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Dossier : 2001-1545(IT)G

ENTRE :

WILLIAM R. REDRUPP,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] ____________________________________________________________________

Appels entendus à Toronto (Ontario), les 17 et 18 mars 2004

Devant : L'honorable M.A. Mogan

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Mes Brian R. Carr et Duane R. Milot

Avocat de l'intimée :

Me Bobby Sood

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Les appels de cotisations fiscales établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 sont admis, sans qu'aucuns dépens ne soient adjugés, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que, pour les trois années visées par l'appel, l'appelant peut déduire dans le calcul de son revenu les montants suivants qui, antérieurement, n'avaient pas été admis à titre de déductions :

   1993

   1994

    1995

Frais d'automobile

   7 356 $

    5 793 $

    5 205 $

Frais de représentation

   4 353

    3 219

     2 986

Frais juridiques

         --

    8 473

           --

Frais de bureau à domicile

   6 000

    6 000

     6 000

Provision pour le montant concernant PriceWaterhouse

   42 160

L'appelant n'a droit à aucune autre réparation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2004.

« M.A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI640

Date : 20040920

Dossier : 2001-1545(IT)G

ENTRE :

WILLIAM R. REDRUPP,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Mogan

[1]      L'appelant est un comptable agréé qui a exercé sa profession de 1961 jusqu'au milieu des années 1990. Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, il a déduit des montants élevés à titre de dépenses d'entreprise, de frais financiers et de pertes agricoles. Lors de l'établissement de la nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé la déduction de presque tous ces montants. L'appelant a interjeté appel contre les nouvelles cotisations en vertu des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Les années visées par l'appel sont les années 1993, 1994 et 1995. Il s'agit uniquement de savoir si certains montants sont déductibles dans le calcul du revenu.

[2]      Certains faits fondamentaux ont été admis dans les actes de procédure ou ont été par ailleurs établis. Pendant la période pertinente, l'appelant était associé chez PriceWaterhouse, un cabinet comptable international bien connu au Canada et dans d'autres pays. Dans chaque année visée par l'appel, l'appelant a gagné un revenu de profession libérale de plus de 275 000 $ à titre d'associé de ce cabinet. Pour l'année 1995, l'appelant a déduit une « provision à valoir sur le revenu » de 42 160 $ qui semble être une déduction se rapportant à une créance douteuse. L'appelant était associé dans une entreprise agricole à deux autres personnes qui possédaient des propriétés contiguës à la sienne; il gérait la société de personnes et les fermes. Un sommaire des montants pertinents tirés des déclarations de revenu de l'appelant (pièce A-1, onglets 1, 2 et 3) figure dans le tableau suivant :

1993

1994

1995

Revenu de profession libérale (PW)

        290 350 $

     289 175 $

      354 664 $

Dépenses d'entreprise

        127 435

     130 749

      177 824

Revenu net de profession libérale (ligne 137)

        162 915

     158 426

      176 840 *

Perte agricole (ligne 141)

          64 377

       63 394

        73 154

Frais financiers (ligne 221)

          34 820

       37 113

        42 259

           

* écart de 4 196 $ par rapport à la ligne 137 dans la déclaration de revenu pour l'année 1995.

[3]      L'avis d'appel ne renferme pas de détails au sujet des diverses dépenses qui semblent être contestées. Les avis de nouvelle cotisation pour les années 1993 et 1994 ont été produits sous la cote R-1, onglets 8 et 9, mais aucun état des rajustements n'indique les déductions qui ont été admises et celles qui ont été refusées. L'avis de ratification fait partie de la pièce R-1, onglet 10, mais seuls les montants totaux y sont indiqués. Je me fonde sur des copies des déclarations de revenu (pièce A-1, onglets 1, 2 et 3, et pièce R-1, onglets 1, 2 et 3) pour indiquer ce qui, selon moi, représente les dépenses d'entreprise totales, y compris le montant pour la créance douteuse, pour l'année 1995.

    1993

1994

    1995

Frais d'automobile

(essence, assurance et réparations)

    27 810

       22 695

    21 633

Intérêts payés (placement dans PW)

    42 980

       46 216

    49 368

Représentation        27 206 $ x 80 %

    21 764

               --

            --

                               32 190 $ x 50 %

            --

       16 095

            --

                               29 860 $ x 50 %

            --

               --

    14 930

Bureau à domicile

    25 913

       25 631

    32 422

Frais juridiques

            --

       13 840

    12 920

Déduction pour amortissement

(automobile)

      8 968

         6 272

      4 391

Provision à valoir sur le revenu

_______--

_______--

    42 160

Dépenses d'entreprise totales

127 435 $

     130 749 $

177 824 $

[4]      Selon la réponse de l'intimée et l'avis de ratification (pièce R-1, onglet 10), dans les nouvelles cotisations visées par l'appel, le ministre a admis, dans une proportion de 25 p. 100, la déduction des frais d'automobile ainsi que la DPA, plus 10 p. 100 des frais de représentation, mais il n'a pas admis la déduction des autres dépenses d'entreprise. De plus, le ministre a refusé la déduction des frais financiers, mais il a admis la déduction de pertes agricoles restreintes. Le tableau ci-dessous renferme un sommaire des montants en litige :

1993

1994

1995

Frais d'automobile

       27 810

       22 695

       21 633

DPA (automobile)

         8 968

         6 272

         4 391

Total des frais d'automobile

       36 778

       28 967

       26 024

(admis dans une proportion de 25 %)

         9 194

         7 242

         6 506

Frais de représentation déduits

       21 764

       16 095

       14 930

(admis dans une proportion de 10 %)

         2 176

         1 609

         1 493

Dépenses d'entreprise déduites

     127 435

     130 749

     177 824

Moins : fraction admise

       11 370

         8 851

         7 999

Dépenses en litige

     116 065

     121 898

     169 825

Perte agricole déduite

       64 377

       63 394

       73 154

Perte restreinte admise

         8 750

         8 750

         8 750

Perte agricole en litige

       55 627

       54 644

       64 404

Frais financiers (ligne 221)

       34 820 $

       37 113 $

       42 259 $

Les frais financiers qui ont été déduits à la ligne 221 des déclarations de revenu sont différents des montants associés aux « intérêts payés » inclus dans les dépenses d'entreprise totales et viennent s'ajouter à ces montants (voir tableau, paragraphe 3).

[5]      Le tableau figurant au paragraphe 4 montre que les montants en litige sont élevés en ce qui concerne le revenu de profession libérale tiré par l'appelant de PriceWaterhouse (voir tableau, paragraphe 2), ses dépenses d'entreprise totales (voir tableau, paragraphe 3) et les pertes agricoles déduites (voir tableau, paragraphe 4). À l'appui de sa position, l'appelant a fait les déclarations suivantes dans son avis d'appel en date du 1er mai 2001 :

[traduction]

Dans chacune des années 1993, 1994 et 1995, le contribuable a gagné un revenu de profession libérale (PW) de plus de 275 000 $ par année et il a engagé des dépenses liées à ce revenu sous la forme de frais d'automobile, de frais de bureau à domicile, de frais de représentation, de frais juridiques et d'intérêts sur une dette se rapportant à sa participation dans la société de personnes PriceWaterhouse.

Pour chacune des années, le contribuable a fourni une analyse détaillée qu'il a jointe aux déclarations de revenu pour les années 1993, 1994 et 1995 à l'égard de chaque élément déduit par type de frais et par mois.                      (page 2)

Les dépenses d'entreprise qui ont été déduites étaient raisonnables quant au montant indiqué, compte tenu en particulier du niveau de revenu du contribuable ainsi que des activités et responsabilités globales liées à l'entreprise. (page 2)

En résumé, en ce qui concerne les dépenses d'entreprise (liées à la profession) les questions litigieuses se rapportent au caractère raisonnable des montants déduits et à la preuve des dépenses engagées.                                          (page 5)

Les dépenses d'entreprise engagées et indiquées à l'égard des années 1993, 1994 et 1995 étaient justifiées au moyen d'analyses détaillées des dépenses engagées chaque mois et de la source des frais, lesquelles ont été produites avec les déclarations de revenu du contribuable pour chaque année.                           (page 10)

[6]      L'appelant a produit un relieur composé de 15 documents (pièce A-1) dans lequel se trouvent, aux onglets 1, 2 et 3, des copies de ses déclarations de revenu T1 générales pour les années 1993, 1994 et 1995 respectivement. De même, l'intimée a produit un relieur composé de 12 documents (pièce R-1), dans lequel se trouvent, aux onglets 1, 2 et 3, des copies des déclarations de revenu T1 générales de l'appelant pour les années 1993, 1994 et 1995 respectivement. Les parties conviennent que, dans chaque déclaration de revenu telle qu'elle a été produite, il y avait un tableau d'une page énumérant les dépenses d'entreprise indiquées dans le tableau au paragraphe 3 ci-dessus. Je reproduirai à titre d'exemple les tableaux des trois déclarations de revenu :

Dépenses engagées en 1993

Automobile - essence, assurance, réparations

27 810 $

Intérêts - placement dans PriceWaterhouse

42 980

Bureau à domicile (un tiers)

25 913

Frais de représentation - 80 % de 27 206 $

21 764

Déduction pour amortissement

8 968

127 435 $

Dépenses engagées en 1994

Intérêts - placement dans PriceWaterhouse

     46 216 $

Frais juridiques

     13 840

Automobile - essence, réparations, assurance, etc.

     22 695

Déduction pour amortissement - automobile

       6 272

Frais de repas et de représentation -

50 % de 32 190 $

     16 095

Dépenses liées au domicile - 76 893 $

-- Utilisation aux fins de l'entreprise (un tiers)

     25 631

130 749 $

Dépenses engagées en 1995

Provision à valoir sur le revenu tiré d'une société de personnes

42 160 $

Intérêts - placement dans PriceWaterhouse

49 368

Frais juridiques

12 920

Automobile - déduction pour amortissement

- essence, réparations, assurance, intérêts

4 391

21 633

Frais de repas, représentation -

50 % de 29 860 $

14 930

Dépenses liées au domicile - 81 054 $

-- Utilisation aux fins de l'entreprise (40 %)

32 422 $

177 824 $

Les faits

[7]      Selon la pièce A-1 et le témoignage oral de l'appelant, les déclarations de revenu pour les années 1993 et 1994 (onglets 1 et 2) comprenaient des sommaires d'une page indiquant quatre genres précis de dépenses pour chaque mois : (i) les intérêts sur l'emprunt contracté auprès de PriceWaterhouse; (ii) les frais de représentation; (iii) les frais d'automobile; et (iv) les frais d'utilisation de la maison dans le cadre de l'entreprise. De plus, la pièce A-1 et le témoignage oral de l'appelant indiquent que la déclaration pour l'année 1995 (onglet 3) comportait des sommaires d'une page indiquant pour chaque mois les frais de représentation, les frais d'automobile et les frais liés à l'utilisation de sa maison dans le cadre de l'entreprise (aucun sommaire n'a été remis pour les intérêts sur l'emprunt contracté auprès de PriceWaterhouse). C'est sur ce point que les parties ne s'entendent pas. L'intimée affirme que lorsque les déclarations T1 générales ont été produites, ces déclarations ne comprenaient aucun sommaire de dépenses précises engagées chaque mois. L'intimée affirme que les déclarations telles qu'elles ont été produites ne renfermaient que les tableaux reproduits au paragraphe 6 ci-dessus. Carmela Catizzone, l'agente des appels à Revenu Canada qui a examiné les avis d'opposition de l'appelant, a témoigné à l'audience. Elle a déclaré que Revenu Canada ne pouvait pas trouver la déclaration de revenu de l'appelant pour l'année 1995, mais elle a affirmé avec insistance que les déclarations pour les années 1993 et 1994, telles qu'elles avaient été produites, ne contenaient pas de sommaires des dépenses précises engagées chaque mois. Mme Catizzone croyait se rappeler avoir vu pour la première fois les sommaires mensuels lors de son interrogatoire préalable, au mois de juin 2003.

[8]      Les sommaires mensuels décrits au paragraphe 7 doivent être considérés dans le contexte du témoignage oral de l'appelant. Je résumerai la preuve que l'appelant a présentée au sujet de l'établissement de ses déclarations de revenu. Il remplit ses propres déclarations en inscrivant à la main les montants requis. En ce qui concerne une dépense d'entreprise précise comme les « frais de représentation » , il rassemble toutes les factures ou tous les reçus pertinents, et il regroupe les totaux, pour chaque mois, sur une feuille de calcul sous différentes catégories indiquées au haut de la feuille, par exemple, University Club, York Downs Golf Club, Mad River Golf Club (près de Collingwood), Granite Club, carte de crédit American Express et frais liés à la maison. Lorsque la feuille de calcul est complétée, sur un nouveau tableau, il inscrit les totaux mensuels pour chaque catégorie afin d'arriver au montant global des frais de représentation de l'année. De bons exemples de cette opération figurent dans la pièce A-1, onglet 1 (sixième page de la copie de la Cour) où le montant global pour l'année 1993 s'élève à 27 206 $, et à l'onglet 2 (onzième page de la copie de la Cour) où le montant global pour l'année 1994 s'élève à 32 190 $.

[9]      Si nous poursuivons le résumé de la preuve qu'il a présentée, l'appelant a joint des copies des nouveaux tableaux à ses déclarations de revenu; il a produit les déclarations et il a conservé les feuilles de calcul originales avec les factures et les reçus justificatifs pertinents. Lorsqu'il recevait un avis de cotisation de Revenu Canada à l'égard d'une année d'imposition particulière dans lequel ses dépenses d'entreprise n'étaient pas contestées, il détruisait ou jetait les factures, les reçus et les feuilles de calcul se rapportant à cette année-là. Il affirme que c'est pourquoi, pendant la vérification (du mois de janvier au mois d'octobre 1997) de ses années d'imposition 1993, 1994 et 1995, il n'a pas pu produire de reçus à l'appui des dépenses déduites. Je laisse de côté pour le moment le désaccord qui existe entre les parties au sujet de la question de savoir si les sommaires mensuels ont été inclus dans les déclarations de revenu, telles qu'elles ont été produites, parce que les sommaires ne sont pas des documents provenant d'un tiers comme le serait une facture ou un reçu. Ils n'établissent pas qu'un montant particulier a été exigé de l'appelant ou payé par celui-ci.

[10]     Il y a énormément d'éléments de preuve au sujet des nombreuses activités auxquelles l'appelant se livrait en sa qualité de comptable agréé et au sujet de son succès en tant qu'associé chez PriceWaterhouse. L'appelant a obtenu un diplôme de l'University of Toronto en 1958, dans le domaine du commerce et des finances. Il a fait un stage chez PriceWaterhouse ( « PW » ) et il a été admis à l'Ontario Institute of Chartered Accountants en 1961. Il a été employé comme comptable dans la catégorie de la « vérification » chez PW en 1961. Il a été promu au poste de superviseur en 1964 et au poste de directeur en 1967. Il a ensuite été envoyé à Boston pour une période d'un an. Lorsqu'il est revenu de Boston, on lui a demandé d'ouvrir un bureau de PW à London (Ontario). Les activités exercées par PW à London en 1968-1969 étaient principalement liées à la vérification de filiales canadiennes de sociétés mères américaines. L'appelant avait fondamentalement pour tâche de s'occuper de ces activités et d'assurer leur expansion.

[11]     PW faisait face, dans le domaine de la comptabilité, à énormément de concurrence à London vers 1968-1969, parce que d'autres cabinets comptables nationaux et de nombreux gros cabinets locaux y avaient établi des bureaux. L'appelant a commencé à travailler à London avec seulement deux autres comptables agréés. Au début des années 1970, il s'est lancé dans l'agriculture, dans le financement des entreprises et dans l'impôt sur le revenu. Dans le domaine du financement des entreprises, il aidait les clients à emprunter pour les acquisitions de nouvelles entreprises et d'immeubles. Ce travail comportait l'évaluation d'une entreprise, l'élaboration d'un plan d'entreprise, la détermination du montant d'un emprunt précis et du temps qu'il faudrait pour rembourser cet emprunt. L'appelant a acquis de l'expérience en matière de négociation des conditions d'emprunt auprès des banques et d'autres institutions financières pour le compte de clients de PW. Il a combiné cette expertise et les activités agricoles de nombreux clients qui s'occupaient de la production de denrées alimentaires de base, comme le boeuf, le porc, la volaille et les produits de la terre. L'agriculture est un secteur important dans le sud-ouest de l'Ontario, de Hamilton en allant vers l'ouest jusqu'à London et Windsor et au nord jusqu'à la baie Georgienne.

[12]     Le travail de l'appelant à London a été reconnu en 1971 lorsqu'il est devenu associé de PW. En 1985, lorsque le cabinet de London comptait une cinquantaine de comptables agréés, on a demandé à l'appelant de revenir au bureau de PW, à Toronto, afin de poursuivre son travail au sein du groupe responsable du financement des entreprises. L'appelant a acheté une maison au 408, chemin Russell Hill, à Toronto; il avait un bureau chez PW au First Canadian Place (au coin des rues Bay et King). L'appelant a continué à travailler chez PW jusqu'en 1994, lorsqu'il a pris sa retraite et a ouvert sa propre entreprise d'expert-conseil dans le domaine du financement des entreprises. Étant donné que l'exercice de PW prend fin au mois de janvier, l'appelant a déclaré son revenu de 1994 à titre d'associé de PW dans l'année civile 1995. L'appelant était bien connu en tant qu'expert dans le domaine du financement des entreprises. En 1993, un client, en Allemagne, lui a demandé d'aider à la privatisation de mines de charbon en Roumanie. Il s'est rendu en Allemagne; il a travaillé au projet; il a soumis une proposition, mais PW n'a pas obtenu le contrat. De même, l'appelant est allé en Chine avec un client pour donner des conseils à l'égard d'un projet dans ce pays.

[13]     Eu égard à la preuve, je suis convaincu que l'appelant est un comptable respecté, compétent et qui réussit bien dans sa profession, en particulier dans le domaine du financement des entreprises. De fait, sa compétence dans la profession qu'il a choisie est l'un des obstacles auxquels il fait face devant la Cour. Revenu Canada a contesté tous les montants indiqués au paragraphe 4 ci-dessus. J'indiquerai sous forme de ratio et de pourcentage l'ensemble des montants en litige pour chaque année (paragraphe 4 ci-dessus) à l'égard du revenu que l'appelant gagnait à titre d'associé chez PW :

1993 :           206 512                  =                  71 %

                             290 350

                   1994 :           213 655                  =                  74 %

                                                289 175

                   1995 :           276 488                  =                  78 %

                                                354 664

Ces pourcentages sont explicites. Puisqu'il déduisait dans chaque année un total de trois montants (dépenses d'entreprise, perte agricole et frais financiers) représentant plus de 70 p. 100 du revenu qu'il gagnait chez PW, l'appelant pouvait s'attendre et, à mon avis, il aurait dû s'attendre à ce que ces montants soient contestés par Revenu Canada. Le fait que l'appelant n'a pas conservé les factures et reçus pertinents pendant une période raisonnable (soit peut-être pendant la période normale de nouvelle cotisation de trois ans) milite à son encontre. La vérification relative aux trois années visées par l'appel a commencé au mois de janvier 1997, dans le délai imparti aux fins de l'établissement d'une nouvelle cotisation pour l'année 1993 et les années ultérieures; pourtant, l'appelant n'a pas pu produire de factures et de reçus pour l'année 1995, soit l'année la plus récente qui a fait l'objet de la vérification.

Analyse

[14]     L'appelant fait face à des questions de crédibilité, de caractère raisonnable et de bon sens. Les montants en litige sont élevés et ils ne sont pas établis. La meilleure preuve serait une facture du créancier, un chèque oblitéré, un reçu ou une autre preuve de paiement. Or, la meilleure preuve n'a pas été soumise à la Cour. Nous disposons plutôt uniquement de tableaux rédigés à la main par l'appelant et des explications orales que celui-ci a données au sujet de la façon dont ces tableaux étaient préparés. L'appelant a énormément d'expérience à titre de vérificateur de profession, et ce, depuis les premières années où il travaillait chez PW, de 1961 à 1967. Lorsque cet appel a été entendu au printemps 2004, le scandale Enron faisait la une des journaux. À la barre des témoins, l'appelant a fait remarquer en passant que ses équipes de vérification chez PW savaient [traduction] « flairer les fraudes » et qu'elles auraient découvert la fraude chez Enron bien avant que cette fraude ait été portée à la connaissance du public. Un comptable de profession qui sait flairer les fraudes devrait savoir jusqu'à quel point les documents originaux établis par des tiers, comme des factures et des reçus, sont importants.

[15]     La tenue de documents commerciaux en règle est une question de bon sens; de plus, elle est exigée en vertu du paragraphe 230(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui prévoit en partie ce qui suit :

230(1) Quiconque exploite une entreprise et quiconque est obligé, par ou selon la présente loi, de payer ou de percevoir des impôts ou autres montants doit tenir des registres et des livres de comptes [...] à son lieu d'affaires ou de résidence au Canada [...] dans la forme et renfermant les renseignements qui permettent d'établir le montant des impôts payables en vertu de la présente loi [...]

Les tribunaux judiciaires ont à maintes reprises confirmé qu'il faut conserver et produire les documents originaux. Dans l'arrêt Njenga v. The Queen, 96 DTC 6593, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit :

Le système fiscal est fondé sur l'autocontrôle. Il est d'intérêt public que la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable. Le juge de la Cour de l'impôt a statué que les personnes comme la requérante doivent être en mesure de produire toutes les informations et justifications permettant d'appuyer les réclamations qu'elles font. Nous sommes d'accord avec cette conclusion. Mme Njenga, à titre de contribuable, a la responsabilité de justifier ses affaires personnelles d'une manière raisonnable. Des reçus écrits par elle-même et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants.

[16]     Je n'autoriserai pas la déduction des montants en litige en me fondant uniquement sur les tableaux et sur le témoignage oral de l'appelant. Certains montants en particulier commandent une vérification. Il n'existe aucun élément de preuve à l'appui des intérêts qui auraient été payés sur de l'argent emprunté en vue d'un placement chez PW; or, le montant des intérêts qui a été déduit chaque année excède 42 000 $. Des hommes de la stature de l'appelant n'empruntent pas d'argent chez des usuriers! Ils contractent des emprunts auprès de banques ou d'autres institutions financières qui sont réglementées et qui sont obligées de tenir des livres et des registres détaillés. L'appelant aurait dû être en mesure de produire des relevés bancaires ou d'autres documents similaires afin d'établir le paiement de pareils intérêts. La pièce A-1, onglet 4, est un tableau d'une page pour l'année 1994, lequel indique censément les intérêts payés chaque mois à l'égard d'un placement de 385 000 $ chez PW. L'appelant a déduit le montant global des intérêts pour l'année (49 368 $) dans son exercice 1995. On peut se demander à qui le montant des intérêts a été versé, quelles étaient les modalités de paiement (par chèque, au moyen d'un retrait direct effectué chaque mois sur le compte bancaire de l'appelant?). La vérification de l'impôt sur le revenu pour les années 1993-1994-1995 a commencé au mois de janvier 1997. À ce moment-là, l'appelant aurait dû être en mesure d'attester les frais élevés d'intérêt qui avaient été déduits à titre de dépenses d'entreprise pour chaque année. Or, il n'a pas attesté ces montants.

[17]     Il n'existe aucun élément de preuve à l'appui des frais financiers, qui dépassent 34 000 $ pour chaque année. L'appelant a allégué que les frais financiers se rapportaient en partie à des intérêts sur de l'argent qu'il avait emprunté pour effectuer sa cotisation dans un REER, mais il ne semblait pas se rendre compte que la Loi prévoit expressément que le montant de pareils intérêts n'est pas déductible.

[18]     L'appelant a longuement témoigné au sujet de l'utilisation de sa voiture dans le cadre de l'entreprise. Je suis convaincu que l'appelant utilise souvent sa voiture dans le cadre de son entreprise. Toutefois, l'absence de reçus et le fait que l'appelant affirme qu'une voiture était exclusivement utilisée pour l'entreprise me rendent perplexe. S'il y avait eu des reçus à l'appui des frais totaux d'utilisation de la voiture chaque année, j'aurais été porté à admettre, dans une proportion de 66 p. 100, la déduction de ces frais. En l'absence de reçus, j'autoriserai une déduction correspondant à 45 p. 100 du montant que l'appelant a indiqué au titre des frais d'automobile et de la DPA. En d'autres termes, je porterai de 25 à 45 p. 100 la déduction des frais d'automobile qui a été admise dans les nouvelles cotisations portées en appel.

[19]     Dans les nouvelles cotisations, le ministre a autorisé l'appelant à déduire uniquement 10 p. 100 des montants indiqués au titre de la « représentation » . Il existe depuis bien des années une pratique établie voulant que, lorsque l'on invite un client, on inscrive son nom sur le reçu de la carte de crédit, sur la pièce justificative d'un club privé ou sur le billet (d'un événement sportif ou d'une pièce de théâtre). Je ne comprends pas ou je n'accepte pas l'omission de l'appelant de suivre cette pratique de longue date et de produire des reçus acceptables dans lesquels ses clients sont désignés. Je suis porté à croire que l'appelant a dépensé plus que 10 p. 100 des montants indiqués, mais, en l'absence de reçus, j'admettrai les montants indiqués dans une proportion de 30 p. 100 seulement. J'accroîtrai de 10 à 30 p. 100 la déduction des frais de représentation accordée dans les nouvelles cotisations portées en appel.

[20]     À l'audience, l'appelant a produit deux factures (pièce A-1, onglets 8 et 9) du cabinet d'avocats Weir et Foulds, indiquant des frais juridiques d'un montant de 2 247,54 $ plus un montant de 6 225,11 $ en 1994, se rapportant à un litige qui a par la suite fait l'objet d'une entente avec PW. J'autoriserai l'appelant à déduire les frais juridiques qui ont été établis, soit un montant de 8 472,65 $ pour 1994.

[21]     Les déductions effectuées par l'appelant à l'égard de l'utilisation de sa maison dans le cadre de l'entreprise sont à mon avis exagérées. Je ne doute aucunement que l'appelant utilisait parfois sa maison dans le cadre de l'entreprise, mais il faut se rappeler qu'en 1993 et en 1994, il était associé principal au sein d'un cabinet comptable national et international bien connu; il avait un bureau au First Canadian Place, à Toronto. Compte tenu des sous-alinéas 18(12)a)(i) et (ii) de la Loi, le bureau à domicile n'était pas son principal lieu d'affaires. Toutefois, je reconnais qu'il y avait à la maison de l'appelant un bureau qui « ser[vait] exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients [...] sur une base régulière et continue » . Je conclus en me fondant sur les esquisses du plan de la maison (pièce A-1, onglet 5) et sur le témoignage oral de l'appelant, que celui-ci utilisait sa maison dans une proportion d'environ 15 p. 100 (le bureau situé au deuxième étage) pour les besoins de l'entreprise.

[22]     En l'absence de reçus (le même problème éternel puisque l'appelant est un comptable fort compétent), je rejette d'emblée les frais annuels d'utilisation fort élevés (75 000 à 80 000 $) qu'il a attribués à sa maison. Compte tenu de la preuve présentée par l'appelant lui-même ainsi que par l'agente des appels (Mme Catizzone), je suis convaincu que certains montants étaient de la nature d'une immobilisation; de plus, le montant global est beaucoup trop élevé. Je réduirai arbitrairement à 40 000 $ les frais d'utilisation annuels liés à la maison et j'autoriserai l'appelant à déduire 15 p. 100 de ce montant (soit 6 000 $ par année) en ce qui concerne l'utilisation de la maison dans le cadre de l'entreprise pour chaque année visée par l'appel.

[23]     Dans sa déclaration de revenu pour 1995, l'appelant a déduit un montant de 42 160 $, qu'il a désigné comme étant une [traduction] « provision à valoir sur le revenu de la société (voir document ci-joint) » . L'appelant a joint une copie de la lettre qu'il avait envoyée à PW le 14 juin 1996, laquelle a été versée sous la cote A-1, onglet 12, dans le présent appel. Dans cette lettre, l'appelant fait mention d'une lettre antérieure de PW datée du 22 avril 1996, laquelle a été produite sous la cote A-1, onglet 10. La meilleure description du montant de 42 160 $ figure à la deuxième page d'une lettre datée du 13 juin 1996 que PW a envoyée à l'appelant (pièce A-1, onglet 11). Enfin, selon une lettre de PW à l'appelant en date du 29 juillet 1998 (pièce A-1, onglet 13), le montant de 42 160 $ (ou le montant de 42 967,76 $ indiqué dans certains documents) n'a été versé à l'appelant qu'au mois de juillet 1998. Lors de la présentation de la preuve et de l'argumentation, l'intimée n'a pas contesté l'exactitude des déclarations qui étaient faites dans les lettres produites sous la cote A-1, onglets 10, 11, 12 et 13.

[24]     Je suis convaincu que lorsque l'appelant a pris sa retraite à la fin de l'année 1994, il y avait vraiment un désaccord entre la société de personnes PW et lui au sujet de ce montant de 42 160 $. La société de personnes PW indiquait ce montant à titre de montant distribué en 1995, même si le montant a été versé à l'appelant au mois de juillet 1998 seulement. Si l'appelant était tenu d'inclure le montant de 42 160 $ dans son revenu net d'entreprise pour 1995 (voir la case 18 du formulaire T5013, qui fait partie de la pièce A-1, onglet 3; et voir également la pièce A-1, onglet 12), il avait à mon avis le droit de déduire pour 1995 le montant de 42 160 $ à titre de provision pour créance douteuse en application de l'alinéa 20(1)l) de la Loi. Lorsqu'il a en fait reçu le montant de 42 160 $ au mois de juillet 1998, l'appelant était tenu d'inclure ce montant dans son revenu pour 1998 en application de l'alinéa 12(1)d) de la Loi.

[25]     L'appelant n'a pas inclus le montant de 42 160 $ dans le revenu gagné en 1998. En bonne justice, l'appelant aurait produit sa déclaration de revenu pour l'année 1998 au printemps 1999 et il aurait alors reçu l'avis de nouvelle cotisation pour l'année 1995, daté du 9 mars 1998, l'informant que la déduction du montant de 42 160 $ à titre de « provision » était refusée. Lors du témoignage de Mme Catizzone, les propos suivants ont été échangés avec l'avocat de l'appelant :

[traduction]

Q.         En ce qui concerne le revenu de la société de personnes et le report, M. Redrupp vous a finalement remis des lettres portant sur ce point. Vous aviez à votre disposition les lettres que nous avions.

R.          En ce qui concerne la provision?

Q.         Oui.

R.          Oui.

Q.         En ce qui concerne la provision de 42 000 $?

R.          Oui.

Q.         Et pourquoi n'avez-vous donc pas admis cette déduction?

R.          J'étais prête à l'admettre s'il l'avait incluse dans la déclaration de revenu pour l'année 1998.

Q.         Vous affirmez donc que dans la mesure où elle pouvait être reportée à l'année 1998, elle pouvait être déduite pour 1995.

R.          Oui.

J'autoriserai l'appelant à déduire, pour 1995, le montant de 42 160 $ qu'il a tenté de déduire lorsqu'il a produit sa déclaration pour cette année-là. L'un des avocats a soutenu que l'appelant peut faire l'objet d'une nouvelle cotisation pour l'année 1998 (soit l'année pendant laquelle l'appelant a de fait reçu les 42 160 $) en vue d'inclure ce montant dans son revenu malgré le temps qui s'est écoulé, si le paragraphe 152(4.3) s'applique. Je crois que l'appelant peut de toute façon faire l'objet d'une nouvelle cotisation pour l'année 1998.

Pertes agricoles

[26]     L'appelant affirme que l'agriculture était sa principale source de revenu au sens de l'article 31 de la Loi. Sur ce point, la pierre angulaire de la loi se trouve dans la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan v. The Queen, 77 DTC 5213. Au nom de la Cour, le juge Dickson (tel était alors son titre), a dit ce qui suit, aux pages 5215 et 5216 :

Déterminer si une source de revenu est la principale « source » de revenu d'un contribuable suppose un test à la fois relatif et objectif. Ce n'est incontestablement pas une simple question de proportion. Celui qui a exploité une ferme toute sa vie ne cesse pas d'en tirer sa principale source de revenu du simple fait qu'il a inopinément gagné à la loterie. Ce qui distingue la principale « source » de revenu du contribuable, c'est l'expectative raisonnable de revenu en provenance des diverses sources, ainsi que ses habitudes et sa façon coutumière de travailler. On peut analyser ces éléments, notamment à l'égard de chaque source de revenu, en examinant le temps consacré à celle-ci, les capitaux engagés et la rentabilité présente et future. Un changement dans les habitudes ou la façon de travailler d'un contribuable ou dans ses expectatives raisonnables peut indiquer une modification de la principale source de revenu, mais cela demeure une question de fait dans chaque cas.

[27]     Depuis 1977, la Cour d'appel fédérale et la présente cour ont adopté à maintes reprises le critère à trois volets, composé du temps consacré, des capitaux engagés et de la rentabilité, afin de déterminer la principale source de revenu. Vers 1960, le père de l'appelant avait acheté une ferme de 60 acres au nord de Creemore et au sud de Collingwood, à environ 130 kilomètres au nord de Toronto. En 1964, l'appelant a acheté certaines terres adjacentes : 100 acres à côté de la ferme de son père et 40 acres derrière la ferme de son père. En 1975, l'appelant a acheté une autre ferme de 75 acres située à proximité. Dans les années visées par l'appel, les 60 acres initiaux appartenaient à la mère de l'appelant et les terres adjacentes appartenaient en partie à la femme de l'appelant. Il est reconnu que l'appelant gérait l'entreprise agricole pour le compte des trois membres de la famille. Par conséquent, la perte agricole nette a été répartie comme suit entre les trois propriétaires :

          1993

         1994

      1995

Appelant

64 377 $

        63 394 $

73 154 $

Femme de l'appelant

Mère de l'appelant

               901

            1 734

          1 024

          1 826

         968

      4 689

Perte agricole nette

67 012 $

        66 244 $

     78 811 $

[28]     En 1961, l'appelant a acheté ses premiers herefords qu'il a décrits comme étant des [traduction] « bêtes à cornes » . En 1970, il a installé de nouvelles clôtures sur la terre initiale de 60 acres; il a planté des céréales sur 30 acres et a utilisé 30 acres pour des pâturages. Dans les années 1960 et 1970, l'appelant a acquis des connaissances plus étendues en suivant des cours organisés par le gouvernement de l'Ontario ou par certaines entreprises de vente d'aliments pour le bétail. En 1980, il a augmenté la taille de son cheptel en acquérant des vaches et des veaux et, en 1994, il a acheté son premier taureau de haute qualité ([traduction] « de première classe » ), qui avait alors quatre mois. Le jeune taureau a été mis en quarantaine aux États-Unis pendant un certain temps et est arrivé au Canada en 1995. L'appelant a déclaré qu'en 1993, il aurait eu de 40 à 60 têtes de bétail : une soixantaine du mois de janvier au mois de mai et une quarantaine du mois de juin au mois de janvier.

[29]     L'appelant affirme avoir consacré le tiers de son temps à la ferme. C'était peut-être vrai pour l'année 2004 lorsque l'appel a été entendu, mais cela n'est tout simplement pas vraisemblable pour les années 1993, 1994 et 1995 visées par l'appel. En 1993 et en 1994, l'appelant était associé principal au bureau principal de PW, à Toronto (au First Canadian Place). L'appelant a déclaré que lorsqu'il avait quitté London pour s'installer à Toronto, il s'occupait principalement de [traduction] « rendre publiques » certaines entreprises qui étaient antérieurement des sociétés privées. Ces projets obligeaient l'appelant à rencontrer le client, une banque à charte, et ce qui est encore plus important, le spécialiste des services de banque d'investissement qui devait préparer le prospectus et donner des conseils au sujet des titres à vendre au public. Il s'agit d'un travail de niveau élevé pour les comptables, les avocats et les spécialistes des services de banque d'investissement.

[30]     L'appelant a déclaré que, lorsqu'il a quitté PW à la fin de l'année 1994, il était celui qui gagnait le plus au sein du groupe chargé du financement des entreprises. Je le crois. L'appelant est intelligent, compétent, travailleur et réussit bien dans sa profession de comptable. Ce succès ne vient pas en passant le tiers de son temps dans une ferme située à 130 kilomètres de la maison et du bureau. Ce succès vient lorsque l'on est disponible pour travailler avec acharnement dans le milieu des affaires de la rue Bay. Chaque voyage à la ferme prenait au moins une heure dans chaque sens. De plus, l'appelant est membre du Mad River Golf Club, près de Collingwood, et près de sa ferme. Selon la feuille de calcul relative aux frais de représentation, le Mad River Golf Club était l'un des endroits où l'appelant avait engagé des dépenses. L'appelant a affirmé qu'il se rendait au Mad River Golf Club principalement pour inviter des clients à manger plutôt que pour jouer au golf. C'est peut-être vrai, mais le temps passé au Mad River Golf Club n'était pas passé à la ferme. Je conclus que l'appelant consacrait moins du tiers de son temps à la ferme.

[31]     Selon la pièce A-1, onglet 4, l'appelant avait un investissement de 385 000 $ dans PW en 1994. Ce n'est pas surprenant étant donné son succès à titre d'associé dans ce cabinet. De plus, l'appelant avait investi un montant non divulgué dans la maison familiale au 408, chemin Russell Hill, à Toronto, un quartier résidentiel de premier choix. L'appelant avait probablement investi des montants additionnels dans certains clubs privés dont il était membre : Granite, University, York Downs Golf et Mad River Golf. Ces clubs étaient utilisés dans le cadre de la vie professionnelle de l'appelant comme le montre la feuille de calcul relative aux « frais de représentation » . L'appartenance à de tels clubs ne contribuerait pas au succès de l'entreprise agricole de l'appelant.

[32]     Pendant les années visées par l'appel, la propriété des terres utilisées à des fins agricoles était répartie entre l'appelant, la femme de l'appelant et la mère de l'appelant. Il n'existe aucun élément de preuve au sujet du montant que l'appelant a lui-même investi dans la partie de la société agricole qui lui appartenait. Il n'est donc pas possible de comparer le montant que l'appelant avait investi dans l'agriculture et les montants qu'il avait investis dans son entreprise professionnelle et dans sa maison en ville. Le montant investi dans la maison en ville est pertinent parce que, pour l'agriculteur à plein temps, la maison fait partie intégrante de la ferme. De plus, l'appelant avait une résidence quelconque à la ferme. En l'absence d'une preuve contraire, je suis convaincu que l'appelant avait investi un montant beaucoup plus élevé dans PW, dans sa maison, à Toronto, ainsi que dans les clubs privés que le montant investi dans sa part de la société agricole.

[33]     Le dernier élément du critère à trois volets est la rentabilité. Je tire des états du revenu d'agriculture incorporés dans la pièce A-1, onglets 1, 2 et 3, les montants déclarés à titre de revenu, de dépenses et de pertes :

           1993

            1994

            1995

Revenu d'agriculture

31 895 $

28 878 $

33 041 $

Dépenses agricoles

           98 907

95 122

111 852

Perte agricole

67 012 $

66 244 $

78 811 $

Pour chaque année, les dépenses (y compris un montant raisonnable pour la DPA) étaient trois fois plus élevées que le revenu. Il n'existe aucune preuve documentaire montrant que la ferme a produit un bénéfice dans les dix années qui ont précédé l'année 1993 ou dans une année postérieure à l'année 1995. En d'autres termes, aucun élément de preuve ne montre que la ferme était rentable à un moment donné au cours des 20 dernières années. Je ne m'arrêterai pas à la notion d' « expectative raisonnable de profit » . Je me demande simplement comment une ferme qui n'est pas rentable pendant 20 ans peut même être considérée comme une « source principale de revenu » dans l'une des dix dernières années lorsque le propriétaire principal ou l'associé principal tire chaque année un revenu généreux d'une source non agricole.

[34]     Dans l'arrêt Donnelly v. The Queen, 97 DTC 5499, le juge Robertson a parlé des contribuables « qui gagnent leur revenu à la ville et le perdent à la campagne » . Cette remarque s'applique certes à M. Redrupp, qui est sans aucun doute un homme de la ville. En effet, il conduit une Mercedes seulement, même pour se rendre de Toronto à sa ferme; cela le distinguerait de la grande majorité des agriculteurs au Canada. Dans l'arrêt Taylor v. The Queen, 2002 DTC 7596, la Cour d'appel fédérale a apporté certaines réserves aux remarques que le juge Robertson avait faites dans l'arrêt Donnelly au sujet des « bénéfices "considérables" en provenance de l'agriculture » mais elle ne s'est pas écartée du critère à trois volets.

[35]     Dans la réponse à l'avis d'appel, l'intimée dit que l'appelant n'a pas engagé de dépenses agricoles telles que celles qu'il a indiquées relativement aux années visées par l'appel. Cela met encore en question l'attestation des montants payés. J'ai examiné l'allégation que l'appelant a faite au sujet de la « principale source de revenu » en appliquant le critère à trois volets établi dans l'arrêt Moldowan comme si la preuve de paiement n'était pas en cause. En d'autres termes, même si le paiement de toutes les dépenses agricoles avait été établi, je conclurais néanmoins que l'agriculture n'était pas la principale source de revenu de l'appelant dans les années visées par l'appel.

[36]     J'admettrai les appels pour les années 1993, 1994 et 1995 uniquement afin d'accorder à l'appelant une réparation restreinte en l'autorisant à effectuer des déductions additionnelles pour les frais d'automobile (voir le paragraphe 18 ci-dessus), les frais de représentation (voir le paragraphe 19 ci-dessus), les frais juridiques (voir le paragraphe 20 ci-dessus), l'utilisation de la maison dans le cadre de l'entreprise (voir le paragraphe 22 ci-dessus) et le montant de la « provision » , de 42 160 $, pour l'année 1995. Je ne rendrai pas d'ordonnance au sujet des dépens parce que la réparation que l'appelant a obtenue à l'égard de chaque année visée par l'appel est de beaucoup inférieure à la moitié des montants en litige.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2004.

« M.A. Mogan »

Juge Mogan

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI640

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-1545(IT)G

INTITULÉ :

William R. Redrupp et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 17 et 18 mars 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable M.A. Mogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelant :

Mes Brian R. Carr et Duane R. Milot

Avocat de l'intimée :

Me Bobby Sood

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Brian R. Carr et Duane R. Milot

Cabinet :

Fraser Milner Casgrain

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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