présentes pour permettre au tribunal de considérer de manière réaliste les deux opérations de manière commune comme constituant un tout composé et indivisible qui ne représente aux fins fiscales qu'une seule disposition.

[144] Il est clair que, dans le contexte des affaires Craven v. White, un lien dans une chaîne qui aurait une vie indépendante s'il était considéré séparément n'est pas suffisant pour le faire entrer dans une série qui serait aux fins fiscales traitée comme une opération composée. Si Craven v. White est d'une quelconque assistance dans la définition d'une série, on pourrait retenir que cette décision porte qu'une série aux fins fiscales doit pouvoir être considérée comme une « unique opération composée » . D'ailleurs, il est expressément dit que les quatre exigences de Furniss & Dawson mentionnées à la page 527 de Craven v. White sont la justification d'un traitement fiscal composé.

[145] Quant à la signification de la détermination d'avance, lord Oliver dit clairement à la page 523 que la détermination d'avance est le fondement sur lequel se base une conclusion d'opération composée. Il décrit la détermination d'avance comme une séquence d'événements planifiés [traduction] « qui résulte de la même volonté ou intention consciente initiale » (j'ai ajouté les italiques). Les exigences sur lesquelles lord Oliver entend se fonder, toujours à la page 523, reflètent [traduction] « des opérations successives liées de manière si indissoluble, dans les faits et dans leur intention, qu'elles peuvent être considérées de manière juste et réaliste comme un tout composé » .

[146] La détermination d'avance en soi est sans importance. Seul un événement déterminé d'avance lié à un autre événement ou opération par la même volonté consciente est suffisamment lié à l'autre événement pour constituer une série. Deux événements coordonnés, liés par la simple dépendance mutuelle, ne constituent pas la détermination d'avance prévue par Craven v. White et ne peuvent être considérés comme répondant à l'exigence de détermination d'avance comprise dans les exigences de Furniss & Dawson employées dans Craven v. White et approuvées par le juge Rothstein.

[147] Bien que je n'aie pas fourni une liste exhaustive des précédents canadiens sur la question de ce qui constitue une série, mon étude des précédents cités et d'autres précédents portant sur cette question confirme que la dépendance d'un événement futur connu et déterminé d'avance n'a pas pour effet en common law d'amener cet événement futur dans la série d'opérations qui en dépendent. Dans Les Placements E. & R. Simard Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., no 95-2381(IT)I, 21 juillet 1997 (97 DTC 1328), le juge Tardif de la Cour canadienne de l'impôt a appliqué le test d'interdépendance décrit dans Industries S.L.M. Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), C.C.I., nos 87-523(IT)O, 87-549(IT)O, le 12 juin 1995, ([1996] 2 C.T.C. 2572) par le juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt. Le juge Tardif a conclu à la page 17 de ses motifs (DTC : page 1336) que deux opérations, qui étaient chacune viable et complète en soi, ne constituaient pas une série.

[148] Même si l'on rejette l'interdépendance mutuelle totale des opérations comme exigence pour qu'il y ait série en common law aux fins fiscales et si l'on ne tient pas compte des autres critères stricts comme celui du lien inextricable entre les événements proposé par le juge Bonner de la Cour canadienne de l'impôt dans Canadien Pacific Ltée c. Canada, no 95-3534(IT)G, (2000 DTC 2428), (DTC : à la page 2432) comme exigence pour qu'il y ait série en common law aux fins fiscales, une exigence d'objet commun ou de motivation commune se dessine de tous les précédents considérés. Dans 454538 Ontario Limited et 454539 Ontario Limited c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) nos 89-51(IT) et 89-52(IT) ([1993] 1 C.T.C. 2746), le juge Sarchuk de la Cour canadienne de l'impôt conclut que, pour qu'il y ait série, les événements doivent être logiquement ou raisonnablement rattachés l'un à l'autre. À la page 11 de ses motifs (C.T.C. : page 2753), il décrit cette approche comme étant conforme à la définition des termes pertinents que l'on retrouve dans les dictionnaires. La définition du dictionnaire du terme « série » renvoie à des choses de « même nature » ou à des personnes « ayant une caractéristique en commun » . Dans le contexte d'opérations commerciales ou fiscales, un tel lien peut être la poursuite d'un objet commun ou une même volonté consciente motivant ou guidant des événements comme le décrit lord Oliver dans Craven v. White. Les dividendes normaux n'ont rien en commun avec aucun élément des opérations ATCOR/Forest. Ils ne sont pas motivés ni guidés par la même volonté consciente. Les dividendes normaux ne sont pas la poursuite d'aucun aspect de la série d'opérations ATCOR/Forest. Ils n'existent pas dans le but de faciliter aucun aspect de la série d'opérations ATCOR/Forest. Il est vrai qu'ils facilitent l'élément de planification fiscale de la série ATCOR/Forest et que l'on se fie sur eux. Cela ne suffit pas toutefois pour faire entrer les dividendes normaux dans la série d'opérations ATCOR/Forest.

[149] Une fois mon analyse complétée, il m'apparaît clairement que le mot « série » a plusieurs sens. Dans Craven v. White, lord Oliver note à la page 518 que le mot série ne désigne [traduction] « rien de plus qu'une succession de choses reliées, une description qui s'applique à à peu près n'importe quelle activité humaine exercée dans le but de produire un résultat rationnel » . Il est clair que lord Oliver n'accepte pas une définition aussi large du mot série comme lien ou relation suffisante pour déterminer l'existence d'une série dans le contexte du rattachement à une opération d'évitement. Une définition plus étroite exigeant un objet commun ou un objectif commun de tous les événements ou une volonté consciente commune est clairement considérée comme plus acceptable. Selon cette définition, les opérations ATCOR/Forest sont une « série » . Elles sont liées commercialement. En fait, elles sont inextricablement liées. Elles consistent en des étapes successives déterminées d'avance qui sont l'expression de la même volonté consciente et sont essentielles pour atteindre un résultat désiré. Cela en fait par le fait même une série, que l'on applique strictement ou non les exigences de Furniss & Dawson. Ces opérations peuvent être considérées comme une opération composée unique de la manière décrite dans Craven v. White. Même une répartition du capital versé était nécessaire. Elle faisait partie de la série. Que la répartition du capital versé dépende et profite des dividendes normaux totalement indépendants n'a pas pour effet de faire entrer lesdits dividendes normaux dans la série.

[150] Vu ce qui précède, je conclus que l'exigence d'une série pour exclure l'exception de la partie IV de l'application du paragraphe 55(2) n'est pas respectée. Qu'un événement d'une série soit lié à un autre événement, qu'il soit même adapté en se fiant sur cet autre événement afin d'obtenir un avantage fiscal, ne suffit pas en common law pour que cet autre événement fasse partie de la série s'il a un objet et une existence véritablement indépendants. À mon avis, aucune définition de « série » en common law n'inclurait les dividendes normaux dans la série d'opérations ATCOR/Forest.

[151] En revanche, j'ai conclu que l'objet d'un événement lié à l'objet des présents appels était de réduire le gain en capital qui aurait autrement été payable. Cela en a exactement été le résultat. Le paragraphe 55(2) s'applique donc, que l'on applique le critère téléologique ou le critère des résultats, sous réserve de l'exception de la partie IV. Comment donc l'application du critère de la série à l'exception de la partie IV peut-elle se fonder sur un ensemble de règles de droit qui confirment l'exclusion lorsque, dans le contexte des présents appels, il y a à la fois l'objectif d'évitement de l'impôt sur les gains en capital et le résultat? J'ai eu de la difficulté à trancher cette question. La réponse semble être que la question qui se pose relativement à l'exception de la partie IV n'est pas de savoir si les dividendes normaux ont facilité l'évitement fiscal parce qu'ils ont causé des remboursements d'impôt de la partie IV mais plutôt de savoir si les dividendes normaux faisaient partie d'une série qui a facilité l'évitement fiscal sur le gain en capital. La première proposition est vraie, la dernière ne l'est pas, sauf si l'on adopte le sens le plus large du terme « série » . L'exception de la partie IV existe de manière indépendante. Que cette exception et le paragraphe 248(10) puissent être insuffisants pour couvrir les opérations en cause n'est pas quelque chose que j'ai le droit de corriger. Je suis conscient du danger d'étendre le sens de « série » en common law et par conséquent la disposition anti-évitement corrélative en remplissant les lacunes législatives alors que le Parlement a utilisé un terme aussi vague. Même l'intimée, en se fondant à ce point sur le paragraphe 248(10), semble avoir reconnu que, si l'on n'adopte pas une définition étendue du terme « série » , l'interprétation la plus juste du critère de la série en common law a pour effet qu'il n'y a pas de série en l'espèce. Je ne doute pas que l'attribution du capital versé ait été liée aux dividendes normaux et ait dépendu d'eux. Cela n'est toutefois pas suffisant. Les dividendes normaux sont indépendants. On ne peut dire qu'ils faisaient partie d'une série d'opérations et d'événements qui ont donné lieu au dividende réputé en l'espèce.

[152] Bien qu'il ne soit pas nécessaire de trancher les présents appels en ce qui concerne la question de savoir si les remboursements de la partie IV étaient attribuables à des dividendes payés à des personnes autres que des sociétés ou à des dividendes payés à des sociétés, je désire mentionner que, à mon avis, les appelantes auraient également eu gain de cause sur ce point. Si l'on ne trouve pas dans la loi de réponse à la question soulevée par cette condition de l'exception de la partie IV, savoir « les remboursements de la partie IV sont-ils la conséquence des dividendes payés à des sociétés ou à des personnes autres que des sociétés lorsque des dividendes sont payés à la fois à des sociétés et à des personnes autres que des sociétés? » , le doute doit profiter au contribuable lorsque cela n'a pas pour effet d'aller à l'encontre de l'intention claire du législateur. Dans le cas en l'espèce, le libellé exprès de la Loi ne résout pas la question et l'interprétation favorable au contribuable doit être retenue. La reconnaissance de cet avantage au contribuable ne va pas à l'encontre de l'intention du législateur dans le cas des dispositions concernées mais au contraire semble la favoriser.

[153] L'objet de cet aspect de l'exception de la partie IV me semble clair. Des impôts sur les gains en capital n'ont pas été évités lorsque les gains sont distribués à titre de dividendes à des actionnaires qui doivent répondre de leur obligation fiscale lorsqu'ils reçoivent lesdits dividendes sans le bénéfice du report accordé par la déduction des dividendes de l'article 112 (gains répartis non déductibles). Cela signifie que le paragraphe 55(2) ne vise à s'appliquer, en termes généraux, qu'aux dividendes entre sociétés. Même les dividendes entre sociétés sont exceptés de l'application du paragraphe 55(2) si l'avantage du report de la déduction de l'article 112 est perdu par l'application de l'impôt de la partie IV. La théorie de l'exception de la partie IV se fonde sur l'absence de report d'impôt sur le dividende. Autrement dit, il ne devrait pas y avoir de remboursement d'impôt de la partie IV ou, s'il y en a, il devrait y avoir suffisamment de gains répartis non déductibles (c.-à-d. des versements à des personnes autres que des sociétés) pour couvrir le remboursement. Dans ce dernier cas, l'impôt sur les gains en capital n'a pas été « évité » puisqu'en réalité un montant égal au gain a été distribué à titre de dividendes aux actionnaires qui doivent répondre de leur obligation fiscale sur réception desdits dividendes sans le bénéfice du report permis par la déduction de dividende de l'article 112. Sur ce point, la position des appelantes relativement à cet aspect de l'exception de la partie IV est préférable à la position de l'intimée[14].

[154] De plus, la comparaison avec le libellé explicite d'autres articles de la Loi appuie la thèse qu'il n'est pas approprié d'appliquer une approche au prorata à cette exception de la partie IV. Considérons le libellé explicite de la partie IV elle-même. L'alinéa 186(1)b) répartit au prorata l'impôt payable de la partie IV en appliquant sur la portion du dividende reçu relativement au total des dividendes par la société payante ladite année relativement à laquelle le payeur a droit à un remboursement. Cette répartition au prorata peut suggérer une intention législative générale de répartir au prorata tous les dividendes donnant lieu à des remboursements selon les circonstances. L'application de cette intention à l'exception de la partie IV appuierait l'argument subsidiaire de l'intimée que l'exception de la partie IV au paragraphe 55(2) devrait être répartie au prorata sur la base des dividendes payés à des sociétés et des dividendes payés à des personnes autres que des sociétés. En revanche, on pourrait soutenir que, lorsqu'une répartition au prorata n'est pas prévue expressément dans d'autres contextes, comme au paragraphe 55(2), on doit présumer que l'intention du législateur était de ne pas répartir au prorata. Vu ce que j'ai dit précédemment dans les présents motifs et au vu des règles générales d'interprétation des lois, je conclus qu'il est clair que l'on doit retenir la deuxième interprétation.

[155] Dans tous les cas, ces commentaires ne sont pas essentiels à ma conclusion dans la présente affaire. Comme je l'ai affirmé, les appels doivent être accueillis parce que les dividendes normaux ne peuvent être considérés comme faisant partie de la série de transactions et d'événements qui a donné lieu aux dividendes réputés respectifs des appelantes. L'exception de la partie IV à l'application du paragraphe 55(2) s'applique donc.

[156] Par conséquent, les appels sont accueillis avec dépens.

Signé à Toronto, Canada, ce 28e jour d'août 2003.

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d'août 2004.

Mario Lagacé, réviseur



[1] CU aurait réalisé un gain d'environ 26 141 041 $ sur la disposition de ses actions d'ATCOR et CU Holdings aurait réalisé un gain d'environ 18 754 776 $. Les trois quarts de ces gains auraient été imposables.

[2] Un tel énoncé simplifié des questions doit évidemment être réexaminé dans le contexte du libellé véritable de la loi. Par exemple, la formulation de la question formulée ci-dessus n'admet pas l'application possible du paragraphe 55(2) à des portions du dividende réputé lorsque la seconde condition est remplie et que certains remboursements de la partie IV, mais non tous ces remboursements, sont la conséquence des dividendes versés à des sociétés. Il ne sera nécessaire de développer cet exemple particulier que si les dividendes versés donnant lieu au remboursement de la partie IV font partie de la série d'opérations et d'événements qui a donné lieu au dividende réputé reçu (c.-à-d. la fusion et les rachats d'actions).

[3] C'est ce qu'ont indiqué les avocats des appelantes bien qu'il appert que Forest est transigée, à tout le moins actuellement, à la Bourse de New York.

[4] L'Avis-circulaire indiquait une procédure différente. La procédure qui y était indiquée portait que seules les actions spéciales de catégorie C seraient acquises par Forest Subco. Quoi qu'il en soit, comme il l'est mentionné dans la suite des présents motifs, il n'est pas contesté qu'en fait toutes les actions spéciales de catégorie C ont été acquises directement par Forest Subco et que toutes les actions spéciales de catégorie A et toutes les actions spéciales de catégorie B ont été rachetées par ATCOR. Les actionnaires d'ATCOR qui désiraient une vente directe à Forest Subco auraient choisi les actions spéciales de catégorie C aux termes de l'Avis-circulaire.

[5] Sauf si le paragraphe 55(2) s'applique, la définition de « produits de disposition » de l'article 54 exclut le produit d'un rachat qui serait réputé être un dividende selon le paragraphe 84(3).

[6] Cela s'élève à environ 185 256 000 $ en monnaie canadienne que Forest a fournis à Forest Subco pour financer l'acquisition d'ATCOR. Forest Subco a contribué environ 129 000 000 $ à l'ATCOR fusionnée pour financer les rachats et a utilisé le solde pour financer les achats directs d'actions d'ATCOR.

[7] Il faut remarquer que, si le paragraphe 55(2) s'applique parce que les dividendes normaux ayant donné lieu aux remboursements faisaient partie de la même série d'opérations et d'événements que leur achat qui a donné lieu au dividende réputé, CU Holdings aura droit à une compensation maximum de l'obligation fiscale de la partie IV de 997 418 $ en 1996 et de 885 791 $ en 1997 car c'est le maximum qui peut être attribué à des dividendes qu'elle a versés au cours de ces années à des personnes autres que des sociétés. Cela veut dire qu'au mieux seuls les dividendes versés à des personnes autres que des sociétés sont exclus du traitement des gains en capital du paragraphe 55(2) si le critère de la série n'empêche pas l'application de cette disposition. Comme cela a été indiqué, l'intimée argue que l'on ne devrait pas présumer que les dividendes payés à d'autres personnes que des sociétés seront traités comme ceux qui donneront lieu au remboursement en vertu de la partie IV et non comme les dividendes versés à des sociétés.

[8] En vertu de la nouvelle cotisation, cette réduction se fondait sur le fait que le dividende réputé de CU avait été reçu d'une société rattachée et n'était donc pas assujetti à l'impôt de la partie IV. Cela reflète le fait que la nouvelle cotisation énonçait un nouveau motif pour l'application du paragraphe 55(2), savoir que le paragraphe 55(4) avait pour effet de rattacher CU à ATCOR aux fins de la partie IV de manière qu'aucun impôt de la partie IV ne serait payable relativement aux opérations à l'étude. Cela aurait ensuite pour effet de déclencher l'application du paragraphe 55(2). L'intimée a abandonné cette position au procès. Toutefois, la réduction de l'obligation fiscale de CU de 8 832 503 $ en vertu de l'article IV de la Loi se produira de toute façon s'il est conclu que le paragraphe 55(2) doit s'appliquer pour d'autres raisons car, dans ce cas, il n'y a aucun dividende réputé et donc aucun dividende déterminé aux fins de la partie IV.

[9] Je dois faire remarquer à ce stade que l'intimée ne s'est pas objectée à la justesse des commentaires de ce témoin sur cet aspect de son expertise.

[10] Je remarque qu'il serait possible de soutenir que, bien que les dividendes normaux ne font pas partie des événements par lesquels un dividende imposable a été reçu par les appelantes à l'égard duquel le bénéficiaire avait droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1), ils font néanmoins partie d'une série qui comprend lesdits événements. Cela reviendrait à soutenir que la mention à l'exception de la partie IV de « série » ne devrait pas être interprétée comme restreignant la portée de ce qui constitue une série dans l'application de cette exception. Je n'accepte pas cet argument vu le libellé exprès de la disposition.

[11] On pourrait prétendre que l'on doit partir de la prémisse que la série devant être examinée en vertu du paragraphe 248(10) comprend tous les événements qui lui sont potentiellement liés et ensuite appliquer ce paragraphe pour déterminer si l'événement fait partie de la série aux fins de la Loi. On présumerait dans ce cas que les opérations ATCOR/Forest font partie de la série des dividendes normaux et, en appliquant le paragraphe 248(10), on se demanderait s'ils sont assez étroitement liés pour être réputés faire partie de la série aux fins de la Loi (concédant qu'au moins un événement de la série d'opérations ATCOR/Forest - la répartition du capital versé - a été terminé en vue des dividendes normaux). Je n'accepte pas cette approche. Le paragraphe 248(10) dans le cas qui nous occupe me force à identifier la série particulière bien déterminee mentionnée au paragraphe 55(2). Il ne s'agit pas d'une référence à une série générale hypothétique à laquelle la présomption législative aurait pu s'appliquer si elle n'avait pas été exclue de sa portée par son libellé exprès.

[12] Cette condition relative au paragraphe 55(2) était mentionnée dans l'Avis-circulaire sous le titre [traduction] « Incidences fiscales » .

[13] La distinction entre les actionnaires publics et les actionnaires majoritaires est à mon avis pertinente dans le choix des événements qui lient les opérations afin de former une série en l'espèce. L'insistance de l'intimée sur le « choix » en tant qu'événement de rattachement réalisé en vue d'atteindre un résultat désiré touche en l'espèce tous les actionnaires. S'il y avait un actionnaire public qui était une société assujettie ayant par le passé versé des dividendes, l'intimée ne pourrait certainement pas prétendre que le choix suffisait pour rendre ledit actionnaire public assujetti au paragraphe 55(2). Le choix lui-même ne me semble pas lier les événements lorsque les dividendes présumés découlant dudit choix ont été déterminés par un autre. C'est la possibilité de manipuler les dividendes présumés en prévision d'un autre événement devant avoir lieu (bien que devant avoir lieu pour une raison totalement indépendante) qui attire ici l'attention et nous porte à poser la question de savoir si cet autre événement fait partie de la série qui a donné lieu au dividende réputé.

[14] CU a en l'espèce payé assez de gains répartis non déductibles (c.-à-d. des versements à des personnes autres que des sociétés) en 1996 pour couvrir le remboursement. L'exception de la partie IV s'applique dans ce cas au montant total du gain. Dans le cas de CU Holdings, seule une portion du gain a été versée à titre de dividendes à des actionnaires devant répondre de leur obligation fiscale sur réception desdits dividendes sans le bénéfice du report accordé par la déduction des dividendes de l'article 112. Ainsi, l'exception de la partie IV ne s'appliquerait que sur la partie du gain qui a été ainsi versée. On peut se demander de quelle manière cette exception de la partie IV s'applique si son application ne se fonde que sur des versements dans l'année de la vente, mais cette question n'a pas été soulevée à l'audition et il n'est pas nécessaire de la trancher.

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