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Dossier : 2001-4218(IT)I

ENTRE :

ANDRÉ LARUE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appels entendus le 17 février 2003 à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge François Angers

Comparutions :

Représentant de l'appelant :

Gérald Leclerc

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

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JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1996, 1997 et 1998 sont rejetés, selon les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI288

Date : 20030505

Dossier : 2001-4218(IT)I

ENTRE :

ANDRÉ LARUE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Angers, C.C.I.

[1]      Il s'agit de trois appels visant les années d'imposition 1996, 1997 et 1998. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ), par un avis de nouvelle cotisation, a ajouté, lors du calcul du revenu de l'appelant pour les trois années en litige, la somme de 10 221 $, de 9 437 $ et de 8 589 $ respectivement à titre de revenus de placements. Le ministre a également imposé des pénalités relativement à ces montants en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) et a établi une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation pour l'année 1996 en invoquant le paragraphe 152(4) de la Loi.

[2]      Le même avis de nouvelle cotisation ajoute aux revenus de l'appelant le montant de 4 438 $, pour chacune des années 1997 et 1998, à titre de bénéfices à l'actionnaire en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi, soit le montant de la prime d'une assurance sur la vie de l'appelant dont sa conjointe était bénéficiaire, mais dont les primes étaient payées par l'une des sociétés de l'appelant.

[3]      Pour les années 1997 et 1998, les montants de 225 $ et de 285 $ respectivement ont été ajoutés aux revenus de l'appelant à titre d'avantages conférés à un actionnaire, en vertu de l'article 80.4 et des paragraphes 15(1) et 15(9) de la Loi, suite à un prêt de la société André Larue et Fils inc. à l'appelant.

[4]      Le montant des intérêts sur les revenus de placements n'est pas contesté, ni le fait qu'ils doivent être inclus dans le revenu imposable dans les mains de l'appelant pour les années en litige. L'année 1996 est en litige quant à la prescription et l'appelant conteste les pénalités pour les trois années. L'appelant ne conteste pas le montant de la prime d'assurance ni les montants d'intérêts de 225 $ et de 285 $ quant aux avantages tirés du prêt que l'appelant s'est accordé par voie de la société André Larue et Fils inc. le 1er décembre 1995 et qu'il a remboursé en septembre 1999.

[5]      L'appelant est mécanicien de formation et est en affaires depuis 1973. Durant les années en litige, il était l'actionnaire majoritaire et le président des sociétés J.A. Larue inc. et André Larue et Fils inc. Ces deux sociétés exercent des activités liées à l'achat, la vente et la réparation de machinerie lourde et de camions. Sans passer en revue tous les faits menant aux revenus d'intérêts non déclarés, il suffit de dire que l'appelant a vendu un bien-fonds à sa société et a financé une partie du prix d'achat. Ce sont les intérêts sur ce prêt qui sont en litige. Suite à une vérification par Revenu Québec, et ensuite par Revenu Canada, on a ajouté des montants aux revenus de placements de l'appelant, tel que décrit au début des présents motifs.

[6]      L'appelant a témoigné que sa conjointe et une dénommée Diane Boucher s'occupent de la comptabilité et qu'il fait faire ses déclarations de revenus par son comptable. Il déclare qu'il ne connaît ni la comptabilité ni l'impôt et qu'il se fie à ces gens-là. Son travail consiste à s'occuper des activités quotidiennes des deux sociétés. Il reconnaît qu'il a reçu à chaque mois le paiement que lui devait sa société et que lui ou sa conjointe signait les chèques pour les paiements en question. Il reconnaît ne pas avoir déclaré le revenu d'intérêts. Ses trois déclarations de revenus furent déposées en preuve et la proportion des intérêts non déclarés par rapport aux revenus déclarés se chiffre à 51 p. 100, 38 p. 100 et 20 p. 100, respectivement, pour chacune des années d'imposition en litige. Il faut signaler que la société, de son côté, déduisait les intérêts.


[7]      Il incombe au ministre d'établir selon la prépondérance des probabilités sa justification pour établir une nouvelle cotisation pour l'année prescrite. Il lui suffit d'établir la négligence du contribuable selon les critères établis par la Cour fédérale du Canada dans l'arrêt Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314, où l'honorable juge Strayer disait à la page 5 :

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. C'est sûrement là le sens des termes « présentation erronée des faits, par négligence » , en particulier avec d'autres motifs comme l'inattention ou l'omission volontaire qui font référence à un degré de négligence plus élevé ou à une mauvaise conduite délibérée. Sauf si ces termes étaient superflus dans cet article, hypothèse que je ne puis accepter, le terme « négligence » impose un critère moins strict de faute, semblable à celui qui est utilisé dans les autres domaines du droit, comme la responsabilité délictuelle.

[8]      En l'espèce, je suis convaincu que le ministre a présenté la preuve nécessaire pour lui permettre d'établir une nouvelle cotisation pour l'année 1996. Même si l'appelant confie à des employés et à son comptable la responsabilité de préparer ses déclarations de revenus, il demeure l'auteur de ses déclarations et celui qui a la connaissance directe de ses affaires et des faits servant à préparer ses déclarations de revenus. Il était au courant qu'il avait vendu son bien-fonds à sa société et qu'il finançait une partie de l'achat. L'intérêt sur ce prêt était déductible et il aurait dû savoir, soit lui-même, soit par le truchement de ceux qu'il consulte dans ses décisions d'affaires, que les intérêts sur ce prêt étaient imposables. Il s'agit donc de négligence tel qu'envisagé par la Cour d'appel fédérale.

[9]      Au sujet du fardeau de la preuve, j'arrive à une conclusion semblable au sujet de l'imposition de la pénalité en raison du revenu non déclaré pour chacune des années d'imposition. Le fait de confier aux autres la responsabilité de préparer ses déclarations de revenus n'est pas suffisant, à mon avis, pour démontrer que l'appelant en l'espèce a porté une attention et une diligence raisonnable à la préparation et à la production de ses déclarations de revenus. Il est, sans aucun doute, un homme d'affaires d'expérience, et même si les tâches administratives étaient confiées à sa conjointe et au comptable, il s'agit en l'espèce d'une opération d'affaires importante qui s'est sans doute faite après des consultations, en particulier au sujet des avantages et des désavantages fiscaux découlant de la vente et du financement du bien-fonds sis au 8 885, boulevard l'Ormière. L'appelant signait à l'occasion et recevait mensuellement le chèque de remboursement du prêt. De plus, le montant des intérêts était assez considérable relativement à ses autres revenus et sa société déduisait les intérêts de ses revenus. Je suis convaincu que le ministre a présenté la preuve nécessaire à l'imposition des pénalités et que l'appelant, en l'espèce, a été gravement négligent et a montré son indifférence au respect des lois. L'appelant est en affaires depuis trop longtemps pour ne pas avoir remarqué qu'une source de revenu importante n'avait pas été déclarée dans ses déclarations de revenus pour les trois années en litige.

[10]     Au sujet de la question de l'avantage tiré de la prime de l'assurance sur la vie de l'appelant, ce dernier a témoigné que le produit de cette assurance devait servir à l'achat des actions en cas de son décès. Il a mentionné également que la Caisse populaire exigeait une telle assurance et que ça devait aider sa succession. L'appelant a aussi témoigné être le seul actionnaire et propriétaire de 100 p. 100 des actions pendant les trois années d'imposition en litige. Les observations du représentant de l'appelant à la fin du procès ont fait part d'une réorganisation successorale au sein de laquelle l'assurance-vie en question devait servir à racheter des actions lors du décès de l'appelant. Je ne peux donner suite à ces propos puisqu'ils ne font pas partie de la preuve. Il est toutefois évident qu'une erreur s'est glissée quelque part lorsque le contrat d'assurance-vie est passé de l'Industrielle Assurance-vie à Assurance-Vie Desjardins Laurentienne, comme l'indique la pièce A-1. Selon le témoignage de madame Claudine Tremblay, vérificatrice à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, il y a eu en 1996 une opération entre actionnaires par laquelle les deux fils de l'appelant sont devenus actionnaires, laissant ainsi entendre que ces changements peuvent expliquer la raison d'être d'une assurance sur la vie de l'appelant afin de donner un quelconque bénéfice à la société J.A. Larue Inc. Il est fort probable qu'il s'agisse d'une erreur.

[11]     Bien qu'il puisse s'agir d'une erreur, il n'en demeure pas moins que la réalité aurait fait en sorte qu'en cas de décès, la conjointe serait devenue la bénéficiaire de cette police d'assurance sans obligation aucune envers les sociétés ou ses actionnaires. Aucune entente entre actionnaires n'a été produite pouvant confirmer l'affirmation de l'appelant au sujet de la planification fiscale prévue. Dans la réalité, la société de l'appelant a payé une prime pour une police d'assurance-vie dont le paiement en cas de décès aurait été fait à sa conjointe. Il en a donc reçu un bénéfice qui, selon le paragraphe 15(1), doit être inclus dans son revenu imposable.

[12]     Il en va de même de l'avantage annuel évalué respectivement à 225 $ et à 285 $ à l'égard des années d'imposition 1997 et 1998 en vertu de l'article 80.4 et des paragraphes 15(1) et (9) de la Loi. Même si on aurait pu faire autrement, il faut composer avec la réalité que l'appelant a choisie. Il faut donc prendre au sérieux les conséquences fiscales des opérations d'affaires que l'on conclut et ne pas oublier que les sociétés sont des personnes juridiques séparées et distinctes de leurs actionnaires.

[13]     Pour ces motifs, les appels sont rejetés et les cotisations établies par le ministre sont confirmées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2003.

« François Angers »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI288

No DUDOSSIER DE LA COUR :

2001-4218(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ANDRÉ LARUE

et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

17 février 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :

5 mai 2003

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Gérald Leclerc

Pour l'intimée :

Me Claude Lamoureux

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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