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Dossier : 2003-3575(EI)

ENTRE :

FRANCE GARNEAU,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc. (2003-3577(EI))

le 17 juin 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Marlène Jacob

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Dossier : 2003-3577(EI)

ENTRE :

PEINTURE ET DÉCORATION

LÉOPOLD LAPOINTE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

France Garneau (2003-3575(EI)) le 17 juin 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Marlène Jacob

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI508

Date : 20040727

Dossier : 2003-3575(EI)

ENTRE :

FRANCE GARNEAU,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET ENTRE :

Dossier : 2003-3577(EI)

PEINTURE ET DÉCORATION

LÉOPOLD LAPOINTE INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit de deux appels relatifs à la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ). Les appels concernent le travail exécuté par l'appelante « France Garneau » pour le compte de « Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc. » . Le travail exécuté par madame Garneau a été exclu des emplois assurables à cause du lien de dépendance existant entre elle et son conjoint qui contrôlait les actions de la société appelante.

[2]      Les périodes visées par les appels sont les suivantes :

a) du 9 juin au 3 octobre 1997,

b) du 15 juin au 9 octobre 1998,

c) du 14 juin au 8 octobre 1999,

d) du 12 juin au 6 octobre 2000,

e) du 11 juin au 28 septembre 2001,

f) du 16 juin au 21 septembre 2002.

[3]      Les parties ont convenu de procéder au moyen d'une preuve commune. Dans un premier temps, plusieurs hypothèses de fait tenues pour acquises ont été admises; il s'agit des hypothèses de fait suivantes :

France Garneau - 2003-3575(EI):

a)          Le payeur, constitué en société le 28 juin 1978, exploite une entreprise de peinture de bâtiments résidentiels, commerciaux, industriels et institutionnels;

b)          le payeur exploite son entreprise sur une base annuelle avec une période de pointe entre les mois de juin et septembre;

c)          les administrateurs du payeur sont Léopold, Sonia et Pascal Lapointe;

d)          durant les périodes en litige, le payeur avait généralement 3 peintres plâtriers à son service;

e)          le payeur avait un chiffre d'affaires de 88 666 $ en 1997 et de 143 955 $ en 2002; entre 1997 et 2002, le payeur a réalisé un profit total de 28 687 $;

f)           l'appelante rendait des services au payeur et ses principales tâches consistaient à : préparer la peinture pour fournir les peintres, faire des commissions (porter des soumissions, acheter du matériel, aller chercher des plans), répondre au téléphone, compléter les chèques, les bordereaux de dépôts et la facturation des clients;

g)          le payeur embauche un comptable de l'extérieur qui s'occupe de la préparation des payes (l'appelante les signe), de la tenue des livres comptables, de la comptabilité et des états financiers du payeur;

h)          l'appelante travaille généralement dans sa maison; la maison lui appartient et elle ne reçoit aucune compensation du payeur pour l'utilisation de locaux de sa résidence;

i)           l'appelante prétend travailler 40 heures par semaine mais ses heures de travail ne sont pas comptabilisées par le payeur;

j)           dans le cadre de son travail, l'appelante utilisait le camion du payeur pour effectuer ses courses et toutes les dépenses reliées au camion étaient payées par le payeur;

k)          depuis 2002, l'appelante possède sa propre voiture qu'elle utilise dans le cadre de son travail et les dépenses reliées à l'utilisation de sa voiture ne lui sont pas remboursées par le payeur;

l)           l'appelante prétend qu'elle n'a jamais investi dans l'entreprise du payeur, mais elle aurait fait des chèques (de 5 000 $ en juillet 1997 et septembre 2001) au nom du payeur et prêté de l'argent au payeur à d'autres occasions durant les périodes en litige;

m)         durant les périodes en litige, l'appelante recevait une rémunération fixe variant entre 624 $ et 742 $ par semaine, selon les années et ce, sans égard aux heures réellement travaillées;

n)          durant les périodes en litige, l'appelante encaissait, à la demande du payeur, certains de ses chèques de paie avec des délais variant de 2 à 3 mois;

o)          dans une déclaration statutaire datée du 18 novembre 2002, l'appelante déclarait :

« Je reconnais que je fais des commissions en dehors de mes périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. Je fais aussi les bordereaux de dépôts pour les deux compagnies en dehors des périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. De même que pour les chèques complétés par moi-même, je reconnais que j'en complète à l'année longue sans égard à mes semaines de travail inscrites sur les relevés d'emploi. » ;

« même si je travaille, je ne suis pas payée pour les services rendus en dehors de juin à octobre de chaque année. »

p)          les périodes réellement travaillées par l'appelante diffèrent des périodes indiquées aux relevés d'emploi de l'appelante.

Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc. - 2003-3577(EI):

a)          L'appelante, constituée en société le 28 juin 1978, exploite une entreprise de peinture de bâtiments résidentiels, commerciaux, industriels et institutionnels;

b)          l'appelante exploite son entreprise sur une base annuelle avec une période de pointe entre les mois de juin et septembre;

c)          les administrateurs du payeur sont Léopold, Sonia et Pascal Lapointe;

d)          durant les périodes en litige, l'appelante avait généralement 3 peintres plâtriers à son service;

e)          l'appelante avait un chiffre d'affaires de 88 666 $ en 1997 et de 143 955 $ en 2002; entre 1997 et 2002, le payeur a réalisé un profit total de 28 687 $;

f)           la travailleuse rendait des services au payeur et ses principales tâches consistaient à : préparer la peinture pour fournir les peintres, faire des commissions (porter des soumissions, acheter du matériel, aller chercher des plans), répondre au téléphone, compléter les chèques, les bordereaux de dépôts et la facturation des clients;

g)          l'appelante embauche un comptable de l'extérieur qui s'occupe de la préparation des payes (la travailleuse les signe), de la tenue des livres comptables, de la comptabilité et des états financiers de l'appelante;

h)          la travailleuse travaille généralement dans sa maison; la maison lui appartient et elle ne reçoit aucune compensation de l'appelante pour l'utilisation de locaux de sa résidence;

i)           la travailleuse prétend travailler 40 heures par semaine mais ses heures de travail ne sont pas comptabilisées par l'appelante;

j)           dans le cadre de son travail, la travailleuse utilisait le camion de l'appelante pour effectuer ses courses et toutes les dépenses reliées au camion étaient payées par l'appelante;

k)          depuis 2002, la travailleuse possède sa propre voiture qu'elle utilise dans le cadre de son travail et les dépenses reliées à l'utilisation de sa voiture ne lui sont pas remboursées par l'appelante;

l)           la travailleuse prétend qu'elle n'a jamais investi dans l'entreprise de l'appelante, mais elle aurait fait des chèques (de 5 000 $ en juillet 1997 et septembre 2001) au nom de l'appelante et prêté de l'argent à l'appelante à d'autres occasions durant les périodes en litige;

m)         durant les périodes en litige, la travailleuse recevait une rémunération fixe variant entre 624 $ et 742 $ par semaine, selon les années et ce, sans égard aux heures réellement travaillées;

n)          durant les périodes en litige, la travailleuse encaissait, à la demande du l'appelante, certains de ses chèques de paie avec des délais variant de 2 à 3 mois;

o)          dans une déclaration statutaire datée du 18 novembre 2002, la travailleuse déclarait :

« Je reconnais que je fais des commissions en dehors de mes périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. Je fais aussi les bordereaux de dépôts pour les deux compagnies en dehors des périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. De même que pour les chèques complétés par moi-même, je reconnais que j'en complète à l'année longue sans égard à mes semaines de travail inscrites sur les relevés d'emploi. » ;

« même si je travaille, je ne suis pas payée pour les services rendus en dehors de juin à octobre de chaque année. »

p)          les périodes réellement travaillées la travailleuse diffèrent des périodes indiquées aux relevés d'emploi de l'appelante.

[4]      Les appelantes ont nié les alinéas l) et p).

[5]      Finalement, les appelantes ont admis certaines des hypothèses en se réservant le droit d'en compléter et d'en nuancer le contenu; il s'agit des alinéas f), i), k), m) et o).

[6]      Monsieur Léopold Lapointe, qui dirige et contrôle la Société Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc., a été le seul à témoigner à l'appui des appels; l'appelante France Garneau, sa conjointe, n'a pas témoigné, bien que présente à l'audience.

[7]      Les sujets du témoignage de monsieur Léopold Lapointe ont été établis en fonction des motifs invoqués dans une lettre de l'intimé du 12 décembre 2002. Ces motifs étaient énoncés comme suit :

[...]

En examinant vos conditions d'emploi, nous n'avons pas pu conclure que :

-    votre employeur aurait offert les mêmes conditions à une personne non liée.

-    Votre employeur aurait versé à une personne non liée le même montant pour le même travail et avec le même retard.

-    Votre employeur aurait embauché une personne non liée pour les mêmes durées.

-    Votre employeur aurait embauché une personne non liée pour exécuter ce genre de travail.

[8]      Monsieur Lapointe a affirmé et répété qu'il aurait embauché une autre personne pour faire le même travail et ce, aux mêmes conditions, si la Société n'avait pas pu compter sur les services de l'appelante. Il a indiqué que la description des tâches correspondait en partie à celle indiquée dans la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) aux paragraphes suivants :

f)           l'appelante rendait des services au payeur et ses principales tâches consistaient à : préparer la peinture pour fournir les peintres, faire des commissions (porter des soumissions, acheter du matériel, aller chercher des plans), répondre au téléphone, compléter les chèques, les bordereaux de dépôts et la facturation des clients;

g)          le payeur embauche un comptable de l'extérieur qui s'occupe de la préparation des payes (l'appelante les signe), de la tenue des livres comptables, de la comptabilité et des états financiers du payeur;

[9]      Il a cependant ajouté une fonction dont il n'a été question ni dans la Réponse ni dans les déclarations statutaires consignées dans le cadre de l'enquête, et a beaucoup insisté sur celle-ci, c'est-à-dire que son épouse effectuait le ménage sur les chantiers suite aux travaux de peinture exécutés par les peintres, et aussi à l'entrepôt. Bien plus, cette tâche a été décrite comme étant l'une des plus importantes.

[10]     Léopold Lapointe, très articulé, a justifié le travail de son épouse en indiquant qu'il s'agissait d'un travail nécessaire qui aurait normalement dû être exécuté par les peintres n'eût été de la présence de l'appelante; elle exécutait le travail à un coût substantiellement moins élevé que le prix qu'il aurait dû payer si un peintre avait dû exécuter le même travail.

[11]     La Société faisait affaires à l'année longue; la période estivale était beaucoup plus occupée et ce, principalement parce que plusieurs écoles avaient recours à l'appelante pour l'exécution de travaux de peinture durant la période de relâche scolaire.

[12]     Bien que les affaires soient moins occupées en dehors de la saison estivale, l'entreprise demeurait en affaires; le plus souvent, les travaux étaient exécutés par le conjoint de l'appelante sans l'intervention d'une autre personne.

[13]     Monsieur Lapointe a indiqué qu'il ne prenait pas de salaire, seulement des bonis lorsque les affaires le permettaient.

[14]     Pour la ou les dernières périodes, l'appelante recevait un salaire de plus de 18 $ l'heure, soit 742 $ la semaine, alors que le salaire versé au peintre était de l'ordre de 23 $ l'heure.

[15]     Madame France Beaulieu, responsable des dossiers à titre d'enquêteur, a expliqué le travail d'enquête qu'elle avait effectué. Après avoir recueilli la documentation pertinente, soit les divers documents comptables tels que livres des salaires, factures, chèques, relevés d'emploi, etc., elle a préparé une compilation fort pertinente pour illustrer ses divers constats. Le tableau préparé a permis de constater que l'appelante était sur la liste de paye pendant les périodes en litige, mais surtout qu'elle travaillait pendant toute l'année et ce, non pas de façon ponctuelle ou marginale, mais d'une manière significative et continue.

[16]     Au moyen de points, elle a identifié les tâches exécutées par l'appelante et ce, en dehors des périodes en litige. Aux fins du jugement, les points ont été additionnés et le résultat est le suivant :

Année 1997 (période en litige : du 9 juin au 3 octobre 1997)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

x

x

x

x

1

5

19

24

12

21

4

11

Année 1998 (période en litige : du 15 juin au 9 octobre 1998)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

14

11

16

21

26

30

12

27

27

22

21

10

Année 1999 (période en litige : du 14 juin au 8 octobre 1999)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

43

35

24

15

43

34

25

38

28

35

30

18

Année 2000 (période en litige : du 12 juin au 6 octobre 2000)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

23

23

16

28

14

32

45

37

38

33

26

23

Année 2001 (période en litige : du 11 juin au 28 septembre 2001)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

20

13

14

22

32

35

38

42

63

29

37

25

Année 2002 (période en litige : du 16 juin au 21 septembre 2002)

Jan.

Fév.

Mar.

Avril

Mai

Juin

Juil.

Août

Sept.

Oct.

Nov.

Déc.

28

13

14

19

13

29

26

22

21

x

x

x

périodes en litige

[17]     Madame Beaulieu a aussi fait les constats suivants :

·         les chèques reçus ne correspondaient ni aux relevés d'emploi ni au livre des salaires;

·         il y avait plusieurs délais lors de l'encaissement des chèques de paye;

·         l'appelante a prêté de l'argent sans intérêt à la Société contrôlée par son conjoint;

·         la Société ne remboursait pas les dépenses d'utilisation du véhicule de l'appelante lors de l'accomplissement de tâches pour la Société;

·         l'appelante hébergeait gratuitement le local d'affaires (une chambre aménagée en bureau) à l'intérieur de la résidence dont elle était propriétaire.

[18]     Lorsque l'intimé a décidé de faire enquête sur le dossier des appelantes dans le but de déterminer s'il fallait conclure que le travail effectué lors des diverses périodes en litige, bien qu'exclu expressément par la Loi, était un travail assurable, madame Beaulieu se devait de procéder objectivement en tenant compte de tous les faits et documents pertinents pour soutenir adéquatement ses conclusions.

[19]     En l'espèce, il appert de la preuve que tous les documents utilisés et pertinents ont été fournis dans un contexte de collaboration. L'appelante et son conjoint ont, de plus, tous deux accepté de faire une déclaration statutaire que les appelantes ont elles-mêmes produites sous les cotes A-1, A-3, A-4 et A-5.

[20]     La preuve a révélé qu'en dehors des périodes en litige, l'appelante exécutait probablement beaucoup plus de tâches que celles constatées lors de l'enquête. En effet, l'appelante France Garneau effectuait sans doute plusieurs tâches n'ayant laissé aucune trace, telles que celles de recevoir les clients, de répondre au téléphone et de faire des commissions. L'enquêteur n'a relevé que ce qui avait laissé une trace, telle une signature, et en a fait l'inventaire.

[21]     Suite au témoignage de madame Beaulieu, Léopold Lapointe a témoigné à nouveau pour expliquer les diverses factures ou documents ayant servi à l'élaboration des graphiques faisant état du travail significatif exécuté par l'appelante en dehors des périodes en litige.

[22]     Il est alors ressorti que certaines factures faisaient référence à un contenu personnel n'ayant rien à voir avec l'entreprise. Par contre, il a admis que plusieurs concernaient les affaires de la Société « Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc. » . Il aurait été intéressant d'entendre la version de l'appelante.

[23]     Certains extraits de la déclaration statutaire de monsieur Lapointe du 20 novembre 2002 (pièce A-5) sont également révélateurs quant à la relation privilégiée qui prévalait entre l'appelante et son employeur.

[...]

Q.         Pourquoi France a-t-elle fait un chèque de 5 000 $ à la Cie Peinture & Décoration de 31-07-97?

R.          France a contracté un prêt à la Caisse Pop. et me l'a prêté. Elle a été remboursée en argent.

Q.         France a-t-elle prêté de nouveau à la Cie?

R.          Souvent, dont un autre prêt en 2001 lors du décès de sa mère. En Sept. 2002, je lui ai remis 6 000 $.

Q.         Pourquoi y a-t-il du travail effectué par France en dehors des périodes d'emploi inscrites sur les relevés d'emploi?

R.          Elle m'aide de son plein gré soit les samedis soirs ou dimanches soirs. Elle n'est pas payée pour ces quelques services rendus, elle le fait comme désennui.

[...]

[24]     De son côté, dans une déclaration statutaire du 21 octobre 2002 (pièce A-3), l'appelante France Garneau déclarait ce qui suit :

   [...] Je voyage avec ma propre voiture. Je ne suis pas remboursé pour mes dépenses de voyage; c'est compris dans mon salaire.

   [...] Je travaille de 8:00 hres à 17:00 hres, 40 hres par semaine 5 jours, du lundi au vendredi. Mes heures varient d'une journée à l'autre. Il peut arriver que je travaille de soir, si les hommes ont besoin de fournitures. En fait, je suis payée pour 40 heures mais mes heures ne sont pas consignées.

[25]     Plus tard, lors d'une deuxième déclaration statutaire du 18 novembre 2002 (pièce A-4), elle affirmait :

   [...] C'est moi-même qui complète les facturations aux clients, à la dactylo. Je signe aussi les accusés de réception de marchandises pour la Cie. Je fais les commissions. Je suis d'accord que les autres employés font aussi les commissions et vont chercher les fournitures lorsqu'ils en ont besoin. Quand l'enquêteure me montre toutes les facturations aux clients et que les dates ne concordent pas toujours avec mes semaines de travail, je veux préciser que quand je suis en chômage, ce n'est plus moi qui complète les facturations, c'est Léopold. Il complète les facturations sur le même modèle que moi. Je reconnais que je fais des commissions en dehors de mes périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. Je fais aussi les bordereaux de dépôts pour les 2 compagnies en dehors des périodes d'emploi inscrites sur mes relevés d'emploi. De même que pour les chèques complétés, par moi-même, je reconnais que j'en complète à l'année longue, sans égard à mes semaines de travail inscrites sur les relevés d'emploi. Moi et mon conjoint avons une carte Master Card Or conjointe [...]

   [...] J'ai fait un prêt à Peinture & Décoration Léopold Lapointe de 6 000 $ en 2001 et j'ai été remboursée en septembre 2002. En juillet 2002, j'ai reçu un chèque de 2 000 $ de Peinture & Décoration Léopold Lapointe et je ne me souviens plus pourquoi. [...]

   [...] Il est exact que mes payes étaient encaissées avec [illisible] à 3 mois de retard, ceci parce qu'il manquait des fonds dans le compte et Léopold me demandait d'attendre un peu.

[26]     Le contexte ou les circonstances des déclarations statutaires ont été tels qu'il est approprié de leur accorder une pertinence. À cet égard, monsieur Lapointe a formulé des exigences significatives. Elles ressortent des deux extraits suivants (pièce A-5) :

   [...] M. Lapointe préfère que les questions soient posées et il répondra par la suite [...]

   M. Lapointe a demandé une pause de café à 10:00 heures et est revenu à 10:45 heures pour relire et signer la déclaration. J'ai lu la présente déclaration, elle a été faite d'une façon libre et volontaire, sans aucune menace, et elle représente la vérité.

[27]     Il est assez étonnant que, malgré toutes les occasions pour y faire référence, que monsieur Lapointe n'ait jamais mentionné les fameux ménages dont sa conjointe était responsable, tâche décrite comme très importante lors de son témoignage à l'audience.

[28]     De plus, monsieur Lapointe a reconnu qu'une étrangère ou une tierce personne n'aurait pas accepté de faire des prêts sans intérêt ou de collaborer au point de retarder de plusieurs semaines l'encaissement de sa paye.

[29]     Madame Beaulieu a fait une enquête adéquate et a recueilli toute la preuve documentaire disponible et pertinente. Elle a fait une analyse judicieuse de toutes les données et, pour consolider ses conclusions, elle a préparé un tableau ne laissant aucun doute quant à la justesse et au caractère raisonnable de ses conclusions.

[30]     En outre, la preuve soumise par monsieur Lapointe, conjoint de l'appelante, cette dernière étant présente lors de l'audition mais ayant choisi de ne pas témoigner, a permis de valider la raisonnabilité des conclusions retenues par l'intimé.

[31]     L'avocate des appelantes a fait valoir que le travail de l'appelante France Garneau avait fait l'objet d'une analyse le 7 mai 1985 aux termes de laquelle le travail avait été déterminé assurable.

[32]     L'intimé a aussitôt répliqué qu'au moment de la détermination en question, les dispositions légales prises en considération étaient différentes de celles applicables lors des déterminations pour les six périodes en litige.

[33]     Lors des premières déterminations, l'intimé avait essentiellement analysé les faits sous l'angle des dispositions légales équivalentes à l'actuel alinéa 5(1)a) de la Loi.

[34]     Depuis 1990, le législateur a spécifiquement décidé d'exclure des emplois assurables tout travail effectué lorsqu'il existe un lien de dépendance entre le travailleur et l'employeur. L'intimé était donc justifié de faire l'analyse du travail exécuté par l'appelante aux termes de l'alinéa 5(2)i) de la Loi, qui le lit comme suit :

5. (2) N'est pas un emploi assurable :

[...]

i)     l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a)           la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b)           l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir un lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[35]     Bien qu'il soit très malheureux qu'une détermination puisse créer des attentes, voire même une assurance à toute épreuve, il n'en demeure pas moins que tout travail est susceptible de faire l'objet d'une vérification quant à son assurabilité et cela, en tout temps et pour toute période.

[36]     Lorsque l'analyse vise plusieurs périodes ou plusieurs années, le résultat peut avoir des conséquences financières importantes. En l'espèce, l'intimé a fait porter son analyse sur six périodes allant du 9 juin 1997 au 21 octobre 2002.

[37]     Les appelantes ont présenté la preuve, dont elles avaient le fardeau, à partir des hypothèses de fait énoncées dans les Réponses aux avis d'appel; elles n'ont pas reproché à l'intimé d'avoir omis de prendre en considération certains faits.

[38]     L'avocate des appelantes a soumis une interprétation des faits qui produit une conclusion contraire à celle de l'intimé. L'interprétation de l'intimé est-elle pour autant déraisonnable ou inacceptable?

[39]     Faire le même travail, exécuter certaines tâches rémunérées à certaines périodes et les accomplir bénévolement lors d'autres périodes, faire un prêt sans intérêt à son employeur et suspendre l'encaissement de son chèque de paye sont autant d'éléments qui ont des effets sur la qualité d'un contrat de louage de services.

[40]     Un contrat de travail conclu par des personnes ayant un lien de dépendance ne sera jamais comparable de façon absolue à un contrat où les parties ne sont par liées. Il existe et existera toujours des facettes empreintes de particularités découlant du lien de dépendance, et cela est normal, légitime, voire même souhaitable. Par contre, de telles particularités ne doivent pas façonner ou influencer le contrat de travail au point qu'il devienne évident qu'un tiers n'aurait pas bénéficié ou, inversement, souffert de pareilles conditions, notamment quant à la rémunération et le début et la fin des périodes de travail.

[41]     Il est souvent ni facile ni possible d'identifier des faits précis et déterminants permettant de tirer des conclusions. Par contre, l'ensemble des faits, le contexte et certains détails s'avèrent souvent la seule façon d'en arriver à un résultat concluant.

[42]     L'avocate des appelantes a brillamment fait ressortir qu'il était correct et normal entre époux de collaborer, de participer bénévolement à l'exécution de certaines tâches, de faire des prêts sans intérêt, de se comporter de façon généreuse. Je souscris entièrement à cette appréciation. Par contre, lorsque des personnes ayant un lien de dépendance décident de conclure un contrat de travail, il est nécessaire et impératif d'occulter le plus possible la réalité du contexte familial, d'où la sagesse du législateur d'avoir prévu qu'il faut faire des tests de similarité ou de comparaison en pareil cas.

[43]     En l'espèce, monsieur Lapointe a reconnu qu'il n'aurait pas pu demander ni obtenir d'un employé des prêts sans intérêt ou des retards multiples pour l'encaissement des payes. D'autre part, aurait-il accepté de payer un salaire à une employée alors que la Société n'en avait pas les ressources? Se serait-il privé de salaire pour être en mesure de payer un salaire à une tierce personne? Aurait-il accepté de payer un tel salaire à une tierce personne? Ce sont là des questions auxquelles il n'a pas été répondu par les appelantes, à qui incombait le fardeau de la preuve.

[44]     Il ne s'agissait pas d'une nouvelle Société où l'actionnaire principal travaille ferme pour établir de solides fondations. Il s'agissait plutôt d'une Société datant de plusieurs années où, dans des circonstances semblables, l'actionnaire majoritaire raisonnable aurait sans doute envisagé de fermer les portes si la société qu'il contrôlait ne générait pas suffisamment de bénéfices pour lui permettre d'avoir régulièrement un revenu décent. Chose également tout aussi certaine, la rémunération versée à l'appelante aurait fait l'objet d'une réévaluation à la baisse. Eu égard à la nature des travaux, il est évident qu'une tierce personne n'aurait jamais reçu un tel salaire horaire pour ce type de travail.

[45]     Eu égard à la façon dont les choses fonctionnaient, il semble que monsieur Lapointe profitait tout autant du salaire de l'appelante France Garneau qu'elle-même.

[46]     Monsieur Lapointe a indiqué n'avoir jamais été préoccupé par la nécessité de tenir une comptabilité des heures de travail de l'appelante et de n'accorder de l'importance qu'au résultat. Je ne crois pas que l'on puisse prétendre ou affirmer qu'il s'agit là de la règle dans ce domaine, surtout si le commerce ne génère même pas suffisamment de ressources pour payer un salaire raisonnable au propriétaire de l'entreprise qui exécute lui-même la majorité des travaux générateurs de revenu.

[47]     Les débuts et les fins des périodes de travail étaient sensiblement toujours les mêmes et comprenaient toujours suffisamment de semaines pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi, et le salaire permettait en outre de recevoir le maximum.

[48]     En soi, il ne s'agit pas là de faits à eux seuls déterminants; par contre, la répétition systématique du scénario est de nature à valider les conclusions voulant que l'entente de travail était profondément affectée par le lien de dépendance. La déclaration statutaire de madame Garneau est assez éloquente à cet égard. Il ne s'agissait là aucunement d'une coïncidence ponctuelle; il s'avère que la coïncidence a été répétitive pour toutes les périodes en litige.

[49]     Un véritable contrat de travail ne permet pas que le même travail soit rémunéré à certaines périodes et non à d'autres. D'ailleurs, lorsqu'il existe un contrat de travail entre deux personnes sans lien de dépendance, cela ne légitime pas pour autant toute sorte d'ententes parallèles au contrat de travail, puisque le législateur a également prévu que tout arrangement convenu pour qu'une personne ait droit à l'assurance-emploi avait pour effet d'exclure un tel emploi.

[50]     Lorsqu'il existe un véritable contrat de louage de services assurables, le travail exécuté est justifié et est fonction des besoins de l'employeur; il est rémunéré selon les normes applicables, il est payé à échéance et il prend fin lorsque les besoins de l'entreprise prennent fin.

[51]     Si une entente prévoit que le travail prend fin lorsque le travailleur est éligible aux prestations d'assurance-emploi et qu'il continuera à faire le même travail bénévolement ou moyennant un salaire réduit, la différence étant compensée en totalité ou en partie par les prestations d'assurance-emploi, cela a pour effet d'exclure ce travail des emplois assurables et cela, même sans la présence d'un quelconque lien de dépendance.

[52]     Bien que les appelantes aient fait valoir qu'elles n'avaient aucune raison de douter du caractère assurable du travail exécuté étant donné que l'intimé avait déjà formellement conclu qu'il s'agissait d'un travail assurable, la prépondérance de la preuve a confirmé le bien-fondé de la détermination.

[53]     Il est fréquent que les lois changent; toute personne se doit donc d'être vigilante quant aux lois qui assujettissent ses activités commerciales. L'ignorance de la Loi n'est ni une excuse ni une défense valable.

[54]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI508

NosDES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-3575(EI); 2003-3577(EI)

INTITULÉ DES CAUSES :

France Garneau et Peinture et Décoration Léopold Lapointe Inc.,

et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (QC)

DATE DE L'AUDIENCE

le 17 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 27 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Avocate des appelants :

Me Marlène Jacob

Avocate de l'intimé:

Me Agathe Cavanagh

AVOCATE INSCRITE AUX DOSSIERS :

Pour les appelantes :

Nom :

Étude :

Ville :

Me Marlène Jacob

Proulx, Ménard, Milliard, Caux

Québec (QC)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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