Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2004-1417(IT)I

ENTRE :

DENIS ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 5 octobre 2004, à Trois-Rivières (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI753

Date : 20041206

Dossier : 2004-1417(IT)I

ENTRE :

DENIS ROY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel relatif à l'année d'imposition 2002. La seule question à trancher est celle de savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre » ) était justifié de refuser la somme de 3 375 $ réclamée au titre de frais médicaux par l'appelant.

[2]      L'appelant a expliqué qu'il avait déboursé les montants réclamés non pas dans le cadre d'une simple cure santé ou dans un but de ressourcement et de repos, mais pour des raisons essentiellement médicales.

[3]      L'appelant souffrait d'une mauvaise circulation sanguine, qui provoquait des crampes douloureuses accompagnées d'enflure aux jambes avec lesquelles il a dû vivre de très longues années. En 2000, il a subi une opération qui consistait à faire l'ablation de deux veines de ses jambes.

[4]      Cette opération n'a pas eu les effets escomptés. L'appelant a donc décidé, en 2002, de se faire traiter en médecine douce dans un centre de thalassothérapie, Aqua-Mer Inc., situé à Carleton-sur-Mer, en Gaspésie.

[5]      En produisant sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2002, l'appelant a réclamé le montant de 4 491 $ qu'il a déboursé pour les soins thérapeutiques obtenus dans le centre de santé susmentionné. Le ministre, par voie d'avis de nouvelle cotisation daté du 5 septembre 2003, a accepté 1 116 $ dans le calcul du crédit pour frais médicaux. Il a, par contre, refusé un montant de 3 375 $.

[6]      Avant d'avoir recours à ce choix de rechange que lui offrait ces médecines douces, l'appelant avait consulté tous les intervenants classiques reconnus, soit des médecins traditionnels, et cela, en grand nombre et pendant une très longue période. Même si l'intervention chirurgicale où il fut procédé à l'ablation de deux veines dans les jambes devait, selon l'expert en médecine traditionnelle consulté, assurer sa guérison, il n'en fut rien.

[7]      En désespoir de cause et dans le but ultime d'améliorer sa situation, l'appelant s'en est donc remis à la médecine alternative; il veut, par son appel, obtenir un crédit pour frais médicaux pour les montants qu'il a dû débourser pour se faire traiter.

[8]      La preuve de l'appelant a été constituée essentiellement de son témoignage, d'ailleurs bien résumé dans son avis d'appel; le contenu est le suivant :

           Faisant suite à vos lettres du 14 août 2003 et du 12 janvier 2004 sous le numéro de compte [...] au nom de DENIS ROY.

           Par la présente je conteste vos décisions pour les raisons suivantes :

           J'ai un diagnostic de mon médecin, le Docteur Sylvain Gamelin, que j'ai une mauvaise circulation, se qui m'occasionne des maux de crampe plus de l'enflure dans mes jambes.

           J'ai été opéré en l'an 2000 en m'enlevant mes 2 veines partant du pied jusqu'au haut de la jambe.

           Après cette opération rien n'est changée dans mes maux et circulation.

           Depuis 2 ans je me fais traité en médecine douce par le centre en thalassothérapie et quelques autres spécialistes qui possèdent tous des diplômes spécialisés en thérapeutiste, en physiothérapie, en orthothérapeute, en kinésithérapeute, pour enlever mes maux de crampe et d'enflure aux jambes, en pédicure à cause que j'avais des fissures aux deux talons et en massothérapeute pour activer ma circulation.

           Tous les jours j'avais 5 à 7 traitements par jour par ces spécialistes mentionnés ci-haut en traitement de chaleur progressive, en lympho-gel, en manipulation, en massage afin d'assouplir et de remettre en bon ordre mes vertèbres et mes nerfs etc., etc. De plus en ayant des pressions de gonflement avec des appareils spécialisés etc., etc.

           Depuis que je prends ses traitements 2 fois par année je n'ai plus aucun maux, j'ai même repris mes activités normales sans mal et sans enflure.

           Espérant que vous pourrez me redonner mon montant de 3 621 $ tel qu'inscrit à la ligne 332 de mon rapport d'impôt 2002.

[9]      Pour établir et maintenir la cotisation à l'égard de l'année d'imposition 2002, le ministre a tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

a)      Lors de la production de sa déclaration de revenus pour l'année en litige, l'appelant a demandé la somme de 4 491 $ à titre de frais médicaux;

b)      De ce montant, le ministre a accepté la somme de 1 116 $ pour le calcul du crédit pour frais médicaux;

c)      Les frais médicaux refusés par le ministre sont les suivants :

Fournisseur

Traitement

Date du reçu

Montant

Aqua-mer Inc.

cure de thalassothérapie

2 novembre 2002

2 700,00 $

Aqua-mer Inc.

cure hygiène nasale,

mobilisation kinési, soin

capillaire et bonnet de bain

26 mai 2002

   225,40 $

Aqua-mer Inc.

mobilisation kinési

26 mai 2002

     40,26 $

Aqua-mer Inc.

pédicure

3 novembre 2002

     48,90 $

Centre de gymnastique Respiratoire Géraldine Gagné

séance de gymnastique respiratoire

5 septembre 2002

320,00 $

Massothérapie

pédicure

14 septembre 2002

40,00 $

[10]     Du montant de 4 491 $ réclamé à titre de frais médicaux, le ministre a accepté 1 116 $, refusant ainsi un montant de 3 375 $.

[11]     S'appuyant sur la Charte des droits, l'appelant a également fait valoir qu'il avait le droit fondamental et la liberté de choisir ceux et celles qui étaient le plus en mesure de le traiter et de l'aider pour ses problèmes de santé physique.

[12]     À titre d'argument additionnel, il a soumis que Revenu Québec avait accepté de reconnaître la pertinence des montants réclamés.

[13]     Il n'y a aucun doute que l'appelant avait la faculté de choisir la ou les personnes susceptibles de lui venir en aide au niveau de sa santé. Il est également tout à fait compréhensible que l'appelant comprenne difficilement pourquoi sa demande a été acceptée par Revenu Québec et a été refusée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

[14]     Bien que le dossier de l'appelant évoque de la sympathie et que l'appelant ait exprimé très clairement les faits, et bien que la preuve ait démontré d'une manière non équivoque que les soins obtenus ont eu des effets bénéfiques sur son état de santé, le tribunal doit disposer du présent appel en se demandant essentiellement si le refus était justifié ou non en vertu des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[15]     Toute cotisation doit être établie à partir des dispositions de la loi applicable ou pertinente. En l'espèce, la seule loi pertinente est la Loi de l'impôt sur le revenu.

[16]     Afin de pouvoir se prévaloir du crédit d'impôt pour frais médicaux prévu au paragraphe 118.2(1) de la Loi, un contribuable doit inévitablement avoir engagé des frais médicaux tel que définis par la Loi. Les passages pertinents des paragraphes 118.2(1) et (2) se lisent comme suit :

118.2. (1) Le résultat du calcul suivant est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

A(B - C) - D

où :

A          représente le taux de base pour l'année;

B           le total des frais médicaux du particulier, attestés par des reçus présentés au ministre, si ces frais n'ont pas déjà été inclus dans le calcul d'un montant selon le présent paragraphe ou le paragraphe 122.51(2) pour une année d'imposition antérieure et s'ils sont payés par le particulier ou par son représentant légal au cours d'une des périodes suivantes :

a)          une période de 24 mois comprenant le jour du décès, en cas de décès du particulier au cours de l'année;

b)          une période de 12 mois se terminant au cours de l'année, dans les autres cas;     

[...]

118.2. (2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

a)          à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l'année d'imposition où les frais ont été engagés;

[...]

[Je souligne.]

[17]     De plus, l'alinéa 118.4(2)a) de la Loi énonce une condition supplémentaire pour que les frais médicaux payés puissent se qualifier au sens du paragraphe 118.2(2). Cet alinéa prévoit ce qui suit:

118.4. (2) Tout audiologiste, dentiste, ergothérapeute, infirmier, infirmière, médecin, médecin en titre, optométriste, orthophoniste, pharmacien ou psychologue visé aux articles 63, 118.2, 118.3 et 118.6 doit être autorisé à exercer sa profession :

a)          par la législation applicable là où il rend ses services, s'il est question de services;

[...]

[Je souligne.]

[18]     Pour bénéficier du crédit d'impôt pour frais médicaux, l'appelant devait démontrer que les frais qu'il a engagés pour ses traitements étaient des frais médicaux payés à un médecin autorisé à exercer sa profession par la législation applicable dans la province de Québec.

[19]     L'appelant a lui-même admis que les déboursés avaient été faits à des personnes qui pratiquaient et offraient une approche non traditionnelle et fondamentalement différente de celles offertes par les médecins classiques.

[20]     Si le législateur avait voulu accorder un crédit d'impôt pour des frais médicaux payés à un massothérapeute, il aurait expressément nommé la ou les catégories d'intervenants en médecine douce à l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi.

[21]     En édictant l'alinéa 118.4(2)a) et en se référant à la législation provinciale, le législateur voulait seulement s'assurer que les contribuables, afin de bénéficier du crédit pour frais médicaux, paient des frais médicaux à un médecin autorisé à exercer sa profession, c'est-à-dire qu'il faut que le médecin soit membre en règle de l'Ordre des médecins, exigence fondamentale pour être médecin en vertu des lois de la province de Québec.

[22]     Le montant réclamé et déboursé par l'appelant avait trait à une cure de thalassothérapie chez Aqua-Mer Inc., à une séance de gymnastique (320 $), à des frais de 225,40 $ pour une cure d'hygiène nasale, à 40,26 $ pour une mobilisation kinési et à une somme de 48,90 $ pour une pédicure.

[23]     Malheureusement pour l'appelant, ces frais ne peuvent être considérés comme étant des frais médicaux au sens de l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi et cela, même si ces soins lui ont procuré une très bonne amélioration de sa condition physique.

[24]     Aux termes de l'alinéa 118.4(2)a), on doit se référer aux lois de la province de Québec. À la lecture de ce texte, il ne fait aucun doute qu'un médecin ne peut comprendre un thalassothérapeute, un massothérapeute ou autre.

[25]     La définition du terme « médecin » se trouve à l'article 1 de la Loi médicale, L.R.Q., chapitre M-9, et elle nous renvoie à un individu qui est inscrit au tableau. Le terme « tableau » , également défini à l'article 1, nous renvoie à la liste des membres en règle de l'Ordre dressée conformément au Code des professions et à la présente loi. Finalement, le terme « ordre » nous renvoie à l'Ordre des médecins du Québec constitué par la présente loi. Voici le libellé de ces définitions prévues à l'article 1 de la Loi médicale :

c)          « médecin » ou « membre de l'Ordre » : quiconque est inscrit au tableau;

g)          « tableau » : la liste des membres en règle de l'Ordre dressée conformément au Code des professions et à la présente loi.

a)          « Ordre » : l'Ordre des médecins du Québec constitué par la présente loi.

[26]     Il est donc clair que les thalassothérapeutes et massothérapeutes qui peuvent avoir fourni des services pour lesquels l'appelant a demandé une déduction ne sont pas inscrits comme médecins au tableau de l'Ordre des médecins dans la province de Québec.

[27]     Quant à l'argument voulant que Revenu Québec ait accepté sa demande, je me limiterai à indiquer qu'il semble qu'en vertu de la Loi sur les impôts du Québec, il suffit qu'un contribuable paie des frais à un praticien pour que ces frais soient considérés comme étant des frais médicaux admissibles aux crédits d'impôts. Le terme « praticien » est évidemment un terme plus général que le terme « médecin » .

[28]     Il ne fait aucun doute que l'appelant n'a pas engagé des frais médicaux au sens de la Loi puisque bien qu'il ait déboursé des frais pour se faire soigner, ces frais n'ont pas été payés à un médecin, tel que prévu par l'alinéa 118.2(2)a) de la Loi.

[29]     Je comprends que pour la plupart des contribuables aux prises avec des problèmes de santé, il ne fait aucun doute que tous les frais engagés auprès de professionnels en médecine douce devraient pouvoir donner droit au crédit d'impôt pour frais médicaux, surtout lorsque ces soins soulagent, voire même guérissent ou font disparaître les douleurs que la médecine traditionnelle ne pouvait soulager. Cependant, ce n'est pas à cette Cour de résoudre ce problème. Dans l'affaire Bleyc. Canada, C.C.I., no 2000-3259(IT)I, 5 avril 2001, [2001] A.C.I. no 206 (Q.L.), le juge Margeson avait ces derniers mots de sympathie envers un contribuable :

17.        La Cour prend note des arguments de l'appelante, dont elle comprend très bien le point de vue; la Cour est consciente du fait que l'appelante a dépensé beaucoup d'argent pour soulager ses douleurs et améliorer son sort. Il n'existe toutefois aucune disposition de la Loi ou du Règlement sur laquelle la Cour peut s'appuyer pour admettre l'appel et permettre à l'appelante de déduire les montants en question.

18.        En bout de ligne, la Cour est malheureusement contrainte de confirmer la cotisation du ministre et de rejeter l'appel.

[30]     Pour les motifs qui précèdent, l'appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI753

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-1417(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Denis Roy c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 5 octobre 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 6 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Annick Provencher

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.