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Dossier : 2002-3923(EI)

ENTRE :

OSHAWA COIFFURES LTD. s/n L'ATTITUDES

INTERNATIONAL IMAGE CENTERS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 27 avril 2004.

Devant : L'honorable J.M. Woods

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Douglas H. Levitt

Avocate de l'intimé :

Me Bonnie Boucher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la décision que le ministre du Revenu national a rendue en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision portant que Deborah Walker exerçait un emploi assurable est confirmée.


Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de septembre 2004.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Dossier : 2002-3924(CPP)

ENTRE :

OSHAWA COIFFURES LTD. s/n L'ATTITUDES

INTERNATIONAL IMAGE CENTERS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 27 avril 2004.

Devant : L'honorable J.M. Woods

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Douglas H. Levitt

Avocate de l'intimé :

Me Bonnie Boucher

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la décision que le ministre du Revenu national a rendue en vertu du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision portant que Deborah Walker exerçait un emploi ouvrant droit à pension est confirmée.


Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de septembre 2004.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI616

Date : 20040909

Dossiers : 2003-3923(EI)

2002-3924(CPP)

ENTRE :

OSHAWA COIFFURES LTD. s/n L'ATTITUDES

INTERNATIONAL IMAGE CENTERS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]      Il s'agit d'appels interjetés par Oshawa Coiffures Ltd. à l'encontre d'une décision portant que Mme Deborah Walker exerçait un emploi assurable ouvrant droit à pension pendant la période allant du 1er janvier 1998 au 1er septembre 2001.

[2]      Trois questions doivent être tranchées :

           a)      Mme Walker exerçait-elle un emploi chez Oshawa Coiffures au sens attribué en common law au mot « emploi » ? La réponse sera déterminante pour ce qui est de l'appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada, mais pas nécessairement en ce qui concerne l'appel interjeté en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.

           b)      L'alinéa 6d) du Règlement sur l'assurance-emploi s'applique-t-il aux techniciennes manucures qui travaillent dans les salons de coiffure?

           c)       Les intérêts sur le montant exigible devraient-ils être suspendus?

[3]      L'avis d'appel soulève également une quatrième question, à savoir si l'appel fondé sur le Régime de pensions du Canada a été interjeté à temps. Dans sa réponse, la Couronne n'a pas mentionné cette question; il faut supposer que cette question n'est plus en litige.

L'emploi en common law

[4]      Oshawa Coiffures exploite un salon de coiffure sous le nom L'Attitudes International Image depuis un centre commercial à Oshawa (Ontario). Mme Walker a travaillé au salon comme technicienne manucure de 1998 à 2001. Pendant une brève période en 1998, elle travaillait comme employée; cette période n'est pas en litige. Il n'existe aucune preuve au sujet des dates exactes qui sont ici en cause; j'ai supposé que la période en question allait du 1er juillet 1998 au 1er septembre 2001.

[5]      Mme Walker est une technicienne manucure qui a énormément d'expérience puisqu'elle travaille dans ce domaine depuis plus de 20 ans. À un moment donné, elle exploitait son propre commerce et elle connaît donc bien, dans l'ensemble, les modalités d'exploitation d'une entreprise indépendante.

[6]      Lorsqu'elle travaillait initialement comme employée chez Oshawa Coiffures, Mme Walker touchait 45 p. 100 du montant qu'elle facturait; Oshawa Coiffures fournissait la plupart du matériel qu'elle utilisait. Au bout de quelques mois, l'arrangement a changé, à la demande de Mme Walker, qui a signé un document dans lequel elle reconnaissait travailler à son compte et être responsable du paiement des cotisations à verser au titre du Régime de pensions du Canada et de l'assurance-emploi. Selon le nouvel arrangement, Mme Walker avait droit à un pourcentage plus élevé des montants qu'elle facturait, soit 70 p. 100, mais elle devait fournir le matériel qu'elle utilisait pour le soin des ongles et elle devait rembourser Oshawa Coiffures des frais exigés par les services fournissant les serviettes. Oshawa Coiffures a continué à fournir le reste du matériel, comme les produits de maquillage et le matériel utilisé pour les soins à la cire. La preuve sur ce point n'est pas claire, mais il semble qu'Oshawa Coiffures ait continué à fournir les articles utilisés pour les services rendus par les autres travailleurs en plus de Mme Walker. Selon le nouvel arrangement, Mme Walker pouvait vendre ses propres produits, mais elle a décidé de ne pas le faire.

[7]      Il n'y a pas de critères de démarcation nette permettant de déterminer si une personne est une employée ou un entrepreneur indépendant; il faut trancher chaque cas selon les faits qui lui sont propres. Les principes généraux à appliquer sont décrits par le juge Major dans l'arrêt qui fait autorité, Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited, [2001] 2 R.C.S. 983 :

[47]       [...] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

[48]      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[8]      Il s'agit essentiellement de savoir si Mme Walker exploitait une entreprise à son compte. Mme Walker a témoigné croire qu'elle devait travailler à son compte et s'attendre à pouvoir exploiter sa propre entreprise et prendre les décisions importantes y afférentes, comme l'établissement des prix et les heures de travail. Toutefois, elle a déclaré que la personne morale n'avait pas respecté l'arrangement qu'elle avait pris et qu'elle la traitait essentiellement comme une employée, en dictant ses heures de travail et en établissant le prix de ses services.

[9]      Le propriétaire d'Oshawa Coiffures, Antonio Conforti, a témoigné pour le compte de la personne morale. À maints égards, son témoignage contredisait celui de Mme Walker. M. Conforti a déclaré que Mme Walker était libre d'aller et de venir à sa guise et de fixer le prix des services qu'elle fournissait sans que la personne morale intervienne. Voici des exemples des différences existant entre les deux témoignages :

           a)       M. Conforti a indiqué que Mme Walker voulait changer la relation d'emploi, de façon à pouvoir fixer ses propres heures de travail. Mme Walker a témoigné qu'elle voulait effectuer ce changement afin d'augmenter le pourcentage qui lui revenait sur les montants qu'elle facturait;

           b)      Lors de l'interrogatoire principal, M. Conforti a indiqué que Mme Walker avait apporté sa propre table de travail au salon de coiffure et qu'auparavant, il n'y avait pas eu de technicienne manucure au salon de coiffure et qu'il n'y en avait pas eu non plus par la suite. Pendant le contre-interrogatoire, M. Conforti a modifié quelque peu sa réponse en affirmant [TRADUCTION] « ne pas [se] rappeler » qu'il y ait eu une technicienne manucure au salon avant que Mme Walker y travaille. De son côté, Mme Walker a indiqué qu'il y avait une manucure et que la table de travail était déjà là;

           c)       M. Conforti a témoigné que Mme Walker travaillait uniquement lorsqu'elle avait des clients et que, s'il n'y en avait pas, elle n'était pas obligée d'être au salon. De son côté, Mme Walker a indiqué qu'elle devait effectuer des postes de travail réguliers, six jours par semaine, et qu'elle devait toujours être disponible pour les clients qui se présentaient [TRADUCTION] « à l'improviste » ;

           d)      M. Conforti a témoigné que Mme Walker fixait le prix des services qu'elle fournissait. Pendant le contre-interrogatoire, M. Conforti ne se rappelait pas clairement si les services de soins des ongles étaient annoncés et à quel moment ou comment l'affiche avait été préparée. De son côté, Mme Walker a indiqué qu'auparavant, les prix exigés pour les services de manucure étaient annoncés dans la vitrine étant donné qu'il y avait une manucure au salon. Elle a déclaré qu'elle voulait travailler à cet endroit parce que, à son avis, les prix étaient bons. Elle a également relaté qu'à quelques reprises, elle avait voulu accorder des rabais ou fournir gratuitement ses services à des fins de promotion et que le gérant lui avait dit de ne pas le faire. Il était arrivé une fois que sa rémunération soit réduite d'un montant correspondant au montant des recettes perdues par suite de la promotion. Cette histoire était étayée par une preuve documentaire, produite sous la cote R-2;

           e)       M. Conforti a témoigné que Mme Walker n'avait pas à assister aux réunions du personnel et qu'elle n'assistait pas aux séances de promotion. Mme Walker n'était pas d'accord; elle a donné des détails au sujet d'une séance de promotion à laquelle elle s'était portée volontaire;

           f)       M. Conforti a indiqué que Mme Walker pouvait prendre des vacances sans aviser le gérant; il a déclaré qu'elle l'avait fait. Mme Walker de son côté a déclaré ne pas avoir pris de vacances pendant qu'elle travaillait au salon, mais s'être absentée une fois lorsqu'il y avait eu un décès dans la famille. Elle a également indiqué que le gérant la réprimandait dès qu'elle quittait le salon, même pour aller prendre un café.

[10]     En général, dans la mesure où il y a des différences entre les deux témoignages, je préfère celui de Mme Walker. Selon moi, les comptes rendus détaillés que Mme Walker a faits au sujet de la relation sont crédibles. D'autre part, une bonne partie du témoignage que M. Conforti a présenté au sujet du travail de Mme Walker pose selon moi des problèmes. M. Conforti s'est en général contenté de répondre pour la forme et il n'a pas pu expliquer d'une façon satisfaisante certains faits importants, comme la façon dont les services de manucure étaient annoncés. Il se peut que M. Conforti ait su fort peu de choses au sujet de la relation. Mme Walker n'avait pas à rendre compte à M. Conforti et celui-ci se rendait au salon uniquement pour assurer la supervision. D'une façon générale, je conclus que la description que M. Conforti a faite de la relation n'est pas crédible dans la mesure où elle différait de celle de Mme Walker.

[11]     J'ai conclu qu'Oshawa Coiffures ne s'était pas acquittée de l'obligation qui lui incombait d'établir que Mme Walker travaillait comme entrepreneur indépendant. À mon avis, le contrôle exercé par Oshawa Coiffures, qui s'étendait à la plupart des aspects de la relation, à part la façon d'assurer le soin des mains et des pieds, constitue le facteur le plus important en l'espèce et l'emporte sur le fait que Mme Walker achetait un grand nombre des fournitures qu'elle utilisait et pouvait vendre ses propres produits. Oshawa Coiffures avait convenu que Mme Walker aurait avec elle une relation d'entrepreneur indépendant, mais elle n'a pas présenté de preuve crédible pour montrer qu'elle respectait un élément crucial de cette relation.

Alinéa 6d) du Règlement

[12]     Étant donné qu'il a été conclu que Mme Walker travaillait comme employée d'Oshawa Coiffures en common law, il n'est pas nécessaire de tenir compte d'un argument subsidiaire selon lequel l'emploi exercé par Mme Walker est réputé assurable, pour l'application de la Loi sur l'assurance-emploi, en raison de l'alinéa 6d) du Règlement.

[13]     À ma demande, les avocats ont présenté des observations par écrit sur ce point parce que la question n'avait pas été soulevée dans les actes de procédure. J'ai été informée que cet argument subsidiaire n'était pas soulevé dans la réponse de la Couronne parce qu'elle croyait que des arguments subsidiaires ne pouvaient pas être invoqués. Cela n'est pas exact, mais cela explique pourquoi l'argument n'a pas été soulevé par la Couronne.

[14]     Compte tenu des observations qui ont été soumises, je ferai de brèves remarques sur la question. Selon l'alinéa 6d) du Règlement, une personne est réputée exercer un emploi assurable si elle exerce un emploi dans un salon de barbier ou de coiffure, si elle fournit des services qu'offre normalement un tel établissement, et si elle n'est pas propriétaire ou exploitant de cet établissement. Il s'agit de savoir si un salon de coiffure « offre normalement » les services d'une technicienne manucure. Dans leurs observations écrites, les avocats ont chacun rendu compte du résultat d'une recherche effectuée dans l'annuaire afin de déterminer combien de salons de coiffure offrent les services de manucure. Comme on peut s'y attendre, les résultats obtenus par chacun étaient fort différents, la recherche effectuée par l'appelante donnant à entendre qu'habituellement, les salons de coiffure n'offraient pas de services de manucure, alors que la Couronne était arrivée à la conclusion contraire.

[15]     La question mérite un examen plus long que celui qu'il est possible de faire par écrit. Toutefois, compte tenu des renseignements restreints qui m'ont été donnés, j'hésite à conclure que le règlement s'applique aux techniciennes manucures, et ce, pour les raisons ci-après énoncées :

a)                  Dans le règlement, il est fait mention d'un « salon de coiffure » plutôt que d'un « salon de beauté » , soit une expression plus générale. Si le règlement était destiné à s'appliquer aux personnes qui offrent des services d'esthétique, on pourrait s'attendre à ce que l'établissement dont il est question dans le règlement soit décrit d'une façon plus générale ;

b)       Les services d'esthétique comme les manucures sont souvent offerts dans des établissements où l'on ne coupe pas les cheveux, par exemple dans des salons de manucure et dans des établissements thermaux. Si le règlement était destiné à s'appliquer aux techniciennes manucures, il y aurait probablement également été fait mention de ces autres établissements.

Suspension des intérêts

[16]     Oshawa Coiffures affirme qu'une ordonnance devrait être accordée afin d'empêcher les intérêts de courir pendant que les appels sont en instance. À cet égard, elle se fonde uniquement sur le pouvoir général d'une cour supérieure de décider de sa propre procédure.

[17]     Je ne puis souscrire à cette prétention. Le pouvoir général d'une cour supérieure de décider de sa propre procédure ne s'étend généralement pas à l'imposition d'intérêts prévus par la loi. Il est bien établi qu'un tribunal d'origine législative comme la Cour de l'impôt n'est pas autorisé à passer outre à une obligation de payer des intérêts prévue par la loi : Roussel v. M.N.R., 2000 DTC 6608 (C.A.F.).

[18]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Toronto (Ontario), ce 9e jour de septembre 2004.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI616

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2002-3923(EI) et 2002-3924(CPP)

INTITULÉ :

Oshawa Coiffures Ltd. s/n L'Attitudes International Image Centers et

MRN

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 27 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable J. M. Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelante :

Me Douglas H. Levitt

Avocate de l'intimé :

Me Bonnie Boucher

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Douglas H. Levitt

Cabinet :

Horlick Levitt

Toronto (Ontario)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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