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Dossier : 2003-1084(EI)

ENTRE :

CANDIDE FRADETTE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de 9072-5755 Québec Inc. (2003-1087(EI)), le 3 novembre 2004, à Roberval (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Réal Brassard

Avocate de l'intimé :

Me Emmanuelle Faulkner

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Dossier : 2003-1087(EI)

ENTRE :

9072-5755 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Candide Fradette (2003-1084(EI)), le 3 novembre 2004, à Roberval (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Réal Brassard

Avocate de l'intimé :

Me Emmanuelle Faulkner

_______________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI749

Date : 20041206

Dossier : 2003-1084(EI)

ENTRE :

CANDIDE FRADETTE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET ENTRE :

Dossier : 2003-1087(EI)

9072-5755 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté à la suite d'une décision datée du 17 décembre 2002. En vertu de la décision en question, le travail exécuté par l'appelante pour le compte de la société 9072-5755 Québec Inc., également appelante, a été exclu des emplois assurables pour le motif qu'il existait un lien de dépendance entre l'appelante Candide Fradette et le dirigeant de l'appelante 9072-5755 Québec Inc.

[2]      Les parties ont exprimé leur accord pour que les deux dossiers fassent l'objet d'une preuve commune.

[3]      Pour expliquer et justifier sa détermination, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

a)          l'appelante a été constituée en société le 14 janvier 1999;

b)          l'appelante faisait affaires sous le nom et raison sociale de « Hôtel Richelieu » ;

c)          l'appelante exploitait, à l'intérieur du même immeuble, une entreprise de location de chambres (11 chambres), deux débits de boissons d'une capacité de 75 et 90 places ainsi que 9 machines vidéo-poker;

d)          l'appelante était en exploitation à l'année longue;

e)          l'appelante embauchait une dizaine d'employés environ;

f)           Roch Cantin était l'actionnaire unique de l'appelante;

g)          Roch Cantin est le conjoint de la travailleuse;

h)          la travailleuse avait été embauchée comme gérante par l'appelante;

i)           selon la travailleuse, ses tâches consistaient à faire visiter les chambres, à vider les machines de vidéo-poker et à tenir le journal des salaires;

j)           la travailleuse n'avait pas d'horaire fixe de travail;

k)          la travailleuse était rémunérée au salaire fixe de 350 $ brut par semaine;

l)           les heures de travail de la travailleuse n'étaient pas inscrites au journal des salaires de l'appelante;

m)         les autres employés de l'appelante étaient rémunérés selon un tarif horaire;

n)          durant la période en litige, la travailleuse a signé seulement deux cartes de location de chambres;

o)          la travailleuse prenait de 15 à 20 minutes par jour à vider les machines de vidéo-poker;

p)          les tâches de la travailleuse étaient de peu d'envergure, compte tenu de sa rémunération;

q)          avant et après la période en litige, la travailleuse continuait à vider les machines de vidéo-poker et à faire les entrées au journal des salaires;

r)           avant et après la période en litige, la travailleuse rendait des services à l'appelante sans rétribution déclarée;

s)          la période prétendument travaillée de la travailleuse ne correspond pas avec la période réellement travaillée par celle-ci;

t)           le 13 novembre 2001, l'appelante émettait un relevé d'emploi à la travailleuse qui indiquait comme premier jour de travail le 1er juillet 2001 et comme dernier jour de travail le 10 novembre 2001, que le nombre d'heures assurables étaient de 760 heures et la rémunération assurable totale de 6 650,00 $ et le relevé indiquait comme motif de l'émission du relevé, le manque de travail;

u)          le relevé d'emploi de la travailleuse n'est pas conforme à la réalité quant au nombre d'heures réellement travaillées ni quant à la période réellement travaillées.

[4]      Les appelantes ont admis le contenu des alinéas a), b), c), d), e), f), g), h), k) et m). Le contenu des autres alinéas a été nié.

[5]      Les faits tenus pour acquis dans le dossier 2003-1084(EI) étant les mêmes, il n'y a pas lieu de les reproduire.

[6]      La société 9072-5755 Québec Inc. exploite un établissement commercial sous la raison sociale « Hôtel Richelieu » , soit un hôtel regroupant une douzaine de chambres et détenant trois permis d'alcool, soit deux pour exploiter un bar et un pour un café-terrasse, et, finalement, dix machines de vidéo poker. L'établissement ne sert pas de repas; en sus de l'alcool, il y est vendu des cigarettes, des croustilles, du fromage et des oeufs dans le vinaigre.

[7]      Les revenus de location de chambres sont beaucoup plus élevés durant la période estivale. Globalement, cependant, il s'agit là d'une composante plutôt marginale du chiffre d'affaires dont le total est principalement constitué des revenus des appareils de vidéo poker, qui vont jusqu'à 60 000 $ par semaine le tout étant complété par les revenus des bars.

[8]      Pour s'occuper de toutes les activités génératrices de revenus, l'entreprise emploie une douzaine de personnes.

[9]      La période en litige est du 1er juillet au 10 novembre 2001.

[10]     Pour expliquer et justifier le travail de l'appelante, monsieur Roch Cantin, conjoint de cette dernière et seul actionnaire de la société 9072-5755 Québec Inc., a expliqué et décrit les nombreuses fonctions de son épouse à titre de gérante.

[11]     Elle s'occupe de tout ce qui concerne les appareils de vidéo poker, allant de la cueillette de fonds (vidage des machines de vidéo poker) aux dépôts quotidiens, tant locaux qu'à l'extérieur. Elle s'assure que le guichet distributeur contient suffisamment d'argent, étant donné que les adeptes des appareils de vidéo poker s'y alimentent. Elle est également responsable de la propreté des chambres et de tous les lieux, y compris l'inventaire. Pour ce qui est des bars, elle a la responsabilité de nettoyer et d'entretenir les bouchons doseurs des bouteilles d'alcool. Elle a donc un droit de regard et de contrôle sur toute l'organisation. Elle fait les commissions, s'occupe des payes des employés, etc.

[12]     Le conjoint de l'appelante a expliqué que l'achalandage des chambres avait beaucoup diminué au fil des ans, tout particulièrement suite à la venue en grand nombre de « gîtes touristiques » . Il a indiqué que le fait que l'hôtel soit situé quelque peu à l'écart de la grande route faisait en sorte que l'appelante devait aller à la rencontre des clients potentiels qu'un autre établissement mieux situé leur référait lorsqu'il n'avait plus lui-même de chambres disponibles. Il a aussi indiqué qu'elle devait faire visiter les chambres avant la location, étant donné que 80 % des gens exigent de voir la chambre avant de la louer.

[13]     À la fin de la période en litige, soit à compter du 10 novembre, l'appelante aurait cessé ses activités pour s'occuper essentiellement de vider les machines de poker, faire les dépôts, faire les commissions, faire les payes et faire de petites tournées dans l'établissement, selon le témoignage de l'appelante elle-même, qui n'a rien ajouté à la preuve si ce n'est cet élément; en effet, elle a essentiellement confirmé les réponses de son conjoint en répondant à une question du genre : « Vous avez compris le témoignage de votre conjoint, est-ce que tout ce qu'il a affirmé est exact et correspond à ce que vous pourriez dire? » . Elle a essentiellement acquiescé.

[14]     En substance, les appelantes ont voulu démontrer que la location de chambres constituait le principal de la tâche de travail et que ce travail était saisonnier en ce qu'il prenait ses assises dans la période touristique. Ce volet lié à la location de chambres a été manifestement exagéré. La preuve soumise a été concluante pour établir qu'il s'agissait d'un travail réel, important et de toute évidence essentiel. La rémunération était appropriée et raisonnable.

[15]     L'objet véritable du contrat de travail était de voir à la bonne marche des appareils vidéo poker; la location de chambres était un ajout marginal et très secondaire requérant très peu de temps d'autant plus que le tribunal n'est pas convaincu que le surplus de travail était effectué par l'appelante.

[16]     L'appelante, conjointe de Roch Cantin, était sa personne de confiance; elle assurait une présence tout à fait indispensable dans le commerce. Compte tenu des immenses sommes d'argent liquide qui y transitaient, il était essentiel que la personne qui manipulait tout cet argent soit une personne bénéficiant de la confiance la plus totale de son employeur.

[17]     À la lecture des faits tenus pour acquis pour justifier et expliquer la décision à l'origine des présents appels, il était manifeste que le Ministre est arrivé à la conclusion que le travail exécuté par l'appelante, Candide Fradette, était un travail marginal sans valeur économique.

[18]     En d'autres termes, le Ministre concluait que le travail allégué était en quelque sorte un emploi de complaisance. Toujours selon le Ministre, il s'agissait d'un travail non essentiel, de peu d'importance et trop rémunéré. Cette appréciation découle tout particulièrement des alinéas 9 j), 9 k), 9 l), 9 m), 9 n), 9 o), et 9 p) qui se lisent comme suit :

j)           la travailleuse n'avait pas d'horaire fixe de travail;

k)          la travailleuse était rémunérée au salaire fixe de 350 $ brut par semaine;

l)           les heures de travail de la travailleuse n'étaient pas inscrites au journal des salaires de l'appelante;

m)         les autres employés de l'appelante étaient rémunérés selon un tarif horaire;

n)          durant la période en litige, la travailleuse a signé seulement deux cartes de location de chambres;

o)          la travailleuse prenait de 15 à 20 minutes par jour à vider les machines de vidéo-poker;

p)          les tâches de la travailleuse étaient de peu d'envergure, compte tenu de sa rémunération;

[19]     Or, la preuve a établi d'une manière déterminante qu'au contraire, le travail de l'appelante était important, régulier et essentiel pour l'entreprise. Il s'agissait d'un emploi qui sous-entendait un lien de confiance avec l'employeur.

[20]     L'appelante voyait au bon fonctionnement des appareils de vidéo poker, qui généraient des recettes très importantes, et elle s'assurait de la propreté des lieux, de la suffisance de l'inventaire et du bon état de l'équipement. Il s'agissait là de choses tout à fait essentielles pour l'exploitation de cette entreprise. Bien qu'elle n'ait à peu près rien dit lors de son témoignage, elle a exprimé quelque chose qui décrit exactement son rôle dans l'entreprise : « Je faisais des petites tournées d'une vingtaine de minutes » . Cette phrase banale est pourtant très significative et très efficace pour démontrer l'importance qu'elle avait pour les activités économiques de l'entreprise.

[21]     L'importance des revenus générés par les appareils de vidéo poker faisait en sorte qu'ils devaient être vidés de leur contenu tous les jours et ce, à raison de sept jours par semaine. Les recettes étaient ensuite déposées dans un coffre-fort situé dans l'établissement.

[22]     Parallèlement à cette opération, l'appelante s'occupait également d'un guichet automatique sur place. Elle y plaçait les sommes nécessaires et s'assurait que tous les billets de banque soient en excellent état pour éviter les problèmes causés par les billets usés.

[23]     Des sommes colossales devaient être comptabilisées et ce, à partir de petites coupures et de jetons de 25 ¢ , 50 ¢ , 1 $ et 2 $. Toutes les semaines, l'établissement devait faire une remise à Loto-Québec, laquelle devait être accompagnée de divers rapports.

[24]     Outre toutes ces opérations, l'établissement devait également s'occuper et gérer les gains, c'est-à-dire remettre aux gagnants les gains obtenus des appareils de vidéo poker.

[25]     Ces appareils, au nombre de dix, généraient des revenus substantiels et fonctionnaient sept jours par semaine pendant plusieurs heures chaque jour.

[26]     À la lumière du témoignage de monsieur Cantin, l'appelante était la personne qui voyait à la bonne marche de ces appareils. Lors de la description des tâches, monsieur Roch Cantin a fait des efforts considérables pour tenter de démontrer que la charge de travail de son épouse avait considérablement augmentée au cours de la période en litige, soit du 1er juillet 2001 au 10 novembre de la même année à cause de la location de chambres.

[27]     À cet égard, les explications soumises n'ont guère été convaincantes. L'achalandage et la paperasse inhérente à la location de chambres, telles les fiches d'inscription, n'ont pas réussi à renverser cette appréciation. Le volet location de chambres a essentiellement permis de donner une légitimité essentiellement théorique à la durée de l'emploi. La preuve n'a cependant pas permis d'attribuer à cette explication une quelconque vraisemblance. D'ailleurs, la preuve à l'effet que la location était totalement la responsabilité de l'appelante a été très peu convaincante.

[28]     En partant de la prémisse que l'intimé avait conclu que le travail de son épouse était marginal et de peu d'importance, monsieur Cantin a cru qu'il suffirait de faire la preuve de la qualité et de la quantité du travail pour justifier la rémunération hebdomadaire de 350 $; le conjoint de l'appelante a beaucoup insisté sur les nombreuses et importantes tâches qu'elle avait exécutées.

[29]     De son côté, l'appelante a essentiellement confirmé le témoignage de son conjoint par le biais d'une réponse très générale selon laquelle Roch Cantin avait bien expliqué son travail et que toutes ses explications étaient conformes, n'ajoutant rien de nouveau.

[30]     Quant à la qualité et la quantité de travail effectué pour justifier l'assurabilité, l'appelante et son conjoint ont très bien réussi. Du même coup, ils ont établi que la ou les personnes qui avaient fait l'enquête et l'analyse à l'origine de la décision avaient considérablement sous-évalué l'étendue et l'importance des tâches exécutées par l'appelante, à un point tel qu'il ne serait aucunement exagéré de conclure qu'ils ont bâclé leur travail.

[31]     Dans de telles circonstances, il y a lieu de revoir l'ensemble des faits pour déterminer si le travail exécuté par l'appelante satisfaisait aux exigences pour être assurable.

[32]     Pour ce faire, il est certes important de prendre en considération la rémunération, la charge de travail et tout le contexte lié à l'exécution du travail en question. Le début et la fin de la période d'emploi sont aussi des facteurs très pertinents, puisqu'il s'agit souvent d'éléments d'une très grande pertinence pour découvrir la présence d'abus.

[33]     En l'espèce, la preuve a établi que l'entreprise exploitée par le conjoint de l'appelante, par le biais de la société 9072-5755 Québec Inc., dont il était le seul actionnaire, tirait la majorité de ses revenus de l'exploitation de dix appareils de vidéo poker générant des recettes hebdomadaires variant de 45 000 $ à 60 000 $. De tels revenus ne tombaient pas du ciel; cela nécessitait une attention, un suivi et l'accomplissement de tâches quotidiennes importantes, voire même essentielles en plus d'une présence indispensable.

[34]     Parallèlement, l'exploitation de ce volet de l'entreprise entraînait plusieurs autres exigences, telle la préparation des guichets à l'intention des amateurs, les cueillettes des recettes, les dépôts, les comptes rendus, les va et vient bancaires, la comptabilité des recettes, etc.

[35]     Or, la preuve a révélé que l'appelante assumait la responsabilité de la cueillette des revenus pendant toute l'année; elle s'occupait également de la paye des employés, au nombre d'une douzaine; elle faisait également les commissions et s'occupait des achats des boissons alcoolisées. De plus, l'appelante a elle-même affirmé qu'elle faisait de petites tournées qui prenaient une vingtaine de minutes pour s'assurer que tout fonctionnait rondement.

[36]     Toutes les tâches de l'appelante avaient une importance considérable. L'admission qu'elle faisait de petites tournées est révélatrice. Elle incarnait l'autorité et s'assurait de la bonne marche des appareils.

[37]     Je ne doute pas que Roch Cantin jouait également un rôle de premier plan, mais il m'apparaît important de souligner que les activités liées aux appareils de vidéo poker s'échelonnaient sur sept jours par semaine et duraient plusieurs heures tous les jours, ce qui exigeait nécessairement la présence de deux responsables, eu égard aux longues heures d'exploitation et cela, à raison de sept jours par semaine.

[38]     Roch Cantin a expliqué avoir appris, lors d'une enquête relative au droit de sa conjointe de recevoir des prestations d'assurance-emploi, qu'il avait comme employeur, l'obligation de déclarer tout travail exécuté par l'appelante et cela, même s'il s'agissait d'un travail de peu d'importance.

[39]     À partir de ce moment, il a affirmé avoir déclaré quelques heures de travail chaque semaine; il a évalué ce travail à environ quatre heures par semaine.

[40]     Interrogé quant à la durée de chacune des tâches de ce travail qui s'effectuait en dehors de la période en litige, il a indiqué que la cueillette des recettes des appareils de vidéo poker demandait environ 30 minutes par jour. Il a évalué le temps nécessaire à la préparation des payes à 1½ heure par semaine. Il n'a pas évalué le temps nécessaire pour s'occuper de l'inventaire des boissons alcoolisées ou pour faire les commissions. Si on ajoute à toutes ces fonctions le temps requis pour les petites tournées ponctuelles que faisait l'appelante, le total dépasse très largement l'évaluation de quatre heures.

[41]     D'autre part, je suis convaincu que le conjoint de l'appelante a délibérément occulté ou considérablement sous-évalué le temps consacré quotidiennement par l'appelante au bon fonctionnement des appareils de vidéo poker et de l'ensemble des tâches sous-jacentes.

[42]     L'appelante assumait une responsabilité de présence et de contrôle sur l'ensemble des activités. Il ne s'agissait pas de fonctions manuelles ou cléricales, mais de fonctions qui faisaient et devaient faire partie de sa description de tâches; elles sont difficilement appréciables en termes de temps, mais combien importantes et déterminantes pour la bonne marche de l'entreprise.

[43]     Selon la version de Roch Cantin, il s'agissait là d'une fonction très importante, voire essentielle pour l'entreprise, mais que pour la période en litige, après quoi cette même tâche, fonction ou responsabilité serait devenue peu importante et marginale. Cela est tout simplement invraisemblable.

[44]     Il s'agit là d'explications tout à fait invraisemblables. Il n'y a aucun doute que l'appelante exécutait plusieurs tâches importantes et ce, de façon continue, et pour lesquelles elle n'était pas rémunérée, si ce n'est par le biais de prestations d'assurance-emploi.

[45]     Pareille façon de faire est totalement inacceptable et affecte l'entente de travail au point de la rendre non assurable en ce qu'il ne s'agissait pas d'un véritable contrat de louage de services.

[46]     Un véritable contrat de louage de services est un contrat de travail qui intervient entre deux parties, dont l'objectif est l'exécution d'une prestation de travail moyennant une rémunération convenable ou raisonnable et où la partie payeuse de la rémunération a l'autorité pour intervenir en tout temps.

[47]     Les paramètres d'un tel contrat sont généralement établis à partir de considérations essentiellement économiques découlant d'un équilibre entre la volonté d'obtenir le plus possible par opposition au désir d'en faire le moins possible pour la meilleure rémunération possible.

[48]     De telles caractéristiques ne sont généralement pas conciliables avec la gratuité, le bénévolat ou une collaboration démesurée et ce, particulièrement dans la mesure qui prévalait en l'espèce.

[49]     L'appelante avait une charge de travail importante qui justifiait largement le salaire qu'elle recevait et cela, même si les heures pendant lesquelles elle travaillait n'étaient pas comptabilisées à la seconde près. Elle savait ce qu'elle avait à faire et comment le faire; ainsi le bon fonctionnement de toute l'organisation permettait au payeur de la rémunération de constater la qualité du travail et son efficacité.

[50]     Il s'agissait là d'une fonction névralgique pour ce volet de l'entreprise qui représentait sans aucun doute le coeur de l'entreprise. Or, comment expliquer et justifier que le travail qui constitue le véritable fondement de la rémunération durant la période de juillet à novembre, devienne subitement et sans raison un travail de peu d'importance et marginal, au point qu'à une certaine époque il n'était même pas comptabilisé ou inscrit dans les livres comptables?

[51]     Les explications soumises sont invraisemblables. Ou le travail en question est marginal et peu important pendant toute l'année, ou il est important durant toute l'année. Le tribunal conclut qu'il s'agissait d'un travail important effectué à l'année pour lequel une rémunération a été payée que pour la durée de la période en litige.

[52]     La preuve de l'appelante a aussi fait valoir que le Ministre avait déjà déterminé le travail assurable lors d'une décision en date du 20 février 2001, dont le contenu est le suivant (voir la pièce A-1).

Le 20 février 2001

MME CANDIDE FRADET [sic]

[...]

OBJET : LÉGISLATION SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

Numéro de décision : CE2001 2849 8402

Nous avons reçu du ministère du Développement des ressources humaines une demande de décision sur l'assurabilité de votre emploi pour 9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu durant le période du 2 juillet 2000 au 4 novembre 2000.

Nous avons déterminé que vous étiez une employée dans le cadre d'un contrat de louage de services.

Même si votre emploi pour 9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu était exercé dans le cadre d'un contrat de louage de services, un lien de dépendance existait entre vous et l'employeur aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi.

Malgré ce fait, nous considérons, compte tenu de toutes les circonstances, qu'un contrat de travail à peu près semblable aurait été établi entre vous et 9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu et ce, même sans ce lien. Par conséquent, en vertu de l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'assurance-emploi, vous et 9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu êtes réputés ne pas avoir de lien de dépendance aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi.

Votre emploi au Canada pour le compte de 9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu, au cours de la période en litige, était assurable en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

Nous l'avons établi parce que :

9072-5755 Québec Inc. O/S Hôtel Richelieu exerçait un contrôle sur vous et sur votre travail étant donné que :

- Il établissait vos heures de travail.

- Il contrôlait vos heures de travail.

- Vous étiez tenue d'exécuter personnellement les services.

Vous n'aviez pas à fournir l'équipement ou le matériel requis pour l'exécution du travail.

[...]

[53]     Croyant que cette détermination du 20 février 2001 les plaçait à l'abri de tout problème quant au droit de recevoir des prestations d'assurance-emploi suite au paiement des cotisations requises, les appelantes ont alors cru qu'il suffisait de préparer un relevé d'emploi qui indiquait le nombre d'heures de travail nécessaires pour obtenir des prestations d'assurance-emploi, d'où le relevé d'emploi pour la période du 1er juillet au 10 novembre 2001.

[54]     Pour expliquer et justifier la fin de la période d'emploi, Roch Cantin a affirmé que la cause première était la saison touristique très courte dans la région et, en second lieu, le fait qu'il voulait et méritait un peu de loisir qu'il s'offrait lorsque son épouse était au travail.

[55]     Eu égard à la preuve quant au peu d'importance que représentait le volet de la location de chambres et surtout quant à l'absence à peu près totale de participation de l'appelante au processus de location, les explications ne satisfont pas au critère de la raisonnabilité; bien au contraire, il s'agit là d'explications loufoques.

[56]     D'ailleurs, pourquoi juillet et non la fin mai? Pourquoi le 10 novembre et non pas le 15 septembre? La saison touristique est un élément particulier dont l'étendue peut varier d'une région à une autre. Le volet de la location de chambres constituait une composante marginale de la description de tâches. Ce volet a été monté en épingle et amplifié étant donné qu'il s'agissait là de la seule façon d'expliquer et de justifier un début et une fin de période.

[57]     La preuve soumise par les appelantes a été déterminante quant à la qualité et à la quantité du travail exécuté, au point qu'il est tout à fait invraisemblable que le travail en question ait eu la durée indiquée au relevé d'emploi.

[58]     Le travail de l'appelante est exécuté sur une base annuelle, bien qu'il puisse y avoir un très petit surplus durant la période estivale.

[59]     La prépondérance de la preuve est à l'effet qu'il y avait un arrangement entre les parties aux fins de profiter des prestations d'assurance-emploi. Un tel arrangement discrédite totalement les prétentions voulant qu'il se soit agi d'un véritable contrat de louage de services.

[60]     Le lien de dépendance entre les parties a affecté le lien de travail à un tel point que les parties ont façonné une entente en un contrat de travail apparent pour permettre que des prestations d'assurance-emploi soient versées, bénéficiant ainsi, en fin de compte, aux deux parties impliquées, les appelantes, en l'espèce.

[61]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI749

NosDES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-1084(EI); 2003-1087(EI)

INTITULÉ DES CAUSES :

Candide Fradette et 9072-5755 Québec Inc.

et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Roberval (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

le 3 novembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 6 décembre 2004

COMPARUTIONS :

Représentant des appelantes :

Réal Brassard

Avocate de l'intimé:

Me Emmanuelle Faulkner

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AUX DOSSIERS :

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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