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Dossiers : 94-2544(IT)G

ENTRE :

GILLES ROBICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appel entendu le 16 septembre 2004, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Chantal Jacquier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'impositions 1989, 1990 et 1991 est accueilli et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant a fait don d'ensembles de timbres dont la juste valeur marchande au moment du don, était de 280 $ pour l'année d'imposition 1989, de 433 $ pour l'année d'imposition 1990 et de 671 $ pour l'année d'imposition 1991; quant aux pénalités, elles sont annulées, le tout avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2004CCI661

Date : 20041110

Dossier : 94-2544(IT)G

ENTRE :

GILLES ROBICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) concernant les années d'imposition 1989, 1990 et 1991. L'appel porte sur les trois questions suivantes :

·         Il a-t-il eu véritablement don de certains biens?

·         Dans l'hypothèse d'un don véritable, le montant indiqué sur les reçus correspondait-il à la juste valeur marchande (la « JVM » ) du bien en question au moment du transfert de propriété?

·         Finalement, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années 1989, 1990 et 1991 étaient-elles justifiées?

[2]      Pour établir et justifier les nouvelles cotisations dont il est fait appel, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a tenu pour acquis les faits suivants :

a)          dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1989, l'appelant a déclaré, au titre du crédit pour dons de charité, un montant de 2 089 $, ayant trait à des biens (timbres) soi-disant « donnés » à la Fondation Amérindienne Tecumseh;

b)          dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1990, l'appelant a déclaré, au titre du crédit pour dons de charité, un montant de 5 190 $, ayant trait à des biens (timbres) soi-disant « donnés » à la Fondation Amérindienne Tecumseh;

c)          dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a déclaré, au titre du crédit pour dons de charité, un montant de 6 870 $, ayant trait à des biens (timbres) soi-disant « donnés » à la Fédération Amérindienne Tecumseh;

d)          l'appelant n'a véritablement fait don d'aucun de ces biens, ni en 1989, ni en 1990, ni en 1991;

e)          l'appelant n'a jamais eu l'intention libérale de donner ces biens à la Fondation Amérindienne Tecumseh;

f)           l'appelant a acheté chaque année une déduction fiscale;

g)          l'appelant a uniquement cherché à obtenir un avantage fiscal indu pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991, la transaction, chaque année, étant conditionnelle à la réception d'un reçu pour un montant supérieur au montant qu'il devait débourser pour l'obtenir;

h)          au surplus, la valeur déclarée par l'appelant pour 1989, 1990 et 1991 pour les biens en cause, dont la description fournie sur les documents remis par l'appelant n'est pas admise, n'a pas été attribuée par un expert indépendant et n'est, de toute façon, pas la juste valeur marchande des biens en cause;

i)           les reçus présentés par l'appelant ne sont pas conformes à l'article 3501 du Règlement de l'impôt sur le revenu;

j)           l'appelant n'a droit en conséquence, pour 1989, 1990 et 1991, à aucun crédit d'impôt pour dons de charité, à l'égard des biens en cause;

k)          l'appelant n'a pas rempli l'annexe 3 à ses déclarations de revenu sur le gain réalisé à la disposition de biens personnels désignés;

l)           l'appelant, sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, a fait, participé, consenti ou acquiescé à un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991, avec la conséquence que l'impôt qui aurait été payable s'il avait été établi d'après les renseignements fournis dans ses déclarations aurait été inférieur de 503,96 $, 1 312,54 $ et 1 751,90 $ à l'impôt effectivement payable respectivement pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991; (aucune ratification au dossier)

m)         les pénalités imposées en conséquence à l'appelant selon le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu se montent à 50 % de cette différence d'impôt, soit 251,98 $, 656,27 $ et 875,95 $ respectivement pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991.

[3]      L'appelant a admis le contenu des alinéas a), b), c), et k); il a nié tous les autres, soit d), e), f), g), h), i), j), l), et m).

[4]      Seul l'appelant, comptable agréé, (c.a.), a témoigné à l'appui de son appel.

[5]      Passionné par les timbres depuis son tout jeune âge, l'appelant en avait, au fil des ans, amassé un grand nombre qui constituaient, selon lui, une collection. Plusieurs membres de sa famille se faisaient un devoir de lui ramasser des timbres; avec le temps et la collaboration des membres de sa famille et d'amis, il en avait accumulé une telle quantité qu'il s'est défini comme amateur et collectionneur.

[6]      Parallèlement à ce passe-temps, il s'intéressait à retracer ses ancêtres pour constituer l'arbre généalogique de sa famille; ayant constaté que certains de ses ascendants avaient des origines amérindiennes, il a commencé à s'intéresser à cette communauté et a voulu lui venir en aide.

[7]      À cause du manque de temps et aussi d'intérêt, sa passion pour les timbres s'estompant, il aurait alors décidé de venir en aide à la Fondation amérindienne Tecumseh en lui faisant don d'une partie de sa collection et ce, au moyen de trois dons différents pendant les années 1989, 1990 et 1991.

[8]      En contrepartie des dons à la Fondation amérindienne Tecumseh, il a reçu trois reçus aux montants de 2 089,70 $, 5 189,81 $ et 6 870 $. La valeur des dons indiquée sur les reçus a été établie à partir du catalogue international Scott pour les années en cause. Ce furent là les principales composantes de la preuve que l'appelant a présentée.

[9]      Pour démontrer la JVM des timbres dont il s'était départi en faveur de la Fondation amérindienne Tecumseh lors des années d'imposition 1989, 1990 et 1991, l'appelant a essentiellement affirmé qu'elle avait été établie à partir des données du catalogue « Scott » . Il a été cohérent. Il n'a fait appel à aucun expert ou intervenant; il a répété que, selon lui, le catalogue Scott constituait un outil de référence adéquat et satisfaisant pour déterminer la JVM.

[10]     Il a aussi ajouté avoir très peu ou pas de connaissances en fiscalité. Au fil des ans, sa carrière professionnelle l'avait éloigné de la comptabilité pure; depuis un certain nombre d'années, il se consacrait beaucoup plus à l'administration qu'à la comptabilité.

[11]     Pour ce qui est de son expérience en matière de déclarations de revenu, il s'occupait de la sienne, de celles des membres de sa famille et de quelques amis, mais ce travail, de façon générale, était peu important.

[12]     Le contre-interrogatoire de l'appelant a permis de découvrir un certain nombre d'éléments intéressants et fort pertinents. Tout d'abord, l'appelant n'était pas un collectionneur très renseigné; il s'est d'ailleurs lui-même décrit comme très amateur.

[13]     À titre d'exemple, il n'était pas en mesure d'expliquer la signification de la lettre J dans la description des timbres qu'il a donnée à la Fondation. Il s'agissait là d'une caractéristique pourtant très élémentaire pour un véritable collectionneur. La lettre J signifie qu'il s'agit de timbres utilisés par la société des postes pour timbrer les envois postaux non suffisamment affranchis. L'appelant était plus un ramasseur de timbres qu'un véritable collectionneur.

[14]     Il a indiqué avoir repris goût à son passe-temps suite à sa rencontre avec un certain Jean Allaire, un collègue de travail; ce dernier s'intéressait beaucoup aux timbres; il avait même un commerce appelé « Zimo » dans ce domaine.

[15]     L'appelant s'est à nouveau intéressé aux timbres; cet intérêt s'est développé principalement dans le cadre de sa relation avec son collègue, un comptable à l'emploi de la même société.

[16]     Aux questions visant à connaître l'étendue de ses connaissances en philatélie et à savoir s'il avait eu des discussions, fait des démarches, organisé des rencontres, des visites ou des échanges ou fait des achats ou des ventes avec d'autres collectionneurs, tant amateurs que professionnels, il a essentiellement indiqué qu'il s'était rendu à l'occasion chez monsieur Allaire et qu'il avait déjà visité son kiosque, à une reprise, lors d'une exposition.

[17]     Le contre-interrogatoire a également permis d'apprendre que les timbres qui avaient fait l'objet des trois dons pour les années 1989, 1990 et 1991 avaient été acquis du commerce Zimo, propriété de son collègue et ami, Jean Allaire.

[18]     S'agissait-il de la totalité des timbres donnés? Il n'a pas été possible de le savoir très précisément. Par contre, il s'agissait de la très grande majorité; certains timbres dont la quantité n'a pas été établie, auraient été obtenus lors d'échanges de timbres qu'il possédait déjà.

[19]     À cet égard, la preuve a cependant été incomplète au point qu'il y a lieu de retenir que la très grande majorité des timbres qui ont fait l'objet des trois dons provenaient de Jean Allaire; pour l'acquisition de ces timbres, l'appelant a déboursé 503,96 $, 1 312,54 $ et 1 751,90 $, plus les taxes applicables.

[20]     Au sujet de la question des timbres ayant fait l'objet des trois dons et du prix payé, l'appelant a répondu d'une manière très évasive à toutes les questions. La preuve de l'intimée a cependant permis de faire la lumière, d'autant plus que deux des trois paiements ont été effectués pratiquement en même temps que l'émission des reçus.

[21]     Pour établir la JVM des timbres à l'origine des trois reçus soumis par l'appelant, l'intimée a fait appel à un expert en philatélie, à savoir monsieur Maurice Valentin. Oeuvrant à plein temps dans ce domaine depuis plus de 40 ans, dont les derniers 20 ans au Canada, monsieur Valentin a préparé et produit un rapport sur le résultat de son analyse (pièce I-13).

[22]     L'appelant ayant reconnu la compétence de monsieur Valentin à titre d'expert, le tribunal a confirmé la qualification d'expert.

[23]     Monsieur Maurice Valentin a donc témoigné à titre d'expert. Il a expliqué et décrit certaines règles fondamentales en matière d'évaluation des timbres, tant pour les marchands que pour les collectionneurs eux-mêmes.

[24]     N'ayant pu examiner l'état des timbres litigieux, il s'en est remis à leur description très détaillée préparée dans le cadre des trois dons. Il lui a ainsi été possible de constater et d'évaluer la méthode utilisée pour l'attribution de la valeur indiquée aux reçus.

[25]     L'essentiel du témoignage de l'expert a porté sur une critique des divers guides en la matière.

[26]     Dans un premier temps, il a fait ressortir un élément fort important, à savoir que les timbres cédés ne constituaient pas une collection, mais plutôt des lots de timbres, perdant ainsi une partie importante de leur valeur potentielle. Il a expliqué que les véritables collectionneurs avaient normalement des objectifs selon les pays, les thèmes ou d'autres caractéristiques permettant de construire de véritables collections. Pour l'expert, un collectionneur est une personne qui réunit ou tente de réunir les timbres d'une même famille, d'une même époque ou d'un même pays, où il est souvent question d'un thème précis. La façon de faire de l'appelant consistait essentiellement à ramasser toutes sortes de timbres sans homogénéité.

[27]     Selon monsieur Valentin, les timbres qui ont fait l'objet des trois dons étaient sans intérêt aucun pour un collectionneur. Ils pouvaient être vendus dans le cadre d'opérations essentiellement commerciales, l'acheteur éventuel ayant un seul intérêt, soit de réaliser un profit en les vendant en petits lots.

[28]     Il n'y avait aucun lien entre les divers timbres, ce qui lui a fait dire qu'on était en présence d'un « stock » de timbres et non pas d'une collection.

[29]     En pareil cas, les timbres n'ont aucun intérêt pour un collectionneur. Seul un marchand peut y avoir un intérêt et ce, en autant qu'il ne débourse qu'une très petite fraction du prix qui peut être mentionné dans les divers catalogues en espérant les revendre à profit tout en les vendant pour moins que la valeur indiquée dans les divers guides ou catalogues.

[30]     À la lumière du témoignage de monsieur Valentin, il appert que l'appelant n'était manifestement pas un collectionneur de haut niveau. Il s'intéressait aux timbres comme amateur, en ce qu'il était plus préoccupé par l'importance de son inventaire que par la qualité, la rareté ou la spécificité de certains timbres.

[31]     D'ailleurs, la preuve n'a aucunement démontré qu'il avait des connaissances, des classements, des spécialités, etc. Il avait pris plaisir, sans doute, à les ramasser et le nombre et la quantité constituaient sa principale préoccupation.

[32]     Monsieur Valentin a présenté plusieurs exemples concrets pour illustrer ses affirmations. Ses commentaires et ses explications ont été clairs et simples. Ses conclusions ont résulté d'une analyse sérieuse bien documentée.

[33]     Bien que sérieuse, professionnelle et fouillée, une telle démarche ne peut mener à des conclusions d'une justesse absolue. Par contre, lorsque le travail est fait d'une manière professionnelle et conforme aux règles de l'art, les conclusions dégagées ne peuvent être écartées pour des motifs essentiellement intuitifs.

[34]     En l'espèce, le travail de monsieur Valentin n'a pas fait l'objet de critiques valables. Au contraire, l'appelant a reconnu son expérience et son expertise en la matière. Il a reconnu avoir appris du témoignage des éléments intéressants et très valables.

[35]     Pour ces diverses raisons, je n'ai aucun motif d'écarter ou de refuser les conclusions retenues par l'expert. Je souscris donc à l'opinion de monsieur Valentin quant à la JVM; la JVM des trois lots de timbres ayant fait l'objet d'un don à la Fondation amérindienne Tecumseh a été établie comme suit :

Conclusion de monsieur Valentin

Lot

JVM retenue

280,48 $

216 $ à 433 $

500,62 $ à 671,25 $

I

II

III

280 $

433 $

671 $

[36]     Le catalogue ou guide Scott constituait-il une référence adéquate et fiable pour déterminer la JVM des timbres? La réponse est évidemment négative.

[37]     S'appuyant sur ce guide Scott, l'appelant a affirmé et répété que le montant indiqué sur les divers reçus obtenus de la fondation amérindienne correspondait à la JVM des timbres qu'il avait donnés.

[38]     Il n'existe aucun guide, catalogue ou registre suffisant ou satisfaisant pour déterminer la JVM d'un bien. Ce genre de référence existe pour plusieurs biens de consommation tels que les voitures, les motos, les caravanes, les camions, etc. Il en existe également plusieurs pour les biens qui sont collectionnés tels que les pièces de monnaie, la vaisselle, les timbres, les montres, les plumes, les armes, etc. Ces guides, catalogues ou outils de référence sont essentiellement des outils permettant d'avoir une certaine idée de la valeur possible. Ils ne sont définitivement pas suffisants pour attribuer une JVM à un moment donné. Ils sont, au plus, une référence permettant de ne pas sombrer dans l'arbitraire total.

[39]     Selon le sérieux, le marché, l'intérêt et le tirage, il peut y avoir certains guides ou catalogues qui ont une meilleure cote, voire même une meilleure crédibilité et dont les assises peuvent provenir d'opérations réelles, tel le prix obtenu lors d'un encan. Pour un collectionneur, il existe des dizaines de détails qui peuvent avoir des impacts considérables sur la JVM; par exemple, la condition du bien, sa pureté, son authenticité, etc., sont autant de facettes fort importantes pour un véritable collectionneur.

[40]     Les ventes lors d'encans spécialisés sont également des données qui peuvent s'avérer intéressantes et pertinentes; ces opérations ont l'avantage de fournir des données réelles et non seulement théoriques. Encore là, cependant, un amateur fortuné n'ayant aucune connaissance peut faire monter les enchères considérablement pour des motifs d'orgueil, de vantardise, d'émotions particulières, etc., le tout ayant pour effet de vicier ou de fausser la JVM d'un bien.

[41]     Pour mieux comprendre cette réalité, il faut rappeler que la JVM est généralement le prix qu'un acquéreur libre de toute contrainte, d'émotion ou de besoin particulier est prêt à débourser pour l'acquisition, du bien de son propriétaire tout aussi indépendant de toute pression ou d'influence de quelque nature que ce soit.

[42]     À titre d'argument, l'intimée a soutenu, dans un premier temps, qu'un don sous-entendait que le donateur devait être propriétaire de l'objet lors de la donation, à défaut de quoi le don ne pouvait pas avoir lieu, laissant entendre que l'appelant n'était pas propriétaire des timbres à l'origine des trois reçus.

[43]     Bien que la preuve de la propriété des timbres n'a pas fait l'objet d'une preuve absolue ou hors de tout doute, la prépondérance de la preuve est que les timbres étaient bel et bien la propriété de l'appelant.

[44]     Certains provenaient de son propre inventaire, mais leur nombre n'a pas été établi; la très grande majorité provenait de Zimo, entreprise exploitée par un collègue de travail et dont il était apparemment ami.

[45]     Pour qu'un transfert de propriété d'un bien quelconque ait lieu, il doit y avoir consentement, identification précise de l'objet du transfert et finalement paiement de la contrepartie. En l'espèce, le bien a été très clairement identifié et décrit en détail; l'appelant a fait un déboursé dont le montant était de beaucoup inférieur au montant indiqué sur les reçus, mais pas inexistant pour autant.

[46]     Les exigences auxquelles étaient assujettis les trois reçus, qui sont prévues par l'article 3500 et les paragraphes 3501(1) et (1.1) du Règlement de l'impôt sur le revenu, se lisent comme suit :

3500.    Dans la présente partie,

« autre bénéficiaire d'un don » s'entend d'une personne visée à qui un contribuable fait un don, visée à l'un des sous-alinéas 110(1)a)(iii) à (vii), aux alinéas 110(1)b) ou c), à l'alinéa 110.1(3)b à la définition de « total des dons à l'État » au paragraphe 118.1(1), à l'alinéa b) de la définition de « total des dons de biens culturels » au paragraphe 118.1(1), à l'un des alinéas c) et g) de la définition de « total des dons de bienfaisance » au paragraphe 118.1(1) ou à l'alinéa 118.1(6)b) de la Loi;

...

« reçu officiel » s'entend d'un reçu remis pour l'application des paragraphes 110.1(2) ou (2) ou 118.1(2), (6) ou (7) de la Loi, sur lequel figurent les détails exigés par les articles 3501 ou 3502

...

3501. (1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer que ledit reçu est un reçu officiel aux fins de l'impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon qu'ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a)          le nom et l'adresse au Canada de l'organisation ainsi qu'ils sont enregistrés auprès du Ministre;

b)          le numéro d'enregistrement attribué par le Ministre à l'organisation;

c)          le numéro de série du reçu;

d)          le lieu ou l'endroit où le reçu a été délivré;

e)          lorsque le don est un don en espèces, le jour ou l'année où le don a été reçu;

e.1)       lorsque le don est un don de biens autres que des espèces,

            (i)          le jour où le don a été reçu,

            (ii)         une brève description du bien, et

(iii)        le nom et l'adresse de l'évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f)           le jour où le reçu a été délivré, si ce jour diffère du jour visé à l'alinéa a) ou e.1);

g)          le nom et l'adresse du donateur y compris, dans le cas d'un particulier, son prénom et son initiale;

h)          le montant qui correspond

            (i)          au montant du don en espèces, ou

(ii)         lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait, et

i)            la signature, ainsi qu'il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d'un particulier compétent qui a été autorisé par l'organisation à accuser réception des dons.

(1.1)     Tout reçu officiel délivré par un autre bénéficiaire d'un don doit énoncer que ledit reçu est un reçu officiel aux fins de l'impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu'il ne puisse pas facilement être modifié,

a)         le nom et l'adresse de l'autre bénéficiaire d'un don;

b)         le numéro de série du reçu;

c)         le lieu ou l'endroit où le reçu a été délivré;

d)         lorsque le don est un don en espèces, le jour ou l'année où le don a été reçu;

e)         lorsque le don est un don de biens autres que des espèces,

           (i)           le jour où le don a été reçu,

           (ii)          un brève description du bien, et

           (iii)         le nom et l'adresse de l'évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f)          le jour où le reçu a été délivré, si ce jour diffère du jour visé à l'alinéa d) ou e);

g)         le nom et l'adresse du donateur, y compris, dans le cas d'un particulier, son prénom et son initiale;

h)         le montant qui correspond

           (i)           au montant du don en espèces, ou

           (ii)          lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait; et

i)          la signature, ainsi qu'il est prévu au paragraphe (2) ou (3.1), d'un particulier responsable qui a été autorisé par l'autre bénéficiaire d'un don à accuser réception des dons.

[47]     Les reçus présentés ne sont certes pas des modèles en la matière; par contre, ils contiennent suffisamment de détails sur les aspects fondamentaux pour permettre de vérifier adéquatement tous les éléments pertinents et ce, facilement et rapidement.

[48]     D'ailleurs, le Ministre a obtenu la description très détaillée et précise des timbres qui avaient fait l'objet des trois dons à la Fondation amérindienne Tecumseh. La disponibilité de tous les détails a d'ailleurs permis à l'intimée de mandater un expert qui a préparé son rapport essentiellement à partir de la description fournie par l'appelant.

[49]     Pour ce qui est de l'évaluation ou de l'évaluateur, encore là, le Ministre a pu savoir qu'il s'agissait d'un catalogue reconnu constituant sans doute un classique pour tous ceux qui s'intéressent aux timbres.

[50]     Les exigences très strictes édictées par le règlement ne permettent jamais de tirer des conclusions inattaquables; elles visent essentiellement à rendre disponible la totalité des éléments nécessaires à une révision visant à s'assurer du caractère raisonnable et d'éviter les abus.

[51]     Le dossier de l'appelant a fait l'objet d'une vérification dans le cadre de ce qui a semblé avoir été un projet spécial. Se présentant comme totalement étranger à la magouille dont un certain nombre de personnes auraient tenté de bénéficier, l'appelant s'est défini comme étant honnête, intègre et très respectueux de la Loi; il a affirmé n'avoir rien caché ni fait de déclarations mensongères. Il a énergiquement défendu la transparence de ses faits et gestes et affirmé avoir toujours été de bonne foi.

[52]     Le témoignage de l'appelant, ses réactions aux nombreux commentaires du tribunal, son comportement lors du contre-interrogatoire de l'expert, ses observations à l'endroit de tous les intervenants et, finalement, les longues observations soumises lors de son plaidoyer final sont autant d'éléments qui discréditent ou tout au moins ébranlent la thèse voulant qu'il a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1989, 1990 et 1991, on y a participé, consenti ou acquiescé.

[53]     La formation professionnelle de l'appelant à titre de comptable agréé aurait normalement dû le rendre plus suspect, plus vigilent et surtout plus méticuleux dans le traitement de son dossier fiscal personnel.

[54]     Non seulement l'appelant n'a pas été prudent, il a été plutôt naïf. Certes, il était comptable. À ce titre, il était un professionnel de la comptabilité, ce qui comporte l'obligation de connaître et de comprendre les principes fondamentaux de la fiscalité.

[55]     Les pénalités imposées à l'appelant étaient-elles justifiées? Le paragraphe 163(2) de la Loi se lit comme suit :

2.         Faux énoncés ou omissions. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse - appelé « déclaration » au présent article - rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à son règlement, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

            a) l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

(i)          l'excédent éventuel de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur le montant qui serait réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, s'il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l'année la partie de son revenu déclaré en moins pour l'année qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission et si son impôt payable pour l'année était calculé en soustrayant des déductions de l'impôt payable par ailleurs par cette personne pour l'année, la partie de ces déductions qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission,

(ii)         l'excédent éventuel de l'impôt qui aurait été payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur le montant qui aurait été réputé par le paragraphe 120(2) payé au titre de cet impôt pour l'année, si l'impôt payable pour l'année avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l'année;

[...]       

[56]     Pour décider si un contribuable a commis une faute lourde, le juge Strayer a affirmé dans la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (Q.L.), 84 D.T.C. 6247 (CF, 1re inst.) :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

[57]     Peut-on prétendre que le comportement de l'appelant équivalait à un aveuglement volontaire? Je ne le crois pas; la pratique comptable est aussi un exercice qui permet souvent de tirer un avantage fiscal considérable de la qualification de certaines opérations. Il suffit de penser aux nombreuses planifications dont les effets sont souvent considérables sur la charge fiscale.

[58]     En l'espèce, l'appelant ne s'est pas posé de question; il a payé pour des timbres dont il a fait don dans les heures qui ont suivi moyennant un reçu dont le montant était considérablement plus élevé que le montant déboursé, en se fiant que le montant de reçu correspondait à la JVM puisqu'il était appuyé et soutenu par le catalogue Scott.

[59]     Il n'a pas inventé la JVM de toute pièce. La JVM a été établie sans aucune intervention de sa part. Il ne s'agissait pas d'une donation bidon. Les biens étaient identifiables. Le fait d'avoir tiré un avantage considérable de la donation n'a pas pour effet automatique d'établir la mauvaise foi ou un comportement fautif. Pour l'acquisition des timbres dont il a fait don à la Fondation amérindienne Tecumseh, il appert de la prépondérance de la preuve que l'appelant a déboursé les montants suivants : 503,96 $ pour le don de 1989, 1 312,54 $ pour 1990 et 1 751,90 $ pour 1991.

[60]     Selon l'expert, monsieur Valentin, les timbres qui ont fait l'objet des trois dons avaient une JVM de : 280 $ pour le don de 1989, de 433 $ pour le don de 1990 et de 671 $ pour le don de 1991.

[61]     L'appelant ne pouvait pas bénéficier d'un reçu dont le montant était supérieur à la JVM et ce, peu importe le montant qu'il avait dû débourser, qui en espèce ne correspondait aucunement à la JVM; conséquemment, l'appelant ne pouvait prétendre avoir droit à plus que cette JVM établie par monsieur Valentin selon les détails ci-avant indiqués.

[62]     L'imprudence, la naïveté ou la recherche d'un avantage fiscal ne sont pas suffisants pour conclure au bien-fondé des pénalités prévues par le paragraphe 163(2).

[63]     La préparation du dossier et le travail nécessaire à sa présentation devant le tribunal ont sans l'ombre d'un doute constitué l'essentiel du temps consacré pour ce dossier; la composante pénalités n'a pas nécessité une charge de travail particulière, eu égard qu'elles ont principalement découlé de l'interprétation des faits ayant servi au principal de la cotisation, j'accorde donc les frais à l'intimée.

[64]     Pour tous ces motifs, l'appel est accueilli et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelant a fait don d'ensembles de timbres dont la JVM au moment du don était de 280 $ pour l'année d'imposition 1989, de 433 $ pour l'année d'imposition 1990 et de 671 $ pour l'année d'imposition 1991; quant aux pénalités, elle sont annulées, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 2004.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :

2004CCI661

No DU DOSSIER DE LA COUR :

94-2544(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Gilles Robichaud et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE

le 16 septembre 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :

le 10 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Pour l'intimée :

Me Chantal Jacquier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Ville :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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