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Dossier : 2003-1655(IT)I

ENTRE :

MICHEL A. BOULAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu à Windsor (Ontario), le 16 février 2004.

Devant : L'honorable E.A. Bowie

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Marlyse Dumel

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation fiscale établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI178

Date : 20040224

Dossier : 2003-1655(IT)I

ENTRE :

MICHEL A. BOULAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      M. Boulay interjette appel à l'égard de la cotisation d'impôt dont il a fait l'objet pour l'année 2001. Le litige porte sur la question de savoir si M. Boulay a le droit de déduire de son revenu un montant de 4 200 $ en application de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) au titre de la pension alimentaire pour enfants qu'il affirme avoir versée, et qu'un tribunal judiciaire lui avait ordonné de verser, au profit de son fils Chadwick. Le ministre du Revenu national a établi la cotisation en se fondant sur le fait que l'appelant n'avait pas droit à une déduction à l'égard de la pension alimentaire pour enfants. L'appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle de la Cour.

[2]      Il est indubitablement clair que, pour que l'appelant ait droit à la déduction, il doit être en mesure de démontrer qu'il est possible de dire que les montants en question sont visés par la définition de l'expression « pension alimentaire » telle qu'elle figure au paragraphe 56.1(4) de la Loi, qui est ainsi libellé :

56.1(4) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et à l'article 56.

           

            [...]

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a)          le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b)          le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

La question dont je suis saisi est simplement de savoir si les montants que M. Boulay a versés en 2001 pour subvenir aux besoins de son fils satisfont à cette définition.

[3]      Au départ, je tiens à dire que je comprends fort bien la situation dans laquelle M. Boulay se trouve. M. Boulay était un témoin honnête et sincère, et je ne doute aucunement que, pendant les quelque vingt années où son ex-épouse et lui ont vécu séparément, il a été un père attentif et généreux, qui a contribué à l'entretien et à l'éducation de ses enfants non seulement selon ce que les ordonnances judiciaires lui ordonnaient de faire, mais aussi selon les besoins que les enfants pouvaient avoir. M. Boulay fait maintenant face à une nouvelle cotisation par laquelle la déduction qu'il a demandée au titre de la pension alimentaire pour l'année 2001 a été refusée, ce qui est dans une large mesure attribuable aux dispositions apparemment contradictoires de deux ordonnances judiciaires et, bien sûr, aux dispositions ambiguës de la Loi, libellées comme elles le sont en des termes qui doivent lui sembler l'oeuvre d'un esprit torturé.

[4]      Il y a maintenant un peu plus que vingt ans que M. Boulay et son ex-épouse, Loreen, se sont séparés. M. Boulay vit à Windsor (Ontario) et l'ex-épouse vit à Belleville (Ontario). Deux décisions rendues par les tribunaux de l'Ontario concernant les affaires du couple ont été produites en preuve. Le 12 octobre 1983, le juge Houston a rendu une ordonnance sur consentement et a accordé à Loreen la garde des deux enfants issus du mariage. Le présent appel concerne uniquement le cadet, Chadwick, qui est né le 11 octobre 1980. Le juge Houston a énoncé des dispositions détaillées au sujet des montants que l'appelant devait verser à Loreen au titre de la pension alimentaire. Le juge a ordonné à l'appelant de verser une somme mensuelle de 175 $ pour chaque enfant, au début de chaque mois, et ce, tant que l'enfant en question n'aurait pas atteint l'âge de dix-huit ans, ou de vingt et un ans si l'enfant continuait à étudier à plein temps dans un établissement d'enseignement et s'il continuait en outre à résider avec Loreen. L'ordonnance stipulait expressément que le fait d'aller étudier à l'université, d'aller exercer un emploi d'été ou de prendre des vacances ne voulait pas dire que l'enfant quittait la maison de Loreen[1]. Le juge Houston a également pris des dispositions détaillées aux fins de l'indexation des montants, qui devait correspondre au moindre de l'indice des prix à la consommation ou de l'augmentation de revenu, exprimée en pourcentage, de M. Boulay chaque année par rapport à l'année précédente.

[5]      Au bout de quelques années, M. Boulay a engagé des procédures de divorce. L'action n'a pas été contestée, et le juge Doyle a accordé un jugement de divorce à M. Boulay le 12 juillet 1990. Le jugement comprenait des dispositions accessoires selon lesquelles Loreen continuait à avoir la garde des enfants, M. Boulay devant verser une somme mensuelle de 200 $ pour l'entretien de chaque enfant. Le jugement ne renferme aucune disposition au sujet de l'indexation des montants versés au titre de la pension alimentaire et de la cessation des paiements.

[6]      L'ordonnance du juge Houston semble être une ordonnance définitive, mais la nature de la procédure dans le cadre de laquelle elle a été rendue n'est pas précisée. Le jugement prononcé par le juge Doyle est à coup sûr définitif. Or, les deux jugements renferment des dispositions différentes en ce qui concerne les montants à verser au titre de la pension alimentaire, et ces dispositions ne peuvent pas s'appliquer en même temps. Je ne doute pas que le jugement prononcé par le juge Doyle supplante l'ordonnance antérieure rendue par le juge Houston.

[7]      Au mois d'octobre 1998, Chadwick a eu 18 ans. Il venait de commencer ses études à l'université McGill, à Montréal (Québec). Il y effectue encore des études supérieures. Depuis le mois de septembre 2000, il vit à plein temps à Montréal; il est inscrit dans un programme de maîtrise en sciences et, pendant l'été, il travaille à l'université. M. Boulay a témoigné qu'à un moment donné, en l'an 2000, Loreen lui avait demandé de verser directement le montant de la pension alimentaire à Chadwick, qui vivait alors plus ou moins à plein temps à Montréal. Loreen disait qu'étant donné qu'elle transmettait simplement l'argent à Chadwick, l'argent parviendrait plus vite à celui-ci si le père lui envoyait directement les chèques. M. Boulay a également témoigné qu'en 2001, il envoyait directement à Chadwick une somme de 400 $ par mois, mais il reconnaît que son droit de déduire ce montant a pris fin avec le chèque du mois d'octobre, étant donné qu'il s'agissait du dernier montant à verser avant le vingt et unième anniversaire de naissance de Chadwick.

[8]      Dans ce cas-ci, la question de l'âge de 21 ans a cessé de se poser lorsque le juge Doyle a rendu jugement dans l'action en divorce et a ainsi supplanté les dispositions relatives à la cessation des paiements figurant dans l'ordonnance antérieurement rendue par le juge Houston. En Ontario[2] et au Québec[3], l'âge de la majorité est 18 ans. Il ressort de la réponse à l'avis d'appel qu'en établissant la cotisation, le ministre était simplement d'avis qu'en l'absence d'une disposition précise figurant dans un jugement, en ce qui concerne le moment où la pension alimentaire pour enfants devait cesser d'être versée, l'obligation prenait automatiquement fin lorsque l'enfant atteignait l'âge de la majorité. À coup sûr, c'est sur cette base que le sous-procureur général du Canada a plaidé la cause. Toutefois, tel n'est pas le droit. Le juge Rip a succinctement énoncé le principe pertinent dans la décision Robinson c. La Reine[4] :

La notion de garde suppose que l'enfant se soumet à l'autorité parentale et qu'il est à la charge de la personne concernée dans une certaine mesure. C'est une question qui doit être tranchée sur la foi des faits établis et qui n'est pas nécessairement fonction de l'âge, quoique, comparativement à un enfant mineur, il est plus difficile pour un enfant adulte d'établir qu'il est assujetti à la garde de l'un des parents.

[9]      Étant donné que seuls les montants que la loi obligeait l'appelant à verser sont visés par la définition de la « pension alimentaire » , il incombe à l'appelant de démontrer devant la Cour que Chadwick était soumis à l'autorité parentale de sa mère en 2001. La preuve mise à ma disposition est bien loin de satisfaire à cette obligation. De fait, la preuve dans son ensemble tend à indiquer le contraire. Selon la preuve soumise par M. Boulay (et c'est l'unique élément de preuve dont je dispose), le fils ne vivait plus chez sa mère depuis plus d'un an au début de l'année 2001. Pendant cette période de sa vie, rien ne montrait que Chadwick se soumettait à l'autorité de sa mère. Je conclus qu'au début de l'année 2001, M. Boulay n'était plus tenu de verser une pension alimentaire au profit de Chadwick et qu'il versait donc les montants en question volontairement, de sorte que ces montants ne satisfaisaient pas à la définition de la « pension alimentaire » .

[10]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de février 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur



[1]           Il existe d'autres dispositions concernant la cessation des paiements, mais elles ne sont pas ici pertinentes.

[2]           Loi sur la majorité et la capacité civile, L.R.O. 2000, ch. A-7, art. 1.

[3]           Code civil du Québec, art. 324.

[4]           [2000] A.C.I. no 477, au paragraphe 16.

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