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Dossier : 2003-2094(EI)

2003-2095(CPP)

DAVE LIVINGSTONE TRUCKING LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 28 janvier 2004 à Belleville (Ontario)

devant l'honorable juge M.A. Mogan

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Jeffrey Ayotte

Avocat de l'intimé :

Me Ronald MacPhee

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JUGEMENT

L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national rendue par suite de l'appel qui lui a été présenté en vertu de l'article 92 de la Loi est confirmée.

L'appel interjeté en vertu de l'article 28 du Régime de pensions du Canada est rejeté, et la décision du ministre du Revenu national rendue par suite de la demande qui lui a été présentée en vertu de l'article 27.1 du Régime est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2004.

« M.A. Mogan »

Le juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'avril 2005.

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


Référence : 2004CCI196

Date : 20040304

Dossier : 2003-2094(EI)

2003-2095(CPP)

ENTRE :

DAVE LIVINGSTONE TRUCKING LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      L'appelante exploite une entreprise en tant que courtier en camionnage sur longue distance pour le compte de Sameday Right-O-Way (une division de la société Day & Ross Inc.). L'appelante et Sameday Right-O-Way ( « Sameday » ) ont conclu un contrat de courtage en transport de ligne le 3 mars 1997. Aux termes de ce contrat, l'appelante convenait de fournir un certain matériel réservé à l'usage exclusif de Sameday. Elle convenait également de fournir un nombre suffisant de personnes pour faire fonctionner ce matériel. L'appelante a embauché trois personnes en particulier, soit Jim Bird, Steve Collins et Michael Livingstone, pour faire fonctionner le matériel. La question à trancher dans cet appel est celle de savoir si ces trois personnes exerçaient un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-emploi ou si elles étaient des entrepreneurs indépendants.

[2]      Au début de l'audience, les avocats ont dit s'être entendus sur certains faits à l'origine du litige. Afin d'accélérer l'audience, l'avocat de l'intimé a versé ces faits au dossier, et l'avocat de l'intimé a confirmé son accord. Voici en résumé les faits convenus :

1.          Les employés fournis par l'appelante faisaient fonctionner le matériel conformément aux procédures normalisées de fonctionnement et aux règles d'acheminement.

2.          L'appelante a été constituée en société le 7 juin 1999. David Livingstone détient 98 % des actions avec droit de vote de l'appelante, et son fils détient les 2 % restants.

3.          L'appelante est la propriétaire des camions (parfois appelés « tracteurs » ou « cabs » qui servent à tirer les remorques chargées de marchandises), mais ces camions sont immatriculés au nom de l'appelante et au nom de Day & Ross de sorte que Day & Ross ( « D & R » ) puisse obtenir une assurance et un permis.

4.          L'appelante engage des travailleurs pour conduire les camions en tant que conducteurs de camions sur longue distance. Ces travailleurs fournissent eux-mêmes les bottes et les gants qu'ils doivent porter et ils paient leurs repas et leurs frais de téléphone cellulaire.

5.          Aux termes du contrat de courtage en transport de ligne (pièce 1), tous les camionneurs fournis par l'appelante doivent être des « employés agrées » par D & R.

6.          L'appelante paie tous les frais de fonctionnement et d'entretien des camions, y compris ceux-ci : carburant, huile, assurance et immatriculation. Le coût du carburant et de l'huile est financé par D & R au moyen d'une carte de crédit remise au conducteur. D & R paie les montants portés sur la carte de crédit pour un parcours particulier puis déduit ces montants des droits payables à l'appelante. De la même façon, D & R acquitte les primes d'assurance et l'immatriculation puis en déduit les montants des sommes dues à l'appelante.

7.          Il incombe aux conducteurs de voir à ce que les camions soient lavés et propres.

8.          Les conducteurs relèvent de D & R, qui fixe les horaires, les délais et les priorités. C'est aussi D & R qui décide quels conducteurs seront embauchés et lesquels seront congédiés, décision à laquelle l'appelante doit se conformer.

9.          Le taux de rémunération est négocié entre l'appelante et le conducteur. En ce qui regarde les trois conducteurs visés par cet appel, Michael touchait un taux forfaitaire quotidien de 155 $ et Steve Collins, un taux forfaitaire de 140 $ par jour. Quant à Jim Bird, il était payé en fonction de l'itinéraire. Son itinéraire habituel, c'est-à-dire le parcours qu'il faisait le plus souvent et presque exclusivement, était de Toronto à Edmonton. Pour chaque itinéraire, il touchait 850 $.

10.        D & R fournissait un horaire de chargement et de livraison, horaire auquel les conducteurs devaient se conformer. Les conducteurs pouvaient négocier entre eux ainsi qu'avec l'appelante quant à l'itinéraire qu'ils prendraient à condition que les marchandises arrivent à destination dans le délai fixé par D & R. Les heures et les jours de travail étaient tributaires des besoins de D & R.

11.        Si un travailleur refusait trop souvent de faire des parcours, D & R obligeait alors l'appelante à lui trouver un travailleur plus fiable.

12.       Les conducteurs pouvaient utiliser les camions de l'appelante mais seulement pour la prestation de services à D & R.

13.        Chaque conducteur était tenu de soumettre à D & R un rapport d'acheminement et un journal de bord.

14.        L'appelante versait la rémunération aux conducteurs par chèque les 1er et 15e jours de chaque mois.

l5.         L'entente entre l'appelante et D & R prévoyait le versement d'un montant forfaitaire de 900 $ par jour ouvrable pour les parcours de longue distance, le temps d'attente étant compris dans ce montant forfaitaire. D & R recouvrait le coût de l'assurance au tarif de 5,1 cents le mille.

16.        L'achat et l'entretien des uniformes étaient censés être à la charge de l'appelante mais, dans la pratique, la politique concernant les uniformes n'a jamais été appliquée et donc, les conducteurs ne portaient pas d'uniforme.

17.        D & R achetait les plaques d'immatriculation pour chaque tracteur, puis en recouvrait le coût en paiements étalés sur 24 périodes de paie en déduisant 1/24 du coût des sommes payables à l'appelante.

18.       La responsabilité de la rémunération des travailleurs incombait à l'appelante.

19.        D & R offrait un régime d'assurance auquel tous les conducteurs étaient tenus de participer. D & R offrait aussi un régime d'assurance de soins médicaux et de soins dentaires à participation facultative, c'est-à-dire qu'un conducteur pouvait, à son choix, y participer et en payer la cotisation.

20.        Selon l'entente entre l'appelante et D & R, les camions de l'appelante sont utilisés de façon régulière. Un conducteur régulier peut se faire remplacer mais D & R doit approuver le remplaçant. Le conducteur régulier peut négocier avec son remplaçant un taux de rémunération différent de celui convenu entre lui-même et l'appelante.

21.        Un conducteur pouvait travailler pour une tierce partie, mais l'appelante avait un premier droit sur le temps du conducteur.

22.        Chaque conducteur était tenu de soumettre un journal de bord à l'appelante avant d'être payé.

[3]      Les 22 points ci-dessus rappellent les faits convenus par l'avocat lors de l'audience. La pièce 1 est le contrat de courtage en transport de ligne conclu le 3 mars 1997 entre l'appelante ( « l'entrepreneur » ) et Sameday Right-O-Way (une division de Day & Ross Inc.) ( « D & R » ). Les parties de la pièce 1 reproduites ci-après sont particulièrement pertinentes :

[TRADUCTION]

1.          Les définitions suivantes s'appliquent à la présente entente :

a)          « employé agréé » s'entend d'un employé de l'entrepreneur que D & R a autorisé à faire fonctionner le matériel.

            b)          [...]

c)          « règles d'acheminement » s'entend des règles établies par D & R touchant l'exploitation ordonnée du matériel servant au transport de ligne.

d)          [...]

f)           « Procédures normalisées de fonctionnement » ( « PNF » ) s'entend des politiques et des procédures contenues dans le manuel des procédures normalisées de fonctionnement et le guide des conducteurs de D & R. [...]

3.          Employés

a)          L'entrepreneur remet à D & R toutes les demandes reçues de personnes qui souhaitent être embauchées en tant qu'employés agréés. D & R accepte d'approuver les demandes des personnes qui satisfont aux normes énoncées dans les PNF.

b)          Tous les employés agréés sont des employés de l'entrepreneur et non de D & R. De ce fait, il incombe à l'entrepreneur de verser la rémunération aux employés et d'effectuer et de remettre pour leur compte les retenues d'impôt et de cotisations en application de la Loi sur l'assurance-emploi, duRégime de pensions du Canada,de la Loi de l'impôt sur le revenu, dela Loi sur les accidents du travail ainsi que de toute autre loi applicable.

c)          L'entrepreneur permet aux employés agréés seulement de faire fonctionner le matériel.

d)          L'entrepreneur assure à tous les employés agréés une formation touchant les PNF et les règles d'acheminement et veille à ce qu'ils fassent fonctionner le matériel conformément à ces normes et à ces règles. L'entrepreneur veille à ce que les employés agréés participent à tout programme de formation auquel D & R les a inscrits. L'entrepreneur voit aussi à distribuer aux employés agréés la documentation fournie par D & R.

e)          [...]

f)           Lorsqu'un employé agréé enfreint de manière importante et à répétition les PNF ou les règles d'acheminement, D & R a le droit de suspendre ou de résilier son agrément de l'employé en question. L'employeur a seul la responsabilité de la mise en oeuvre de cette suspension ou de cette résiliation. [...]

[4]      David Livingstone, l'actionnaire contrôlant de l'appelante, a témoigné à l'audience. Il a confirmé les faits convenus entre les avocats. Il possède sa propre entreprise de camionnage depuis 1982. Il a signé le contrat de courtage en transport de ligne (pièce 1). Chaque conducteur était tenu de remettre une feuille d'acheminement sur les parcours (point de départ, destination, etc.) qu'il avait effectués au cours d'un mois donné, soit du 1er au 15e ou du 16e au dernier jour du mois. La pièce A-1 est la feuille d'acheminement de Steve Collins, laquelle couvre la période du 16 au 30 avril (sans indication de l'année) et indique les parcours qu'il a faits de Port Hope à Toronto et à d'autres villes dans le Sud de l'Ontario, à l'Ouest de Port Hope. Cette feuille était importante car chaque conducteur était payé en fonction des parcours qu'il avait faits au cours de la moitié du mois visée par son rapport.

[5]      Chaque conducteur devait tenir un journal de bord et le remettre à D & R tous les sept jours. L'appelante ne donnait de la formation à aucun conducteur. Si un chargement était livré en retard, D & R pouvait imposer une pénalité à l'appelante, laquelle pénalité était refilée au conducteur si le retard lui était imputable. D & R est le seul client de l'appelante. D & R fournit les formulaires que les conducteurs doivent remplir, et les conducteurs de l'appelante sont au courant des règles de D & R. M. Livingstone s'attendait à ce que chaque conducteur l'informe deux semaines à l'avance des vacances qu'ils envisageaient de prendre afin de pouvoir trouver un remplaçant. L'appelante remettait à chaque conducteur son chèque de paie indiquant sa rémunération brute et sans les retenues à la source.

Analyse

[6]      Pendant de nombreuses années, l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire WiebeDoor Services Ltd. c. M.R.N., 87 DTC 5025 a constitué le meilleur guide sur lequel s'appuyer pour distinguer un entrepreneur indépendant d'un employé. Plus récemment, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. v. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, a confirmé l'arrêt WiebeDoor et a rappelé en ces termes, aux numéros 47 et 48, les différents éléments du critère de base :

47         Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même des assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

48         Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[7]      Les éléments du critère de base sont le contrôle, la propriété des instruments, la possibilité de profit ou le risque de perte et l'intégration. Le premier de ces éléments pointe fortement vers l'emploi. Les conducteurs étaient tenus d'être présents à Port Hope chaque matin pour qu'on leur indique leur itinéraire, la destination des marchandises et, dans certains cas, le délai de livraison de certains chargements. En ce qui concerne Jim Bird, son itinéraire était habituellement l'aller-retour entre Port Hope et Edmonton (un voyage de six ou sept jours) et donc il ne présentait pas un rapport à Port Hope chaque jour. Conformément au contenu de la pièce 1, les conducteurs devaient respecter les procédures normalisées de fonctionnement et les règles d'acheminement. Manifestement, les conducteurs étaient sous le contrôle de l'appelante et de D & R.

[8]      Le deuxième élément du critère pointe également vers l'emploi. Le matériel de base consistait en camions, qui étaient la propriété de l'appelante. Les remorques appartenaient à D & R. Les conducteurs fournissaient leurs propres articles à usage personnel, les bottes et les gants, par exemple, mais, dans les faits, le seul matériel et les seuls instruments importants étaient fournis par l'appelante ou par D & R.

[9]      L'appelante versaient la rémunération aux conducteurs deux fois par mois, les 1er et 15e jours. L'appelante prenait à sa charge tous les frais de fonctionnement des camions, et D & R assumait le coût d'entretien des remorques. Lorsqu'un chargement particulier était livré en retard, si ce retard était imputable au conducteur et si D & R imposait alors une pénalité, celle-ci était transférée au conducteur par l'intermédiaire de l'appelante. Ainsi, il y avait le risque que le conducteur doive absorber la pénalité mais c'était là pour lui le seul risque. Le conducteur n'avait pas de frais courants, comme un loyer, des frais de publicité, de papeterie, de téléphone d'affaires ou de facturation. La feuille d'acheminement (pièce A-1) était le seul document que le conducteur devait remettre à l'appelante afin d'être payé. Le conducteur touchait un taux de rémunération fixe en fonction des parcours inscrits dans son journal de bord ou sur la feuille d'acheminement. Il n'avait aucune possibilité de profit ni de risque de perte au sens commercial.

[10]     En ce qui regarde le quatrième et dernier élément du critère, l'intégration, les tribunaux ont laissé entendre qu'on devrait poser la question suivante dans l'optique des travailleurs : À qui appartient l'entreprise? Dans les circonstances de l'espèce, la réponse est simple, car les conducteurs ne possédaient pas d'entreprise. Ils n'avaient pas de clients. Ils ne touchaient pas de recettes ni n'engageaient de dépenses au sens commercial. Une paie leur était toujours versée deux fois par mois par la même personne, l'appelante.

[11]     L'avocat de l'appelante s'est appuyé sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6853.Je ne suis pas enclin à reprendre la décision alors rendue et ce, pour les raisons suivantes : M. Wolf était un ingénieur mécanicien spécialisé en aérospatiale. Il avait eu plusieurs contrats de consultation avec des entreprises aérospatiales avant d'accepter en 1990 de fournir des services à Bombardier/Canadair. Les conducteurs dans la présente cause ne possèdent pas les compétences hautement spécialisées de M. Wolf. Ils n'ont pas non plus d'antécédents en consultation sur lesquels s'appuyer lorsqu'on leur demande leur avis. Ils exercent la compétence de base qu'est la conduite d'un gros camion ou d'un tracteur qui tire une remorque. Dans l'arrêt Wolf, les facteurs indiquant s'il s'agissait d'un emploi ou d'un entrepreneur indépendant avaient à peu près le même poids. C'était un cas où il convenait de laisser les parties déterminer la nature de leur relation. C'est le sens que la Cour d'appel fédérale donnait à l'expression « intention contractuelle » . Les trois juges d'appel ont formulé des motifs concordants dans l'arrêt Wolf. Voici les propos du juge Noël qu'on peut lire à la page 6870, au paragraphe 122 :

[122] [...] À mon avis il s'agit d'un cas où la qualification que les parties ont donnée à leur relation devrait se voir accorder un grand poids. Je reconnais que la façon dont les parties décident de décrire leur relation n'est pas habituellement déterminante, en particulier lorsque les critères juridiques applicables pointent dans l'autre direction. Mais, dans une issue serrée comme en l'espèce, si les facteurs pertinents pointent dans les deux directions avec autant de force, l'intention contractuelle des parties et en particulier leur compréhension mutuelle de la relation ne peuvent pas être laissées de côté.                                                                                       (c'est moi qui souligne)

Les facteurs dans cet appel ne pointent pas dans les deux directions avec autant de force.

[12]     L'appelante s'est fondée sur la décision de ce tribunal dans l'affaire Doering c. M.R.N. (no du dossier de la cour 2001-1934(EI)) rendue par le juge Beaubier le 27 février 2003. J'établirais une distinction en ce qui regarde cette affaire, car Charles Doering possédait son propre camion/tracteur tandis que le payeur fournissait la remorque. Il y avait pour M. Doering un réel risque de perte, et il fournissait le matériel de base et les instruments. Et enfin, l'appelante a cité la décision de cette cour et celle rendue par la Cour d'appel fédérale dans Comeau's Sea Foods Ltd. c. M.R.N. (C.A.F. 19 décembre 2002). Les faits dans cette cause sont inusités, car 146 travailleurs travaillant sur les bateaux de la société Comeau ont été considérés comme des entrepreneurs indépendants. Les quatre éléments du critère établis dans l'arrêt Wiebe Door pointaient dans les deux directions, mais le juge (O'Connor) de première instance a été particulièrement impressionné par le fait que la société Comeau, en partageant le produit de la prise, partageait le produit de ses ventes avec l'équipage en tant que mandataire commun. La Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge O'Connor. Dans le présent appel, il n'y avait pas partage du produit entre l'appelante et les conducteurs des camions. Ceux-ci recevaient un montant forfaitaire par parcours.

[13]     Après avoir appliqué les critères de la common law établis dans les arrêts Wiebe Door et Sagaz, si j'avais quelque doute quant à l'issue de cet appel (je m'empresse de préciser que je n'en ai aucun), je rejetterais quand même l'appel en me fondant sur la documentation ainsi que sur les faits convenus. Dans la pièce 3, intitulée « Contrat de services » , le deuxième attendu mentionne que le conducteur ( « sous-traitant » ) est un entrepreneur indépendant. Toutefois, cet attendu est incompatible avec le genre de contrôle que chaque conducteur, en tant que mandataire de l'appelante, accepte de D & R en vertu du contrat de courtage en transport de ligne (pièce 1). En outre, les faits convenus qui sont énoncés au paragraphe 2 ci-dessus laissent fortement supposer que chaque conducteur était un employé et non pas un entrepreneur indépendant. L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2004.

« M.A. Mogan »

Le juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour d'avril 2005.

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice

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