Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2004CCI129

Date : 20040210

Dossier : 2003-2554(IT)I

ENTRE :

GAIL C. NOVAK,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Pour l'appelante : L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée : Me Lesley King

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MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à

Toronto (Ontario), le 22 janvier 2004)

Le juge Miller

[1]      Mme Novak interjette appel sous le régime de la procédure informelle à l'encontre de la cotisation relative à ses années d'imposition 1999 et 2000. L'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ) a inclus dans le revenu des années 1999 et 2000 de Mme Novak des avantages que celle-ci avait obtenus, à titre d'actionnaire, de Jan D. Novak Holdings Ltd. (la « société » ), lesquels s'élevaient respectivement à environ 31 000 $ et 2 800 $, des avantages se rapportant à l'utilisation d'une voiture, de 6 122 $ et de 9 889 $ respectivement, et des intérêts afférents à un emprunt de 300 000 $ contracté auprès de la société, lesquels s'élevaient respectivement à 7 500 $ et à 636 $. Mme Novak maintient premièrement que les avantages accordés en sa qualité d'actionnaire étaient en fait des montants versés au titre de la pension alimentaire; deuxièmement, que la voiture devait être transférée en son nom et qu'il ne s'agissait donc pas d'un avantage et, troisièmement, que l'emprunt afférent à la résidence principale avait été remboursé au mois d'avril 1999 et non au mois de janvier 2000.

[2]      Cette affaire montre les problèmes et les difficultés qui se présentent lorsque l'on ne veille pas à séparer, en cas d'échec du mariage, les affaires familiales et les affaires commerciales. Malheureusement, dans le cas de Mme Novak, les deux situations s'entremêlaient, de sorte que ce qui selon elle se passait du côté familial ne correspondait pas à ce qui se passait sur le plan juridique du côté commercial.

[3]      Mme Novak et son ancien mari étaient propriétaires de la société dans une proportion de 49 p. 100 et de 51 p. 100 respectivement. La société exploitait un magasin Canadian Tire. Au mois de juin 1998, les Novak, conformément à une politique de Canadian Tire, ont emprunté 300 000 $ sans intérêt afin d'acheter une résidence principale. La société a de son côté emprunté la somme requise de la Banque Canadienne Impériale de Commerce (la « BCIC » ) pour la prêter ensuite aux Novak. Selon les états financiers de la société, ce prêt constituait un prêt consenti à un employé, mais il a été ainsi qualifié sur les instances de Canadian Tire. Il ressort clairement de la preuve du comptable indépendant de la société, M. Mark Fraser Jefferson, qu'il s'agissait d'un prêt consenti à un actionnaire et que les Novak le considéraient comme tel. Les Novak ont reconnu que, pour éviter que le prêt soit inclus dans leur revenu, ils devaient le rembourser avant la fin du mois de janvier 2000, soit avant la fin de l'exercice suivant de la société. M. Jefferson a témoigné que le prêt avait alors été remboursé. Mme Novak a donné à entendre qu'il régnait une certaine confusion au sujet du moment exact où le prêt avait été remboursé, étant donné que la société avait conclu plusieurs opérations avec la BCIC. Elle n'a fourni aucune preuve documentaire en vue de réfuter la prétention digne de foi de M. Jefferson, à savoir que le prêt consenti par la société avait été remboursé au début de l'année 2000. De fait, Mme Novak a fourni une lettre dans laquelle les avocats de la BCIC confirmaient que la dette envers la banque avait été transmise de la société aux Novak personnellement au mois de février 2000. Cette lettre étaye la position prise par M. Jefferson.

[4]      Les Novak se sont séparés au mois de mars 1999. Mme Novak a fait savoir qu'il y avait entre M. Novak et elle un [TRADUCTION] « engagement d'honneur » comme elle l'a appelé, selon lequel elle devait recevoir certains montants tant que toutes les questions familiales n'étaient pas réglées. Mme Novak a de fait reçu des montants d'environ 1 200 $ toutes les deux semaines en 1999, soit environ 31 000 $ en tout. Elle a également reçu une somme de 2 796 $ en l'an 2000. Elle a reconnu avoir reçu ces montants de la société même si elle les a décrits comme étant de la nature de montants versés au titre de la pension alimentaire. Mme Novak ne travaillait pas pour la société pendant qu'elle recevait ces paiements, mais les paiements étaient effectués par l'entremise du système de paie de la société : des retenues à la source étaient effectuées. Pendant cette période, Mme Novak n'a jamais reçu de dividendes à titre d'actionnaire.

[5]      Mme Novak croyait qu'elle devait recevoir la Volvo de la société, en 1999, dans le cadre de l'accord de séparation qu'elle avait conclu avec son mari. Ce véhicule a été transféré à Mme Novak en 2002 seulement, mais après la séparation, c'est-à-dire pendant presque toute l'année 1999 et pendant toute l'année 2000, Mme Novak en avait l'usage exclusif. Mme Novak ne s'oppose pas à la façon dont les frais pour droit d'usage ont été déterminés pour les années 1999 et 2000. Elle maintient simplement que la voiture devait faire partie de l'accord de séparation.

[6]      Mme Novak croit qu'on l'a contrariée dans les efforts qu'elle a faits en sa qualité d'actionnaire minoritaire en vue d'obtenir des renseignements de la société et de la BCIC et de savoir quelle était sa situation. Ces renseignements peuvent aider Mme Novak dans le malencontreux litige virulent qui l'oppose à M. Novak sur le plan familial. Toutefois, il n'y a rien, dans les déclarations qu'elle a faites à l'instruction, qui convainque la Cour que la production de documents additionnels lui viendrait en aide sur le plan fiscal. Je puis comprendre et je comprends une personne qui se débat clairement en vue d'obtenir ce qui, selon elle, lui revient à bon droit dans les affaires familiales, mais cela ne m'amène pas pour autant à ne faire aucun cas sur le plan juridique de l'organisation de ses affaires commerciales.

[7]      Trois points sont en litige : premièrement, les intérêts réputés avoir été reçus conformément à l'article 80.4 de la Loi de l'impôt sur le revenu sur le prêt de 300 000 $ consenti par la société; deuxièmement, l'avantage découlant de l'utilisation de la Volvo appartenant à la société; troisièmement, les sommes que la société a versées à Mme Novak, lesquelles s'élevaient à environ 31 000 $ et 2 800 $ en 1999 et en l'an 2000 respectivement.

[8]      Premièrement, en ce qui concerne les intérêts réputés avoir été reçus, l'article 80.4 prévoit qu'un actionnaire est réputé avoir reçu, au titre des intérêts, un avantage au taux prescrit pour un prêt consenti à un actionnaire, moins les intérêts payés. Mme Novak ne conteste pas que les intérêts visés par la présomption s'élèveraient à 7 500 $ en 1999 et à 636 $ en l'an 2000, si le prêt était demeuré impayé jusqu'à la fin du mois de janvier 2000. Elle ne nie pas que son ancien mari et elle ont contracté l'emprunt en 1998 en vue d'acquérir une résidence principale. Toutefois, elle maintient qu'il y a eu un changement au mois d'avril 1999 par suite d'une autre entente conclue avec la BCIC et que les intérêts en cause devraient cesser de courir à ce moment-là. Rien ne montre qu'il soit arrivé quelque chose au mois d'avril 1999 en vue de changer quoi que ce soit à la dette existante. Le témoignage de M. Jefferson et les états financiers justificatifs ainsi que la lettre de l'avocat de la BCIC étayent le fait que le prêt n'était toujours pas payé à la fin du mois de janvier 2000, lorsqu'il a fallu le rembourser afin d'éviter des conséquences fiscales encore plus désastreuses. Mme Novak a vécu, pendant toute cette période, dans la résidence pour laquelle l'emprunt avait été contracté. Pendant toute cette période, elle était actionnaire de la société. L'article 80.4 et les paragraphes 15(1) et 15(9) s'appliquent, de façon que les montants de 7 500 $ et de 636 $ se rapportant aux années 1999 et 2000 soient réputés être des avantages imposables entre les mains de Mme Novak.

[9]      Deuxièmement, en ce qui concerne la Volvo, Mme Novak ne conteste pas non plus les chiffres. Elle affirme simplement que la voiture était destinée à faire partie de l'accord de séparation. Toutefois, il n'existait aucun élément de preuve au sujet de la façon dont une voiture appartenant à une société devait se retrouver entre ses mains. Le simple transfert de la voiture à Mme Novak par la société peut avoir donné lieu à un avantage beaucoup plus important que les frais pour droit d'usage qui ont été calculés. Pourtant, Mme Novak n'était pas employée pendant cette période et l'inclusion des frais pour droit d'usage selon l'article 6 n'est donc pas applicable. Toutefois, Mme Novak était une actionnaire et elle avait l'avantage d'utiliser la Volvo pendant les années 1999 et 2000. Conformément au paragraphe 15(1), le montant ou la valeur de cet avantage doit être inclus dans le revenu. La seule valeur avancée, et de fait acceptée par Mme Novak, se rapporte aux frais pour droit d'usage. Je ne dispose d'aucun autre élément de preuve donnant à entendre que la valeur de l'avantage est autre chose que le montant de 6 122 $ en 1999 et le montant de 9 889 $ en 2000 et je considère donc ces chiffres comme représentant le montant approprié de l'avantage conféré à l'actionnaire pour l'utilisation de la voiture.

[10]     Enfin, en ce qui concerne les sommes que la société a versées à Mme Novak en 1999 et en l'an 2000, cette dernière reconnaît avoir reçu les sommes. Pendant toute cette période, Mme Novak était actionnaire de la société. Le paragraphe 15(1) prévoit, et je paraphrase, que lorsqu'à un moment donné dans une année d'imposition, un avantage est conféré à un actionnaire, le montant ou la valeur de cet avantage doit être inclus dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année. Ces sommes représentent-elles un avantage que la société a conféré à Mme Novak? À coup sûr, la société a versé les sommes. Il ne s'agissait pas d'un prêt, mais d'un avantage conféré à Mme Novak. S'agit-il moins d'un avantage s'il est présumé qu'il a été accordé à la demande de l'actionnaire majoritaire, le mari, les paiements étant destinés à représenter la pension alimentaire de Mme Novak? Accepter cette possibilité laisse la porte ouverte à une autre possibilité, à savoir l'application du paragraphe 56(2) qui prévoit, et encore une fois je paraphrase, qu'un paiement fait, suivant les instructions d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désire voir accorder à l'autre personne est inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable. Si Mme Novak n'avait pas été actionnaire et s'il y avait eu des éléments de preuve donnant à entendre que M. Novak avait demandé à la société d'effectuer les paiements, ces sommes devraient peut-être être incluses dans le revenu de M. Novak conformément au paragraphe 56(2). Nous ne disposons d'aucun élément de preuve au sujet de la participation de M. Novak. Nous savons que Mme Novak était une actionnaire et qu'elle a bénéficié de ces sommes. La possibilité d'un paiement indirect n'a pas été débattue.

[11]     Tout compte fait, je conclus que les paiements étaient des avantages accordés à un actionnaire, soit à Mme Novak, selon le sens clair et ordinaire des mots employés au paragraphe 15(1).

[12]     Les circonstances malencontreuses dans lesquelles est survenu l'échec du mariage ont compliqué encore plus la situation de Mme Novak. Il est à espérer que Mme Novak pourra obtenir satisfaction devant le tribunal de la famille sur le plan familial, mais sur le plan fiscal, Mme Novak a reçu, dans les années 1999 et 2000, des sommes et avantages qui étaient imposables et les appels doivent donc être rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de février 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur

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