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2004-4036(IT)I

ENTRE :

MICHAEL KASABOSKI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 mai 2005 et jugement rendu oralement

le 19 mai 2005 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge E.A. Bowie

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Frank Velle

Avocat de l'intimée :

Me Jonathon Penney

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est admis, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il la réexamine et qu'il en établisse une nouvelle en tenant compte du fait que dans le calcul de son revenu, l'appelant peut déduire des dépenses de 7 568,60 $ en application de l'alinéa 8(1)g).

Signé à Toronto, en Ontario, ce 19e jour de mai 2005.

« E.A Bowie »

Le juge Bowie


Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2006

Joanne Robert, traductrice

2004-4037(IT)I

ENTRE :

MARIA KASABOSKI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 mai 2005 et jugement rendu oralement

le 19 mai 2005 à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge E.A. Bowie

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Frank Velle

Avocat de l'intimée :

Me Jonathon Penney

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est admis, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il la réexamine et qu'il en établisse une nouvelle en tenant compte du fait que dans le calcul de son revenu, l'appelante peut déduire des dépenses de 5 106,40 $ en application de l'alinéa 8(1)g).

Signé à Toronto, en Ontario, ce 19e jour de mai 2005.

« E.A. Bowie »

Le juge Bowie


Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2006

Joanne Robert, traductrice


Référence : 2005CCI356

Date : 20050519

Dossiers : 2004-4036(IT)I

2004-4037(IT)I

ENTRE :

MICHAEL KASABOSKI et MARIA KASABOSKI,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      Ces deux appelants sont mari et femme. Ils travaillent en équipe à conduire un camion de transport routier sur longue distance pour la société TransX Ltd. Ils appellent tous deux de leur cotisation relative à l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002. Leur désaccord à l'égard des cotisations se rapporte plus particulièrement au montant que le ministre du Revenu national leur a permis de déduire pour les repas qu'ils devaient acheter, sans remboursement de leur employeur, alors qu'ils voyageaient dans le cadre de leur travail. Les appels ont été présentés selon la procédure informelle de la Cour. J'ai entendu les témoignages des deux appelants séparément, l'un après l'autre, suivis des arguments applicables aux deux causes.

[2]      Les appelants vivent à Bancroft, en Ontario. Ils conduisent un camion appartenant à leur employeur vers la destination qui leur est assignée. En règle générale, ils sont ailleurs qu'à la maison, sur la route, pendant environ deux semaines à la fois. Chaque voyage de ce genre est suivi d'environ deux jours de congé. Les voyages les amènent partout en Amérique du Nord. Lorsqu'ils sont sur la route, ils font généralement face à d'importantes contraintes de temps en ce sens qu'ils ont des échéances à respecter. La réglementation pertinente leur permet à tous les deux de conduire pendant un maximum de 13 heures au cours d'une période de 24 heures; ils conduisent donc en alternance pour des périodes d'environ cinq heures. Le camion a une couchette, et lorsqu'un des appelants conduit, l'autre peut y dormir. Leurs heures de repas ne sont nécessairement pas régulières, mais ils essaient de prendre leurs repas au moment où ils changent de conducteur à la fin d'un poste de cinq heures. Ceci doit varier, évidemment, selon l'endroit où ils se trouvent et les installations offertes. Le camion est aussi équipé d'un petit réfrigérateur, mais ils ont tous deux expliqué qu'il est très difficile d'apporter avec eux des quantités considérables de nourriture parce qu'ils ont souvent à franchir la frontière canado-américaine, et que les aliments ne se conservent pas. Ils prennent donc la plupart de leurs repas dans des restaurants, habituellement des relais-routiers, puisqu'il y a là des installations pour stationner les camions de transport sur longue distance.

[3]      Même s'ils sont ailleurs qu'à la maison pour des périodes de deux semaines à la fois, ils prennent rarement une chambre d'hôtel ou de motel. Ils dorment dans la couchette, comme je l'ai mentionné; ce n'est que lorsque le camion est en réparation et qu'ils doivent passer une nuit à un endroit pour attendre que les réparations soient effectuées qu'ils prennent une chambre de motel, et la société TransX la leur rembourse alors. Sinon, s'ils choisissent d'aller dans un motel, ils doivent assumer les frais eux-mêmes. Ils prennent des douches aux relais-routiers, et essaient de le faire une fois par jour lorsque c'est possible. Ils ont également donné des preuves que lorsqu'ils sont à l'extérieur, ils doivent prendre des dispositions pour faire déneiger leur entrée l'hiver et pour faire couper leur pelouse les autres mois, et ils doivent payer quelqu'un pour surveiller leur maison de temps à autre.

[4]      L'alinéa 8(1)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) permet aux employés de sociétés de transport de déduire les coûts des repas et du logement dans le calcul de leur revenu pour une année, dans la mesure où ces coûts n'ont pas été remboursés. Le montant qui peut être déduit est limité, toutefois, par les dispositions particulières du paragraphe 67.1(1). Les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :

8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

            a)          [...]

g)          lorsque le contribuable a été employé par une personne dont la principale activité d'entreprise était le transport de voyageurs, de marchandises, ou de voyageurs et marchandises et que les fonctions de son emploi l'obligeaient régulièrement :

(i)          d'une part, à voyager à l'extérieur de la municipalité dans laquelle était situé l'établissement de son employeur où il devait se présenter pour son travail, et, le cas échéant, hors de la région métropolitaine où était situé cet établissement, dans des véhicules utilisés par l'employeur pour transporter les voyageurs ou marchandises,

(ii)         d'autre part, pendant qu'il était ainsi absent de cette municipalité et région métropolitaine, à engager des frais pour ses repas et son logement,

les sommes qu'il a ainsi déboursées au cours de l'année, dans la mesure où il n'a pas le droit d'être remboursé à cet égard;

67.1(1) Pour l'application de la présente loi, sauf des articles 62, 63 et 118.2, un montant payé ou payable pour des aliments, des boissons ou des divertissements pris par des personnes est réputé correspondre à 50 % du moins élevé du montant réellement payé ou payable et du montant qui serait raisonnable dans les circonstances.

[5]      Dans une circulaire d'information[1], le ministre dit que ceux qui demandent une déduction pour leurs frais de repas peuvent utiliser la méthode détaillée ou la méthode simplifiée pour faire leur demande. Selon la méthode détaillée, le contribuable doit tenir un registre de tous les repas pris et de tous les paiements faits pour le logement, y compris les pièces justificatives prouvant les dépenses. Si le contribuable tient un tel registre, le ministre admettra une déduction fondée sur le montant total payé, dans la mesure où il s'agit d'un montant raisonnable, comme le prévoit le paragraphe 67.1(1). Selon la circulaire, ceux qui ne souhaitent pas tenir un tel registre détaillé peuvent calculer leur déduction simplement selon le nombre de repas qu'ils ont pris au cours de l'année alors qu'ils étaient à l'extérieur de leur lieu de résidence habituelle dans l'exercice des fonctions de leur emploi, et le ministre admettra une déduction fondée sur un coût présumé de 11 $ par repas[2], jusqu'à concurrence de trois repas par jour. Dans ce cas, la circulaire indique qu'ils doivent énumérer les voyages pour lesquels la déduction pour frais de repas est demandée.

[6]      Dans le cas présent, les appelants ont choisi de produire leurs déclarations sans énumérer en détail les repas pour lesquels ils ont demandé la déduction, ni le coût de chaque repas. En fait, leurs demandes n'étaient accompagnées d'aucun registre des différents voyages pour lesquels une déduction pour frais de repas était demandée. Michael Kasaboski a simplement demandé la déduction d'un montant de 17 712 $ pour 288 jours et un nombre indéterminé de voyages, et Marie Kasaboski a demandé la déduction d'un montant de 11 623,50 $ pour 189 jours et un nombre indéterminé de voyages. Dans chaque cas, la demande est apparemment fondée sur un montant de 61,50 $ par jour. Les appelants n'ont pu donner beaucoup de renseignements sur la façon dont leurs demandes de déduction ont été calculées parce que leurs déclarations ont été produites par une entreprise de préparation de déclarations de revenus. Cependant, les montants qu'ils soutiennent maintenant pouvoir déduire ont été calculés par leur représentant, M. Velle, comme il est indiqué dans leurs avis d'appel. M. Velle affirme que les déductions pour frais de repas des appelants devraient être calculées selon les taux établis par le Conseil du Trésor pour les indemnités versées aux employés du gouvernement du Canada pour les repas et les frais accessoires lorsqu'ils sont en service commandé.

[7]      N'est pas contesté le fait que les deux appelants travaillent pour un employeur dont l'entreprise consiste à transporter des marchandises, ou qu'ils sont tenus d'être à l'extérieur de la municipalité dans laquelle ils se présentent pour le travail pour des périodes d'environ deux semaines à la fois. N'est pas contesté non plus le fait qu'ils ne sont pas remboursés des frais pour tous les repas qu'ils prennent pendant ces voyages. Michael Kasaboski a travaillé pour la société TransX pendant la totalité des 12 mois de 2002; Marie Kasaboski a travaillé du début de mai jusqu'à la fin de l'année ce qui explique pourquoi leurs demandes de déduction ne sont pas identiques. L'intimée, toutefois, rejette leurs demandes pour plusieurs motifs. D'abord, elle soutient qu'ils ne font aucune demande relativement au logement; ainsi, ils ne peuvent avoir droit à une déduction pour les frais de repas. Ensuite, elle affirme que leurs déductions pour frais de repas ne peuvent être acceptées parce que ni l'un ni l'autre n'a de registre adéquat de ses dépenses pour les repas. Non seulement n'ont-ils pas conservé de reçus pour les repas, ou de registre écrit des montants qu'ils ont dépensés, mais aussi ont-ils tous les deux témoigné qu'étant donné qu'ils mangeaient ensemble, l'un ou l'autre payait l'addition, et il n'y avait apparemment pas de comptabilisation ni de règlement par la suite, ce qui fait qu'il est impossible pour l'un et l'autre de dire maintenant quels repas il a payés et lesquels ont été payés par l'autre appelant. De plus, la position de l'intimée est que la Loi ne renferme aucune disposition permettant de déduire du revenu des montants dépensés pour le déneigement, la tonte de pelouse, la surveillance de maison ou les douches, qui sont tous des montants pour lesquels les appelants demandent une déduction pour frais accessoires analogue à l'indemnité pour frais accessoires versée à un fonctionnaire en situation de voyage en vertu de la Directive sur les voyages. Enfin, l'intimée soutient que, dans le cas de Marie Kasaboski, le montant déduit pour les repas est si élevé par rapport à son revenu d'emploi total pour l'année qu'il ne peut être considéré comme raisonnable, et que seuls les montants raisonnables peuvent être déduits en raison de l'effet restrictif du paragraphe 67.1(1).

[8]      Je traiterai des oppositions de l'intimée dans l'ordre où elles ont été présentées.

Aucune déduction visant les dépenses pour logement

[9]      M. Penney a soutenu qu'étant donné la façon dont est formulé l'alinéa 8(1)g), il ne peut y avoir de demande de déduction pour des frais de repas sans demande concomitante de déduction pour des dépenses de logement. Il se fonde sur ma décision dans la cause Crawford v. the Queen[3]. Dans cette cause, quatre employés de la société B.C. Ferries soutenaient avoir le droit de déduire des montants pour les repas qu'ils devaient prendre pendant leur travail à l'extérieur de la municipalité où ils se présentaient pour le travail. Ils travaillaient sur des traversiers faisant traverser à des passagers le détroit de Georgie, ou du moins une partie de celui-ci. Aucun d'entre eux n'était tenu de passer la nuit ailleurs qu'à la maison dans le cadre de son emploi, même si certains d'entre eux faisaient d'assez longues journées. Dans ce contexte, j'ai conclu que, selon l'alinéa 8(1)g), ils n'avaient pas droit à une déduction relative à leurs repas, et cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, dont les motifs de jugement se terminent par la phrase suivante :

La déduction envisagée n'est possible que lorsque des frais ont été engagés à la fois pour des repas et pour un logement.

Les faits de cette cause sont sensiblement différents de ceux de la présente cause. Les contribuables dans la cause Crawford ne passaient pas la nuit ailleurs qu'à la maison, alors que les appelants dans la présente cause sont à l'extérieur pendant des semaines à la fois. Le fait qu'une routière dorme dans son véhicule plutôt que dans un logement payé ne change rien au fait qu'il lui est impossible de prendre des repas à la maison pendant le voyage, ce qui l'oblige à engager des dépenses pour des repas au restaurant. Il est clair que le but de la formulation de l'alinéa 8(1)g) est de limiter la déduction pour frais de repas aux personnes que le travail oblige à passer la nuit ailleurs qu'à la maison. Par conséquent, l'expression « [...] obligeaient [...] à engager des frais pour ses repas et son logement » , interprétée conformément à son but, est respectée lorsque le contribuable doit manger et dormir ailleurs qu'à la maison, et doit faire des dépenses pour l'une ou l'autre de ces fins. De toute manière, les contribuables en question devaient faire des dépenses pour le logement. Selon leur témoignage, lorsque leur camion était en réparation, ils restaient dans un motel, et l'employeur les remboursait pour cela. Même l'interprétation la plus littérale de l'alinéa 8(1)g) n'exige pas que le contribuable assume le coût du logement pour que ce coût soit admissible à titre de somme déboursée pour le logement que le contribuable devait assumer; les derniers mots de la disposition limitent la déduction aux montants à l'égard desquels le contribuable n'a pas le droit d'être remboursé, mais il s'agit néanmoins de sommes qu'il a dû débourser, même s'il en a depuis lors recouvré le montant. Il y avait également des preuves que les appelants ont, en de rares occasions, payé pour un motel eux-mêmes, même s'ils ne pouvaient recouvrer ces coûts auprès de la société TransX. La Loi n'exige pas expressément qu'une déduction soit demandée à l'égard d'une somme déboursée pour le logement pour chaque jour où une somme déboursée pour des repas est déduite. Enfin, les demandes de déduction relatives à l'utilisation de douches, dont je traiterai sous peu, sont des demandes récurrentes se rapportant à des sommes déboursées pour le logement; voir Hiscoe v. The Queen[4].

Qualité des témoignages des appelants

[10]     L'intimée soutient qu'une demande de déduction de dépenses qui n'est pas appuyée par des reçus pour les montants visés ou par un registre contemporain de ces montants tenu par le contribuable a peu de chance d'être acceptée parce que le témoignage oral du contribuable, donné de mémoire, ne satisfait pas à l'exigence que « [...] la preuve soit suffisamment forte pour emporter l'intime conviction du Tribunal » à l'égard de l'exactitude de toute estimation[5]. J'accepte cela comme norme raisonnable à appliquer relativement aux éléments de preuve à présenter. Cela ne signifie pas, toutefois, que l'absence de reçus ou d'un registre contemporain des sommes déboursées pour les repas prive les contribuables du droit à une déduction. Cela serait manifestement injuste, puisqu'il est évident qu'ils doivent avoir pris un grand nombre de repas pour lesquels ils ont droit, aux termes de la Loi, à une déduction de la moitié du coût, à la condition évidemment que les montants soient raisonnables. Le nombre de jours pendant lesquels les appelants étaient sur la route peut être déterminé de façon précise à partir des livres de bord qu'ils devaient tenir pour l'application des règlements. Il serait normal de considérer qu'ils ont pris trois repas par jour, même si les témoignages laissent entendre que quelques repas ont été soit sautés entièrement, soit remplacés par des fruits ou d'autres aliments qu'ils ont pu apporter avec eux dans le réfrigérateur du camion. Ils ont tous deux estimé le coût quotidien des repas comme se situant entre 50 $ et 55 $, y compris la taxe, mais non le pourboire. Ils ont dit que le coût était à peu près le même, tant au Canada qu'aux États-Unis, mais évidemment, les repas pris aux États-Unis ont dû être payés en monnaie américaine. Le taux de change à ce moment était d'environ 1,57 $CAN pour 1 $US.

[11]     Bien qu'elle n'ait aucun fondement juridique, la volonté du ministre d'accepter les demandes de déduction relatives aux repas présentées par des employés des transports selon la méthode soi-disant simplifiée est une façon de reconnaître l'injustice qui résulterait si les demandes de déduction devaient être entièrement rejetées dans le cas où le contribuable ne pouvait fournir de registre à l'appui. Le montant de 33 $ par jour qu'il admet est la reconnaissance de ce que je considère comme une vérité allant de soi, c'est-à-dire qu'un contribuable ne devrait jamais profiter du défaut de tenir des registres adéquats. Cela étant dit, il est évident que le montant de 33 $ par jour est bien inférieur au montant que les personnes dans la situation de ces appelants auraient à dépenser pour des repas alors qu'elles sont sur la route pour les affaires de leur employeur, et ce, même au Canada. Il est généralement vrai, cependant, que les contribuables qui font une estimation de leurs dépenses sont plus susceptibles de les surestimer que de les sous-estimer.

[12]     D'après moi, l'allégation selon laquelle les demandes de déduction des appelants devraient être rejetées parce qu'ils ne peuvent maintenant se souvenir duquel d'entre eux a payé chaque repas est sans validité. Lorsqu'un couple marié travaille ensemble comme ces appelants le font tout au long de l'année, je crois qu'il convient de supposer que les paiements s'équivaudront sans qu'il soit nécessaire de tenir une comptabilité officielle entre les deux époux.

Indemnité de déplacement des fonctionnaires

[13]     M. Velle n'a fourni aucune justification pour l'argument selon lequel les routiers devraient se voir accorder les déductions pour les repas et autres dépenses selon les taux établis pour les indemnités dont n'ont pas à rendre compte les fonctionnaires en service commandé pour le gouvernement du Canada; il a seulement dit qu'il considérait que cela était juste. Je n'ai pas le pouvoir d'accorder des déductions qui ne sont pas prévues par le Parlement simplement parce que je pense qu'elles sont justes. La Loi est très précise quant aux montants qui peuvent être déduits. Lorsqu'ils sont lus ensemble, l'alinéa 8(1)g) et le paragraphe 67.1(1) permettent simplement ceci : la moitié du montant réellement payé pour les repas et le logement, dans la mesure, toujours, où un montant raisonnable a été dépensé. Aucune disposition ne traite du déneigement, de la tonte de pelouse et des autres dépenses personnelles, même si ces dépenses peuvent être engagées en raison de l'exercice des fonctions de l'emploi à l'extérieur pour une période prolongée; voir les causes Symes c. Canada[6], Hogg v. Canada[7]. Les indemnités versées aux fonctionnaires sont établies comme condition de leur emploi. Elles ne présentent absolument aucun intérêt pour la présente cause, sauf comme critère possible de ce qui est raisonnable pour l'application de l'article 67.1, et elles ne peuvent certainement pas établir un droit à une déduction du revenu qui n'est pas prévue par la Loi.

Caractère raisonnable

[14]     Je n'accepte pas la proposition selon laquelle la demande de déduction pour repas de Marie Kasaboski devrait être calculée en fonction de son revenu pour l'année et donc être considérée comme déraisonnable. Elle a commencé à travailler avec son mari en mai 2002. Elle était alors en formation et gagnait moins que lui. Ceci n'a toutefois pas influé sur ses besoins alimentaires. Dans la cause Gabco Ltd. v. M.N.R.[8], le juge Cattanach a exposé le critère du caractère raisonnable des dépenses qui a été généralement accepté depuis. Étant donné que ce critère s'applique ici, la question n'est pas de savoir ce qui, de l'avis du ministre ou du mien, aurait été un montant raisonnable qu'un routier paierait pour ses repas chaque jour, mais plutôt de savoir si un routier raisonnable aurait payé ce montant. Si j'applique ce critère, je ne vois aucune raison de juger que les montants déduits par Marie Kasaboski sont déraisonnables, si seulement elle avait pu démontrer qu'elle les a en réalité payés.

Douches

[15]     La question qui reste concerne une demande de déduction se rapportant au coût de l'utilisation de douches dans les relais-routiers. La preuve démontre que les appelants dormaient presque exclusivement dans la couchette qui faisait partie du camion qu'ils conduisaient. Celui-ci ne contenait évidemment pas d'installations pour le bain. Les douches à l'intention des routiers sont très répandues dans les relais-routiers partout en Amérique du Nord, et les appelants les utilisent presque tous les jours. Contrairement aux repas, le prix de ces installations ne varie pas beaucoup. Selon Marie, elles coûtent entre 5 $ et 7 $. Dans l'affaire Hiscoe v. The Queen[9], j'ai laissé entendre que le coût des douches aux relais-routiers aurait été déductible si l'appelant avait pu prouver les dépenses. Les installations pour le bain sont une partie nécessaire du logement, et une approche téléologique à l'égard du sens de l'alinéa 8(1)g) ne pourrait guère faire abstraction de cette réalité. Ce serait dénaturer l'intention du législateur que de refuser une déduction de 5 $ pour une douche à une routière qui dort dans l'inconfort relatif d'une couchette dans un camion pour des raisons purement économiques, tout en permettant une déduction de 50 $ ou 100 $ si elle choisissait de passer la nuit dans un motel. Le coût des douches est déductible à titre d'élément du logement.

Conclusion

[16]     Compte tenu de tous ces facteurs, je considère qu'il convient d'accorder comme suit les déductions demandées en vertu de l'alinéa 8(1)g) :

Michael Kasaboski

repas

163 jours au Canada :      163 x 40 $ x 50 %                      =        3 260,00 $

99 jours aux États-Unis : 99 x 40 $ x 1,57 x 50 %         =        3 108,60 $

                                                                                                6 368,60 $

À cela j'ajouterais, pour l'utilisation de douches :                      1 200,00 $                                           Total                                                            7 568,60 $$

Marie Kasaboski

96 jours au Canada :         96 x 40 $ x 50 %                        =        1 920,00 $

76 jours aux États-Unis : 76 x 40 $ x 1,57 x 50 % =        2 386,40 $

                                                                                                4 306,40 $

À cela j'ajouterais, pour l'utilisation de douches :                            800,00 $

                                      Total                                                   5 106,40 $

[17]     Ces montants sont considérablement inférieurs aux montants déduits par les appelants, tant dans les déclarations de revenus qu'ils ont produites que dans leurs avis d'appel déposés à la présente cour. Ils représentent presque deux fois les montants que le ministre a accordés au moyen des cotisations établies selon la méthode simplifiée. Je suis certain qu'ils sont considérablement inférieurs aux montants que les appelants auraient eu le droit de déduire s'ils s'étaient donnés la peine de conserver les reçus et de tenir un registre de leurs dépenses. Je comprends que cela peut être fastidieux, mais l'avantage que présente la possibilité d'établir les déductions auxquelles ils ont droit peut en valoir la peine. Ceux qui choisissent de faire fi de la nécessité de tenir des registres adéquats à l'appui de leurs déductions peuvent s'attendre à ce que le ministre continue d'établir leurs cotisations en fonction d'un taux par repas qu'il fixe unilatéralement de temps à autre. Ils peuvent interjeter appel de ses cotisations auprès de cette cour, évidemment, mais sans registres adéquats, ils ne peuvent s'attendre à plus que le succès modeste que M. et Mme Kasaboski ont eu dans la présente cause.

[18]     Les appels sont admis. Les cotisations sont renvoyées au ministre pour qu'il les réexamine et qu'il en établisse de nouvelles en tenant compte du fait que les appelants ont droit aux déductions indiquées au paragraphe 16 ci-dessus conformément à l'alinéa 8(1)g).

Signé à Toronto, en Ontario, ce 19e jour de mai 2005.

« E.A. Bowie »

Le juge Bowie


Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2006

Joanne Robert, traductrice



[1]           La dernière version est la 73-21R8, datée du 23 octobre 2003.

[2]           Ce taux s'applique aux années d'imposition de 1990 à 2002; le taux pour 2003 est de 15 $ par repas.

[3]           Crawford et al v. The Queen, 2002 DTC 1883; conf. par s.n. Renko et al v. The Queen, 2003 DTC 5417.

[4]           2002 DTC 3894.

[5]           Voir Marcoux v. M.N.R., 91 DTC 478 à la page 488.

[6]           [1993] 4 R.C.S. 695.

[7]           2000 DTC 3661 (C.C.I.); conf. par 2002 DTC 7038 (C.A.F.)

[8]           68 DTC 5210 à la page 5216.

[9]           Précitée.

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