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Dossier : 2000-4650(IT)G

ENTRE :

ARTHUR STERN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 24 et 25 février 2004, à Toronto (Ontario)

 

Devant : l’honorable juge B. Paris

 

Comparutions : 

 

Avocat de l’appelant :

Me David S. Zeldin

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanne M. Bruce

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1997 est rejeté avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de septembre 2004.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’avril 2005.

 

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2004TCC561

Date : 20040903

Dossier : 2000-4650(IT)G

ENTRE : 

ARTHUR STERN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     L’appelant faisait partie d’un groupe d’investisseurs dans une entreprise de lave-auto au centre-ville de Toronto qui a été démarrée en 1988. Dans son investissement, l’appelant a perdu une somme considérable. Il a demandé une déduction pour perte au titre d’un placement d’entreprise d’un montant de 226 547,89 $ et pour perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (« PDTPE ») de 169 910,92 $ dans sa déclaration pour l’année d’imposition 1997 relativement à ses pertes. Ces déductions ont été demandées parce que les montants qu’il avait investis dans l’entreprise de lave-auto équivalaient pour lui à des actions dans la société High-Tech Car Wash Ltd., ou selon une autre hypothèse, à un prêt effectué à la société, et que l’insolvabilité ultime de High-Tech avait fait en sorte que la valeur des actions ou des prêts était maintenant nulle.

 

[2]     Dans l’établissement de la cotisation de l’appelant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction pour PDTPE. L’appelant a interjeté appel de cette cotisation.

 

[3]     Les questions en litige dans cet appel sont les suivantes :

 

1.   L’appelant était-il actionnaire de High-Tech? Si oui, que représentait pour lui le coût de ses actions, et leur valeur était-elle nulle à la fin de 1997?

 

Selon une autre hypothèse :

 

2.    L’investissement de l’appelant dans l’entreprise de lave-auto constituait‑il un prêt à High-Tech? Si oui, quel était le montant de ce prêt? Le prêt a-t-il été effectué en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien?

 

Faits

 

[4]     Quatre personnes ont témoigné pour l’appelant : Kevin O’Neill, Aaron Kwinter,  Brian Searles et l’appelant lui-même. 

 

[5]     Des éléments de preuve concernant la première étape de développement du lave-auto ont été fournis par M. O’Neill, qui était aussi un investisseur dans l’entreprise et qui a participé à la construction et à l’exploitation du lave-auto. Au début de 1988, il exploitait une entreprise de réparation de véhicules automobiles au 175, avenue Ossington, à Toronto, dans un local qu’il louait de Mike Da Silva. M. Da Silva avait alors lancé à M. O’Neill l’idée de former un groupe d’investisseurs et d’acheter une propriété voisine, soit le 159, avenue Ossington, pour y établir un lave-auto.

 

[6]     M. O’Neill a affirmé que M. Da Silva [TRADUCTION] « s’occupait du côté "affaires" de la transaction » et que, selon lui, M. Da Silva avait fait appel à Max Stern (le père de l’appelant) pour qu’il réunisse des fonds pour l’achat. De son côté, Max Stern a trouvé quelques autres investisseurs pour participer à l’entreprise. Voici les investisseurs et leurs intérêts respectifs [1] :

 

Mike Da Silva                           40 %

Kevin O’Neill                            20 %

Harvey Nash                               5 %

Arthur Stern (l’appelant)            10 %

Dawill Investments Ltd.               5 %

Max Stern Investments Ltd.       15 %

C. Grosberg                               5 %

 

[7]     En juin 1988, une offre d’achat de 1,5 million de dollars pour la propriété a été faite. Dans cette offre d’achat, M. O’Neill était indiqué comme étant l’acheteur, « en fiducie ». L’offre a été acceptée le 5 juillet 1988, et l’achat a été réalisé le 29 décembre 1988. Le titre de propriété était au nom de M. O’Neill, en fiducie. Les  hypothèques pour la propriété avaient également été inscrites à son nom.   

 

[8]     Au départ, les investisseurs voulaient obtenir une première hypothèque de la CIBC, mais le financement n’avait pas été réglé avant la date de clôture, et les vendeurs ont consenti une première hypothèque, en plus de la seconde de 400 000 $, qu’ils ont accepté de reprendre. En mars 1989, la première hypothèque consentie par les vendeurs a été remplacée par une première hypothèque de la CIBC, appuyée par un billet à ordre garanti par chaque investisseur.

 

[9]     Les investisseurs n’ont pas établi de convention de fiducie écrite concernant la propriété. Cependant, une directive datée du 6 mars 1989[2] concernant l’hypothèque de la CIBC indiquait que les investisseurs étaient les bénéficiaires de la fiducie associée au 159, avenue Ossington. Le document a été signé par tous les investisseurs. 

 

[10]    M. O’Neill a affirmé que les investisseurs avaient l’intention d’établir une société qui serait propriétaire du lave-auto et qui l’exploiterait. Il a affirmé qu’il détenait les biens en fiducie pour cette société [TRADUCTION] « une fois qu’elle a été établie » plutôt que pour chaque investisseur à titre individuel. Une société, High-Tech Car Wash Ltd., a été constituée le 23 juin 1989, mais le titre légal de la propriété ne lui a jamais été transféré. 

 

[11]    M. O’Neill a supervisé la construction du lave-auto. Il a reçu les fonds des investisseurs et a enregistré les montants dans un grand livre, qu’il a présenté au tribunal[3]. Il était indiqué dans le grand livre que M. O’Neill avait reçu une somme de 164 750 $ de l’appelant à l’étape de la construction.

 

[12]    M. O’Neill a affirmé que les investisseurs avaient prévu construire un édifice à trois étages, mais qu’en raison de problèmes liés à la condition du sol, ont fini par construire un lave-auto à un seul étage. Le lave-auto a ouvert en décembre 1991, soit un an plus tard que prévu. Les coûts de construction et de financement étaient plus élevés que prévu en raison des problèmes inattendus. Il semblerait que le lave-auto était exploité par High-Tech et que M. O’Neill jouait un rôle important dans sa gestion. Au départ, le lave-auto avait beaucoup de clients, mais le nombre de clients a diminué, et l’entreprise a vite commencé à prendre de l’argent. Au printemps 1993, elle ne générait pas assez de revenus pour couvrir les paiements hypothécaires dus à la CIBC, et, à l’automne, la banque a entamé une action en justice contre tous les investisseurs afin de recouvrer les montants dus. M. O’Neill a dit qu’il était président de High-Tech jusqu’en 1994. Il a démissionné en 1994 après un désaccord avec Mike Da Silva. Après, il a participé seulement d’une façon limitée aux activités du lave-auto.

 

[13]    À un moment donné au cours de 1994, la propriété a été refinancée, et l’hypothèque de la CIBC a été remboursée. Le propriété était toujours enregistrée au nom de Kevin O’Neill, en fiducie. Le lave-auto a continué d’être exploité et demeurait ouvert grâce à l’aide financière de Mike Da Silva. En 1997, les locaux ont été loués, et en 2001, la propriété a été vendue par pouvoir de vente par le créancier hypothécaire. Aucun des investisseurs n’a reçu de parts du produit de la vente. 

 

[14]    Dans son témoignage, Aaron Kwinter a affirmé qu’il jouait le rôle d’avocat des investisseurs pour l’achat de la propriété. Les personnes avec lesquelles il traitait le plus étaient Kevin O’Neill et Mike Da Silva. M. Kwinter a produit des copies de chèques oblitérés d’un montant total de 41 855 $ qu’il avait reçus de l’appelant. Ce montant représentait la partie des fonds de l’appelant utilisés pour acheter la propriété. M. Kwinter a dit qu’il se pouvait que l’appelant ait fait d’autres paiements pour l’achat, mais qu’aucune autre preuve de paiement n’avait été trouvée dans les dossiers.

 

[15]    M. Kwinter a affirmé que la propriété avait été transférée à M. O’Neill en fiducie pour les investisseurs, pour éviter de compliquer la transaction. Selon son souvenir, les investisseurs prévoyaient établir une société dont ils seraient tous actionnaires. La société devait détenir le terrain, faire construite le lave-auto et l’exploiter. M. Kwinter a dit qu’il était impossible d’établir la société avant de conclure l’achat de la propriété, mais qu’on lui avait dit le faire après.

 

[16]    High-Tech a été constituée en société en juin 1989. Les documents indiquaient que l’unique actionnaire de la société était Manuel Da Silva, que M. Kwinter a désigné comme étant le père de Mike Da Silva. Il ne se souvenait pas des raisons pour lesquelles Manuel Da Silva était un actionnaire.

 

[17]    M. Kwinter savait qu’il restait du travail à faire pour organiser les affaires de la société après sa constitution, mais il a affirmé qu’il était très difficile de réunir le groupe d’investisseurs pour discuter des mesures à prendre. M. Kwinter a dit qu’au cours des quelques années qui ont suivi, il a essayé de réunir les investisseurs pour régler les points en suspens. Il s’est souvenu d’avoir rencontré les investisseurs et de leur avoir envoyé des lettres. Finalement, en janvier 1994, il a rédigé une ébauche de convention des actionnaires. Cependant, les investisseurs n’ont pas signé la convention et, selon M. Kwinter, pour eux, l’établissement de la société n’était pas une priorité. En 1994, l’entreprise éprouvait des difficultés financières, et M. Kwinter a supposé que les investisseurs ne voulaient pas dépenser d’argent pour des frais judiciaires. En novembre 1994, il a une fois de plus essayé de faire signer une convention des actionnaires, mais n’y est pas parvenu.

 

[18]    M. Kwinter ne savait pas si les investisseurs avaient reçu des actions de High-Tech, mais il a dit qu’il n’avait jamais participé à l’émission d’actions de High-Tech aux investisseurs. Également, il ne pouvait pas confirmer avoir déjà vu des documents indiquant que High-Tech était devenu propriétaire de fait de la propriété. 

 

[19]    Brian Searles, le comptable de High-Tech de 1990 à 1998 environ, a affirmé qu’il avait établi des états financiers annuels pour la société, même si un seul état financier, soit celui pour l’exercice se terminant le 28 février 1994 et établi le 28 juillet 1994, a été présenté au tribunal. Il a fait référence à une note qui indique ce qui suit :

 

            [TRADUCTION]

« Kevin O’Neill, en fiducie, est à la fois le propriétaire inscrit du terrain […] et le créancier hypothécaire de la première hypothèque […]. M. O’Neill détient le terrain et l’hypothèque en fiducie pour High-Tech Car Wash Ltd, et ceux‑ci sont donc inclus dans les comptes de la société »[4].

 

[20]    Même si M. Searles a affirmé avoir vu des documents indiquant que la propriété était détenue en fiducie pour High-Tech, il a admis au contre-interrogatoire qu’il ne pouvait pas affirmer, sans aucun doute, qu’il avait vu ces documents. La note contenue dans l’état financier de High-Tech était fondée sur ce qu’il avait compris des intentions des investisseurs, à savoir que la propriété soit détenue en fiducie pour la société. 

 

[21]    L’état financier désignait aussi quelquefois les investisseurs comme des « actionnaires » et indiquait les montants investis par chacun d’eux en tant que « prêts par des actionnaires », pour une somme de 2 309 419 $[5]. M. Searles a cependant avoué qu’il savait que les investisseurs ne s’étaient jamais vu émettre des actions de la société. 

 

[22]    L’appelant a présenté des preuves selon lesquelles son père lui avait parlé en 1988 pour qu’il investisse dans une propriété qui devait être transformée en lave-auto. Le lave-auto devait être exploité par une société dont il devait être actionnaire. Dix pour cent des intérêts de l’entreprise ont été offerts à l’appelant. Selon son souvenir de rencontres tenues avec les autres investisseurs, la propriété devait être achetée au nom de Kevin O’Neill, qui devait la détenir en fiducie pour les actionnaires d’une société qui serait établie plus tard. C’était fait ainsi pour des raisons de commodité.

 

[23]    Il a affirmé que les investisseurs avaient toujours prévu que la propriété appartiendrait à une société et que cette société exploiterait le lave-auto. Il a aussi affirmé que High-Tech avait été établie à ces fins. Il s’est rappelé avoir participé à diverses rencontres d’investisseurs auxquelles participait aussi M. Kwinter, et au cours desquelles M. Kwinter essayait de mettre de l’ordre dans les documents concernant l’entreprise. M. Kwinter ne pouvait pas représenter tous les investisseurs et leur a dit qu’ils devaient obtenir des conseils juridiques indépendants. Les documents n’ont toutefois jamais été achevés. Au bout du compte, l’appelant a affirmé qu’il n’avait jamais reçu d’actions de High-Tech.

 

Analyse

 

Dispositions législatives

 

[24]    Les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’appliquent à l’appel en question sont les suivantes :

 

38. Pour l’application de la présente loi :

 

[...]

 

c) la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise d’un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien est égale aux 3/4 de la perte au titre d’un placement d’entreprise que ce contribuable a subie, pour l’année, à la disposition du bien.

 

[…]

 

39(1) Pour l’appliation de la présente loi :

 

[…]

 

c) une perte au titre d’un placement d’entreprise subie par un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien quelconque s’entend de l’excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l’année résultant d’une disposition, après 1977 :

 

[…]

 

d’un bien qui est :

 

(iii) soit une action du capital-actions d’une société exploitant une petite entreprise,

 

(iv) soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

 

(A) une société exploitant une petite entreprise

 

[…]

 

[25]    Pour que son appel soit accueilli, l’appelant doit démontrer qu’il détenait des actions de High-Tech ou que High-Tech avait une dette envers lui. Dans le premier cas, il doit également indiquer le coût des actions. Si on détermine que High-Tech avait une dette envers lui, il doit indiquer le montant de la dette et démontrer qu’elle a été contractée en vue de gagner un revenu. L’avocate de l’intimée a reconnu que, si on détermine que l’appelant avait acheté des actions de High-Tech, ou avait prêté de l’argent à High-Tech, ces actions n’auraient maintenant plus de valeur ou les prêts seraient devenus irrécouvrables à la fin de 1997.

 

Montant des contributions de l’appelant

 

[26]    Les éléments de preuve fournis par M. O’Neill démontrant qu’il avait reçu 164 750 $ de l’appelant à l’étape de la construction du lave-auto n’ont pas été remis en question par l’intimée, et je n’ai aucune raison de douter de ces preuves. Cependant, les éléments de preuve concernant le montant de la contribution de l’appelant pour l’achat de la propriété sont moins clairs. Même si, dans son témoignage, M. Searles a affirmé qu’il avait vu des registres indiquant que l’appelant avait payé 63 797 $ à M. Kwinter pour l’achat de la propriété, il n’avait pas les documents avec lui à l’audience. Seul le montant de 41 855 $ a été confirmé comme ayant été versé à M. Kwinter. L’appelant lui-même ne se souvenait pas du montant qu’il avait payé et n’avait pas de registre ou de document qui pourrait venir étayer un montant plus élevé que ce qui est indiqué sur les chèques oblitérés qui ont été produits. Donc, en fonction des preuves qui me sont fournies, je peux conclure que l’appelant a fait un investissement total de 206 605 $ dans l’entreprise de lave-auto.

 

L’appelant était-il un actionnaire?

 

[27]    À mon avis, il est évident que l’appelant n’est jamais devenu actionnaire de High-Tech. Il l’a lui-même avoué. Il semble qu’au départ, les investisseurs prévoyaient transférer la propriété à une société en échange d’actions de cette société, mais l’étape de la mise sur pied de la société n’a jamais été achevée.  

 

[28]    Cependant, il semble que la mise sur pied de la société et les mesures juridiques concernant la détention du titre de propriété n’étaient pas des priorités pour le groupe d’investisseurs. Aucune société n’a été établie avant l’achat de la propriété, même si les investisseurs disposaient de presque six mois entre le moment où leur offre a été acceptée et la clôture de la transaction. De plus, aucune action n’a été émise aux investisseurs après la constitution en société de High-Tech.

 

[29]    L’avocat de l’appelant a fait valoir que c’était à moi de déterminer que, même si l’appelant n’avait jamais reçu d’actions de High-Tech, il avait un droit en equity de se voir émettre des actions parce qu’il avait fait une contribution financière considérable à la société en s’attendant à recevoir des actions. Il a affirmé que l’ébauche de la convention des actionnaires rédigée par M. Kwinter au début de 1994 venait prouver que l’appelant avait droit à des actions de High-Tech. Le document indiquait que l’appelant détenait 10 % des actions de High-Tech. L’avocat a affirmé que l’appelant avait droit, en vertu de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario[6] « LSAO », à une ordonnance lui accordant 10 % des actions de High-Tech. Selon l’article 248 de la LSAO, un propriétaire bénéficiaire de valeurs mobilières d’une société peut présenter une requête à la Cour supérieure de justice en vue d’obtenir une ordonnance de rectification des registres d’une société. Pour qu’une telle ordonnance soit accordée, le tribunal doit être convaincu que la société abuse ou risque d’abuser des intérêts des détenteurs de valeurs mobilières, des créanciers, des administrateurs ou des dirigeants de la société en raison d’un acte ou d’une omission de la part de la société.

 

[30]    Il ne relève pas de la compétence de ce tribunal de décider si l’appelant a droit à une ordonnance de rectification en application de la LSAO. De plus, rien ne vient prouver qu’il a demandé une ordonnance ou qu’une ordonnance lui a été accordée par un tribunal de l’Ontario. Je peux seulement traiter des faits concernant la situation de l’appelant comme ils m’ont été présentés à l’audience. Dans un autre cas qui avait été entendu par cette cour‑ci où l’appelant soutenait qu’il aurait droit à une ordonnance de rectification d’une autre cour, le juge en chef adjoint Bowman a affirmé ce qui suit :

 

[…]Le rôle de cette cour est de décider si une cotisation est correcte en fonction des faits qui lui sont présentés et non de décider si la cotisation pourrait être modifiée à la suite d'un événement ultérieur comme une ordonnance de rectification. Si, chaque fois qu'une transaction particulière avait des conséquences fiscales non prévues ou non voulues, à l'égard desquelles le ministre avait établi une cotisation, cette cour en appel devait différer sa décision et accorder une forme sursis de l'instance pendant que le contribuable cherche à obtenir une ordonnance de rectification afin de renverser les effets négatifs de la transaction antérieure, nombre de nos affaires seraient laissées en suspens en attendant que la cour provinciale se prononce sur la demande. Il n'entre pas dans le mandat de cette cour de servir de limbes judiciaires[7].

 

[31]    De plus, je ne suis pas convaincu que l’appelant était propriétaire bénéficiaire d’actions de High-Tech. Il faut répondre à trois critères pour établir une fiducie valide, soit la certitude quant à l’intention, la certitude quant au sujet et la certitude quant aux objets. Il doit être clair que le constituant de la fiducie avait l’intention que la propriété transférée à un fiduciaire soit détenue en fiducie comme une obligation contraignante. La propriété détenue en fiducie et les bénéficiaires de la fiducie doivent être identifiables, et les intérêts des bénéficiaires du bien fiduciaire doivent être définis.  

 

[32]    Selon les documents présentés à l’audience, une seule action de High-Tech a été émise. Il n’y avait pas de preuve concernant les circonstances dans lesquelles l’action a été émise à Manuel Da Silva, et rien ne démontre qu’il la détenait en fiducie pour quelqu’un d’autre. Même si j’acceptais le fait que Kevin O’Neill détenait la propriété du lave-auto en fiducie pour High-Tech, ceci ne suffit pas pour établir une fiducie concernant l’action de High-Tech détenue par Manuel Da Silva au bénéfice de l’appelant et des autres investisseurs. Je ne suis pas convaincu qu’il existait une fiducie concernant les actions de High-Tech.

 

L’appelant a-t-il prêté de l’argent à High-Tech?

 

[33]    L’avocat de l’appelant a soutenu une autre hypothèse voulant que les montants payés par l’appelant pour l’achat de la propriété et pour la construction du lave-auto étaient des prêts effectués à High-Tech. Il a affirmé que ces montants étaient en fait des avances faites à High-Tech, et que l’appelant avait donc droit à la déduction pour PDTPE pour les pertes qu’il a subies quand High‑Tech est devenue insolvable. Il s’est fondé sur l’état financier de High-Tech pour 1994 qui indiquait que des « prêts par des actionnaires » étaient non remboursés, ainsi que sur les éléments de preuve fournis par M. Searles voulant que ces prêts étaient des contributions faites par les investisseurs pour l’achat de la propriété et la construction du lave-auto.

 

[34]    Cependant, même les éléments de preuve présentés par l’appelant contredisent les observations faites par M. Searles dans l’état financier de 1994 qui indiquent que les investisseurs avaient fait des prêts à High-Tech. À plusieurs occasions, l’appelant a affirmé que son père (qui avait établi le financement et regroupé les investisseurs) lui avait expliqué qu’il devait recevoir 10 % des intérêts de la société qui serait propriétaire du lave-auto et qui l’exploiterait. Il n’est mentionné nulle part que les investisseurs étaient des créanciers de la société, et rien n’indique que l’appelant et les autres investisseurs croyaient que les montants qu’ils avaient avancés pour l’entreprise de lave-auto étaient des prêts à la société. Comme je l’ai déjà affirmé, il semble plutôt que les investisseurs s’attendaient à recevoir des actions de la société après lui avoir transféré la propriété, mais que ces actions n’ont jamais été émises.  

 

[35]    À mon avis, il n’est pas exact de présenter les contributions versées à l’entreprise par les investisseurs comme des prêts faits par des actionnaires. Les investisseurs ne sont jamais devenus des actionnaires et les montants qu’ils ont investis n’ont pas été prêtés à la société.

 

[36]    Même si j’avais accepté que les contributions faites à l’entreprise par l’appelant constituaient des prêts faits à High-Tech, l’appelant n’aurait toujours pas le droit de demander une déduction pour PDTPE, parce qu’il n’a pas réussi à démontrer que les prêts avaient été faits en vue de gagner un revenu. Si l’appelant n’avait pas l’intention de gagner un revenu, sa perte sur la disposition de la prétendue dette serait réputée nulle, selon le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[37]    Aucun élément de preuve ne me permet de conclure qu’il y avait des moyens en place grâce auxquels des revenus de High-Tech pouvaient être versés à l’appelant. Il n’y avait pas d’intérêt payable sur les contributions de l’appelant, et ce dernier ne pouvait pas s’attendre à un rendement sous la forme de dividendes, étant donné qu’il n’a jamais été un actionnaire de High-Tech. Si les contributions de l’appelant avaient engendré une dette pour High-Tech, la perte sur le prêt serait réputée nulle.

 

Résumé

 

[38]    Bien que l’appelant ait subi d’importantes pertes sur son investissement dans l’entreprise de lave-auto, la façon dont était structurée sa participation dans l’entreprise ne lui permet pas de demander une déduction pour une perte au titre d’un placement d’entreprise ou pour une PDTPE. Même s’il s’attendait à recevoir des actions de High-Tech en échange de son investissement, les actions n’ont jamais été émises. Il ne relève pas de ma compétence de lui accorder l’allégement demandé en fonction seulement de ce qu’il s’attendait à recevoir. Comme le juge d’appel Linden l’a dit dans l’affaire Her Majesty the Queen v. A.D. Friedberg[8]:

 

En droit fiscal, la forme a de l'importance.  Une simple intention subjective, en l'espèce comme dans d'autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d'une opération aux fins de l'impôt.  Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d'éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil 91 D.T.C. 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés.[...]

 

L’appel est rejeté, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de septembre 2004.

 

 

 

Juge Paris

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour d’avril 2005.

 

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne, traductrice


 

 

RÉFÉRENCE :

2004TCC461

 

No DU GREFFE :

2000-4650(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Arthur Stern et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

24 et 25 février 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :

3 septembre 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me David S. Zeldin

 

Avocate de l’intimée :

Me Suzanne M. Bruce

 

AVOCAT(S) INSCRIT(S) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

Me David S. Zeldin

 

Cabinet :

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 



[1] Les parts de deux des premiers investisseurs, J. Rapoport Investments Ltd. et Casey Tepperman,  ont été rachetées par Mike Da Silva peu après l’acquisition. Les éléments de preuve n’indiquaient pas ce qu’avaient été les intérêts de ces deux investisseurs.

[2] Pièce A-1, onglet 18

[3] Pièce A-1, onglet 19

[4] Pièce A-1, onglet 3, note 1

[5] Pièce A-1, onglet 3, note 5

[6] L.R.O 1990, ch. B-16

[7] Kovarik c. Canada, [2001] A.C.I. no 181, au paragraphe 22

[8] 92 DTC 6031 (C.A.F.), au p. 6032

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