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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2001-3218(IT)I

ENTRE :

JEFFREY DONALD SMITH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 25 juin 2003 à Winnipeg (Manitoba)

Par : L'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Perry Derksen

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI463

Date: 20030704

Dossier: 2001-3218(IT)I

ENTRE :

JEFFREY DONALD SMITH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      M. Smith interjette appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) pour l'année d'imposition 1999. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) n'a pas admis que M. Smith ait déduit de son revenu une somme de 8 400 $ représentant 12 paiements mensuels de 700 $ chacun qu'il avait faits à un syndic de faillite comme l'exigeait un jugement sur consentement de la Cour suprême de l'Ontario (Division générale). L'appelant avait signé le consentement à jugement comme condition d'obtention de sa libération de failli. Le ministre a en outre ajouté une pénalité pour production tardive et des intérêts, l'appelant n'ayant produit sa déclaration de revenu que le 27 juin 2000. Si l'appel est couronné de succès, l'appelant n'aura pas à payer la pénalité et les intérêts.

[2]      Il n'y a aucun différend quant aux faits. En septembre 1990, l'appelant et son épouse avaient acheté, comme investissement, un petit immeuble d'habitation de la rue Flora, à Ottawa. Le prix d'achat était de 298 000 $. Le bien était grevé d'une hypothèque en faveur de Peter Balestra en garantie du paiement d'une dette de 78 500 $, que l'appelant et son épouse ont pris en charge à la date de clôture. L'appelant et son épouse ont en outre accordé une hypothèque à Compagnie Trust Prenor du Canada en garantie du paiement d'une dette de 210 000 $. M. Balestra a accepté de subordonner son hypothèque à celle Prenor Trust.

[3]      À l'époque de l'achat, l'appelant servait à l'étranger dans les forces armées et ne pouvait donc personnellement administrer le bien. Pour diverses raisons qu'il n'est pas nécessaire d'énoncer ici, l'immeuble ne s'est pas révélé un investissement rentable. En mai 1992, la dette correspondant à l'hypothèque de Prenor Trust était devenue arriérée et, le 26 mai, Prenor Trust a vendu le bien en vertu d'un pouvoir de vente pour 215 000 $, soit le montant qui lui était alors dû au titre de son hypothèque. En août 1996, Peter Balestra a poursuivi l'appelant au titre de son engagement relatif à l'hypothèque de deuxième rang et il a, en octobre de cette année-là, obtenu un jugement condamnant l'appelant à payer la somme de 126 893 $. L'appelant n'a effectué aucun paiement relativement à ce jugement et il a, le 21 février 1997, fait une cession de faillite. M. Balestra était le principal créancier dans la faillite, mais non le seul. La demande de libération de l'appelant a fini par être entendue par le tribunal, demande à laquelle M. Balestra a fait opposition.

[4]      En janvier 1998, la Cour de l'Ontario a accordé une libération à l'appelant à condition que ce dernier consente à un jugement, en faveur du syndic, le condamnant à payer la somme de 40 000 $ à raison de 700 $ par mois à partir de janvier 1998. L'appelant a dûment signé le consentement à jugement selon ces modalités, et le jugement a été prononcé par la Cour. Dans l'année 1999, l'appelant a effectué les paiements requis, d'un montant total de 8 400 $. C'est ce montant qu'il prétend maintenant avoir le droit de déduire de son revenu pour l'année[1].

[5]      De la manière dont j'ai compris l'argumentation de l'appelant, ce dernier soutient que l'obligation d'effectuer ces paiements mensuels résulte directement de son investissement dans le bien de la rue Flora et qu'il devrait donc être en droit de déduire ces paiements de son revenu pour l'année dans laquelle les paiements ont été effectués, en tant que frais afférents à la propriété du bien. Pour les raisons qui suivent, je ne saurais souscrire à cette prétention.

[6]      On peut répondre brièvement à l'argumentation de l'appelant en disant qu'il n'y a pas de lien entre les paiements mensuels que l'appelant a faits au syndic de faillite et le bien de la rue Flora ou les hypothèques dont celui-ci était grevé. Me Derksen signale tout à fait à juste titre que les paiements que M. Smith souhaite déduire ont été faits non pas à M. Balestra, mais au syndic de faillite. Il n'y a pas de doute qu'une partie de l'argent revient à M. Balestra, le syndic étant obligé de distribuer l'argent selon l'article 136 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité[2]. M. Balestra sera payé seulement après le paiement des débours et honoraires du syndic, des frais juridiques et du droit payable au surintendant et seulement au prorata par rapport aux autres créanciers ordinaires. Il sera payé par le syndic et non par l'appelant. La dette de M. Smith envers M. Balestra s'est éteinte lorsque la libération de failli de M. Smith est devenue une libération absolue, c'est-à-dire lorsque M. Smith a satisfait à la condition en signant le consentement à jugement[3]. Les sommes payées par l'appelant ne sont donc pas attribuables aux paiements hypothécaires effectués au titre des intérêts ou du principal; ce sont simplement des sommes que l'appelant était tenu de payer pour être libéré d'une faillite personnelle, de sorte qu'il s'agit de frais personnels, dont la déduction n'est pas permise en vertu de l'alinéa 18(1)h) de la Loi.

[7]      Je suis en outre d'accord avec la thèse subsidiaire avancée par l'avocat de l'intimée. Même si j'avais tort sur le premier point et qu'un lien puisse être établi entre les paiements faits au syndic et l'hypothèque détenue par M. Balestra, aucune partie des paiements ne serait déductible. Tout d'abord, il ne serait pas possible à partir de la preuve qui m'a été présentée de répartir les paiements entre le principal et les intérêts. Même si cela pouvait être fait, ni les paiements au titre du principal ni les paiements au titre des intérêts ne pourraient être déduits. Tout montant attribuable au principal ne pourrait être déduit en raison de l'alinéa 18(1)b) de la Loi, simplement parce que ce serait un montant à titre de capital. Tout montant attribuable aux intérêts ne serait pas déductible en raison de l'absence d'une source de revenu à laquelle il pourrait être rattaché pour 1999, année dans laquelle le paiement a été effectué. L'intérêt que M. Smith détenait dans le bien de la rue Flora s'est terminé en 1992, avec la vente effectuée par Prenor Trust. Ce n'était plus pour M. Smith une source de revenu au sens de l'article 3 de la Loi, et M. Smith ne pouvait donc après cela déduire à cet égard des dépenses ou des frais d'intérêts. Tel est le résultat de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Emerson c. La Reine[4]. Quoique cet arrêt ait suscité un certain nombre de critiques, il est cité et apparemment approuvé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Tennant c. Canada[5], et, ce qui est plus important encore, c'est que notre cour demeure liée par cet arrêt.

[8]      Je devrais peut-être ajouter, par souci d'exhaustivité, que M. Smith a probablement subi à la fois des pertes en capital et des pertes autres qu'en capital relativement à ce bien durant les années pendant lesquelles il en a été propriétaire. Je n'ai pas entendu de témoignage à ce sujet et je ne sais pas si M. Smith a demandé à déduire de telles pertes. Dans la mesure où il peut avoir subi de telles pertes dont il n'a pas demandé la déduction avant que sa libération de failli devienne absolue, il ne pourrait plus déduire ces pertes en raison de l'alinéa 128(2)g) de la Loi.

[9]      Malheureusement pour l'appelant, il n'y a pas de redressement possible pour lui en vertu de la Loi concernant les paiements qu'il doit faire au syndic, car ces paiements n'entrent tout simplement pas dans le cadre d'une disposition de la Loi qui en permettrait la déduction. L'appel doit être rejeté. L'appelant pourrait demander au ministre un redressement discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi relativement à la pénalité et aux intérêts, mais cela ne relève pas de la compétence de notre cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour d'avril 2005.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           La preuve n'indique pas si l'appelant a effectué de tels paiements en 1998.

[2]           L.R.C. 1985, ch. B-3.

[3]           Op. cit., article 178.

[4]           C.A.F., no A-419-85, 7 mars 1986 ([1986] 1 C.T.C. 422).

[5]           [1996] 1 R.C.S. 305, au paragraphe 27.

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