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Dossier : 2004-1206(IT)I

ENTRE :

RADEK CHRABALOWSKI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

Appels entendus à Toronto (Ontario), le 13 septembre 2004.

Devant : L'honorable D.G.H. Bowman

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Kandia Aird

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Il est ordonné que les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001 soient rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 2004.

« D.G.H. Bowman »

Juge Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI644

Date : 20040923

Dossier : 2004-1206(IT)I

ENTRE :

RADEK CHRABALOWSKI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      Il s'agit d'appels de cotisations établies à l'égard des années d'imposition 1999, 2000 et 2001 de l'appelant.

[2]      L'avis d'appel n'est pas édifiant. Il est rédigé comme suit :

                      [traduction]

                        Motifs de l'appel

                        DE NOMBREUX actes malveillants commis à mon endroit et à l'endroit de ma femme par les fonctionnaires, au bureau de services fiscaux de Toronto-Ouest, à Mississauga, au cours des dernières années ont abouti à l'établissement de nouvelles cotisations à l'égard de mes déclarations de revenu de particulier pour les années 1999, 2000 et 2001. Même si TOUS les reçus originaux, tous les chèques oblitérés et toutes les factures ont été remis à leurs vérificateurs, ils ont refusé - carrément - TOUTES les dépenses afférentes à mon emploi qui n'avaient pas été déduites de mon revenu de commissions, en se fondant sur les déclarations non confirmées de mon ancien employeur (que j'ai quitté EN MAUVAIS TERMES!).

[3]      L'affaire se rapporte essentiellement à la déduction par l'appelant de dépenses afférentes à son emploi qu'il affirme avoir engagées dans l'exercice de son emploi de conseiller en placement. En 1999, en l'an 2000 et jusqu'au 30 avril 2001, l'appelant travaillait comme conseiller en placement pour la société de placement Edward D. Jones & Company ( « Jones » ) et, pendant le reste de l'année 2000, il a travaillé chez BMO Nesbitt Burns.

[4]      La cotisation relative à l'année 1999 a initialement été établie le 6 avril 2001 sur la base des feuillets T4 que Jones avait délivrés à l'appelant. Par la suite, l'appelant a produit une déclaration pour l'année 1999 et il a fait l'objet d'une nouvelle cotisation le 17 juillet 2003. Pour l'année 1999, on lui a permis de déduire la somme de 2 753 $.

[5]      Dans sa déclaration de revenu pour l'année 1999, l'appelant a déduit des dépenses afférentes à son emploi d'un montant de 39 660,72 $. La pièce R-2 est un état des dépenses afférentes à l'emploi ( « T777E » ). Cette pièce indique des dépenses totales de 33 390,30 $, plus un montant de 4 084,63 $ pour les frais d'utilisation de la voiture. La copie que l'appelant a remise à Mme Lo, la répartitrice de l'impôt, renferme un certain nombre de notes manuscrites qui ne figuraient probablement pas dans l'original. Quoi qu'il en soit, il est impossible d'effectuer un rapprochement entre ces chiffres.

[6]      La réponse à l'avis d'appel indique les montants qui ont été déduits pour les années 2000 et 2001. Les montants qui ont été déduits pour l'année 1999 sont laissés en blanc parce qu'ils n'ont été disponibles qu'après que l'appelant eut produit sa déclaration. Les chiffres figurant dans la réponse sont les suivants :

1999                            2000                            2001

        Revenu d'emploi                       31 339 $*                     74 818 $*                           53 767 $*

       

        Dépenses afférentes à l'emploi

        Publicité et promotion                                                20 699,72                           18 670,05

        Aliments, boissons et

        représentation                                                             1 992,30                             2 393,80

        Hébergement                                                              5 867,88                                529,40

        Véhicule à moteur                                                       5 428,07                             6 452,70

        Stationnement                                                                 199,25                                306,25

        Fournitures                                                                  6 746,18                             3 522,93

        Autres frais                                                                 7 947,15                             8 723,00

        Frais juridiques                                                            1 200,00                             1 200,00

        Frais comptables et juridiques                                      1 317,80                                  45,64

        Total des dépenses

        déduites                                                                  51 398,35 $                        41 843,77 $

*Comprend un revenu de commissions nul                              58 445 $                             53 523 $

[7]      Les déductions qui ont été refusées sont les suivantes :

                                                                                                                                                                        2000                                                                            2001

        Publicité et promotion                                20 699,72                                 17 170,05

        Aliments, boissons et

        représentation                                             1 992,30                                   1 893,80

        Hébergement                                              5 867,88                                      529,40

        Véhicule à moteur                                       2 844,96                                   2 837,77

        Stationnement                                                199,25                                      206,25

        Fournitures                                                  6 746,18                                   3 322,93

        Autres frais                                                 7 947,15                                   8 623,00

        Frais juridiques                                            1 200,00                                   1 200,00

        Frais comptables et juridiques                      1 317,80                                        45,64

        Total des déductions refusées                   48 815,24 $                              35 828,84 $

[8]      Somme toute, il y a probablement, dans les dépenses, des montants qui ont été déduits et qui devraient être admis, mais je ne puis déterminer ces montants parce qu'ils sont inclus dans un grand nombre de déductions non justifiées ou invraisemblables.

[9]      L'appelant s'est présenté devant la Cour avec une grosse boîte de reçus. Ces reçus étaient groupés en liasses et les rubans d'additionneuse y étaient joints. Contrairement aux allégations selon lesquelles les autorités fiscales n'ont pas tenu compte des éléments de preuve de l'appelant ou ont traité l'appelant d'une façon inéquitable, je conclus que Mme Lo, la répartitrice de l'impôt qui s'est occupée du dossier, a sérieusement et consciencieusement tenté de rapprocher les déductions et les reçus et qu'elle a amplement donné à l'appelant la possibilité d'organiser les reçus d'une façon ordonnée et compréhensible. Mme Lo a cité plusieurs cas dans lesquels elle a tenté de rapprocher les reçus et les montants qui ont été déduits sous des rubriques précises, mais elle n'a pas réussi à le faire.

[10]     Comme la présente cour l'a dit à plusieurs reprises, il n'est pas nécessaire que des pièces justificatives ou des reçus soient fournis pour toutes les dépenses déclarées à titre de déductions, à condition que les dépenses soient établies au moyen d'autres éléments de preuve crédibles. Toutefois, je ne crois pas que l'appelant ait même satisfait au critère préliminaire fort peu rigoureux selon lequel il doit prouver sa cause d'une façon que je considère appropriée. Il vaut la peine de répéter ce qui a été dit dans la décision Merchant v. The Queen, 98 DTC 1734 :

   [7] Lorsqu'il faut établir un grand nombre de documents, comme des factures, on gaspille le temps de la Cour en les présentant en preuve l'un après l'autre. L'approche préconisée dans Wigmore on Evidence (3e éd.), vol. IV, s. 1230, s'impose :

   s. 1230(11) : [...] Lorsqu'il serait uniquement possible d'établir un fait en examinant un grand nombre de documents composés de nombreux états détaillés - comme le solde net résultant des pièces que le trésorier a accumulées au cours de l'année ou les comptes d'un grand livre de banque pour l'année - il est évident qu'il ne serait bien souvent pas question d'appliquer le principe dont il est ici question en exigeant la production d'une masse de documents et d'inscriptions que le jury doit examiner ou qu'il faut lire au jury. Pour plus de commodité, les audiences exigent qu'on permette la présentation d'autres éléments de preuve, sous la forme du témoignage d'une personne compétente qui a examiné la masse de documents et qui expliquera sommairement le résultat net. La légitimité de cette pratique est établie.

   [8] Le juge d'appel Wakeling, dans l'arrêt Sunnyside Nursing Home v. Builders Contract Management Ltd. et al., (1990) 75 S.R. 1, à la page 24, (C.A. Sask.), et le juge MacPherson, dans le jugement R. v. Fichter, Kaufmann et al., 37 S.R. 128 (B.R. Sask.), à la page 129, ont cité ce passage en l'approuvant. Je souscris respectueusement à leur avis.

Il aurait été approprié dans ce cas-ci d'employer sous une certaine forme la méthode approuvée par Wigmore.

[11]     Je donnerai quelques exemples afin d'illustrer pourquoi j'ai des doutes sérieux lorsqu'il s'agit d'accepter les déductions demandées.

a)                  En 1999, l'appelant a déduit une somme de 23 633,46 $ pour la publicité et la promotion. C'est précisément le montant figurant dans la pièce A-2 au titre des montants que Jones a payés pour le compte de l'appelant et qui ont été déduits du revenu mentionné sur le feuillet T4. Une politique similaire s'appliquait chez Jones en l'an 2000 et chez BMO Nesbitt Burns en 2001, mais je ne peux pas faire de rapprochement précis entre les chiffres. Je ne suis pas convaincu que les montants que l'appelant a déduits pour la publicité et la promotion n'aient pas été payés pour son compte par Jones et par BMO Nesbitt Burns et qu'ils n'aient pas été déduits du revenu d'emploi de l'appelant pour arriver au montant net figurant sur le feuillet T4.

b)       Dans le revenu de l'appelant pour l'an 2000 est inclus le montant de 5 571,92 $ se rapportant à un avantage, à savoir un voyage à Hawaii pour l'appelant et sa femme, lequel a été payé par Jones. Dans son formulaire T777E, l'appelant a déduit un montant de 5 738 $ à titre de dépense, sous la rubrique « hébergement » . Si je comprends bien la preuve de l'appelant, cela inclut le montant de 5 571,92 $ qui a été imposé, à titre de dépense d'entreprise, plus certains autres montants. Selon l'explication que l'appelant a donnée au sujet de la déduction, il s'agissait d'un voyage d'affaires. Même si cela était établi, ce qui n'est pas le cas, un avantage imposable payé par un employeur ne devient pas une dépense d'entreprise pour l'employé.

c)        En l'an 2000 et en 2001, l'appelant a versé à sa fille (qui était âgée de huit ans en l'an 2000 et de neuf ans en 2001), des montants de 7 000 $ et de 7 400 $ pour du travail occasionnel. L'appelant a dit qu'elle remplissait des enveloppes. Or, il n'y a rien dans le contrat de travail de l'appelant qui l'oblige à embaucher un assistant et, de toute façon, il me semble plutôt exagéré de verser une telle somme à une enfant de huit ans.

          L'appelant a témoigné que l'Agence des douanes et du revenu du Canada avait établi une cotisation à l'égard de sa fille pour ce montant. L'ADRC n'aurait peut-être pas dû le faire, mais il n'est pas surprenant qu'elle l'ait fait si une déclaration a été produite. De toute façon, cela ne veut pas pour autant dire que l'appelant peut déduire les montants en question.

d)       Les frais associés à la voiture de l'appelant posent un autre problème. Au cours des années en question, l'appelant possédait apparemment deux voitures, une Cavalier et une Ventura. Selon une présomption qui n'a pas été réfutée, la déduction des frais associés à la voiture, y compris la déduction pour amortissement, était fondée sur une utilisation à 80 p. 100 aux fins de l'entreprise pour la Cavalier et sur une utilisation à 20 p. 100 pour la Ventura, mais les formulaires T777E ne l'indiquent pas clairement. La répartitrice a admis une déduction correspondant à 50 p. 100 des frais pour la Cavalier, le montant de la déduction étant nul pour la Ventura.

La répartitrice de l'impôt n'a pas changé d'idée; rien ne me permet de modifier cette conclusion, et ce, pour plusieurs raisons :

(i)                 La plupart des contacts de l'appelant avec les clients se font par téléphone;

(ii)               Il n'existe aucun élément de preuve à l'appui de l'avis selon lequel la Cavalier était utilisée à plus de 50 p. 100 aux fins de l'entreprise ou que la Ventura ait de fait été utilisée;

(iii)             L'appelant ne tenait aucun carnet de route et ses chiffres, en ce qui concerne le kilométrage, étaient simplement des chiffres estimatifs arrondis.

e)        Une déduction est faite pour les frais juridiques, mais aucun détail n'a été donné au sujet de la nature des services juridiques qui ont été fournis. L'appelant a déclaré qu'il avait besoin des conseils d'un avocat si un client mécontent le poursuivait parce qu'il lui avait conseillé de faire un mauvais placement. Or, aucun élément de preuve ne montre que l'appelant ait fait l'objet de poursuites et aucune facture établie par un avocat et indiquant les services juridiques fournis n'a été produite en preuve.

f)        Selon Mme Lo, les autres dépenses se rapportaient à des choses comme des produits d'épicerie, de la boisson, un téléphone cellulaire, des billets d'autobus, les frais d'entrée dans un terrain de camping, un bon-cadeau non identifié et ainsi de suite. L'appelant a affirmé que toutes ces dépenses avaient été engagées aux fins de l'entreprise; je suppose que certaines dépenses comportaient peut-être un élément d'entreprise, mais un si grand nombre de dépenses semblent à première vue être de nature personnelle que je ne puis dire dans quelle proportion les dépenses se rapportaient à l'entreprise.

[12]     Un problème auquel fait face l'appelant dans ce genre de cas est que, s'il y a une série de dépenses excessives, invraisemblables ou déraisonnables, la chose laisse planer un doute sur toutes les dépenses. En d'autres termes, une fois qu'une tendance à l'invraisemblance ou au caractère excessif est établie, la Cour est portée à examiner avec plus de soin des dépenses qui, isolément, pourraient être justifiables. Bref, toute lacune de la preuve est comblée, et tout doute est résolu, d'une façon qui est compatible avec la tendance. J'ai examiné ce point d'une façon plus détaillée dans la décision Orly Automobiles Inc. v. The Queen, [2004] G.S.T.C. 57 :

[135]         Le fait que certains aspects du témoignage d'un témoin ne sont pas satisfaisants ne signifie pas que le témoignage doit être rejeté dans son ensemble. Dans un cas comme celui qui nous occupe, lorsque la preuve est à la fois complexe et contradictoire, le juge des faits doit s'efforcer de parvenir à des conclusions fondées sur la preuve dans son ensemble. Cela impliquera, de toute évidence, l'examen du comportement des témoins ainsi que l'appréciation de la vraisemblance ou de l'invraisemblance des témoignages à la lumière d'autres éléments de preuve. Le témoin Mme Turcotte a parlé à plusieurs occasions d'un « pattern » (façon habituelle de faire). Fonder des conclusions de fait sur un système ou un type habituel de comportement, un modus operandi si l'on préfère, est quelque chose qui doit se faire avec précaution. D'abord, il doit y avoir une preuve convaincante qu'une façon habituelle de faire existe. Ensuite, la Cour doit prendre garde de se fonder de façon excessive sur la façon habituelle de faire simplement comme moyen de combler des lacunes présentes dans la preuve, même si cela peut jouer un rôle limité à cet égard. Ce qui est important c'est que la détermination et la formulation d'une façon habituelle de faire peuvent être utilisées comme pierre de touche pour vérifier les conclusions de fait. Si elles sont compatibles avec une façon habituelle de faire, elles ont plus de chances d'être exactes. Inversement, il convient d'être sceptique à l'égard de conclusions de fait qui ne sont pas compatibles avec une façon générale de faire. Bien entendu, je ne parle pas de la preuve de faits similaires du droit criminel, sur laquelle il existe un grand nombre de décisions. Tenir compte d'une façon habituelle de faire aux fins quelque peu limitées que j'ai indiquées ci-dessus, pour s'aider dans des affaires civiles, à formuler ou à vérifier des conclusions de fait, est, à mon avis, approprié dans la mesure où on ne va pas trop loin. Dans des affaires civiles, les tribunaux ont considéré la preuve de l'existence d'un système ou d'une méthode comme probante sur diverses questions, comme l'indiquent Sopinka, Lederman et Bryant, dans Evidence, deuxième édition, aux pages 592 à 604.

[13]     Je ne crois pas qu'il soit particulièrement difficile pour une personne qui cherche à déduire des dépenses afférentes à l'emploi de consigner ces dépenses et de conserver des reçus distincts ainsi qu'un carnet de route faisant état des frais d'utilisation d'une voiture. Cela n'a pas été fait et la preuve, même si on l'interprète d'une façon particulièrement souple et libérale, ne me permet pas de tirer une conclusion favorable à l'appelant.

[14]     Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 2004.

« D.G.H. Bowman »

Juge Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI644

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-1206(IT)I

INTITULÉ :

Radek Chrabalowski et

Sa Majesté La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 13 septembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable D.G.H. Bowman

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

Le 23 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Kandia Aird

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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