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Dossier : 2003-1634(EI)

ENTRE :

ROGER COUTURIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

(2003-1636(CPP)) le 7 avril 2004

à Edmundston (Nouveau-Brunswick)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Adrien Fournier

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de juin 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Dossier : 2003-1636(CPP)

ENTRE :

ROGER COUTURIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

(2003-1634(EI)) le 7 avril 2004

à Edmundston (Nouveau-Brunswick)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Adrien Fournier

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de juin 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2004CCI402

Date : 20040611

Dossiers : 2003-1634(EI)

2003-1636(CPP)

ENTRE :

ROGER COUTURIER,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      L'appelant interjette appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) voulant qu'il n'ait pas exercé un emploi assurable et un emploi ouvrant droit à pension durant la période du 18 février au 2 août 2002 alors qu'il était au service de Long Potato Growers Ltd. (la « payeuse » ) et ce, au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et de l'article 6 du Régime de pensions du Canada ( « RPC » ). Les deux appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]      En prenant sa décision, l'intimé s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes, lesquelles ont été admises ou niées selon l'indication.

a)          la payeuse est engagée dans la culture de la pomme de terre et la coupe de bois; [admis]

b)          l'appelant est bûcheron et possède une débusqueuse d'une valeur approximative de 20 000$; [admis]

c)          pendant la période en litige, l'appelant a été engagé par la payeuse pour la coupe de bois; [admis]

d)          l'usage de la débusqueuse faisait parti intégrale du contrat de coupe entre l'appelant et la payeuse; [nié]

e)          le contrat de coupe était entre l'appelant et la payeuse; [admis]

f)           l'appelant a du engager un autre bûcheron; [admis]

g)          la paye du bûcheron venait directement du revenu de l'appelant; [admis]

h)          le travail de coupe était payé à tant la corde de bois, selon le type de bois coupé; [admis]

i)           les paiements pour le bois étaient divisés entre l'appelant et sa débusqueuse au début de la période; [nié]

j)           après l'embauche du bûcheron les paiements étaient divisés entre l'appelant, sa débusqueuse et le bûcheron; [admis]

k)          l'appelant recevait 590$ par semaine pendant 14 semaines et 594$ pendant 9 semaines de la période en litige; [admis]

l)           le bûcheron recevait aussi 590$ par semaine; [admis]

m)         le reste des paiements était alloué à la débusqueuse; [admis]

n)          l'appelant a décidé du montant qui serait inscrit au registre de paye de la payeuse comme étant son salaire; [nié]

o)          l'appelant était responsable des dépenses associées à l'usage de sa débusqueuse; [admis]

p)          la coupe de bois faite en janvier 2002 et jusqu'au 18 février n'a pas été incluse par la payeuse dans la période de travail de l'appelant; [admis]

q)          l'appelant faisait la coupe de bois sous un contrat d'entreprise; et

r)           il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et la payeuse.

[3]      L'appelant s'est acheté une débusqueuse à l'automne 2001 avec l'aide financière de la payeuse. Il a d'ailleurs remboursé la payeuse avec les revenus pour les premières coupes de bois qu'il a effectuées durant les deux premiers mois de 2002. Cela explique pourquoi le relevé d'emploi de l'appelant indique le 18 février 2002 comme premier jour de travail. L'appelant a donc commencé à travailler avant cette période et les montants reçus ont servi à rembourser le prêt fait par la payeuse.

[4]      Au début, l'appelant travaillait seul. Suite à une inspection par un agent de sécurité forestière, l'appelant a dû se trouver un coéquipier. Il a choisi son coéquipier, mais ce dernier était payé par la payeuse. Toutefois, le salaire du coéquipier était déduit de celui de l'appelant. L'appelant était payé selon le nombre de cordes de bois coupées. L'appelant et son coéquipier recevaient 590 $ chacun par semaine et le solde était imputé aux coûts pour l'utilisation de la débusqueuse. Cette dernière répartition était selon les désirs de l'appelant.

[5]      Pour effectuer son travail, l'appelant fournissait quatre scies à chaîne et sa débusqueuse. Il assumait toutes les dépenses pour l'utilisation et l'entretien des scies à chaîne et de la débusqueuse. En cas de bris majeur ou si le climat ne permettait pas à l'appelant de faire son travail, la payeuse ne lui attribuait aucune autre tâche et l'appelant ne travaillait pas.

[6]      Un représentant de la payeuse lui indiquait où couper le bois et la taille du bois coupé. Il visitait les lieux à tous les deux ou trois jours. Aucun registre des heures de travail n'était maintenu puisque le revenu était déterminé par le volume de bois coupé selon un barème. L'appelant déterminait ainsi ses propres heures de travail.

[7]      Dans son témoignage, l'appelant a déclaré être en affaires « à son compte » depuis le mois d'avril 2003. Il a cependant signé un questionnaire sur l'emploi le 28 octobre 2002 pour le ministère du Développement des ressources humaines Canada dans lequel il déclarait travailler à son compte depuis le 11 février 2002, que le nom de son entreprise est JKR Lumberjack et qu'il est opérateur d'une débusqueuse. Le questionnaire révèle aussi qu'il travaille avec un bûcheron à raison de 5 jours par semaine et pendant 8 heures par jour. La rémunération versée pour ses services est déterminée selon un taux par corde de bois coupée. La rémunération indiquée identifiée dans le questionnaire correspond à celle qu'il a reçue de la payeuse pour les neuf premières semaines.

[8]      L'agente des appels, madame Joanne Robichaud, est venue confirmer certains faits au sujet de la relation entre l'appelant et la payeuse et a déposé son rapport. Elle a donc confirmé que selon l'information reçue des représentants de la payeuse, les heures de travail de l'appelant n'étaient pas comptabilisées puisqu'il était payé selon la quantité de bois coupée. De plus, la valeur du bois coupée durant les deux premiers mois de 2002 a servi uniquement à rembourser la payeuse du prêt qu'elle avait fait à l'appelant afin de lui permettre d'acheter sa débusqueuse. Ce fait a été admis par l'appelant.

[9]      La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du revenu national, [1986] 3 C.F. 553, a établi un guide utile pour distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise. La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, a donné son aval à ce guide en résumant l'état du droit comme suit aux paragraphes 47 et 48 :

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante.    La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.    Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer.    Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[10]     Le juge Marceau de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Charbonneau c. Canada, [1996] A.C.F. no 1337 (Q.L.), nous rappelle que les facteurs en question sont des points de repère qu'il est généralement utile de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice, qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles.

[11]     Dans une décision récente, la Cour d'appel fédérale a exposé à nouveau les principes juridiques qui gouvernent la question de l'assurabilité d'un emploi. Dans Livreur Plus Inc. c. Canada, [2004] A.C.F. no 267, le juge Létourneau a résumé ces principes en ces termes aux paragraphes 18 et 19 de son jugement :

Dans ce contexte, les éléments du critère énoncé dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., 87 D.T.C. 5025, à savoir le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de pertes et enfin l'intégration, ne sont que des points de repère : Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) (1996), 207 N.R. 299, paragraphe 3. En présence d'un véritable contrat, il s'agit de déterminer si, entre les parties, existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie révélateur d'un contrat d'entreprise : ibidem.

Ceci dit, il ne faut pas, au plan du contrôle, confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l'ouvrier chargé de les réaliser : Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, [1999] A.C.F. no 749, A-376-98, 11 mai 1999, paragraphe 10, (C.A.F.); D & J Driveway Inc. c. Le ministre du Revenu national, précité, au paragraphe 9. Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l'affaire Charbonneau c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), précitée, suivie dans l'arrêt Jaillet c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 1454, 2002 FCA 394, « rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur » .

[12]     En l'espèce, la version des faits de la payeuse n'est pas connue, à l'exception de l'information qu'a recueillie l'agente des appels au moment de son enquête. Cette information n'est d'ailleurs pas contredite par l'appelant. Ce qu'il faut retenir de l'ensemble des faits présentés est que la payeuse ne comptabilisait pas les heures de travail de l'appelant et de son coéquipier et se fondait uniquement sur la quantité de bois coupé et mesuré pour rémunérer ces derniers. Les avances hebdomadaires étaient déterminées par l'appelant et le solde dû remboursait les frais pour l'utilisation de la débusqueuse. À la fin de la période, il y avait rajustement des avances en fonction de la quantité de bois réellement coupée. Le salaire du coéquipier était déduit du revenu de l'appelant. Toutes les dépenses liées à la débusqueuse demeuraient aux frais de l'appelant et un bris majeur entraînait un arrêt de travail sans rémunération.

[13]     La façon de travailler, le fait d'utiliser la débusqueuse ou la scie à chaîne et le nombre de jours de travail par semaine et d'heures de travail par jour étaient laissés à la discrétion de l'appelant. La payeuse ne vérifiait pas la façon dont l'appelant effectuait son travail. Elle n'avait qu'à s'assurer que l'appelant coupait le bois au bon endroit et dans la longueur voulue. La payeuse était davantage intéressée à la quantité de bois coupée, donc au résultat, qu'à l'exercice d'un contrôle sur les va-et-vient de l'appelant. Tel que le juge Létourneau l'a mentionné dans l'affaire Livreur Plus Inc., précitée, il ne faut pas confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l'ouvrier chargé de les réaliser. Il réfère ainsi à l'arrêt Charbonneau c. Canada, précité. Dans cet arrêt, le juge Décary écrivait le passage suivant :

La surveillance des travaux aux deux jours et le mesurage du volume aux quinze jours ne créent pas en l'espèce de lien de subordination et sont tout à fait compatibles avec les exigences d'un contrat d'entreprise. Rares sont les donneurs d'ouvrage qui ne s'assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur.

[14]     À la lumière des faits, la payeuse n'était intéressée que par la quantité de bois coupée et non par l'exercice d'un contrôle sur l'appelant. En fait, la payeuse n'était pas libre d'affecter à la débusqueuse d'autres travailleurs que l'appelant et son coéquipier. Il est difficile de parler de subordination dans un pareil cas. De plus, les activités de l'appelant étaient ni intégrées ni coordonnées à celles de la payeuse. Même si la payeuse savait que l'appelant faisait la coupe de bois aux endroits déterminés, ses activités quotidiennes ne dépendaient pas de celles de l'appelant. Les relations décrites dans le cas en l'espèce ne créent pas un lien de subordination comparable à celui qui existe entre un employeur et son employé. Le juge Hugessen, dans l'affaire Canada c. Rousselle, [1990] A.C.F. no 990, en a conclu ainsi dans un cas semblable en disant que « le fait de donner des instructions sur la sorte de bois à couper et la vérifier à l'occasion du mesurage, ne crée pas en lui-même un lien de subordination comme celui qui existe entre l'employeur et l'employé. »

[15]     En l'espèce, l'appelant assumait l'entière responsabilité des dépenses associées à l'utilisation de la débusqueuse et assumait son entretien et sa réparation. Ce genre d'entente favorise nettement l'existence d'un contrat d'entreprise dans le sens que les chances de profit ou les risques de perte ne sont attribuables qu'à l'appelant. La propriété d'une scie à chaîne dans ce type de travail n'empêche pas un bûcheron d'être considéré comme un employé. Toutefois, en l'espèce, l'appelant devait fournir sa propre débusqueuse, dont le financement fut assuré par la payeuse, ce qu'on ne demande pas normalement à un travailleur dans le contexte d'un contrat de louage de services en raison du coût. (Voir l'affaire Canada c. Rousselle, précitée.)

[16]     Je ne peux faire abstraction du fait que l'appelant, dès le 11 février 2002, soit 7 jours avant la prétendue première journée de travail, se considérait comme travaillant à son propre compte sous l'appellation commerciale de JKR Lumberjack.

[17]     L'ensemble des faits me permet de conclure que la relation entre la payeuse et l'appelant favorise l'existence d'un contrat d'entreprise. L'appelant n'était donc pas engagé en vertu d'un contrat de louage de services durant la période en question et il ne pouvait ainsi exercer un emploi assurable au sens de la Loi ni un emploi ouvrant droit à pension au sens du RPC. Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de juin 2004.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2004CCI402

No DES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-1634(EI) et 2003-1636(CPP)

INTITULÉS DES CAUSES :

Roger Couturier et le ministre du Revenu National

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmundston (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 7 avril 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 11 juin 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Adrien Fournier

Pour l'intimé :

Me Claude Lamoureux

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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