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Dossier : 2002-3040(EI)

ENTRE :

VAL WALDBAUER

S/N VW INDUSTRY WORKPLACE DEVELOPMENT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Val Waldbauer s/n VW Industry Workplace Development (2002-3039(CPP)) à Winnipeg (Manitoba),

les 8, 9 et 10 septembre 2003

Devant : L'honorable Michael H. Porter, juge suppléant

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimé :

Me Michael Van Dam

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté; la décision rendue par le ministre et la cotisation établie par celui-ci sont confirmées selon les motifs de jugement ci-joints.


Signé à Calgary (Alberta), ce 12e jour de février 2004.

« Michael H. Porter »

Michael H. Porter, juge suppléant

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Dossier : 2002-3039(CPP)

ENTRE :

VAL WALDBAUER

S/N VW INDUSTRY WORKPLACE DEVELOPMENT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Val Waldbauer s/n VW Industry Workplace Development (2002-3040(EI)) à Winnipeg (Manitoba),

les 8, 9 et 10 septembre 2003

Devant : L'honorable Michael H. Porter, juge suppléant

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimé :

Me Michael Van Dam

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté; la décision rendue par le ministre et la cotisation établie par celui-ci sont confirmées selon les motifs de jugement ci-joints.


Signé à Calgary (Alberta), ce 12e jour de février 2004.

« Michael H. Porter »

Michael H. Porter, juge suppléant

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI25

Date : 20040212

Dossiers : 2002-3040(EI)

2002-3039(CPP)

ENTRE :

VAL WALDBAUER

S/N VW INDUSTRY WORKPLACE DEVELOPMENT,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Porter

[1]      Ces appels ont été entendus sur preuve commune avec le consentement des parties, au cours d'une période de trois jours allant du 8 au 10 septembre 2003, à Winnipeg (Manitoba).

[2]      L'appelante a interjeté appel contre les décisions par lesquelles le ministre du Revenu national (ci-après appelé le « ministre » ) a conclu, le 11 juillet 2002, que les personnes ci-après désignées (ci-après appelées les « travailleurs » ) qu'elle avait engagées pour les périodes mentionnées exerçaient un emploi assurable ouvrant droit à pension en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi sur l'AE » ) et du Régime de pensions du Canada (le « RPC » ) :

Margaret Cotie

du 1er janvier 2000 au 23 juillet 2001

David Fitzsimmons

du 1er janvier 2000 au 18 février 2000

Dianne Hamill

du 14 août 2000 au 15 juin 2001

Nikol Johnstone

du 10 janvier 2000 au 11 août 2000

[3]      L'appelante a également interjeté appel contre la décision par laquelle le ministre avait ratifié, le 11 juillet 2002, une cotisation en date du 25 octobre 2001 d'un montant de 2 124,78 $ au titre des cotisations au RPC et d'un montant de 1 523,18 $ au titre des cotisations relatives à l'assurance-emploi, plus les pénalités et intérêts applicables pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2001 à l'égard de l'emploi de Margaret Cotie et de Dianne Hamill.

[4]      Les motifs énoncés à l'appui des décisions rendues par le ministre étaient les suivants :

[TRADUCTION]

[Les travailleurs] étaient employés en vertu de contrats de louage de services et ils étaient donc vos employés.

[5]      Il a été déclaré que toutes les décisions du ministre ont été rendues en application du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'AE et du paragraphe 27.2(3) du RPC et qu'elles étaient respectivement fondées sur les alinéas 5(1)a) de la Loi sur l'AE et 6(1)a) du RPC.

[6]      La preuve révélait que, pendant les périodes en question, l'appelante exploitait, à titre de propriétaire unique, une entreprise sous le nom d'Industry Workplace Development ( « IWD » ), à Winnipeg (Manitoba). Elle s'occupait d'assurer la formation de délinquants, anciens ou nouveaux, c'est-à-dire, si je comprends bien, des gens qui s'étaient vu infliger des peines d'emprisonnement ou qui purgeaient des peines d'emprisonnement, en vue de leur permettre d'obtenir un emploi sur le marché du travail. Le projet que l'appelante administrait était financé par un certain nombre de sources différentes, notamment Développement des ressources humaines Canada ( « DRHC » ). Le financement assuré par DRHC est le seul qui est ici en cause. Ce ministère finançait simplement la formation elle-même, c'est-à-dire le coût des installations de formation, des installations à l'extérieur, du matériel, des meubles et des accessoires ainsi que les coûts associés au personnel, à savoir les agents de formation, et les frais d'exploitation liés à la prestation en classe. DRHC ne payait pas les frais d'administration associés à l'établissement du programme, à savoir l'appelante elle-même et une secrétaire. Ces coûts étaient financés par d'autres organismes.

[7]      Les fonds étaient versés par DRHC conformément à des propositions globales soumises par l'appelante pendant chaque année d'exploitation. Ces propositions étaient de leur côté approuvées et jointes aux contrats formels. Avant le paiement, divers formulaires confirmant la prestation des programmes conformément aux propositions et aux contrats devaient être déposés auprès de DRHC. Il en allait également de même pour le personnel chargé de la formation, c'est-à-dire qu'il fallait d'abord confirmer par écrit qui assurait la formation et les heures effectuées, après quoi les montants convenus étaient transmis à IWD pour que l'entreprise puisse payer le personnel chargé de la formation.

[8]      L'appelante a entrepris d'engager un certain nombre d'agents de formation pour assurer la formation visée par les contrats conclus avec DRHC. À cet égard, elle a engagé chacun des travailleurs ici en cause pour s'occuper de la formation et réaliser les programmes pendant les périodes susmentionnées. L'appelante maintient que chacun d'eux a été engagé à titre d'entrepreneur indépendant en vertu d'un contrat d'entreprise. D'autre part, le ministre a conclu qu'en fait, il s'agissait d'employés travaillant en vertu de contrats de louage de services. Telle est la question qui se pose dans ces appels.

Le droit

Contrats de louage de services et contrats d'entreprise

[9]      La façon dont la Cour doit décider si un contrat de travail particulier est un contrat de louage de services donnant naissance à une relation employeur-employé ou un contrat d'entreprise entraînant une relation d'entrepreneur indépendant a longtemps été fondée sur les remarques faites par le juge MacGuigan, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R.,87 DTC 5025. Le raisonnement effectué dans cette affaire a été précisé et expliqué plus à fond dans des arrêts de cette cour-là, à savoir les arrêts Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. v. M.N.R., 88 DTC 6099, Charbonneau c. Canada (M.R.N.),[1996] A.C.F. no 1337, et Vulcain Alarme Inc. v. The Minister of National Revenue, (1999) 249 N.R. 1, qui renferment tous des lignes de conduite utiles pour les tribunaux chargés de l'instruction de pareilles affaires.

[10]     La Cour suprême du Canada a maintenant réexaminé cette question dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. no 61, 2001 CSC 59, 274 N.R. 366. Dans cette affaire, la question s'était posée dans le contexte de la responsabilité du fait d'autrui. Toutefois, la Cour a reconnu que les mêmes critères s'appliquaient dans de nombreux autres cas, notamment en matière d'emploi. Le juge Major, au nom de la Cour, a approuvé l'approche adoptée dans l'arrêt Wiebe Door (précité), où le juge MacGuigan avait analysé les arrêts canadiens, anglais et américains faisant autorité, et, en particulier, avait mentionné les quatre critères permettant d'arriver à une décision, lesquels avaient été énoncés par lord Wright dans l'arrêt City of Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Le juge MacGuigan a conclu ce qui suit à la page 5028 :

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright [contrôle, propriété des instruments, chances de bénéfice, risques de perte] constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à "examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties". Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

À la page 5029, le juge a dit ce qui suit :

[...] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci-dessus "l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations", et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés. (Je souligne.)

Et à la page 5030, il avait ceci à dire :

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles. [...]

Le juge a également fait la remarque suivante :

Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents, [...].

[11]     Le juge MacGuigan a également dit ceci :

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION] Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : "La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte". Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

[12]     Dans l'arrêt Kinsmen Flying Fins Inc., précité, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit :

[...] comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

[13]     La nature des critères mentionnés par la Cour d'appel fédérale peut être résumée comme suit :

a)        le degré de contrôle exercé par le présumé employeur ou l'absence de contrôle;

b)       la propriété des instruments de travail;

c)        les chances de bénéfice;

d)       les risques de perte.

De plus, la Cour doit examiner la question de l'intégration, le cas échéant, du travail du présumé employé dans l'entreprise du présumé employeur.

[14]     Dans l'arrêt Sagaz, précité, le juge Major a dit ce qui suit :

[...] Le contrôle n'est toutefois pas le seul facteur à considérer pour décider si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. [...].

[15]     Le juge Major a parlé du caractère inadéquat du « critère du contrôle » en approuvant encore une fois les remarques que le juge MacGuigan avait faites dans l'arrêt Wiebe Door, précité :

Ce critère [le critère du contrôle] a le grave inconvénient de paraître assujetti aux termes exacts du contrat définissant les modalités du travail : si le contrat contient des instructions et des stipulations détaillées, comme c'est chose courante dans les contrats passés avec un entrepreneur indépendant, le contrôle ainsi exercé peut être encore plus rigoureux que s'il résultait d'instructions données au cours du travail, comme c'est l'habitude dans les contrats avec un préposé, mais une application littérale du critère pourrait laisser croire qu'en fait, le contrôle exercé est moins strict. En outre, le critère s'est révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger.

[16]     Le juge Major a ajouté ce qui suit :

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, [[1952] 1 The Times L.R. 101], qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme - en citant Atiyah, [Vicarious Liability in the Law of Torts. Londres : Butterworths, 1967], p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 - qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

            [TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

            Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[17]     Je m'inspire également des paroles du juge Décary dans l'arrêt Charbonneau, précité; le juge parlait au nom de la Cour d'appel fédérale lorsqu'il a dit ce qui suit :

Les critères énoncés par cette Cour [...] ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utile de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail [...] ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service [...]. En d'autres termes, il ne faut pas, [...], examiner les arbres de si près qu'on perde de vue la forêt. Les parties doivent s'effacer devant le tout. (Je souligne.)

[18]     Je me reporte également aux remarques du juge Létourneau dans l'arrêt Vulcain Alarme, précité, à savoir :

[...] Ces critères jurisprudentiels sont importants mais, faut-il le rappeler, ils ne sauraient compromettre le but ultime de l'exercice, soit d'établir globalement la relation entre les parties. Cet exercice consiste à déterminer s'il existe entre les parties un lien de subordination tel qu'il faille conclure à l'existence d'un contrat de travail au sens de l'article 2085 du Code civil du Québec ou s'il n'existe pas plutôt entre celles-ci ce degré d'autonomie qui caractérise le contrat d'entreprise ou de service. [...]

[19]     Je tiens en outre compte du fait que, par suite des décisions récemment rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Wolf c. Canada, [2002] A.C.F. no 375, et Précision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 771, un degré considérable de latitude semble peu à peu avoir été accordé dans la jurisprudence, ce qui permet d'engager des experts-conseils de façon qu'ils ne soient pas réputés être des employés comme ils auraient autrefois pu l'être. Je songe en particulier aux paroles du juge Décary dans l'arrêt Wolf,précité, lorsqu'il a dit ce qui suit :

De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l'embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n'est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l'on devait mentionner des facteurs particuliers je nommerais le manque de sécurité d'emploi, le peu d'égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité. (Je souligne.)

[20]     Il semble donc à la présente cour que le pendule a commencé à osciller, de façon à permettre aux personnes concernées de régir leurs affaires plus facilement lorsqu'un travail d'expert-conseil est en cause et de façon que ces personnes puissent plus facilement se classer, sans intervention des tribunaux judiciaires ou du ministre, dans la catégorie des entrepreneurs indépendants plutôt que dans celle des employés travaillant en vertu de contrats de louage de services.

[21]     En fin de compte, il n'y a pas de formule préétablie. Tous ces facteurs doivent être pris en considération et, comme le juge Major l'a dit dans l'arrêt Sagaz, précité, l'importance à accorder à chacun dépend des circonstances et faits particuliers de l'affaire. Un grand nombre de critères peuvent être passablement neutres et peuvent s'appliquer également aux deux types de situations. En pareil cas, il faut s'arrêter sérieusement à l'intention des parties. C'est au juge qui préside l'instruction qu'il incombe de le faire.

Les faits

[22]     Dans les réponses aux avis d'appel qui ont été signés en son nom, le ministre a déclaré s'être fondé sur les hypothèses de fait ci-après énoncées (j'ai indiqué entre parenthèses si l'appelante admettait ces hypothèses ou si elle les réfutait) :

[TRADUCTION]

a)          l'appelante s'occupait de concevoir un projet visant à permettre la réintégration sociale des anciens délinquants en chômage en leur assurant une formation en classe ou en cours d'emploi; (admis)

b)          l'entreprise de l'appelante était financée par les autorités fédérales et provinciales; (admis)

c)          l'appelante exerçait un contrôle sur les activités quotidiennes de l'entreprise et prenait toutes les décisions y afférentes; elle recrutait notamment les clients, fixait les échéances et les horaires, embauchait et congédiait le personnel, signait les contrats et décidait de la direction de l'entreprise; (non admis)

d)          les travailleurs étaient embauchés par l'appelante; (admis, à condition que le mot « embauché » n'ait pas une portée plus étendue que le mot « engagé » ) (Un autre travailleur procédait à une sélection préalable des travailleurs.)

e)          M. Fitzsimmons a été embauché comme moniteur; dans l'exercice de ses fonctions, il devait notamment donner des cours en classe, établir des contacts pour les clients à des fins d'emploi et d'enseignement et avoir des entrevues avec les clients; (admis) ( « embauché » signifiant « engagé » )

f)          Mme Johnstone a été embauchée comme monitrice; dans l'exercice de ses fonctions, elle devait notamment donner des cours en classe et trouver de l'emploi pour les clients; (admis) ( « embauchée » signifiant « engagée » )

g)         Mme Hamill a été embauchée comme monitrice chargée du counselling d'emploi; dans l'exercice de ses fonctions, elle devait notamment avoir des entrevues avec les clients, assurer la formation informatique, chercher des emplois et fournir de l'aide pour la recherche d'un emploi; (admis) ( « embauchée » signifiant « engagée » )

h)          Mme Cotie a été embauchée comme directrice de l'enseignement; dans l'exercice de ses fonctions, elle devait notamment élaborer un programme d'études, effectuer des recherches au sujet du matériel de cours et en assurer la mise au point, aider à recruter des clients et remplir des fonctions de facilitation, d'évaluation et de counselling; (admis)

i)           M. Fitzsimmons touchait un salaire horaire fixe de 9,50 $; (L'appelante convenait du montant, mais il s'agissait selon elle d'un honoraire plutôt que d'un salaire.)

j)           Mme Johnstone touchait un salaire fixe de 2 350 $ pour la prestation d'un programme, le montant s'élevant à 18 800 $ pour la prestation de huit programmes en tout; (admis. Le montant a été admis, mais l'appelante maintient qu'il s'agissait d'un honoraire plutôt que d'un salaire. Le travailleur a en outre quitté son emploi avant d'avoir mené à bonne fin la prestation des huit programmes.)

k)          Mme Hamill gagnait un salaire annuel fixe de 32 000 $; (Il a été convenu du montant. L'appelante maintient qu'il s'agissait d'un honoraire plutôt que d'un salaire et que le travailleur touchait en fait un montant plus élevé.)

l)           Mme Cotie gagnait un salaire annuel fixe de 44 000 $; (Le montant a été convenu. L'appelante maintient qu'il s'agissait d'un honoraire plutôt que d'un salaire et que le travailleur touchait en fait un montant plus élevé.)

m)         Mme Cotie avait droit à des vacances payées; (L'appelante convenait que Mme Cotie prenait des vacances et que les autres moniteurs la remplaçait alors. Je retiens cette affirmation.)

n)          l'appelante fixait les taux de rémunération des travailleurs; (non admis) (L'appelante a fait savoir qu'elle négociait les taux de rémunération. Je retiens cette affirmation.)

o)          les travailleurs étaient normalement rétribués aux deux semaines; (admis)

p)          l'appelante rétribuait les travailleurs; (admis)

q)          le bureau de l'appelante était ouvert du lundi au vendredi, de 8 à 16 h; (admis)

r)           les travailleurs travaillaient normalement du lundi au vendredi, de 8 à 16 h; (non admis)

s)          M. Fitzsimmons ainsi que Mmes Hamill et Cotie étaient tenus de travailler au moins 37,5 heures par semaine; (admis)

t)           l'appelante exerçait un contrôle sur les jours et les heures de travail des travailleurs; (non admis)

u)          l'appelante enregistrait les heures des travailleurs; (admis)

v)          l'appelante conservait un droit de contrôle sur les travailleurs; (admis)

w)         les travailleurs faisaient rapport chaque jour à l'appelante; (non admis)

x)          l'appelante supervisait les travailleurs; (admis) (L'appelante a déclaré qu'elle devait s'assurer que les normes de chaque contrat étaient respectées.)

y)          les travailleurs assistaient aux conférences quotidiennes et aux réunions hebdomadaires du personnel tenues par l'appelante; (admis) (habituellement)

z)          les travailleurs qui devaient s'absenter étaient tenus d'aviser l'appelante; (admis)

aa)        les travailleurs étaient tenus de rédiger des rapports d'activité; (admis)

bb)        les travailleurs ne pouvaient pas embaucher leurs propres assistants ou se faire remplacer; (admis)

cc)        les travailleurs fournissaient leurs services dans les locaux de l'appelante; (admis)

dd)        l'appelante fournissait les locaux, notamment un bureau et une salle de classe; (admis)

ee)        l'appelante fournissait tous les instruments de travail et le matériel nécessaires, y compris l'ameublement et le matériel audiovisuel; (admis)

ff)          l'appelante fournissait toutes les fournitures et tout le matériel nécessaires; (admis)

gg)        l'appelante fournissait une assurance-responsabilité; (admis)

hh)        les travailleurs n'avaient pas de chances de réaliser des bénéfices et ne risquaient pas de subir des pertes; (non admis)

ii)          les travailleurs n'exploitaient pas une entreprise à leur compte; (non admis)

jj)          l'appelante a versé à Mmes Hamill et Cotie, pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2001, les montants suivants au titre du salaire; (admis)

            Mme Hamill                    88 877,13 $

            Mme Cotie                                 20 491,18 $

kk)        les travailleurs étaient employés par l'appelante en vertu d'un contrat de louage de services.

[23]     L'appelante ainsi que deux travailleurs, soit Margaret Cotie et Dianne Hamill, ont témoigné. J'estime que l'appelante consacrait tous ses efforts à son travail et qu'elle était fondamentalement honnête. Toutefois, avec égards, son exposé était plutôt désordonné; il en va de même pour la façon dont elle gérait son entreprise. À mon avis, elle avait certaines connaissances en droit, mais ces connaissances étaient incomplètes, ce qui avait pour effet de la mettre dans une situation dangereuse sur le plan des affaires puisqu'elle n'avait pas une idée complète de l'état des choses.

Les contrats conclus avec DRHC

[24]     Pendant les périodes pertinentes, l'appelante a conclu deux contrats avec DRHC. Le premier contrat, daté du 18 avril 2000, concernait le financement d'un programme qui a été mis en oeuvre de la mi-avril 2000 au 31 mars 2001 et le second se rapportait à la période allant du 7 mai au 30 novembre 2001.

[25]     Selon le premier contrat (le « contrat no 1 » ), une somme de 79 680 $, qui a par la suite été portée à 86 680 $, était fournie en vue de couvrir le coût additionnel d'un moniteur chargé du développement personnel pour la période allant du 15 janvier au 31 mars 2001. Les coûts visés par le contrat sont ci-après énumérés :

Installations sur place

2 250 $

Installations à l'extérieur

5 000 $

Utilisation du matériel

1 280 $

Ameublement et accessoires

    830 $

Personnel

73 800 $

Frais d'exploitation pour la prestation en classe

3 520 $

Total

86 680 $

[26]     Ce contrat avait pour objet [TRADUCTION] « de fournir aux jeunes anciens délinquants les compétences nécessaires pour devenir de bons employés; d'assurer l'accès à des possibilités d'emploi visant à permettre aux participants de faire un apprentissage en cours d'emploi et d'acquérir une expérience professionnelle tout en développant des antécédents professionnels. La formation est destinée à assurer que le participant soit prêt à trouver du travail et à lui permettre d'obtenir un emploi » .

[27]     Dans les attendus du contrat, il est déclaré que l'appelante se propose de réaliser le projet (susmentionné) et qu'elle a demandé à DRHC une aide financière à l'égard du coût du projet, aide à laquelle elle est admissible selon certaines initiatives gouvernementales; il est également déclaré que DRHC est prêt à accorder cette aide à certaines conditions.

[28]     Le second contrat (le « contrat no 2 » ), daté du 7 mai 2001, avait à toutes fins utiles le même objet, mais les dates et les montants étaient différents et le contrat mentionnait expressément trois postes financés comme suit :

Salaires administratifs

73 181,81 $

1.

Directeur exécutif

(Il devrait plutôt être fait mention du directeur de l'enseignement)

27 500,00 $

2.

Directeur du counselling d'emploi

20 000,00 $

3.

Moniteur chargé du développement personnel

23 375,00 $

Montant total des salaires

70,875,00 $

[29]     Selon le témoignage et les observations qu'elle a présentés, l'appelante acheminait simplement l'argent et agissait fondamentalement à titre d'intermédiaire entre DRHC et le personnel chargé de la prestation du programme. L'appelante a ensuite conclu en disant que DRHC exigeait que les membres du personnel soient des entrepreneurs indépendants, étant donné qu'ils étaient financés en cette qualité. C'était sur le plan de la logique un pas de géant et c'est probablement ce qui a été à l'origine de l'idée erronée que l'appelante se faisait à ce sujet.

[30]     Dans une certaine mesure, le raisonnement de l'appelante est exact, étant donné que sans aucun doute si (et je souligne) elle avait incorporé dans sa proposition les coûts additionnels qu'elle engagerait peut-être en engageant les membres du personnel à titre d'employés, DRHC aurait sans doute inclus ces coûts dans le financement. Somme toute, c'est DRHC qui aurait initialement décidé si ces gens étaient des employés ou des entrepreneurs dans le cas où on le lui aurait demandé, de sorte que le gouvernement sortirait simplement de l'argent d'une poche pour le mettre dans l'autre. Toutefois, ce n'est pas tout; en effet, il y a la question des avantages offerts aux travailleurs selon un scénario, mais non selon l'autre. Des tiers sont donc en cause.

[31]     Toutefois, en fin de compte, DRHC n'entretenait aucune relation avec les travailleurs, qui traitaient directement avec l'appelante. DRHC fournissait simplement le financement proposé et demandé par l'appelante, mais la chose en soi n'influait par sur la relation véritable existant entre l'appelante et les travailleurs; DRHC n'entretenait pas de relations contractuelles avec les travailleurs et l'appelante n'était aucunement mandataire de DRHC.

[32]     La clause 15.4 des contrats, qui est libellée comme suit, renforce l'approche que j'ai adoptée :

[TRADUCTION]

15.4      La gestion, la supervision et le contrôle du projet relèvent entièrement du COORDINATEUR. Le COORDINATEUR n'est aucunement autorisé à faire une promesse, à conclure une entente ou à passer un contrat pour le compte du MINISTÈRE. Le COORDINATEUR est entièrement responsable des paiements et déductions exigés par la loi, notamment ceux qui doivent être faits au titre du Régime de pensions du Canada, de l'assurance-emploi, des accidents du travail et de l'impôt sur le revenu; il doit également respecter la loi provinciale applicable en matière de normes. Les parties aux présentes déclarent qu'aucune disposition de la présente entente ne doit être interprétée comme créant entre elles une association légalement obligatoire ou une relation mandant-mandataire.

[33]      Il ressort clairement de cette clause que DRHC était simplement tenu de fournir des fonds et que la gestion du projet relevait exclusivement de l'appelante. L'appelante avait été avisée qu'elle serait responsable des déductions et paiements afférents au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-emploi.

[34]      À mon avis, il n'y a donc rien dans ces contrats qui entre en ligne de compte lorsqu'il s'agit de décider si ces travailleurs étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants. Cette décision doit être fondée sur la situation factuelle dans laquelle les relations elles-mêmes s'inscrivent.

Les contrats conclus avec les travailleurs

[35]      Les contrats conclus entre l'appelante et chacun des travailleurs ont été produits sous les cotes A-1 à A-5 respectivement. Chaque contrat est plus ou moins différent, mais de nombreuses clauses sont similaires.

[36]      Le premier contrat à être conclu, le 26 novembre 1999, l'a été avec David Fitzsimmons (pièce A-3). Je crois comprendre, selon la preuve, que la durée de ce contrat était de trois mois, du mois de novembre 1999 au mois de février 2000. Ce contrat a donc été conclu avant les deux périodes visées par les contrats conclus avec DRHC (pièces A-6 et A-7). La période en question dans cet appel, en ce qui concerne M. Fitzsimmons, va du 1er janvier au 18 février 2000.

[37]      Il ressort clairement du libellé même de ce contrat que ce travailleur était engagé à titre d'employé. C'est à ce titre qu'il est désigné dans tout le contrat et il n'y a rien dans la preuve mise à ma disposition qui change de quelque façon que ce soit cette désignation.

[38]      Le deuxième contrat à être conclu, le 1er avril 2000, concernait Margaret Cotie (pièce A-2). Il semble avoir été signé après que l'appelante eut signé la proposition initiale qu'elle avait soumise à DRHC, mais avant que le contrat avec DRHC lui-même ait été signé, le 18 avril 2000. Ce contrat correspondait au moment où DRHC a informé l'appelante que le financement avait été approuvé. Néanmoins, la preuve révélait que Mme Cotie avait déjà travaillé pour l'appelante à compter du mois de novembre 1999.

[39]      Mme Cotie a également conclu un second contrat (pièce A-1) le 7 mai 2001, soit la date à laquelle DRCH a signé le second contrat passé avec l'appelante, à savoir la pièce A-7.

[40]      Mme Cotie elle-même a témoigné au sujet de sa situation, comme l'a également fait l'appelante.

[41]      Le premier contrat, pièce A-2, énonçait les dispositions pertinentes suivantes :

[TRADUCTION]

[...] ET ATTENDU QUE MARGARET COTIE est directrice de l'enseignement et qu'elle a conclu un contrat en vue de fournir ses services à la directrice du projet.

[...]

1.         La directrice de l'enseignement s'engage à servir la directrice du projet d'une façon loyale, honnête et diligente, dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de cette dernière.

2.         La directrice de l'enseignement et la directrice du projet reconnaissent et conviennent qu'elles entretiennent entre elles une relation de confiance mutuelle.

3.         La directrice de l'enseignement ne divulguera jamais à une personne, à une entreprise ou à une société des renseignements concernant l'entreprise ou les affaires de la directrice du projet ou le projet qu'elle aura obtenus dans l'exercice de son emploi ou d'une façon accessoire à son emploi auprès de la directrice du projet ou autrement, que ce soit à son profit ou au détriment de la directrice du projet, et ce, qu'il s'agisse d'un préjudice réel, envisagé ou probable.

4.         a) La directrice de l'enseignement s'engage à accomplir toutes les tâches assignées par la directrice du projet d'une façon professionnelle et diligente;

            b) La directrice de l'enseignement fera rapport à la directrice du projet ou à la personne que celle-ci aura désignée;

            c) La directrice de l'enseignement sera responsable des tâches assignées dans les paramètres ci-après énoncés, qui seront définis plus à fond dans le cadre des discussions et examens qui auront lieu de temps en temps; ces tâches comprendront les services suivants à fournir dans le cadre de l'enseignement et de la formation, en vue d'assurer la prestation expresse de huit (8) segments en classe :

·         élaboration d'un programme d'études sur une base continue;

·         enseignement en classe, en segments de quatre semaines pour chaque prestation du programme, le premier segment devant commencer le 24 avril 2000 et le huitième segment devant prendre fin le 23 mars 2001;

·         administration et préparation de la documentation connexes;

·         obligation de rendre compte à la gestionnaire ou directrice du projet;

·         une somme de 44 000 $ sera payée pour l'ensemble des services visés par le contrat; sur cette somme, un montant de 40 000 $ sera versé à l'égard des huit (8) segments en classe et de l'administration connexe et un montant de 4 000 $ sera versé à l'égard de l'élaboration du programme d'études relatif aux huit (8) segments, y compris les améliorations et modifications connexes.

5.          La directrice de l'enseignement convient que les documents, dossiers, pièces, enregistrements, matériels et autres éléments similaires concernant l'entreprise de la directrice du projet et préparés, utilisés ou possédés par la directrice de l'enseignement seront et demeureront la propriété exclusive de la directrice du projet et qu'au moment où il sera mis fin à l'emploi de la directrice de l'enseignement auprès de la directrice du projet, la directrice de l'enseignement remettra immédiatement à la directrice du projet toutes les copies de ces documents, dossiers, pièces, enregistrements, matériels et autres éléments similaires.

6.         La directrice de l'enseignement convient de ne pas se lancer directement ou indirectement dans une entreprise identique ou semblable à celle qui est maintenant exploitée par la directrice du projet et de ne pas s'engager pour travailler pour une personne, une entreprise ou une société exploitant le même type d'entreprise ou un type similaire d'entreprise à Winnipeg (Manitoba) lorsqu'il sera mis fin pour quelque motif que ce soit à son emploi auprès de la directrice du projet, et ce, pour une période de deux ans à compter du moment de la cessation d'emploi, sauf avec le consentement écrit de la directrice du projet. (Je souligne.)

[42]      Le premier attendu est peut-être quelque peu ambivalent, mais je note que le travailleur devait [TRADUCTION] « servir la directrice du projet d'une façon honnête et diligente » , ce qui donne clairement à entendre l'existence d'une relation employeur-employé. En effet, les entrepreneurs indépendants ne [TRADUCTION] « servent » pas; ils fournissent un service.

[43]      La clause 3 était une clause de non-divulgation, mais elle renfermait les mots [TRADUCTION] « accessoire à son emploi » par opposition aux mots [TRADUCTION] « dans le cadre de la prestation des services prévus au contrat » .

[44]      En vertu de la clause 4, le travailleur s'engageait à [TRADUCTION] « accomplir toutes les tâches assignées par la directrice du projet » , plutôt qu'à fournir un service précis comme elle l'entendait. Le travailleur devait également [TRADUCTION] « f[aire] rapport à la directrice du projet » et être [TRADUCTION] « responsable des tâches assignées » . Ce sont également les marques d'une relation employeur-employé plutôt que celles d'une relation avec un entrepreneur indépendant.

[45]      Selon moi, la clause 6 a énormément d'importance étant donné qu'elle empêchait le travailleur de se lancer dans un genre de travail similaire à Winnipeg pour une période de deux ans [TRADUCTION] « lorsqu'il sera[it] mis fin à son emploi auprès de la directrice du projet » . Il est fort difficile de concevoir qu'un entrepreneur indépendant qui exploite sa propre entreprise accepterait une telle restriction, car il ne pourrait pas exploiter son entreprise lorsque le contrat serait résilié. Une telle clause est beaucoup plus compatible avec une relation employeur-employé.

[46]      La portée générale du contrat est celle d'un contrat de louage de services conclu avec un employé. Je conclus à la lecture du contrat qu'il ne s'agissait pas d'un contrat personnalisé; il s'agissait simplement d'une adaptation d'un autre formulaire de contrat mis à la disposition de l'appelante. Néanmoins, c'est ainsi que le contrat est rédigé.

[47]      Le second contrat conclu avec Mme Cotie (pièce A-1), en date du 7 mai 2001, lequel a en fin de compte été en vigueur jusqu'au 23 juillet seulement, est plutôt différent.

[48]      Le titre désigne le travailleur comme étant un [TRADUCTION] « fournisseur de services » et, dans le deuxième attendu, il est dit que Mme Cotie [TRADUCTION] « travaille à son compte » (en majuscules) [TRADUCTION] « en vue de fournir des services à la directrice du projet » .

[49]      Les clauses 1, 2 et 3 sont identiques à celles de la pièce A-2.

[50]      Les clauses 4 et 5 sont à peu près les mêmes que les clauses 4 et 5 de la pièce A-2, mais les tâches à accomplir sont modifiées et la clause de non-divulgation a une portée plus étendue. Il est néanmoins fait mention de renseignements [TRADUCTION] « obtenus dans l'exercice de l'emploi auprès de la directrice du projet » et le contrat exige que le travailleur [TRADUCTION] « accomplisse toutes les tâches assignées par la directrice du projet » .

[51]      La deuxième clause 5 figurant dans le contrat prévoyait simplement que [TRADUCTION] « les documents, dossiers, pièces, enregistrements, matériels et autres éléments similaires concernant l'entreprise de la directrice du projet et préparés, utilisés ou possédés par le fournisseur de services » demeuraient la propriété exclusive de l'appelante. Par conséquent, tout ce que le travailleur allait élaborer ou produire devait appartenir à l'appelante. Cette clause porte également la marque d'un emploi.

[52]      La clause 7 comporte une restriction similaire à l'égard de l'exploitation d'un type similaire d'entreprise. Encore une fois, cette clause n'est pas exactement compatible avec l'existence d'une relation avec un entrepreneur indépendant exploitant une entreprise à son compte.

[53]      Le troisième contrat, quant à la date de la conclusion, était le contrat conclu avec Nikol Johnstone le 1er avril 2000 (pièce A-4). Il s'est appliqué du 10 janvier au 11 août 2000. Il renfermait des dispositions identiques à celles figurant dans le contrat conclu avec Margaret Cotie, daté du même jour, sauf que les services à fournir, selon la clause 4, étaient quelque peu différents. Les contrats étaient par ailleurs identiques.

[54]      Le dernier contrat a été conclu avec Diane Hamill; il était daté du 14 août 2000 (pièce A-5). Mme Hamill a travaillé du 14 août 2000 au 15 juin 2001.

[55]      Le libellé de ce contrat était encore une fois quelque peu différent. Dans le titre, le travailleur est désigné comme étant [TRADUCTION] « l'employé » .

[56]      Le premier attendu est rédigé comme suit :

[TRADUCTION]

ET ATTENDU QUE l' « employé » a conclu un contrat avec l'employeur et travaille à son compte et qu'il est inscrit au Manitoba.

Il est impossible de trouver des termes aussi contradictoires. On peut se demander à quel titre cette personne était inscrite au Manitoba.

[57]     Dans le contrat, il est partout fait mention de [TRADUCTION] « l'employé » .

[58]     Les autres clauses sont à toutes fins utiles identiques à celles des autres contrats, sauf que les services à fournir sont différents.

[59]     En résumé, je puis uniquement dire que la teneur générale de tous ces contrats est celle d'une relation entre un employeur et un employé travaillant en vertu d'un contrat de louage de services plutôt qu'un entrepreneur indépendant régi par un contrat d'entreprise. Le titre même qui est attribué au travailleur dans tous les cas sauf un (le second contrat conclu par Mme Cotie) est celui d'employé. Le titre attribué à la relation n'est pas exhaustif, et la Cour doit examiner la relation de travail qui existe réellement, mais il n'y a rien dans ces contrats écrits qui aide l'appelante dans ses appels. De fait, la preuve y afférente est fort défavorable à l'appelante.

Preuve des témoins

[60]     J'examinerai maintenant le témoignage de Mme Waldbauer. Partout dans son témoignage, elle a donné à entendre qu'elle acheminait simplement les fonds et qu'elle travaillait pour le compte de DRHC en vue d'engager des travailleurs et que DRHC exerçait un contrôle complet sur toutes les activités. Encore une fois, Mme Waldbauer ne comprend absolument pas, selon moi, la relation qu'elle entretient avec DRHC et la relation qui existe entre les travailleurs et elle.

[61]     Il est clair à mes yeux que le programme était celui de l'appelante et qu'afin de le mettre en oeuvre, l'appelante pouvait obtenir des fonds de divers organismes gouvernementaux, notamment DRHC, qui offrait un programme de financement. Afin d'avoir accès à ces fonds, l'appelante devait satisfaire à certains critères, et notamment fournir des renseignements au sujet des membres du personnel, de leurs contrats, des heures pendant lesquelles les programmes étaient offerts, du matériel de cours. Elle devait également soumettre des vérifications indiquant la façon dont les fonds étaient en fait déboursés. Il ne s'agissait pas pour autant d'un programme opérationnel de DRHC, qui devait simplement assurer le financement. À cette fin, DRHC devait veiller à ce que certaines choses soient en place et soient réellement accomplies. DRHC ne participait pas à la mise en oeuvre du programme. Le ministère n'avait pas de contacts directs avec les travailleurs ou avec les étudiants. Il devait simplement s'assurer que ses critères étaient respectés avant d'avancer les fonds à l'appelante pour qu'elle puisse exploiter son entreprise.

[62]     Par conséquent, lorsque le témoin dit que DRHC a approuvé deux travailleurs à titre d'entrepreneurs indépendants, elle se trompait puisque ce n'était pas le cas. DRHC approuvait les formulaires de contrat à des fins de financement et la relation exacte entre l'appelante et les travailleurs ne l'intéressait pas.

[63]     En appréciant le témoignage de l'appelante, je ne fais donc aucun cas de l'idée selon laquelle DRHC avait un rôle lorsqu'il s'agissait d'établir la nature des dispositions contractuelles prises avec les travailleurs. Les travailleurs devaient simplement être acceptables pour DRHC en ce sens qu'ils répondaient aux critères de financement.

[64]     L'appelante a contesté le point 6c) des hypothèses de fait émises par le ministre. Toutefois, je conclus que le ministre a raison.

[65]     En ce qui concerne les points mentionnés aux alinéas 6r), t), u), v), w), et x), la preuve montre clairement selon moi que l'appelante exerçait également un contrôle sur toutes ces questions. Il est vrai que les travailleurs décidaient de leur propre programme et des cours dispensés, mais l'appelante avait le droit d'y apporter des changements ou des modifications. Elle tenait régulièrement des réunions avec les travailleurs, enregistrait leurs heures (ce qu'elle devait faire en ce qui concerne l'enseignement en classe afin d'avoir droit au financement de DRHC) et les obligeait à signer lorsqu'ils se présentaient pour enseigner et lorsqu'ils partaient. Certaines de ces questions ont un sens équivoque étant donné qu'elles peuvent exister indépendamment du fait que les travailleurs sont des entrepreneurs ou des employés. Néanmoins, les hypothèses du ministre étaient exactes.

[66]     J'ai également noté que, même s'ils pouvaient se remplacer mutuellement lorsqu'ils donnaient les cours, les travailleurs ne pouvaient pas demander à des gens de l'extérieur de le faire.

[67]     J'ai également noté que les travailleurs étaient rétribués aux deux semaines. Encore une fois, la chose n'a aucune importance absolue, mais telles étaient les modalités de paiement. L'appelante a qualifié ces paiements [TRADUCTION] d' « honoraires » , mais je conclus que cette caractérisation est plutôt artificielle. Il est clair qu'au mois d'avril 2000, lorsque le financement a été approuvé, l'appelante a obtenu de DRHC un genre d'avance dont elle devait rendre compte et qu'elle a ensuite rétribué les travailleurs à l'aide de ces fonds.

[68]     L'appelante a souscrit, d'une façon générale, aux tâches attribuées aux travailleurs par le ministre.

[69]     Dans l'ensemble, sauf quelques exceptions, j'estime que les hypothèses de fait du ministre sont exactes. L'interprétation à donner à ces faits est réellement la question qui est ici en litige.

[70]     Dans son témoignage, Margaret Cotie a déclaré avoir commencé à travailler dans le cadre du programme au mois de novembre 1999. Le directeur du programme était John Hall, qui avait initialement embauché Mme Cotie et avait quitté son emploi au mois de janvier 2000. Mme Cotie est ensuite devenue directrice de l'enseignement, ce qui voulait dire qu'elle donnait encore des cours pendant quatre semaines et s'occupait de l'élaboration du programme pendant deux semaines entre les cycles de quatre semaines.

[71]     Dans son témoignage, Mme Cotie a déclaré, et je la crois, que l'appelante lui avait présenté le contrat et qu'elle l'avait signé sans en discuter à ce moment-là. Il s'agissait de la pièce A-1, qui a été rédigée bien après que Mme Cotie eut commencé à exercer ses fonctions.

[72]     Mme Cotie a convenu qu'au mois de janvier 2000, elle avait eu une discussion avec l'appelante lorsque cette dernière lui avait dit qu'il serait préférable pour elle, le travailleur, de travailler à son compte plutôt qu'à titre employé étant donné que le montant de son chèque serait plus élevé et qu'elle pourrait déduire de son revenu, aux fins de l'impôt, ses dépenses, les frais d'utilisation et de réparation d'un véhicule ainsi que les frais de repas. Mme Cotie a déclaré que Mme Waldbauer lui avait également dit qu'il serait plus facile pour elle, l'appelante, de procéder ainsi sur le plan administratif. L'appelante lui a demandé de s'inscrire comme propriétaire de petite entreprise au Manitoba. Mme Cotie a dit à l'appelante qu'elle savait fort peu de choses à ce sujet et l'appelante lui a assuré qu'elle l'aiderait.

[73]     En fin de compte, Mme Cotie a de fait déduit certaines dépenses dans la déclaration de revenu qu'elle a produite cette année-là. Toutefois, lorsqu'elle travaillait pour l'appelante, Mme Cotie n'estimait pas travailler à son compte et elle ne se considérait pas comme exploitant une entreprise. Pendant cette période, elle n'a travaillé pour personne d'autre.

[74]     Dans l'exercice de ses fonctions de directrice de l'enseignement, Mme Cotie aidait l'appelante à élaborer des propositions aux fins du financement et à les soumettre à DRHC. Son travail était également assujetti à un examen de la part de l'appelante et si ce travail ne plaisait pas à l'appelante, elle, le témoin, devait effectuer des changements. En fait, en ce qui concerne l'élément « enseignement » , le témoin a clairement dit que l'appelante exerçait sur elle un contrôle étroit.

[75]     Je déduis du témoignage de Mme Cotie qu'il arrivait parfois qu'elle apporte du travail chez elle, mais qu'habituellement ce n'était pas le cas.

[76]      Enfin, au mois de juillet 2001, Mme Cotie a voulu s'absenter; elle a eu une altercation avec l'appelante et elle est partie. Il y avait entre elles un différend continu sur les questions d'argent.

[77]      Selon moi, Mme Cotie ne savait pas trop quel était son statut pendant qu'elle travaillait pour l'appelante; la confusion a continué à exister après son départ. J'ai eu l'impression que le témoin estimait que l'organisation avait toujours été chaotique. En fin de compte, je suis fermement arrivé à la conclusion selon laquelle l'appelante et Mme Cotie ne s'entendaient pas au sujet de la nature exacte de la relation professionnelle existant entre elles.

[78]      Dianne Hamill a également témoigné. Elle avait vu une offre d'emploi et elle avait rencontré l'appelante et Mme Cotie ensemble. Elle a signé un contrat, la pièce A-5, à son arrivée. Mme Hamill a déclaré que, quant à elle, le contrat voulait dire [TRADUCTION] qu' « elle était une employée et [que] l'appelante était la patronne » .

[79]      Dans l'exercice de ses fonctions, Mme Hamill était chargée de procéder à des entrevues de premier contact avec les étudiants éventuels. Les formulaires qu'elle utilisait étaient fournis par l'appelante. Elle travaillait pendant les heures régulières fixées par l'appelante, de 8 à 16 h. Elle rencontrait régulièrement l'appelante pour parler des étudiants. C'est l'appelante qui lui montrait ce qu'elle devait faire avec les étudiants et l'appelante assistait également aux cours qu'elle donnait et l'observait dans l'exécution de son travail.

[80]      Lorsqu'elle assurait, à l'extérieur, la formation informatique des étudiants, Mme Hamill utilisait les locaux et le matériel réservés et retenus par l'appelante.

[81]      Mme Hamill m'a clairement donné l'impression que lorsqu'elle aidait les étudiants à trouver du travail, l'appelante surveillait de près son travail.

[82]      Mme Hamill a déclaré avoir été rémunérée aux deux semaines et, chose curieuse, elle a déclaré que l'impôt était retenu sur ses chèques de paie.

[83]      Mme Hamill a déclaré que ses heures de travail étaient fixées par l'appelante et qu'elle était tenue de signer le journal lorsqu'elle se présentait au travail et lorsqu'elle partait.

[84]      On a montré à Mme Hamill certaines factures qu'elle avait censément établies, mais Mme Hamill a affirmé qu'elle ne les avait jamais vues et que ces factures n'étaient pas les siennes. De fait, son nom était mal épelé, ce qui tend à corroborer son témoignage.

[85]      Mme Hamill a affirmé que l'appelante lui avait dit qu'elle allait travailler à son compte parce que cela serait plus facile, ce qui voulait dire qu'elle pouvait fixer ses propres heures. L'appelante lui avait également dit que la chose n'influerait pas sur son travail; en fait, on lui disait toujours quand et où travailler. À la demande de l'appelante, Mme Hamill a fait enregistrer, au Manitoba, le nom « Hamill Consulting » à titre d'entreprise individuelle.

[86]      J'ai conclu que toute l'histoire selon laquelle on avait dit à Mme Hamill qu'elle travaillait à son compte et qu'on lui avait demandé de faire enregistrer une entreprise individuelle était une pure invention. Et surtout, il n'y avait rien dans le témoignage de Mme Hamill qui étaye l'assertion selon laquelle elle travaillait à son compte. Mme Hamill a elle-même toujours considéré qu'elle était une employée travaillant pour l'appelante à ce titre et en suivant les directives de l'appelante. Elle n'avait nullement l'impression d'exploiter une entreprise à son compte. Dans l'ensemble, j'ai trouvé que le témoin était calme et que son témoignage était impressionnant. Je n'hésite aucunement à retenir son témoignage.

Application des divers facteurs à la preuve

[87]      Même si l'examen d'un certain nombre de facteurs qui, avant que le jugement eût été prononcé dans l'affaire Sagaz, précitée, étaient désignés sous le nom de critère composé de quatre parties intégrantes, plus un critère d'intégration, s'avère moins nécessaire depuis que ce jugement a été rendu, il est encore peut-être utile de s'attarder à ces facteurs.

[88]      Le titre : Il importe encore de bien comprendre que, bien que les parties aient décidé de donner à leur relation un titre particulier, si la nature et la substance véritables de l'entente ne sont pas conformes à ce titre, la Cour doit tenir compte de la substance. Ceci dit, il est également juste de dire que lorsque les parties ont vraiment choisi une méthode particulière d'organiser leur entente de travail, il n'appartient pas au ministre ou à la présente cour de ne pas tenir compte de ce choix. Il faut faire preuve d'une retenue appropriée en ce qui concerne la méthode choisie par les parties et si, eu égard à la preuve dans son ensemble, il n'existe aucune raison importante de déroger au titre choisi par les parties, il faut le laisser tel quel. Les arrêts Wolf et Precision Gutters, précités, étayent fortement cette thèse.

[89]      Toutefois, en l'espèce, il est fort clair que l'appelante et les travailleurs ne s'entendaient pas vraiment sur la nature véritable de leur relation de travail, et encore moins sur la façon de les désigner. Les contrats écrits ne font qu'accroître la confusion, mais somme toute, ils militent en faveur de l'existence de contrats de louage de services plutôt que de contrats conclus avec un entrepreneur indépendant. À mon avis, il n'est pas nécessaire de faire preuve de retenue à l'égard du propre choix individuel de l'appelante. Ce qu'elle a organisé avec les travailleurs n'est qu'une pure fiction.

[90]      Les contrats dans l'ensemble ressemblaient fortement à des contrats conclus pour un cours, ce qui était assimilable à un travail aux pièces. En général, les travailleurs étaient rétribués aux deux semaines, mais selon certains éléments de preuve, l'appelante tardait parfois à les rémunérer.

[91]      À coup sûr, il y a eu une conversation portant sur le fait qu'aucune déduction ne serait effectuée. Je suis loin d'être certain que les travailleurs en comprenaient les conséquences. Il arrive trop souvent que l'employeur dise à un travailleur qu'aucune déduction prévue par la loi ne sera faite et que le travailleur soit désigné sous le nom d'entrepreneur, mais cela ne veut pas pour autant dire que ce travailleur est un entrepreneur par opposition à un employé.

[92]      Le titre attribué à l'entente conclue par l'appelante en tant que tel n'indique pas du tout selon moi qu'il s'agissait nécessairement d'une entente conclue avec un entrepreneur indépendant.

[93]      Le contrôle : Selon l'application traditionnelle de cet aspect du critère, il a toujours été souligné que ce n'est pas le contrôle réel, mais le droit d'exercer un contrôle, dont la Cour doit tenir compte. Plus une personne agit de façon professionnelle et possède des compétences, ou plus elle a d'expérience dans son domaine, moins il est probable qu'un contrôle réel soit exercé, de sorte qu'il est difficile d'appliquer ce critère. De fait, comme le juge Major l'a signalé dans l'arrêt Sagaz, précité, il se peut qu'un professionnel compétent soit assujetti à un contrôle moins strict qu'un entrepreneur indépendant. Il s'agit néanmoins d'un autre facteur à soupeser.

[94]      En l'espèce, je conclus que l'appelante exerçait un contrôle étroit sur les travailleurs. Compte tenu de la façon dont elle a présenté son témoignage et compte tenu du témoignage des travailleurs, j'ai conclu que l'appelante participait activement aux activités et qu'elle donnait peu de latitude aux travailleurs. En effet, les travailleurs pouvaient élaborer un programme d'études ou planifier d'autres activités, mais l'appelante était toujours présente pour les superviser ou pour effectuer des changements si elle ne souscrivait pas à leur avis. À vrai dire, l'appelante voulait ainsi sans aucun doute s'assurer de continuer à obtenir des fonds de DRHC. Néanmoins, elle exerçait un degré de contrôle considérable sur les travailleurs. L'assertion selon laquelle DRHC exerçait un contrôle n'est tout simplement pas fondée sur les faits puisque DRHC n'entretenait pas de relations directes avec les travailleurs.

[95]      Ce facteur milite fortement en faveur d'une interprétation voulant que les travailleurs aient conclu des contrats de louage de services dans le cadre duquel ils travaillaient à titre d'employés plutôt qu'à titre d'entrepreneurs indépendants.

[96]      Les instruments de travail et le matériel : Quelques tâches isolées étaient accomplies à domicile, mais les installations et l'équipement, les salles de classe et le matériel étaient tous fournis par l'appelante. Les travailleurs n'avaient presque rien investi dans l'équipement qu'ils utilisaient. Ce facteur milite également fortement en faveur d'une interprétation selon laquelle les employés travaillaient en vertu de contrats de louage de services.

[97]      Les bénéfices et les pertes : Je suis d'avis qu'il n'existait absolument aucun élément indiquant l'existence d'une entreprise dans le travail exécuté par les travailleurs. Les travailleurs n'avaient pas la possibilité de gagner autre chose que le montant prévu par le contrat pour chaque cours, et ils ne risquaient pas de perdre quoi que ce soit. Ils n'avaient pas investi de capitaux qu'ils risquaient de perdre. Ils étaient simplement rétribués pour leur travail.

[98]      À mon avis, ce facteur milite également fortement en faveur d'une interprétation voulant que les employés soient assujettis à des contrats de louage de services.

[99]      L'intégration : Il s'agit de l'aspect du critère qui a le plus souvent fait l'objet de critiques. Il faut se demander à qui appartient l'entreprise. Il faut se poser la question du point de vue du travailleur et non de l'employeur puisque, du point de vue de ce dernier, l'entreprise semblera toujours lui appartenir. En d'autres termes, en l'espèce, y avait-il deux entreprises ou une seule entreprise ?

[100]    Les travailleurs n'ont rien fait pour indiquer qu'ils exploitaient une entreprise à leur compte. L'appelante leur avait simplement dit qu'ils seraient considérés comme des travailleurs autonomes, de façon qu'ils puissent recevoir des chèques d'un montant plus élevé, et que cela lui faciliterait les choses sur le plan administratif. Aucun des travailleurs n'avait conclu d'autres contrats. Les travailleurs travaillaient uniquement pour l'organisation établie par l'appelante. À mon avis, il n'existait pas la moindre preuve à l'appui de la prétention selon laquelle ils exploitaient une entreprise à leur compte. De fait, les contrats qu'ils avaient signés les empêchaient d'exploiter une entreprise du même genre s'ils quittaient l'appelante, ce qui est loin de constituer la marque d'une personne exploitant une entreprise à son compte. Toutes les tâches accomplies par les travailleurs étaient clairement accomplies dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de l'appelante.

Conclusion

[101]    Lorsque j'examine les paroles du juge Major dans l'arrêt Sagaz, précité, à savoir qu'il s'agit essentiellement de se demander si la personne qui a été engagée pour fournir les services fournit ces services à titre de personne exploitant une entreprise à son compte, et en particulier lorsque j'examine les facteurs susmentionnés, je suis fortement d'avis qu'il n'y avait ici qu'une seule entreprise, à savoir celle de l'appelante. Tout indique que les travailleurs travaillaient au sein de l'entreprise de l'appelante et pour l'entreprise de l'appelante. Leurs services étaient pleinement intégrés à l'entreprise. Pour changer la situation, il ne suffisait pas qu'on leur dise qu'ils étaient des travailleurs autonomes et qu'aucune déduction prévue par la loi ne serait effectuée.

[102]    Lorsque je regarde la forêt dans son ensemble plutôt que les arbres individuels, je suis pleinement convaincu, compte tenu de la preuve, que chaque travailleur exerçait ses fonctions à titre d'employé exerçant un emploi assurable ouvrant droit à pension en vertu d'un contrat individuel de louage de services.

[103]    Par conséquent, les appels sont rejetés; les décisions rendues et les cotisations établies par le ministre sont confirmées.

Signé à Calgary (Alberta), ce 12e jour de février 2004.

« Michael H. Porter »

Michael H. Porter, juge suppléant

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur

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