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Dossier : 2005‑2663(EI)

ENTRE :

NELSON OATES,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

OATES CONSTRUCTION LIMITED,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Nelson Oates (2005‑2664(CPP)), le 29 mai 2006,

à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador).

 

Devant : L’honorable T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me William Morrow

Avocate de l’intimé :

Me Lisa M. Wight

Représentante de l’intervenante :

Mme Seandelle Pike

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 27e jour de juillet 2006.

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2007.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

Dossier : 2005‑2664(CPP)

ENTRE :

NELSON OATES,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

OATES CONSTRUCTION LIMITED,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Nelson Oates (2005‑2663(EI)), le 29 mai 2006,

à St. John’s (Terre‑Neuve‑et‑Labrador).

 

Devant : L’honorable T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me William Morrow

Avocate de l’intimé :

Me Lisa M. Wight

Représentante de l’intervenante :

Mme Seandelle Pike

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté, et la décision et la cotisation du ministre sont confirmées.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 27e jour de juillet 2006.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2007.

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2006CCI409

Date : 20060727

Dossiers : 2005‑2663(EI)

2005‑2664(CPP)

ENTRE :

NELSON OATES,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

OATES CONSTRUCTION LIMITED,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     L’appelant a interjeté appel de la décision du ministre selon laquelle il n’exerçait pas un emploi assurable chez Oates Construction Limited (le « payeur ») au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), au cours de la période allant du 6 janvier 2003 au 22 novembre 2003 (la « période visée par l’appel »).

 

[2]     Dans son témoignage, Nelson Oates a déclaré qu’il vivait à Bay Roberts (Terre‑Neuve‑et‑Labrador) et qu’il était âgé de 58 ans. Il a trois enfants, y compris Seandelle Pike. Il entretient des relations avec le payeur depuis la constitution en société de ce dernier. Il a affirmé qu’il a commencé à travailler pour sa fille, Seandelle Pike, après que cette dernière a hérité de la participation que détenait sa grand‑mère dans le payeur.

 

[3]     La pièce R‑1 montre que le payeur a été constitué en société en 1983 et que l’appelant, sa mère et son épouse en étaient les actionnaires initiaux. Sa mère détenait 80 actions, son épouse en détenait dix et lui‑même en détenait dix aussi. Il a reconnu que son épouse ne participe en aucune manière aux activités du payeur et qu’elle ne connaît rien de son entreprise. La pièce R‑1 a été admise en preuve sur consentement des parties.

 

[4]     On a renvoyé l’appelant aux onglets 3 et 5 de la pièce R‑1 et il a reconnu avoir signé ces deux questionnaires. Il n’a lui‑même parlé à personne de l’Agence du Revenu du Canada (« ARC ») au sujet de la présente affaire.

 

[5]     Quant à son travail chez le payeur, il consiste à se rendre sur les lieux pour vérifier les tâches à effectuer, à prendre livraison du matériel, à surveiller le travail, à accomplir certaines tâches lui‑même et, pour l’essentiel, à faire ce qui doit être fait. Il aide sa fille à remplir les soumissions. Comme le processus d’appel d’offres n’est pas familier à cette dernière, ils préparent les soumissions ensemble. Ils travaillent principalement à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, et 75 pour 100 de leurs travaux sont accomplis pour la Newfoundland and Labrador Housing Commission.

 

[6]     En cas de désaccord relativement à une soumission, c’est sa fille, Seandelle, qui a le dernier mot. Si le contrat s’élève à moins de 500 $, il se rend tout simplement sur les lieux et exécute les travaux sans la consulter. Le payeur accepte également les mandats de moyenne et de grande importance.

 

[7]     L’appelant n’a aucun horaire de travail fixe mais, s’il y a du travail à un endroit donné, ils peuvent y passer de dix à douze heures par jour, six jours par semaine. Pendant l’hiver, ils ne font que les travaux nécessaires et ils attendent le printemps pour terminer l’ouvrage. Il travaille habituellement dix heures par jour, six jours par semaine, et parfois de 8 h à 20 h. Seandelle lui dit toujours de ne pas faire de soumissions trop basses. Elle ne lui montre pas comment faire le travail. Il arrive qu’ils aient deux ou trois autres employés ou qu’ils confient certains travaux à des sous‑traitants. Seandelle connaît le processus de sous‑traitance.

 

[8]     Il recevait plus de 800 $ par semaine, mais ne savait pas exactement combien. Il a déclaré qu’il s’agissait d’une paye régulière, qui n’était pas fonction du nombre d’heures travaillées. Il a ensuite affirmé que cette paye était fondée sur le nombre d’heures qu’il travaillait. S’il n’y avait pas de travail, il savait qu’il serait mis à pied, mais c’était Seandelle qui prenait cette décision.

 

[9]     Seandelle assure la direction du payeur et c’est elle qui signe tous les contrats de plus de 10 000 $ ([TRADUCTION] « c’est elle qui décide »). C’est également elle qui a le dernier mot en ce qui concerne l’embauchage.


[10]    Il a réitéré son récit d’une occasion où Seandelle lui a demandé de renvoyer une personne qui travaillait pour le payeur. Il ne voulait pas le faire. Ce travailleur était père de famille. Cependant, il volait le payeur et l’appelant a dû le renvoyer. Il a discuté de cette affaire avec Seandelle et c’est elle qui a pris la décision.

 

[11]    Il avait le pouvoir de signer les chèques et les documents juridiques. Le payeur a retenu les services d’une aide‑comptable à temps partiel, qui travaille pour l’entreprise depuis environ dix ans. Son travail est également supervisé par Seandelle. L’appelant achète les matériaux de construction, lesquels sont payés par Seandelle.

 

[12]    Il avait l’usage d’une carte Visa délivrée au nom du payeur, mais qui portait également son nom. Il lui est arrivé de s’en servir à titre personnel, puis de rembourser l’argent au payeur dans les jours suivants. Les milles Aéroplan accumulés dans ce compte sont ceux du payeur.

 

[13]    Son avocat l’a renvoyé au paragraphe 10s) de la réponse à l’avis d’appel, dans lequel on allègue que l’appelant a signé une garantie personnelle en faveur de Kent Building Supplies afin de garantir une ligne de crédit destinée au payeur. Il a nié avoir signé cette carte à titre personnel et soutenu qu’il s’agissait uniquement de confirmer le fait que le payeur allait payer ce compte.

 

[14]    Il a nié l’allégation formulée au paragraphe 10r) voulant qu’il ait signé des contrats d’emprunt pour le compte du payeur et donné en garantie la maison familiale. Il a affirmé que le payeur était propriétaire des unités données en garantie pour les emprunts et que ceux‑ci n’avaient rien de personnel. Son épouse n’a rien à voir avec le payeur et, si elle a déclaré que les biens personnels de son mari avaient servi à garantir le remboursement des dettes du payeur, elle faisait erreur.

 

[15]    Pendant son contre‑interrogatoire, il a reconnu que sa mère était âgée de 73 ans lorsqu’elle a démarré, selon les allégations, l’entreprise du payeur. C’est sa fille aînée qui prenait les décisions pour sa mère lorsque cette dernière dirigeait le payeur. Depuis le début, l’appelant a toujours effectué le même travail pour le payeur. Seandelle possède certaines connaissances dans le domaine de la construction et elle se rend parfois sur les lieux de travail. Cependant, elle se fie aux connaissances spécialisées de l’appelant. Elle est infirmière et elle exerce un emploi à temps plein.

 

[16]    Les documents qu’on trouve aux onglets 2, 3, 4 et 5 de la pièce R‑1 sont familiers à l’appelant. Les questionnaires relatifs au travailleur et au payeur ont tous deux été signés par lui et remplis par l’expert‑comptable. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi Seandelle n’avait pas signé les documents, il a répondu qu’il s’agissait d’une erreur commise en toute bonne foi.

 

[17]    Son adresse domiciliaire et l’adresse du payeur étaient les mêmes et les factures portaient également l’adresse de sa résidence personnelle. Son propre numéro de téléphone et celui du payeur sont identiques. Le relevé d’emploi figurant à l’onglet 6 montre qu’il a été mis à pied en raison d’un manque de travail.

 

[18]    La demande de prestations qui se trouve à l’onglet 7 porte sa signature. Selon les documents du payeur réunis à l’onglet 8, le fils de l’appelant, Wade Oates, était employé par le payeur en décembre de chacune des années en cause tandis que lui‑même ne l’était pas. Il a reçu des prestations d’assurance‑emploi pendant la période où il travaillait environ quatre heures par semaine, de façon intermittente.

 

[19]    Il a reconnu qu’il avait été blessé le 1er octobre 2003 et qu’il avait demandé une indemnité d’accident du travail à partir du 26 novembre de cette année‑là. Il attendait de subir une intervention chirurgicale, mais il a continué de travailler parce qu’il n’a pas reçu d’indemnité avant cette date. Lorsqu’il a été mis à pied par le payeur, il ne faisait plus de travail manuel, mais il signait des chèques. Les trois actionnaires étaient signataires autorisés pour certains comptes bancaires. Le payeur détenait notamment un compte à La Banque de Nouvelle Écosse, une ligne de crédit et un compte à la Banque de Montréal ainsi que des cartes de crédit de la CIBC. L’appelant, son épouse et Seandelle avaient tous le pouvoir de signer pour ces comptes, à l’exception de celui détenu à la Banque de Montréal, où seulement lui et son épouse étaient des signataires autorisés. Seandelle n’avait aucun pouvoir de signature relativement à ce compte.

 

[20]    Il a reconnu le grand livre général du payeur produit à l’onglet 14 de la pièce R‑1. Il ne savait pas exactement à quoi correspondait le paiement Visa Scotialine de 24,93 $ du 9 mai 2003 ni le paiement Visa Classic du 5 septembre 2003 effectués au moyen de ses propres cartes Visa Classic et Visa Scotialine et de celles de son épouse. Il a laissé entendre que le payeur lui avait simplement remboursé des achats qu’il avait effectués pour le compte de la société. De plus, un paiement fait par cette dernière à Linda avait simplement pour objet de lui rembourser des comptes qu’elle avait payés au nom du payeur.

 

[21]    On lui a montré un chèque de 500 $ émis en sa faveur par le payeur le 7 février 2003. Il a affirmé que le payeur n’avait fait que lui rembourser de l’argent qu’il lui devait. En outre, un paiement de 100 $ qui lui a été versé le 15 mai 2003 [TRADUCTION] « aurait pu être remboursé ». Il a d’abord reconnu qu’il avait personnellement garanti les dettes du payeur, pour ensuite ajouter qu’il ne savait pas si c’était bien le cas.

 

[22]    On l’a renvoyé à la question 29, à l’onglet 3 de la pièce R‑1. Il a déclaré qu’il n’était pas certain d’avoir personnellement garanti les dettes du payeur. Invoquant la pièce R‑4, soit la garantie en faveur de Kent Building Supplies qu’il a lui‑même signée, il a affirmé que ce document n’avait servi qu’à demander une ligne de crédit pour le compte du payeur et qu’il garantissait uniquement le fait que ce dernier paierait la dette. Il a bien parlé à une certaine « Cassie » à l’ARC, mais ce n’était pas au sujet de l’affaire intéressant le payeur. Il a également parlé à sa fille de l’opportunité de remettre les documents du payeur à l’ARC.

 

[23]    Il y avait deux ou trois autres personnes qui travaillaient pour le payeur et elles n’ont signé aucune garantie personnelle.

 

[24]    Pendant le réinterrogatoire, il a affirmé que l’expert‑comptable avait rempli deux questionnaires et qu’il les avait lui‑même signés.

 

[25]    Son relevé d’emploi était également signé par l’expert‑comptable. Quant aux complications occasionnées par son opération de la hernie, il a mentionné qu’à certains moments, il pouvait travailler et qu’à d’autres, il ne le pouvait pas.

 

[26]    Dans son témoignage, Seandelle Pike a déclaré qu’elle était infirmière aux soins intensifs. Elle est actionnaire du payeur depuis 1995, lorsque sa grand‑mère est décédée et qu’elle a hérité des actions de celle‑ci. Elle était alors âgée de 24 ans.

 

[27]    Les allégations du ministre énoncées au paragraphe 10b) de la réponse sont erronées. En réalité, la structure du capital‑actions du payeur a changé depuis sa constitution en société en 1983, mais elle est restée la même depuis 1995, lorsque Seandelle est devenue détentrice de 80 pour 100 des actions. L’ARC ne l’a jamais interrogée au sujet de cette affaire. Elle a informé son père qu’une personne de l’ARC avait téléphoné pour obtenir des renseignements de l’aide‑comptable. Elle ne croyait pas que les renseignements devaient leur être fournis.

 

[28]    Après plus ample discussion, elle a dit à son père de [TRADUCTION] « laisser faire ».

 

[29]    C’est elle qui supervise tout ce qui concerne le payeur. Cette entreprise lui a été léguée par sa grand‑mère. Ses fonctions consistent notamment à recevoir des instructions et à [TRADUCTION] « tout superviser ». Son père se rend sur le lieu de travail. C’est elle qui décide de ce que fait son père. Il est déjà arrivé qu’elle lui dise de ne pas embaucher quelqu’un. Si un travail leur est confié et que le payeur a besoin des services d’un électricien et que son père en connaît un, il doit d’abord vérifier auprès d’elle. Elle se rend régulièrement aux bureaux du payeur pour parler à son père et aux autres travailleurs. Le payeur ne verse aucun loyer à son père pour l’usage de ses bureaux et de ses locaux.

 

[30]    Si un appel d’offres leur parvient, son père communique avec elle et ils [TRADUCTION] « fixent le prix ensemble ». Elle a le dernier mot depuis qu’ils ont eu une mauvaise expérience au Labrador : ils ont perdu de l’argent dans le cadre d’un contrat après avoir présenté une soumission trop basse.

 

[31]    Elle et son père [TRADUCTION] « ont souvent des désaccords » au sujet du taux horaire, du meilleur endroit où se procurer le matériel ou de la possibilité d’obtenir le matériel à moindre prix. Elle a tranché contre son père relativement à moins de vingt soumissions.

 

[32]    Son père reçoit 22 $ l’heure et c’est elle qui décide de l’opportunité de modifier ce taux. Il est mis à pied en cas de manque de travail. Au cours de la période où il souffrait de ses problèmes de hernie, il a pu travailler jusqu’à ce qu’il subisse son intervention chirurgicale. Celle‑ci a eu lieu le 25 novembre 2003 et il n’a plus travaillé après cette date.

 

[33]    Elle signait les chèques, les formules d’indemnisation des accidentés du travail et les formules de DRHC. Son père signe de nombreux chèques parce qu’elle‑même travaille, et il le fait en grande partie simplement pour lui rendre service. Elle s’occupe toujours des livres comptables. Elle est au courant des discussions qui se déroulent entre son père et les organismes gouvernementaux. Le payeur ne lui verse aucune rémunération financière. Elle considère que sa situation s’apparente à un placement et il s’agit d’un projet à long terme puisqu’elle ne prévoit pas pouvoir travailler encore longtemps compte tenu de son état de santé.

 

[34]    Durant le contre‑interrogatoire, elle a affirmé qu’elle ne pouvait exploiter l’entreprise du payeur sans l’aide de son père. Elle dirigeait le payeur à la lumière des conseils que lui donnaient ses parents. On lui a demandé pourquoi son père avait signé le questionnaire à l’intention de l’ARC. Elle a répondu qu’elle devait être occupée et qu’elle avait voulu que le document soit envoyé sans délai. Elle ne savait pas si son père avait signé des garanties à titre personnel. Elle n’avait pas de pouvoir de signature pour la ligne de crédit à la Banque de Montréal parce que celle‑ci était peu utilisée. Mme Mercer, l’aide‑comptable, travaille pour le payeur depuis onze ou douze ans. Elle n’a pas de pouvoir de signature parce qu’elle n’a pas à signer quoi que ce soit.

 

[35]    Il lui faudrait engager quelqu’un pour remplacer son père, mais cette personne n’aurait pas le pouvoir de signer des documents, contrairement à son père. Cette personne ne pourrait pas signer ses propres chèques de paye. Au cours des dernières années, elle aurait été en mesure de préparer une soumission pour le payeur avec l’aide d’autres personnes.

 

[36]    La Cour a posé quelques questions au témoin. L’avocat de l’appelant a été autorisé à poser d’autres questions au témoin, qui a affirmé que son père est un peu gêné de ne pas comprendre les documents de nature juridique et que c’est peut‑être pourquoi il préfère ne rien savoir à leur sujet.

 

[37]    La Cour a autorisé l’appelant à retourner à la barre pour répondre à une question qui avait été omise après que la Cour eut posé les questions, et l’appelant a précisé qu’il avait terminé l’école après sa huitième année et qu’il avait par la suite réussi à obtenir par lui‑même une onzième année.

 

[38]    Dans son témoignage, Titanya Mercer a déclaré qu’elle était une employée du payeur depuis 18 ans. Elle a toujours occupé le poste d’aide‑comptable. Elle était chargée des envois postaux, de la paye, du règlement des factures, du recouvrement des comptes débiteurs, des comptes créditeurs ainsi que des rapprochements de comptes.

 

[39]    Seandelle joue un rôle actif au sein de l’entreprise du payeur. Elle supervise tout ce qui s’y passe. Elle participe aux soumissions importantes. Elle ne met nullement en doute la direction qu’exerce Seandelle sur l’entreprise du payeur. Seandelle vérifie si un bénéfice sera réalisé. On lui a montré la pièce R‑4, soit la garantie qui aurait été signée par l’appelant, et elle a déclaré qu’elle n’avait jamais vu ce dernier signer une garantie personnelle. Elle ne pensait pas qu’il aurait fait cela. Il ne fait que superviser toutes les soumissions et il agit en quelque sorte comme un contremaître. Elle a vu Seandelle prendre une décision contraire à celle prônée par l’appelant. Elle se souvenait également d’une occasion où l’appelant voulait engager quelqu’un et où Seandelle avait refusé. Linda Oates ne faisait rien pour le payeur.

 

[40]    Pendant son contre‑interrogatoire, elle a affirmé qu’elle n’avait aucun pouvoir de signature et qu’elle ne remplissait aucune tâche si elle ne faisait pas partie des employés du payeur. Elle n’a jamais garanti une quelconque dette du payeur. Elle traitait principalement avec M. Oates. On l’a renvoyée à l’onglet 14 de la pièce R‑1, soit le grand livre général du payeur, et à diverses écritures particulières figurant dans les comptes. Elle a mentionné qu’elle ne savait pas exactement à quoi correspondaient ces écritures, mais qu’elle croyait qu’il s’agissait de sommes remboursées par le payeur à M. Oates pour des biens achetés avec une carte de crédit. Elle a ajouté qu’il [TRADUCTION] « avait probablement payé l’achat avec sa carte personnelle ».

 

Observations présentées pour le compte de l’appelant

 

[41]    L’avocat de l’appelant a déclaré que l’enquête effectuée dans la présente affaire était la plus médiocre qu’il lui ait été donné de voir au cours de toutes ses années de pratique. Le ministre a même fait une erreur lorsqu’il a dressé la liste des actionnaires de la société. Les enquêteurs ont parlé avec Linda Oates, qui n’avait rien à voir avec le payeur. L’appelant était un actionnaire du payeur et il n’y avait rien de mal à ce que le payeur règle les dettes d’un actionnaire. Il n’y avait rien de mal non plus à ce que les bureaux du payeur se trouvent au domicile de l’appelant.

 

[42]    Pourquoi le ministre n’a‑t‑il pas obtenu les documents relatifs à l’hypothèque dont il a été question dans le témoignage? Il a en outre soulevé certaines questions quant à la légalité de la garantie. Il a avancé que l’acte de garantie ne permet pas de savoir à première vue si la garantie est d’ordre personnel. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent maintenant. Il faut préciser dans l’acte de garantie si cette dernière est de nature personnelle ou s’il s’agit d’une autre forme de garantie.

 

[43]    Le ministre tente de montrer que l’ensemble des dispositions prises en l’espèce constitue un leurre. La présomption énoncée au paragraphe 10l) de la réponse n’est pas fondée. Il s’agissait d’une entreprise familiale. Il n’est pas étrange qu’une personne n’appartenant pas à la famille ne bénéficie pas des mêmes égards qu’un membre de la famille. Il existait un contrat de louage de services valide.

 

[44]    Quelqu’un devait bien faire le travail de l’appelant; le taux de salaire était raisonnable; l’appelant ne recevait aucun autre avantage; le fait qu’il souffrait d’une hernie et qu’il ne pouvait pas travailler pendant une partie de la période en cause ne sortait pas de l’ordinaire; le paiement Visa fait pour son compte à l’aide de sa propre carte de crédit a été expliqué.

 

[45]    Les appels devraient être accueillis et la décision du ministre infirmée.

 

[46]    Les présomptions comportent des erreurs évidentes; elles sont incompatibles avec les dispositions législatives pertinentes; elles sont dénuées de fondement; le paragraphe 10b) de la réponse est inexact; le payeur exerçait un contrôle sur l’appelant; ce dernier était supervisé par le payeur; aucun document n’étaye la supposition formulée au paragraphe 10r) voulant que l’appelant ait signé des contrats d’emprunt pour le compte du payeur et donné en garantie la résidence familiale appartenant à lui et à son épouse pour les garantir; les conclusions tirées par le ministre ne sont pas compatibles avec les faits.

 

[47]    Il a renvoyé à l’arrêt bien connu Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553. Dans cet arrêt, la Cour d’appel a déclaré qu’il faut examiner tous les faits. C’est la relation globale que les parties entretiennent entre elles qui importe.

 

[48]    Il a également renvoyé à l’arrêt Fleury v. M.N.R., no A‑330‑85, rendu le 20 février 1986 par la Cour d’appel fédérale, pour étayer sa thèse voulant qu’il existe un contrat de louage de services en l’espèce et que toutes les caractéristiques d’un tel contrat soient réunies. Il a en outre invoqué la décision Freddie Caron v. M.N.R., 78 N.R. 13, à l’appui de sa prétention.

 

[49]    La preuve ne permet nullement d’affirmer que le contrat de louage de services en l’espèce était en quoi que ce soit différent du contrat de louage de services qui aurait été conclu par des parties n’ayant pas de lieu de dépendance entre elles. Quant à l’insuffisance des documents présentés à la Cour et dont on a fait état dans les témoignages, ses services n’ont été retenus que récemment et il aurait peut‑être dû produire ces documents.

 

Observations présentées pour le compte de l’intimé

 

[50]    En réponse à la remarque de l’appelant relative au caractère médiocre de l’enquête, l’avocate a mentionné que M. Oates avait parlé à Cathy Gillis, de l’ARC, et à l’expert‑comptable. Si l’enquête avait été aussi déficiente, le ministre n’aurait pu réunir les renseignements dont il dispose.

 

[51]    L’appelant a omis de produire la convention hypothécaire dont il a été question et par laquelle, selon les allégations, l’appelant et son épouse auraient personnellement garanti la dette du payeur. Il n’appartenait pas au ministre de produire ce document. Le questionnaire a fourni au ministre des renseignements auxquels il pouvait se fier. Les présomptions doivent être acceptées jusqu’à ce que leur exactitude soit démentie.

 

[52]    Quant à la réponse à l’avis d’appel, presque toutes les présomptions qui y sont énoncées ont été acceptées, à l’exception des paragraphes 10b); l); o) (mais cela a été établi par la preuve); (2) (cependant, la preuve a montré que les fonds ont été avancés par l’appelant au payeur); r) (cependant, la preuve a montré que l’appelant avait bien signé les contrats d’emprunt). L’appelant n’a pas produit la convention hypothécaire en preuve; s) a été prouvé et t) a été prouvé. La seule erreur contenue dans la réponse touchait à b) et elle était sans importance.

 

[53]    L’avocate a fait valoir que la présente affaire soulève deux questions. (1) Existe‑t‑il un contrat de louage de services? (2) S’agissait‑il d’un emploi visé par une exception? L’appelant est propriétaire d’une part de 10 pour 100 dans le payeur et le reste des actions appartient à des membres de sa famille. Sa fille contrôle le payeur à la lumière de la répartition des actions et paraît agir ainsi dans les faits.

 

[54]    En ce qui concerne l’existence d’un contrat de louage de services, l’avocate a renvoyé à son recueil de textes à l’appui et aux dispositions de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») pour soutenir qu’il n’existait aucun contrat de ce genre. Il n’existait aucun lien de subordination. Selon elle, l’arrêt Fournier c. Canada (Ministère du Revenu national), [1997] A.C.F. no 211, permet d’affirmer que le ministre n’avait pas à établir l’existence d’un contrat d’entreprise pour exclure la possibilité qu’il existe un contrat de louage de services et une relation employeur‑employé. En outre, le ministre n’avait pas l’obligation de prouver que la relation s’apparentait à une coentreprise ou à une quelconque autre relation.

 

[55]    Les faits de l’affaire Fournier, précitée, sont énoncés de façon plus concise dans la décision Fournier, précitée, de la Cour canadienne de l’impôt, qui est publiée à [1995] A.C.I. no 799. Les faits de cette affaire ressemblent beaucoup à ceux dont je suis saisi. Dans cette décision, la Cour a conclu que le ministre s’était appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

g)       l’appelant était l’un des principaux actionnaires du payeur;

 

h)       l’appelant a investi des fonds dans le payeur et a donné sa résidence familiale en garantie;

 

i)        comme l’appelant avait investi des fonds à titre personnel, il y avait toujours un risque de perte;

 

l)        l’appelant n’avait pas établi qu’il agissait comme subordonné dans l’exécution de son travail. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’absolument aucune preuve n’avait été présentée pour démontrer qu’il existait un lien de subordination entre l’appelant et le payeur au cours des périodes en cause ou payeur avait supervisé le travail l’appelant. La situation est la même en l’espèce.

 

[56]    De plus, la Cour a mentionné que l’appelant avait le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’un véritable contrat de louage de services, donnant lieu à une relation employeur‑employé, existait entre lui‑même et le payeur pendant les périodes en cause. À la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment des témoignages, des aveux et de la preuve documentaire, la Cour a déclaré qu’elle était convaincue que l’appelant ne s’était pas acquitté de cette obligation.

 

[57]    On peut dire la même chose en l’espèce. Il n’existait aucun lien de subordination entre M. Oates et le payeur. L’actionnaire majoritaire ne jouissait d’aucun pouvoir de signature réel relativement au compte détenu à la Banque de Montréal. L’avocate a demandé : [TRADUCTION] « Quel contrôle y avait‑il? » L’appelant signait lui‑même les chèques établis à son nom; le payeur réglait son compte Visa personnel et même si on a allégué qu’il s’agissait de rembourser les dépenses que l’appelant engageait pour le compte du payeur, cela peut ou non avoir été le cas.

 

[58]    L’existence d’un contrôle exercé par l’actionnaire détenant 80 pour 100 des actions est on ne peut plus douteuse. Si cette actionnaire avait exercé son pouvoir, elle aurait fait preuve d’un plus grand degré de contrôle et elle aurait eu un pouvoir de signature relativement au compte détenu à la Banque de Montréal. Si elle avait eu le degré de contrôle qu’elle prétendait avoir, elle aurait su bien avant la tenue de l’instruction qu’elle n’était pas un signataire autorisé.

 

[59]    Le rôle de l’appelant n’a pas beaucoup changé depuis l’époque où le payeur a été constitué en société et où la grand‑mère en était l’actionnaire majoritaire. Cependant, il ressort de la preuve que la grand‑mère ne prenait pas une part très active à l’entreprise du payeur lorsqu’elle était vivante tandis que le rôle de l’appelant n’a presque pas changé. Pendant la période en cause, l’actionnaire majoritaire n’avait aucune formation pertinente. Elle travaillait de nuit, et pourtant l’appelant voudrait nous faire croire qu’elle contrôlait le payeur. S’il existait une relation contractuelle, elle ne procédait pas d’un contrat de louage de services. Le payeur n’exerçait pas un degré de contrôle suffisant à l’égard de l’appelant.

 

[60]    Quant à la question de la possibilité de profit et du risque de perte, il existe toujours une possibilité de perte en raison de la garantie personnelle et des hypothèques consenties par l’appelant. Les employés ordinaires ne prennent pas de telles dispositions. Vous ne faites pas cela à titre d’actionnaire. La question de l’intégration n’est pas très importante en l’espèce parce que le travail de l’appelant était de toute évidence totalement intégré au travail du payeur et ce dernier n’aurait pu poursuivre ses activités sans l’appelant.

 

[61]    L’avocate a en outre invoqué la décision Interprovincial Meat Sales Ltd. c. Canada (M.R.N.), [2002] A.C.I. no 632. Elle a allégué qu’en l’espèce, tout comme dans l’affaire susmentionnée, le fait d’occuper un poste de direction important ne s’accompagne pas du droit inconditionnel de signer des chèques tirés sur une ligne de crédit et ne permet pas d’espérer que l’appelant signe des garanties personnelles pour le compte du payeur au fur et à mesure que la banque le demande. Elle a soutenu qu’il n’existait dans la présente affaire aucun lien contractuel visé par l’alinéa 5(1)a) de la Loi.

 

[62]    Toutefois, même s’il existait un contrat de louage de services, il s’agissait alors d’un emploi exclu suivant l’alinéa 5(2)i) de la Loi. L’emploi était exclu en application de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.

 

[63]    L’avocate s’est également appuyée sur la décision Birkland c. M.R.N., 2005 CCI 291, pour affirmer que la principale question en litige consiste à savoir si la décision du ministre est raisonnable compte tenu de toutes ces circonstances.

 

[64]    En l’espèce, les questionnaires remplis pour le compte du payeur et de l’employé ont été signés par l’appelant.

 

[65]    Dans la décision Forget c. M.R.N., 2003 CCI 733, le papier à en‑tête de la société était analogue à celui utilisé par le payeur en l’espèce. L’adresse et le numéro de téléphone de l’appelant étaient les mêmes que ceux du payeur. Le payeur ne déboursait rien pour ses bureaux situés dans les locaux appartenant à l’appelant et à son épouse. L’appelant a continué de travailler pour le payeur pendant deux mois tandis qu’il était blessé. Aucune personne n’ayant pas de lien de dépendance avec le payeur n’agirait ainsi. L’appelant signait en outre des chèques lorsqu’il n’était pas un employé du payeur et qu’il recevait une indemnité d’accident du travail. De plus, il a initialement déclaré qu’il était toujours payé. Or, la preuve a montré le contraire.

 

[66]    L’avocate a demandé : [TRADUCTION] « Pourquoi l’appelant continuait‑il à signer les chèques s’il était malade ou s’il recevait une indemnité d’accident du travail puisqu’il y avait d’autres personnes pouvant signer? » L’employée, Mme Mercier, a mentionné qu’elle ne se rendait jamais au travail pour signer des chèques lorsqu’elle était en vacances. Au moins cinq chèques tirés sur le compte de la Banque de Montréal ont été signés tandis que l’appelant n’était pas un employé du payeur.

 

[67]    L’appelant et son épouse utilisaient la carte Visa CIBC du payeur pour leurs propres besoins. Le grand livre général montre que les chèques de paye étaient signés par l’appelant, que ses propres chèques de dépense étaient signés par lui et que le payeur payait à la fois sa facture Visa et celle de son épouse. Même l’aide‑comptable n’avait pas de pouvoir de signature bien qu’elle ait travaillé pour le payeur depuis 18 ans et que son employeur ait eu confiance en elle.

 

[68]    Les faits de l’affaire Hoobanoff Logging Ltd. v. M.N.R., 1999 CarswellNat 3187, la décision qui s’y rapporte et en particulier le paragraphe 40 des motifs donnés au soutien de celle‑ci ont une incidence importante sur l’issue de la présente affaire. L’avocate s’est appuyée de façon intrinsèque sur cette décision et elle a déclaré que les faits en l’espèce étaient forts semblables à ceux de cette affaire.

 

[69]    L’appel devrait être rejeté et la décision du ministre confirmée.

 

[70]    En réponse, l’avocat de l’appelant a avancé que le ministre avait apporté certaines modifications à la réponse pendant l’instruction. De plus, il a mentionné que le paiement, par le payeur, des dépenses engagées par l’appelant et son épouse visait en réalité des dépenses faites par ces derniers pour le compte du payeur.

 

Questions en litige

 

[71]    (1) L’appelant et le payeur étaient‑ils liés par un contrat de louage de services pendant les périodes en cause? (2) S’agissait‑il d’un emploi exclu suivant l’alinéa 5(2)i), compte tenu des dispositions des alinéas 5(3)a) et b)?

 

[72]    L’avocat de l’appelant a laissé entendre que l’enquête effectuée en l’espèce est l’une des plus médiocres qu’il lui ait été donné de voir depuis qu’il pratique le droit. À l’appui de cette affirmation, il mentionne l’erreur touchant les renseignements relatifs aux actionnaires qui sont fournis dans la réponse et selon lesquels Linda Oates était actionnaire du payeur alors qu’elle n’avait rien à voir avec celui‑ci. De plus, il a reproché au ministre de ne pas avoir réuni davantage de renseignements quant aux circonstances sous‑jacentes au prétendu emploi et de ne pas avoir produit devant la Cour un certain nombre de documents juridiques, comme les conventions hypothécaires qui, selon les allégations, auraient été signées par l’appelant pour garantir le paiement des dettes du payeur.

 

[73]    Il a également avancé que la garantie présentée devant la Cour, laquelle est signée par l’appelant, ne constituait pas un document juridique valide dans la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador parce qu’elle ne portait aucune mention précisant qu’il s’agissait d’une garantie personnelle et non d’un document d’une autre nature.

 

[74]    La Cour n’est pas convaincue que ce reproche est entièrement fondé. Il se peut fort bien qu’il eût été préférable que les fonctionnaires du ministre communiquent en personne avec l’appelant et les autres responsables du payeur par voie d’entrevue. Toutefois, cela n’est pas absolument nécessaire. Il ne serait pas irréaliste de penser qu’un tel échange n’aurait pas lieu dans les cas où le ministre est convaincu qu’il dispose par ailleurs de renseignements suffisants pour lui permettre de rendre une décision raisonnable.

 

[75]    En l’espèce, la preuve a révélé que M. Oates avait eu une conversation avec Cathy Gillis de l’ARC et qu’un fonctionnaire de l’ARC avait peut‑être communiqué avec l’expert‑comptable. Dans le cas contraire, le ministre n’aurait pas obtenu les renseignements dont il disposait, comme il ressort de la preuve. Il y a eu une certaine forme de communication entre l’appelant, la société et l’ARC.

 

[76]    La preuve semble montrer que le questionnaire a été rempli pour le compte du payeur et pour celui de l’appelant. Les réponses données dans ces questionnaires l’ont été par des personnes en autorité et elles paraissent avoir fourni au ministre des renseignements suffisants pour lui permettre de rendre sa décision.

 

[77]    Dans l’ensemble, la question est celle de savoir si la décision du ministre était raisonnable compte tenu de toutes ces circonstances, telles qu’elles ont été révélées par la preuve. L’avocate de l’intimé a fait remarquer, à juste titre, que le ministre n’a pas l’obligation de produire les documents manquants. Les règles de droit sont claires : le ministre peut s’appuyer sur les présomptions formulées dans la réponse, pour autant qu’il s’agisse de présomptions de fait, jusqu’à ce que celles‑ci soient réfutées. Il arrive souvent que le ministre ne présente aucun élément de preuve et se contente de se fonder sur ces présomptions. Il a tout à fait le droit d’agir ainsi. S’il choisit de ne pas présenter d’éléments de preuve et que les faits révélés par la preuve confirment l’exactitude des présomptions énoncées dans la réponse et suffisent à justifier sa décision, aucune objection ne peut être soulevée quant à ce choix.

 

[78]    En revanche, dans une affaire telle que celle‑ci, l’appelant a l’obligation d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre est mal fondée. En l’espèce, il lui incombe de prouver que la décision du ministre n’était pas raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances révélées par la preuve. Si l’appelant omet de présenter des documents importants – comme les garanties ou les conventions hypothécaires dont il est fait mention dans la preuve – qui ont une incidence sur l’issue de l’affaire, il ne peut ensuite reprocher au ministre de ne pas l’avoir fait non plus. Malheureusement pour l’appelant, l’omission de mettre en preuve des documents qui étaient importants en l’espèce ne peut être imputée au ministre.

 

[79]    La Cour est bien consciente du fait que les services de l’avocat n’ont été retenus que récemment et qu’il ne lui restait pas suffisamment de temps pour préparer sa preuve, quoiqu’il n’ait pas souhaité reporter l’affaire. S’il avait disposé de plus de temps, il aurait peut‑être bien pu produire ces documents devant la Cour. La Cour peut comprendre la situation de l’avocat mais, parallèlement, cela ne lui est d’aucune utilité pour apprécier la preuve dont elle est saisie.

 

[80]    Quant à l’argument de l’appelant selon lequel la garantie mise en preuve ne précisait pas qu’il s’agissait d’une garantie personnelle ou, à tout le moins, ne portait pas de mention à cet effet dans le corps de son texte, il ressort sans équivoque à la lecture du document qu’il s’agissait bien d’une garantie personnelle donnée par l’appelant pour garantir le paiement de la dette du payeur. Aucune autre interprétation raisonnable de ce document n’est possible. La Cour n’a pu y déceler aucune lacune juridique. Il paraît correspondre à ce qu’allègue l’intimé.

 

[81]    En ce qui touche l’argument relatif à l’existence d’un leurre dont l’avocat de l’appelant a fait état, la Cour est convaincue que l’intimé ne tente pas de faire valoir un tel argument et elle ne l’examinera pas plus avant. Rien ne permet d’affirmer qu’il s’agissait d’un leurre et, en réalité, aucun argument en ce sens n’a été présenté.

 

[82]    L’avocat de l’appelant a soutenu qu’il avait été établi que la présomption relative au contrôle énoncée au paragraphe 10l) de la réponse était inexacte. D’un autre côté, l’avocate de l’intimé avance qu’elle est persuadée que le travail de l’appelant ne faisait l’objet d’aucune supervision, d’aucun contrôle ni d’aucune surveillance de la part du payeur. Elle a posé les questions suivantes : [TRADUCTION] « Exerçait‑on un contrôle? Existait‑il un lien de subordination entre l’appelant et le payeur? Est‑ce que la preuve a montré que la fille de l’appelant exerçait un contrôle à l’égard des actes de ce dernier? » Les faits révèlent que l’actionnaire majoritaire n’avait aucun pouvoir de signature relativement au compte détenu à la Banque de Montréal, ce qui est grave. L’appelant signait les chèques qui lui étaient destinés et le payeur réglait le compte Visa personnel de l’appelant (même s’il s’agissait, ou pas, de lui rembourser les dépenses qu’il avait engagées pour le compte du payeur).

 

[83]    L’avocate de l’intimé a mentionné que, dans le meilleur des cas, le degré de contrôle exercé était douteux. N’importe quel actionnaire détenant 80 pour 100 des actions, comme Seandelle, aurait exercé davantage de contrôle sur l’appelant, aurait eu un plus grand pouvoir de signature et aurait su beaucoup plus tôt qu’il n’avait aucun pouvoir de signature relativement au compte détenu à la Banque de Montréal. Il semble que Seandelle n’ait été mise au courant de cette situation qu’au moment de se présenter devant la Cour ou très peu de temps auparavant.

 

[84]    L’avocat de l’appelant était disposé à reconnaître qu’il s’agissait d’une entreprise familiale. Cependant, il ne voyait rien d’étrange à ce qu’on manifeste un plus grand respect envers un membre de la famille qu’envers un tiers pour diriger l’entreprise. Il a pourtant oublié que, dans le cas d’une relation où il existe un lien de dépendance, les actes du travailleur qui est également actionnaire ou membre de la famille sont examinés de façon beaucoup plus rigoureuse. Le payeur doit veiller à ce que les actes accomplis par le travailleur (actionnaire) soient compatibles avec les actes que n’importe quel travailleur accomplirait s’il se trouvait dans une relation sans lien de dépendance où il agirait comme un travailleur et non comme un actionnaire.

 

[85]    L’avocat de l’appelant a signalé que le taux de salaire était raisonnable. Toutefois, aucun élément de preuve susceptible de convaincre la Cour de l’exactitude de ce fait n’a été produit puisque très peu de choses ont changé dans la façon de diriger l’entreprise depuis le moment de sa constitution en société, et que l’appelant semblait être plus ou moins dans la même situation que celle où il se trouvait depuis le début. Rien ne permet de penser que son salaire a été modifié. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour établir comment on avait fixé son taux de salaire.

 

[86]    La Cour accepte l’argument de l’intimé selon lequel le rôle de l’appelant n’avait pas beaucoup changé depuis l’époque où la grand‑mère détenait la majorité des actions. Il ressortait sans équivoque de la preuve que la grand‑mère ne participait nullement à l’exploitation du payeur à cette époque, tandis que l’appelant jouait alors un rôle important, ce qu’il a continué de faire jusqu’à ce jour.

 

[87]    L’avocate de l’intimé fait valoir, à juste titre, que l’actionnaire majoritaire n’a aucune formation pertinente, qu’elle travaille toute la nuit et occupe un emploi à temps plein et qu’il lui serait bien difficile d’exercer un contrôle sur le payeur. Quoi qu’il en soit, la preuve montre que son pouvoir en matière de prise de décision était habituellement accessoire par rapport à celui de l’appelant.

 

[88]    L’avocat de l’appelant a affirmé que la question des paiements du compte Visa avait été clairement expliquée et qu’aucune conclusion défavorable ne devrait être tirée des mesures prises par l’appelant à cet égard. Cependant, le simple fait que l’appelant détenait une carte de crédit de la société dont lui et son épouse se servaient parfois pour leurs besoins personnels, même s’ils remboursaient l’argent au payeur par la suite, revêt une certaine importance.

 

[89]    La Cour est persuadée que toutes les présomptions énoncées dans la réponse ont été soit acceptées, soit établies par les témoignages rendus devant le tribunal. Un grand nombre de ces présomptions sont importantes. La Cour est convaincue que le payeur n’exerçait pas un degré considérable de contrôle sur l’appelant, et qu’il n’était pas en mesure de le faire, puisque nul autre que l’appelant ne possédait des connaissances suffisantes quant aux travaux réalisés par la société ni n’avait les compétences nécessaires pour remplir les fonctions dont l’appelant s’acquittait.

 

[90]    Quant à la question de la possibilité de profit et du risque de perte, la Cour est convaincue qu’il existait un risque de perte pour l’appelant en ce qui concerne les dettes du payeur puisqu’il avait personnellement garanti à tout le moins la ligne de crédit accordée par Kent Homes. De plus, la Cour est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que les hypothèques grevant la résidence familiale faisaient également courir un risque à l’appelant et à son épouse. À cet égard, la Cour a examiné le questionnaire rempli par l’appelant lui‑même pour le compte de l’employé. À la question 29, l’appelant déclare que les biens appartenant à lui et à son épouse ont été donnés en garantie pour assurer les prêts consentis au payeur. En outre, dans le questionnaire rempli par l’expert‑comptable pour le compte du payeur, on précise que [TRADUCTION] « le travailleur a signé, cosigné ou cautionné personnellement les emprunts commerciaux, les baux, les conventions, les contrats, etc., de l’entreprise du payeur » et on y fait mention en particulier d’une hypothèque s’élevant à 191 000 $ consentie en faveur de la CIBC ainsi que d’un emprunt de 21 000 $ contracté auprès de La Banque de Nouvelle‑Écosse. Le formulaire a été rempli par l’expert‑comptable du payeur, lequel était de toute évidence respecté par le payeur, et les renseignements qui y figurent, il est légitime de le penser, devaient se fonder sur des documents qu’il connaissait bien.

 

[91]    Quoi qu’il en soit, la Cour est convaincue que ni le témoignage de l’appelant ni celui d’une autre personne ne permet d’écarter cette présomption. En réalité, il ressort de manière accablante de la preuve que l’appelant assumait une responsabilité personnelle à l’égard des dettes de la société.

 

[92]    Lorsque le témoignage de l’appelant ou celui de sa fille ou de l’aide‑comptable est incompatible avec cette conclusion, la Cour estime que les autres éléments de preuve sont plus vraisemblablement exacts et elle rejette les témoignages de ces trois personnes quant à cette responsabilité.

 

[93]    À la lumière de l’ensemble de la preuve, la Cour est convaincue qu’il n’existait aucun contrat de louage de services entre l’appelant et le payeur pendant la période en cause.

 

[94]    S’il existait un contrat de louage de services, la Cour devrait alors se demander si un contrat de louage de services analogue aurait été conclu par des parties n’ayant pas de lien de dépendance entre elles. Les règles de droit en la matière permettent d’affirmer que la Cour doit décider si le ministre a ou non agi de façon raisonnable lorsqu’il a rendu sa décision.

 

[95]    À cet égard, la Cour est convaincue que le payeur n’exerçait aucun degré de contrôle appréciable sur l’appelant; qu’il n’était pas en mesure d’exercer sur lui le degré de contrôle suffisant dont il est question dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd., précité, et dans les autres décisions portant sur ce point. En ce qui concerne la possibilité de profit et le risque de perte, la Cour est persuadée qu’il existe une possibilité importante que l’appelant subisse une perte à cause des garanties personnelles qu’il a consenties au titre des conventions hypothécaires qu’il a signées pour garantir le paiement des dettes du payeur.

 

[96]    Il ne fait aucun doute que, dans une relation employé‑employeur normale, où les parties n’ont pas de lien de dépendance entre elles, un employé n’agirait pas ainsi. Il ne fait aucun doute que l’appelant n’a pas pris ces mesures en qualité de travailleur, mais bien d’actionnaire.

 

[97]    Quant au facteur de l’intégration, il ne joue pas un rôle appréciable en l’espèce puisque le travail effectué par l’appelant était à l’évidence intégré aux activités du payeur. De fait, ce dernier ne pouvait poursuivre ses activités sans lui.

 

[98]    La Cour tient également compte du fait que, selon le papier à en‑tête du payeur, les locaux de ce dernier sont situés au même endroit que ceux de l’appelant, et leur adresse et numéro de téléphone sont les mêmes. Rien ne permet de penser que l’appelant a reçu une quelconque contrepartie pour les locaux à bureaux occupés par le payeur dans sa résidence personnelle, ce qui ne se produirait habituellement pas en l’absence de lien de dépendance.

 

[99]    En outre, la preuve a montré que l’appelant a continué de travailler pour le payeur après s’être blessé. Or, une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec son employeur ne prendrait jamais un tel risque. Il faut envisager d’autres raisons pour expliquer le comportement de l’appelant. De plus, ce dernier a signé des chèques alors qu’il n’était pas un employé du payeur et qu’il recevait des indemnités d’accident du travail.

 

[100]  L’appelant a mentionné qu’il avait toujours été payé pendant qu’il travaillait pour le payeur. Pourtant, la preuve montre le contraire.

 

[101]  On pourrait se demander pourquoi l’appelant aurait continué de signer des chèques pour le compte du payeur tandis qu’il était blessé, même si le volume de travail effectué était minime. L’aide‑comptable a affirmé qu’elle ne se présentait jamais au travail pour signer des chèques lorsqu’elle était en vacances.

 

[102]  La preuve a révélé qu’au moins cinq chèques tirés sur la Banque de Montréal ont été signés alors que l’appelant n’était pas un employé du payeur. Cette tâche ne nécessitait peut‑être pas un grand effort, mais ce n’est pas le genre de chose que ferait une personne n’ayant pas de lien de dépendance avec son employeur. Comme il a été précisé plus haut, l’appelant et son épouse utilisaient la carte de crédit Visa CIBC pour leurs propres besoins, qu’ils aient remboursé ou non les sommes visées.

 

[103]  Il ressort également de la preuve que, selon le grand livre général, l’appelant signait les chèques de paye ainsi que les chèques de remboursement de ses propres dépenses et que le payeur acquittait la facture de Visa de l’appelant et de son épouse.

 

[104]  Il importe de se rappeler que, contrairement à l’appelant, l’aide‑comptable n’avait aucun pouvoir de signature, malgré ses quelque 18 années d’expérience auprès du payeur et la confiance et l’appréciation que toutes les personnes intéressées lui manifestaient.

 

[105]  Comme l’a mentionné l’avocate de l’intimé dans ses observations relatives à la décision Fournier v. Canada, (Department of National Revenue), précitée, la Cour est persuadée qu’il n’est nullement nécessaire de conclure à l’existence d’un contrat d’entreprise pour exclure la possibilité qu’il existe un contrat de louage de services et une relation employeur‑employé. Il incombe à l’appelant, et à lui seul, d’établir qu’il existait un contrat de louage de services.

 

[106]  La décision Fournier c. Canada, précitée, rendue par la Cour canadienne de l’impôt, porte sur des faits analogues à ceux dont je suis saisi. Comme dans cette affaire, la Cour est convaincue que l’appelant n’a pas réussi à établir qu’il agissait à titre de subordonné dans l’exécution de ses fonctions.

 

[107]  Il faut également tenir compte de la décision Hoobanoff Logging Ltd., précitée. Dans cette affaire, la Cour a conclu que, bien que les appelants aient pu signer les garanties en leur qualité d’actionnaires ou d’administrateurs, le fait qu’ils ont signé ces garanties montrait qu’il existait un lien inextricable entre eux et le payeur. « Leurs intérêts économiques étaient liés à ceux [du payeur] et ceux [du payeur], aux leurs, dans une telle mesure qu’on ne pouvait dire qu’il existait entre eux des intérêts économiques distincts ou contraires. Ils étaient l’âme dirigeante [du payeur]; ils étaient eux‑mêmes liés entre eux et avaient un intérêt économique familial commun qui était inséparable de celui [du payeur]. C’est exactement la situation qu’a envisagée le législateur lorsqu’il a établi le régime d’assurance‑emploi; il souhaitait empêcher les personnes qui dirigent ou contrôlent leur propre entreprise d’une façon commerciale de prendre part à ce régime et de demander des prestations s’ils se retrouvent sans emploi. »

 

[108]  Ce passage est des plus pertinents en l’espèce.

 

[109]  La Cour arrive à la conclusion que l’appelant n’a pas réussi à la convaincre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait (1) un contrat de louage de services ni (2) dans l’éventualité où il aurait existé un contrat de louage de services, qu’il s’agissait d’un contrat conclu par des parties n’ayant pas de lien de dépendance entre elles. La Cour est persuadée que la décision du ministre était raisonnable compte tenu de toutes les circonstances.

 

[110]  Les appels sont rejetés et les cotisations établies par le ministre sont confirmées.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle‑Écosse), ce 27e jour de juillet 2006.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2007.

 

Aleksandra Koziorowska

 


RÉFÉRENCE :                                            2006CCI409

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :                   2005-2663(EI) et 2005-2664(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        NELSON OATES ET M.R.N. ET OATES CONSTRUCTION LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 29 mai 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                L’honorable T. E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                             Le 27 juillet 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me William Morrow

Avocate de l’intimé :

Me Lisa M. Wight

Représentante de l’intervenante :

Mme Seandelle Pike

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

                   Nom :                            

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             Me John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

       Pour l’intervenante :

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