Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 97-333(UI)

ENTRE :

ÉRIC DUCHESNE

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Requête en rétractation de jugement entendue le 22 mars 2004

à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimé :

Me Sylvain Ouimet

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Vu la requête de l'appelant pour une rétractation du jugement rendu le 7 octobre 2003;

          Vu que dans les circonstances, il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que le requérant (appelant) soit présent à l'audition;

          Le jugement rejetant l'appel du requérant rendu le 7 octobre 2003 est annulé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2004.

« François Angers »

Juge Angers


Référence : 2004CCI304

Date: 20040430

Dossier : 97-333(UI)

ENTRE :

ÉRIC DUCHESNE

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers

[1]      Il s'agit d'une requête en rétractation d'un jugement rendu par la Cour canadienne de l'impôt le 7 juillet 2003. Le jugement accordait à l'avocat du requérant la permission de cesser d'occuper et rejetait l'appel du requérant au motif qu'il n'était pas présent en cour le matin où sa cause devait être entendue, soit le 2 juillet 2003 à Roberval (Québec). À cette même date, un dossier connexe impliquant le père du requérant, monsieur Berthold Duchesne, devait également être entendu. Le requérant et son père étaient tous les deux représentés par le même avocat. Une demande de remise avait été faite le 27 juin 2003 pour les deux dossiers et le 30 juin, leur avocat était informé que seule la remise dans le dossier du père était accordée pour des raisons de santé. L'avocat a donc réitéré sa demande de remise dans le dossier du requérant le matin du procès ce qui lui a été refusé par le juge présidant l'audition.

[2]      Ce matin-là, l'avocat s'est présenté sans son client et sans ses témoins. Pourtant, une copie d'une ordonnance fixant de façon péremptoire l'audition de la cause du requérant au 2 juillet 2003 et datée du 13 mai 2003 a été signifiée à ce dernier et il avait été informé du refus de sa demande de remise le 30 juin 2003.

[3]      L'avocat a expliqué l'absence de ses clients et de ses témoins devant le juge du procès et c'est suite à ses explications que ce dernier a conclu que le requérant n'était pas intéressé à sa cause et que l'avocat n'avait pas obtenu la coopération de son client pour préparer son appel. L'avocat a affirmé avoir écrit à ses deux clients un mois avant le 2 juillet 2003 en leur demandant de communiquer avec lui. Berthold Duchesne a communiqué avec l'avocat, puisqu'une demande de remise a été demandée pour des raisons de santé. Il a aussi téléphoné au requérant à plusieurs reprises, mais sans succès. Il a aussi, une fois sa demande de remise refusée le matin du 2 juillet 2003, tenté de communiquer avec son client et a informé la Cour qu'il n'avait pu rejoindre ce dernier, mais qu'il avait laissé un message sur son répondeur. Ce dernier effort était afin de procéder avec l'audition de la cause le lendemain, soit le 3 juillet. Il faut noter aussi que les témoins de l'intimé n'étaient pas présents le matin du 2 juillet 2003 et ce, sachant que la remise avait été refusée le 30 juin 2003.

[4]      Le requérant et sa mère, Diane Gaudreau, étaient présents à l'audience devant moi et ont tous deux témoigné sous serment. Le message laissé par l'avocat sur un répondeur la journée du 2 juillet 2003 était sur le répondeur de madame Gaudreau. Le requérant ne réside pas avec sa mère. Madame Gaudreau n'est qu'un témoin potentiel dans cette affaire en sa qualité d'employeur. Elle est séparée et ne reste plus avec Berthold Duchesne depuis six ans. Elle a écouté le message la journée du 2 juillet et, avec le requérant, s'est rendue le lendemain matin au Palais de justice de Roberval pour 9h30. Ils y sont retournés le 4 juillet 2003. À la suite des conseils de la greffière audiencière, le requérant a entrepris la présente démarche.

[5]      Selon madame Gaudreau et le requérant, les services de l'avocat auraient été retenus par Berthold Duchesne afin de le représenter, ainsi que son fils. Madame Gaudreau a déclaré n'avoir été informée en aucun temps que l'audience devait avoir lieu le 2 juillet 2003. En fait, elle a reçu un premier appel de l'avocat au sujet de cette affaire le 2 juillet. Elle a témoigné qu'il était impossible pour le requérant de recevoir des messages téléphoniques puisque son téléphone n'est pas muni de l'appareil nécessaire. De plus, elle a informé la Cour que son fils demeure au 2264, rang 3 Ouest, à Métabetchouan depuis toujours et que si l'avocat a écrit au requérant, il a utilisé l'adresse de Berthold, soit 164, rue St-Georges, à Métabetchouan, la même adresse utilisée pour envoyer sa facture d'honoraires postée le 18 juillet 2003. Elle a aussi confirmé qu'à l'époque en question, Berthold était effectivement hospitalisé.

[6]      Le requérant a confirmé le témoignage de sa mère. Selon lui, son avocat l'a déjà représenté dans une autre affaire et il devait connaître son adresse et numéro de téléphone. Il n'a pourtant pas reçu de lettre ni d'appel téléphonique. Une fois rejoint par sa mère le 2 juillet 2003, le requérant s'est présenté avec elle les matins du 3 et du 4 juillet 2003 au Palais de justice de Roberval.

[7]      Les alinéas 18.21(3)a) et b) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt établissent les deux conditions pouvant donner droit à une demande de rétractation de jugement. Il faut que la demande soit faite dès que possible à l'intérieur de 180 jours et que compte tenu de toutes les circonstances, il n'était pas raisonnable de s'attendre à ce que le requérant (appelant) soit présent à l'audition.

[8]      Il n'y a aucun doute en l'espèce que nous nous retrouvons devant des justifications pour le moins très contradictoires. L'avocat du requérant n'a pas témoigné à l'audience de la présente requête et sa version des faits provient de ma lecture des motifs du jugement de cette cour à la suite de l'audience du 2 juillet 2003. Il m'est donc impossible de comparer sa version à celle du requérant et de sa mère et d'y statuer. Je me contenterai donc d'essayer de comprendre comment une situation semblable peut se produire alors qu'en 2004 nous avons des moyens de communication des plus sophistiqués. La toile de fond que je retiens est la suivante :

1 -      L'avis d'audition est envoyé le 13 mai 2003 fixant de façon péremptoire l'audience du requérant au mercredi 2 juillet 2003 au Palais de justice de Roberval.

2 -       À l'époque, Berthold Duchesne est hospitalisé.

3 -       Le médecin confirme le 23 juin 2003 que Berthold vient d'être hospitalisé pour état dépressif.

4 -       L'avocat des appelants fait, le 27 juin 2003, une demande de remise pour les deux dossiers.

5 -       L'intimé ne s'y oppose pas.

6 -       Le 30 juin 2003, les parties sont informées par la coordonnatrice des audiences que la remise n'est accordée que dans le dossier de Berthold Duchesne et que les parties doivent être prêtes à procéder à l'audition les 2 et 3 juillet 2003.

7 -       Les avocats des deux parties se présentent en Cour le matin du 2 juillet 2003, l'avocat de l'appelant sans son client ni ses témoins et l'avocate de l'intimé sans ses témoins.

[9]      À la lumière de ce dernier fait, il me paraît évident que les deux avocats en cause étaient nettement sous l'impression, sans en avoir fait la demande, que la Cour allait accorder une remise dans le dossier du requérant. Tous les deux, dans certaines circontances, pourraient mettre gravement en péril la cause de leur client respectif puisqu'advenant un refus par la Cour d'accorder une remise, ils se retrouveraient sans moyens de faire la preuve ou, à toute fin, sans témoins et sans clients pour procéder. C'est exactement ce qui s'est produit. Il s'agit là, à mon avis, d'une situation tout à fait inacceptable considérant les obligations et les responsabilités que chaque avocat doit assumer lorsqu'il s'engage à représenter des clients. Il s'agit d'une situation où l'avocat risque d'engager sa responsabilité professionnelle envers son client et peut entacher, par le fait même, l'administration de la justice.

[10]     Les avocats qui choisissent de se présenter sans leur client et sans témoins lorsque l'audience de leur cause est fixée de façon péremptoire en souhaitant que le juge du procès leur accorde une remise font preuve d'un sérieux manque de respect envers la Cour. Cette façon de procéder nuit à la gestion efficace des instances devant la Cour. À moins de motifs extraordinaires, une telle situation ne devrait jamais se produire. Les conséquences advenant le refus du juge d'accorder la remise seraient d'autant plus désastreuses pour un appelant, même si les avocats des deux parties sont à blâmer.

[11]     Devant toutes les difficultés qu'a présentées cette demande de remise, l'avocat du requérant demande de cesser d'occuper parce qu'il ne peut rejoindre ce dernier. Pourtant, dans la même journée, il le rejoint et ce dernier se présente devant la Cour le lendemain matin et le surlendemain avec sa mère. Si je crois le requérant, comment se fait-il qu'en quelques heures, son avocat ait pu les rejoindre alors qu'il n'en a pas été capable entre la période du 13 mai 2003 et le matin du 2 juillet 2003?

[12]     L'audition d'une cause qui est fixée de façon péremptoire signifie qu'elle va procéder en tout état de cause. Seules des circonstances très exceptionnelles peuvent justifier une remise et la discrétion du juge est de rigueur.

[13]     En l'espèce, j'accepte les explications du requérant et de sa mère. Le priver d'entendre sa cause dans les présentes circonstances serait à mon avis injustifiable. Le requérant s'est retrouvé en chute libre sans comprendre comment il s'était rendu là. Il n'était donc pas raisonnable de s'attendre à ce que le requérant soit présent à l'audition de sa cause le 2 juillet 2003. Je ne peux également ignorer le fait que le requérant était présent avec sa mère le matin du 3 juillet 2003 au Palais de justice de Roberval. Cette date correspond à une des deux journées fixées pour l'audience de son appel par la coordonnatrice dans son message du 30 juin 2003. La requête est accordée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d'avril 2004.

« François Angers »

Juge Angers


RÉFÉRENCE :

2004CCI304

No DU DOSSIER DE LA COUR :

97-333(UI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Éric Duchesne et le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Chicoutimi (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 22 mars 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

le 30 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimé :

Me Sylvain Ouimet

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Étude :

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.