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Dossier : 2003‑297(EI)

ENTRE :

 

OTTAWA METRO TOWING AND RECOVERY INC.,

 

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 septembre 2003 à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Mes George Rontiris et Trisha Gain

 

Avocate de l’intimé :

Me Carole Benoit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté aux termes du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national datée du 7 octobre 2002 est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2004.

 

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’août 2004.

 

 

 

 

Daniel E. Renaud, traducteur


 

 

 

Dossier : 2003‑298(CPP)

ENTRE :

OTTAWA METRO TOWING AND RECOVERY INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 septembre 2003 à Ottawa (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Mes George Rontiris et Trisha Gain

 

Avocate de l’intimé :

Me Carole Benoit

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté aux termes du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada est rejeté et la décision du ministre du Revenu national datée du 7 octobre 2002 est confirmée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2004.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’août 2004.

 

 

 

 

Daniel E. Renaud, traducteur.


 

 

 

Référence : 2004CCI267

Date : 20040402

Dossiers : 2003‑297(EI)

2003‑298(CPP)

ENTRE :

OTTAWA METRO TOWING AND RECOVERY INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]     Il s'agit d'appels interjetés à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l’appelante était tenue de remettre les cotisations au Régime de pensions du Canada et les cotisations d’assurance‑emploi sur la rémunération qu’elle a versée à MM. Abdul Hamid Wehbe, Ahmad Wehbe, Khaled Wehbe et Hussein Wehbe (les « travailleurs ») depuis le 1er janvier 2001. Le fondement de cette décision est la conclusion du ministre que les travailleurs exerçaient auprès de l’appelante, aux termes de contrats de louage de services, des emplois, d’une part ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) et de la définition d’« emploi » du paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada et, d’autre part, assurables au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »). En outre, comme en l’espèce chaque travailleur avait un lien de dépendance avec l’appelante, le ministre a jugé également qu’il était raisonnable d’inférer que ces derniers auraient conclu entre eux un contrat à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance; par conséquent, il a conclu que les emplois exercés par les travailleurs n’étaient pas exclus à titre d'emplois assurables en application des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi.

 

[2]     La question en litige consiste donc à savoir si les travailleurs exerçaient des emplois ouvrant droit à pension et assurables pour le compte de l’appelante depuis le 1er janvier 2001.

 

[3]     L’appelante fournit un service de remorquage dans la ville d’Ottawa et en périphérie de celle‑ci. M. Webb Wehbe en est le président et l’actionnaire contrôlant, en vertu des 51 p. 100 des actions qu’il y détient. Celui‑ci est lié aux quatre travailleurs de la façon suivante : Abdul Hamid est son père, Khaled est son oncle, Ahmad et Hussein sont ses frères.

 

[4]     Selon M. Webb Wehbe, l’appelante possédait, pendant la période visée, environ 14 dépanneuses et comptait à son service 14 conducteurs embauchés aux termes de contrats de louage de services. Ces employés devaient se présenter au travail à 6 h du matin pour un quart de douze heures et ils étaient rémunérés à un taux horaire variant entre 9 $ et 10 $. Les heures supplémentaires travaillées par ces derniers étaient rémunérées au taux horaire majoré de moitié. Ils jouissaient d’un ensemble d’avantages sociaux (régime d’assurance‑santé et d’assurance‑salaire). Chacun d’eux recevait un uniforme et disposait d’une dépanneuse complètement outillée dont toutes les dépenses d’entretien étaient défrayées par l’appelante.

 

[5]     M. Webb Wehbe a déposé qu’en raison du caractère permanent des activités de l’entreprise, tous les jours 24 heures sur 24, l’appelante concluait au besoin des contrats avec d’autres fournisseurs de services lorsque ses propres conducteurs étaient débordés et n’étaient plus en mesure de répondre aux demandes de service. Les entrepreneurs indépendants pouvaient téléphoner au répartiteur afin de faire inscrire leurs noms sur la liste de roulement de ces travaux.

 

[6]     M. Webb Wehbe a déclaré qu’il n’était pas loisible aux conducteurs ordinaires de refuser un appel de service pendant leur quart de travail, mais que les entrepreneurs indépendants pouvaient, pour leur part, refuser un appel de service s’ils n’étaient pas intéressés. Toujours selon lui, ces entrepreneurs indépendants ne travaillaient pas selon un horaire fixe, n’étaient pas contraints de travailler et pouvaient venir et partir à leur guise. Ils pouvaient être joints sur leurs téléphones cellulaires, à leurs propres frais. Contrairement aux employés conducteurs, les entrepreneurs n’étaient jamais rémunérés pour les heures supplémentaires travaillées et ne jouissaient pas d’avantages sociaux. Enfin, M. Webb Wehbe a affirmé que les quatre travailleurs visés par le présent appel étaient considérés comme entrepreneurs indépendants.

 

[7]     En effet, il a été mis en preuve que chacun des travailleurs avait conclu, le 1er janvier 2001, une entente avec l’appelante. Selon M. Webb Wehbe, l’appelante visait à conclure une entente avec un fournisseur de services de remorquage qui faciliterait le travail de l’appelante en assurant des prestations au besoin.

 

[8]     Sauf dans le cas de M. Hussein Wehbe ces ententes, intitulées [traduction] « Entente de courtage entre le voiturier remorqueur et la Ottawa Metro Towing » (« l’entente » ou « les ententes ») étaient signées à la fois par M. Webb Wehbe – au nom de l’appelante – et par le travailleur. Dans le cas de M. Hussein Wehbe, la copie de l’entente déposée en preuve (pièce A‑1) indique que l’entente a été signée en présence d’un témoin (nommé M. Shawn Arthur selon M. Webb Wehbe), mais pas par un représentant de l’appelante. M. Webb Wehbe a dit ignorer pourquoi il n’avait pas signé l’entente avec Hussein et qu’il s’agissait sans doute d’une simple omission.

 

[9]     Aucun des travailleurs n’exerçait ses activités sous une appellation commerciale. Dans les quatre ententes, chacun des travailleurs était désigné comme [traduction] « voiturier remorqueur ». En fait, trois des travailleurs ont indiqué, dans l’État des résultats des activités d’entreprise qu’ils ont chacun joint à leur déclaration de revenus pour l’année 2001, que le nom et l’adresse de leur entreprise étaient ceux de l’appelante (voir les pièces R‑2, R‑3 et R‑4)[1].

 

[10]    Selon les quatre ententes, chacun des « voituriers remorqueurs » possède ou est propriétaire d’une dépanneuse (laquelle est définie comme étant un véhicule motorisé dûment agréé pour le remorquage commercial de véhicules motorisés) qu’il accepte de mettre en œuvre, à sa discrétion et sous son contrôle, dans la prestation de services pour le compte de l’appelante. Les ententes stipulent que le voiturier remorqueur doit contracter à ses propres frais une assurance pour la dépanneuse, et payer la franchise exigible pour toute demande sur cette assurance. De plus, le voiturier remorqueur est responsable de tout dommage causé aux véhicules ou à la propriété de l’appelante par un véhicule, un employé ou un mandataire du voiturier remorqueur.

 

[11]    MM. Hussein et Ahmad Wehbe ont témoigné que leurs dépanneuses étaient immatriculées et assurées au nom de l’appelante parce que cela leur coûtait moins cher que de les immatriculer et de les assurer en leur propre nom. Ils ont tous deux affirmé avoir acheté leurs dépanneuses au moyen de prêts sans intérêt consentis par leur père, M. Abdul Hamid Wehbe. Ce dernier a témoigné qu’il avait été propriétaire d’un restaurant pendant nombre d’années. Après la destruction de son restaurant par un incendie, il avait reçu, à titre d’indemnité, la somme de 200 000 $ de son assureur, et il avait prêté cette somme à ses fils et à l’appelante. Hussein a affirmé avoir payé 70 000 $ pour sa dépanneuse en 1999. Ahmad, pour sa part, a dit avoir échangé sa vieille dépanneuse contre une nouvelle en 1997; comme le coût d’achat de celle‑ci s’élevait à 30 000 $ et que la valeur de reprise se chiffrait à 20 000 $, il restait à payer 10 000 $. Le père, Abdul Hamid, a affirmé avoir payé 60 000 $ en espèces pour sa propre dépanneuse et avoir commencé à travailler dans le remorquage en 2001. M. Webb Wehbe a avancé que le coût d’une dépanneuse se chiffre entre 50 000 $ et 80 000 $. En ce qui a trait aux assurances contractées pour leurs dépanneuses, Hussein et Ahmad ont tous deux dit avoir remboursé l’appelante de ses frais à ce chapitre. Hussein a déclaré avoir versé à l’appelante la somme de 2 600 $ pour le coût annuel des assurances, au moyen de versements effectués en espèces deux fois par mois ou chaque semaine, mais il n’aurait pas demandé cette dépense dans sa déclaration de revenus. Ahmad a indiqué pour sa part que le coût de l’assurance figurait au nombre des dépenses qu’il avait déduites de son revenu aux fins d’imposition.

 

[12]    En outre, les quatre ententes précisent dans leurs attendus respectifs que l’appelante souhaite retenir les services du voiturier remorqueur, ou [traduction] « d’un mandataire désigné par le VOITURIER REMORQUEUR, à titre de conducteur de la dépanneuse ». De plus, l’entente oblige le voiturier remorqueur à remettre quotidiennement à l’appelante toutes les sommes perçues pour les prestations de services effectuées en son nom. En contrepartie, le voiturier remorqueur est rémunéré par l’appelante pour sa prestation de services (voir l’article 1 des ententes, pièce A‑1). L’article 3 des ententes (pièce A‑1) prévoit ce qui suit :

 

          [traduction]

 

3. RÉMUNÉRATION DU VOITURIER REMORQUEUR

 

A)        La Compagnie s’engage à verser, et le voiturier remorqueur s’engage à accepter, à titre de rétribution les frais de courtage énoncés dans les présentes. Les registres d’encaissement présentés par le voiturier remorqueur seront traités comme des factures et les frais de courtage seront dès lors calculés pour toute prestation de services assurée dans la semaine qui aura précédé celle du paiement.

 

B)        Les frais de courtage du voiturier remorqueur peuvent être modifiés à tout moment par la Compagnie, moyennant un préavis de sept jours signifié par écrit au voiturier remorqueur

 

[13]    En ce qui a trait à la rémunération, les travailleurs ont tous témoigné qu’ils fixaient eux‑mêmes le coût d’un appel de service. M. Webb Wehbe a cependant précisé que l’appelante remettait habituellement aux entrepreneurs 60 p. 100 de la somme perçue pour chaque appel de service. En outre, bien qu’Hussein le nie à présent, il aurait dit à M. Neil Manwell, agent de programmes pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) qui en a témoigné, qu’il aurait dit à M. Manwell lors de la vérification qu’il était payé chaque semaine par chèque un montant fixe de 600 $ pour sa prestation de travail et son carburant. Le seul revenu inscrit dans la déclaration de revenus de Hussein pour l’année d’imposition 2001 provient de l’appelante et s’élève à 31 600 $ (pièce R‑2). Ahmad a témoigné qu’il était rémunéré au taux hebdomadaire de 700 $. Il aurait dit à M. Manwell, lors de la vérification, qu’il gagnait cette somme même lorsqu’il était malade ou en vacances. D’ailleurs, il a déclaré des revenus de 36 400 $ en 2001, soit 52 fois dans l’année le taux hebdomadaire de 700 $. Lors de l’audience, Ahmad a affirmé que lorsqu’il lui arrivait d’être dans l’impossibilité de répondre à un appel, il demandait à quelqu’un de s’en charger pour lui et que c’était donc pour cette raison qu’il était, peu importe les circonstances, rémunéré au taux hebdomadaire de 700 $. Cependant, il a également indiqué à l’audience qu’il n’avait pas déduit de montant à titre de salaires versés à des tiers dans le calcul de son revenu aux fins d’imposition. De plus, Hussein et Ahmad ont tous deux indiqué qu’ils avaient travaillé pour l’appelante aux taux fixes convenus jusqu’à concurrence du taux hebdomadaire fixe indiqué ci‑dessus. Ils ont dit qu’une fois qu’ils avaient atteint ces taux, ils n’acceptaient plus d’appels de service. Abdul Hamid a indiqué aussi qu’il recevait la même somme de l’appelante chaque semaine, mais qu’il travaillait seulement à sa guise. Il a dit en outre ne plus être contraint de travailler, et qu’il ne travaillait que dans le but de venir en aide à l’entreprise de l’appelante. M. Manwell a témoigné que M. Webb Wehbe lui avait dit pendant la vérification que Abdul Hamid était semi‑retraité, mais qu’il travaillait tout de même au moins 40 heures par semaine pour le compte de l’appelante.

 

[14]    Bien que les ententes prévoient qu’il était loisible aux travailleurs d’exploiter leur entreprise à leur gré, aucun d’entre eux n’a déclaré, selon l’État des résultats des activités d’entreprise qu’ils ont respectivement joint à leur déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2001, des revenus provenant de contrats avec d’autres entreprises. Bien que MM. Hussein et Ahmad Wehbe aient tous deux affirmé avoir travaillé pour des tiers et avoir été payés en espèces, ou avoir reçu en contrepartie des services de valeur équivalente, les seuls revenus déclarés ont été versés par l’appelante. Hussein a fait valoir que les revenus qu’il avait reçus d’autres sources étaient tellement négligeables qu’il n’avait pas cru nécessaire de les déclarer au titre de revenus. Pourtant, il avait précédemment affirmé avoir travaillé pour de nombreuses entreprises autonomes de remorquage (soit environ de 20 à 25 clients en sus de l’appelante; voir la page 145 de la transcription). Il a déclaré que le nombre d’appels de service auxquels il répondait se chiffrait entre cinq et dix par semaine, dont trois à cinq provenaient de l’appelante (voir la page 110 de la transcription).

 

[15]    En ce qui a trait aux conducteurs des dépanneuses, contrairement au témoignage de M. Webb Wehbe, l’article 2 des ententes précise que ceux‑ci doivent être approuvés par l’appelante, qui peut refuser les services d’un conducteur dont elle juge le dossier est insatisfaisant. Les ententes prévoient également que le conducteur d’une dépanneuse doit exploiter cette dernière de manière prudente et conforme aux normes réglementaires; et qu’il doit également [traduction] « avoir une apparence soignée, laquelle sera évaluée à la discrétion de [l’appelante]. Le voiturier remorqueur fournira pour lui‑même et ses conducteurs, à leurs frais, les uniformes indiqués par [l’appelante] » (alinéa 2c) des ententes, pièce A‑1). Le voiturier remorqueur convenait également qu’il est responsable du fait de tout conducteur qu’il avait désigné pour conduire sa dépanneuse. En cas de contravention aux modalités des ententes, l’appelante a la faculté, à sa seule discrétion, de mettre immédiatement fin à la prestation de services du voiturier remorqueur. Enfin, en cas de résiliation des ententes, le voiturier remorqueur convient de retirer de sa dépanneuse, sans délai et à ses frais, toute marque associant celle‑ci d’une manière quelconque à l’appelante, ainsi que la fréquence radio utilisée par l’appelante (voir la section 9d) des ententes, dans la pièce A‑1).

 

[16]    La dernière modalité vient contredire les témoignages de Webb, Hussein et Ahmad Wehbe, à savoir que leurs dépanneuses n’arboraient pas le logo de l’appelante. Abdul Hamid a précisé qu’il n’affichait le logo de l’appelante qu’à la demande du service de police d’Ottawa. De plus, les quatre travailleurs ont tous dit ne pas porter d’uniforme, ce qui contrevient également aux modalités des ententes.

 

[17]    Enfin, les ententes stipulent que les travailleurs acceptent de transiger avec l’appelante à titre d’entrepreneurs indépendants et que, par conséquent, la responsabilité de toute retenue à la source en application des lois fédérales et provinciales leur incombe.

 

[18]    Derek Anderson et Daniel Tremblay, deux autres conducteurs de dépanneuses, ont également été appelés à témoigner par l’avocate de l’intimé. Ceux‑ci n’avaient aucun lien de dépendance avec l’appelante et avaient tous deux travaillé pour l’appelante pendant la période visée. Ils ont dit avoir signé des ententes avec l’appelante. L’entente signée par Derek Anderson a été déposée comme pièce R‑1. Comme dans le cas de Hussein, cette entente avait été signée le 1er janvier 2001 devant un témoin (le même, étant donné que les signatures d’attestation figurant sur les deux ententes sont identiques) mais n’avait pas été signée par un représentant de l’appelante. Cette entente (pièce R‑1) est exactement la même que celles qu’ont signées les travailleurs (pièce A‑1). M. Manwell a témoigné que M. Webb Wehbe avait fait valoir lors de la vérification qu’il considérait MM. Derek Anderson et Daniel Tremblay comme des entrepreneurs indépendants. À l’audience cependant, M. Webb Wehbe a affirmé qu’il les considérait comme des employés de l’appelante.

 

[19]    Derek Anderson a témoigné qu’il se présentait chaque jour au travail à l’établissement de l’appelante, qui mettait à sa disposition une dépanneuse dotée de l’équipement nécessaire, ainsi qu’un uniforme. M. Anderson a dit que l’appelante défrayait toutes les dépenses liées à l’utilisation de la dépanneuse (carburant, assurance, immatriculation). Suivant les directives du répartiteur, il se rendait à destination et facturait le client au nom de l’appelante. Il a dit qu’il recevait à titre de rémunération un chèque hebdomadaire. M. Manwell a témoigné qu’on lui avait indiqué, lors de sa vérification, que Derek Anderson était rémunéré à un taux variant entre 20 p. 100 et 27 p. 100 de la somme facturée au client; cette somme, fixée par l’appelante, variait en fonction de la nature de l’appel de service.

 

[20]    Daniel Tremblay a témoigné que pendant toute la période où il a travaillé pour le compte de l’appelante, il s’était présenté chaque matin à l’établissement de l’appelante et que son nom était alors inscrit sur une liste de roulement. Il a dit que l’appelante mettait à sa disposition une dépanneuse dotée de l’équipement nécessaire, ainsi qu’un uniforme. Il a signalé que le nom de l’appelante figurait sur toutes les dépanneuses, même celles utilisées par les quatre travailleurs. Il a témoigné qu’il devait verser à l’appelante, pour l’utilisation de la dépanneuse, des frais de location mensuels de 200 $ mais que cette dernière était responsable du carburant et de toutes les dépenses liées à la dépanneuse. Il a affirmé qu’il ne lui était pas loisible d’utiliser la dépanneuse pour le compte de tiers, car le nom de l’appelante figurait sur la dépanneuse. Il ne pouvait pas non plus prêter la dépanneuse à une autre personne sans le consentement de l’appelante. Il facturait ses clients au taux fixé par l’appelante et recevait chaque semaine, à titre de rémunération, un pourcentage des sommes perçues pour les appels de service auxquels il avait répondus. Sa rémunération hebdomadaire variait entre 250 $ et 350 $. M. Manwell a témoigné que lors de la vérification, on lui avait indiqué que Daniel Tremblay travaillait à temps partiel et touchait 30 p. 100 de la somme facturée au client. Il a également indiqué que M. Webb Wehbe lui avait dit qu’Ahmad, Hussein et Abdul Hamid étaient rémunérés au même taux que Daniel Tremblay. En ce qui a trait à Khaled, M. Webb Wehbe a dit que ce dernier était rémunéré par chèque, conformément au taux fixé par l’appelante dans l’entente. Cependant, aucun taux n’est prescrit dans l’entente déposée comme pièce A‑1.

 

[21]    En ce qui a trait aux plaintes, Daniel Tremblay a indiqué que celles‑ci était traitées par l’appelante, mais que s’il causait des dommages, il devait les payer de sa poche. Au fil des années, il avait fait l’objet de quelques réclamations en dommages. Il était également responsable des dommages et des pertes causés par sa négligence à l’équipement de la dépanneuse.

 

[22]    Enfin, M. Manwell a souligné quelques contradictions relevées lors de la vérification. M. Webb Wehbe avait affirmé que les travailleurs étaient rémunérés quotidiennement ou à la pièce; pourtant, les travailleurs lui ont indiqué qu’ils touchaient un montant fixe hebdomadaire. M. Webb Wehbe avait également indiqué que les travailleurs étaient propriétaires de leurs dépanneuses et défrayaient les coûts connexes à celles‑ci; les travailleurs ont affirmé le contraire. M. Manwell affirme n’avoir jamais été avisé, lors de sa vérification, que les travailleurs touchaient 60 p. 100 de la somme perçue du client. La vérification a également révélé que les travailleurs devaient assurer leurs prestations de services sur demande. Le répartiteur de l’appelante appelait les travailleurs pour qu’ils se rendent à la destination qu’il leur indiquait, dans un délai raisonnable. Les travailleurs assuraient leurs prestations de services envers l’appelante en intervenant auprès des clients de celle‑ci.

 

[23]    Après avoir conclu que les travailleurs étaient assujettis à un contrat de louage de services, M. Manwell a conclu également que ceux‑ci avaient été employés dans des conditions de travail à peu près semblables à celles qui régissaient les emplois de Derek Anderson et de Daniel Tremblay. M. Manwell n’a pas comparé les conditions d’emploi des travailleurs à celles des autres conducteurs au service de l’appelante.

 

Analyse

 

[24]     La seule question en litige dans le présent appel consiste à savoir si les travailleurs étaient des employés de l’appelante pendant la période en litige. Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. no 61 (Q.L.), 2001 CSC 59, la Cour suprême du Canada a statué qu’aucun critère universel ne permet de déterminer de façon concluante si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Le juge Major, au nom de la Cour, a dit ce qui suit aux paragraphes 46 à 48 :

 

¶ 46      [...] Je partage en outre l'opinion du juge  MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

         [traduction]

 

         [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

¶ 47      Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

¶ 48      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[25]     En l’espèce, la difficulté dans l’élucidation des liens complets et réels existant entre les parties réside dans les nombreuses contradictions qui ont été révélées lors de la vérification et pendant l’audience. Le point de vue de M. Webb Wehbe lors de la vérification était assez différent de celui des travailleurs, et j’ai perçu des contradictions entre les modalités prescrites dans les ententes qu’avaient signées les travailleurs et la preuve déposée à l’audience. Dans une certaine mesure, les ententes ne semblent pas énoncer correctement ce qu’elles devraient articuler en réalité. À titre indicatif, Derek Anderson, un individu non liée qui a été cité à comparaître, a signé une entente à tout point de vue identique à celles des travailleurs, alors qu’il était considéré par M. Webb Wehbe comme un employé de l’appelante. Mais pourquoi donc? Pourquoi celui-ci aurait-il signé une entente identique à celles des autres pour être néanmoins assujetti à des conditions d’emploi différentes? Qu’est‑ce qui permettrait de distinguer sa situation particulière de celles des autres travailleurs? L’avocat de l’appelante a fait valoir que l’entente avec M. Anderson n’avait pas été signée par l’appelante. Celle avec Hussein ne l’était pas davantage, et pourtant elles avaient toutes deux été signées devant le même témoin. Et cela n’a pas pour autant empêché l’appelante de reconnaître la validité de l’entente avec Hussein.

 

[26]     Une autre difficulté émane du fait qu’aucun des travailleurs n’a indiqué dans sa déclaration de revenus qu’il exploitait une entreprise pour son propre compte. Au contraire, ils ont tous indiqué qu’ils exploitaient une entreprise sous le nom de l’appelante et à l’établissement de l’appelante. Cependant, aucune preuve n’a été présentée qui aurait démontré qu’ils avaient investi dans l’entreprise de l’appelante.

 

[27]     Par conséquent, la stipulation dans les ententes selon laquelle les travailleurs acceptent de transiger avec l’appelante à titre d’entrepreneurs indépendants ne devrait pas être déterminante dans la qualification de la relation entre les parties contractantes étant donné les circonstances de l’espèce.

 

[28]     Comme l’a souligné le juge Major en citant le juge MacGuigan dans l’arrêt Sagaz, précité, la meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. Ainsi, la question centrale étudiée dans l’affaire Sagaz était celle de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Différents facteurs doivent être étudiés pour trancher cette question; c’est donc ce que je tenterai de faire.

 

[29]     Eu égard au contrôle, Hussein, Ahmad, Abdul Hamid et Webb Wehbe ont témoigné que les travailleurs n’étaient pas tenus de se présenter à l’établissement de l’appelante s’ils ne le souhaitaient pas, et n’avaient pas à se rapporter à l’appelante. Ils ont tous affirmé que le répartiteur communiquait avec eux en les joignant sur leurs téléphones cellulaires et qu’ils étaient libres d’accepter ou de refuser l’appel de service. Ils ont tous avancé qu’ils pouvaient, sans le consentement préalable de l’appelante, embaucher d’autres conducteurs pour conduire leurs dépanneuses et pour répondre à des appels au nom de l’appelante.

 

[30]     D’autre part, Derek Anderson et Daniel Tremblay – desquels l’appelante a dit lors de la vérification qu’il les considérait comme des entrepreneurs indépendants mais au sujet desquels il s’est depuis lors ravisé – ont affirmé le contraire lors de leurs témoignages. Ils ont tous deux indiqué qu’ils devaient se présenter à l’établissement de l’appelante chaque matin et que leurs noms étaient inscrits sur une liste de roulement. M. Tremblay a dit qu’il lui était interdit de permettre à quelqu’un d’autre de conduire la dépanneuse sans le consentement de l’appelante. Incidemment, ce commentaire est conforme aux ententes, en vertu desquelles l’appelante est en droit de refuser les services de tout conducteur dont elle n’a pas agréé le dossier de conduite. Pourtant, M. Anderson, à tout le moins, avait signé le même genre d’entente qu’avaient signée les travailleurs, et qui a été déposé sous la cote A‑1.

 

[31]     En outre, M. Manwell, l’agent de programmes pour l’ADRC avait été informé lors de sa vérification que l’on s’attendait à ce que les travailleurs exécutent leurs tâches sur demande sur demande et que le répartiteur qui les appelait s’attendait à ce qu’ils se rendent à la destination indiquée dans un délai raisonnable. Je réalise que cette dernière obligation pourrait très bien s’appliquer aussi à un entrepreneur indépendant. Cependant, d’autres facteurs portent à conclure que l’appelante exerçait un certain niveau de contrôle. À titre d’exemple, bien que les Wehbe aient témoigné qu’ils n’étaient pas tenus de porter un uniforme, MM. Anderson et Tremblay ont indiqué que l’appelante leur avait remis un uniforme qu’il leur fallait porter pour travailler. En outre, M. Manwell a témoigné que lorsqu’il avait rencontré Hussein à l’établissement de l’appelante, ce dernier portait un uniforme sur lequel figurait l’insigne de l’appelante. Les ententes stipulent également que les travailleurs devaient fournir, pour eux‑mêmes et pour tout conducteur à leur service, des uniformes conformes aux stipulations de l’appelante. Bien qu’il ne soit pas clair qui a effectivement défrayé les uniformes, il semble plutôt probable que les travailleurs devaient porter lors de leurs prestations de travail un uniforme sur lequel figurait l’insigne de l’appelante.

 

[32]     De même, en ce qui a trait à l’identification de l’appelante sur les dépanneuses, les Wehbe ont témoigné que les dépanneuses des travailleurs n’arboraient pas une telle identification. Cependant, M. Tremblay a témoigné que le nom de l’appelante était inscrit sur toutes les dépanneuses, y compris celles utilisées par les travailleurs. M. Manwell a affirmé qu’il avait vu Hussein quitter l’établissement de l’appelante au volant d’une dépanneuse sur laquelle figurait le nom de l’appelante. Les ententes précisent que les voituriers remorqueurs convenaient, advenant la résiliation de l’entente, de retirer de leurs dépanneuses l’identification de l’appelante.

 

[33]     À mon avis, les témoignages de MM. Tremblay et Manwell sont plus crédibles que ceux offerts par les travailleurs à l’audience, particulièrement étant donné que ces derniers témoignages contredisent directement les ententes que les travailleurs ont eux‑mêmes déposées en preuve pour démontrer qu’ils sont des entrepreneurs indépendants. En conséquence, je ne suis pas du tout convaincue que les travailleurs étaient réellement libres d’accepter ou de refuser des appels de service et qu’ils n’étaient pas tenus de se présenter chaque matin à l’établissement de l’appelante, comme les autres conducteurs, revêtus d’uniformes et pour conduire des dépanneuses arborant conventionnellement le logo de l’appelante.

 

[34]     Quant à la propriété des outils, MM. Anderson et Tremblay ont tous deux témoigné que des dépanneuses dotées de l’équipement nécessaire avaient été mises à leur disposition par l’appelante. M. Tremblay a cependant affirmé qu’il versait à l’appelante 200 $ de frais de location mensuels pour la dépanneuse, mais que l’appelante défrayait toutes les dépenses liées à la dépanneuse. Pour sa part, M. Anderson a dit que l’appelante défrayait toutes les dépenses liées à la dépanneuse, mais il n’a fait aucune mention de frais de location mensuels.

 

[35]     Les travailleurs ont témoigné qu’ils avaient défrayé eux‑mêmes l’achat de leurs dépanneuses, les frais d’entretien connexes et le carburant nécessaire. Cependant, Hussein et Ahmad ont reconnu que leurs dépanneuses étaient immatriculées et assurées au nom de l’appelante. Ils ont dit qu’ils avaient acheté leurs dépanneuses au moyen de prêts sans intérêt consentis par leur père. Ils ont dit avoir remboursé l’appelante de ses frais d’assurance. Ahmad a affirmé avoir payé 30 000 $ pour sa dépanneuse, tandis que Hussein a dit avoir payé la sienne 70 000 $. Webb a témoigné que le coût d’une dépanneuse se chiffrait entre 50 000 $ et 80 000 $. Qui dit vrai? À combien s’élevaient les véritables coûts d’achat des dépanneuses, et qui a versé ces sommes? Aucune preuve documentaire n’a été déposée de part et d’autre afin de démontrer que les travailleurs avaient effectivement acheté leurs dépanneuses et payé les frais d’assurances de celles‑ci. Les dépenses déduites de leurs revenus dans leurs déclarations de revenus ne sont pas détaillées et les travailleurs ne savaient pas précisément ce à quoi chacun des montants demandés se rapportait. Compte tenu des contradictions observées dans l’ensemble de la preuve présentée par les membres de la famille Wehbe, je vois mal comment je pourrais, en l’absence d’une documentation à l’appui, m’en remettre à leurs seuls témoignages.

 

[36]     En ce qui concerne les chances de profit et le risque de pertes, bien que les Wehbe aient témoigné que les travailleurs recevaient un pourcentage des factures dressées par les travailleurs eux‑mêmes, ce n’est pas ce qu’ils ont affirmé lors de la vérification. Les travailleurs avaient alors indiqué qu’ils étaient rémunérés par chèque hebdomadairement selon un taux fixe. Ahmad avait alors affirmé être rémunéré même lorsqu’il lui arrivait d’être malade ou en vacances. À l’audience, Hussein et Ahmad ont tenté d’expliquer qu’ils acceptaient des appels de service jusqu’à concurrence du taux fixe. Je trouve étrange qu’ils n’aient pas fait mention de ce fait lors de la vérification. Ahmad a indiqué aussi que lorsqu’il lui arrivait d’être dans l’impossibilité de répondre à un appel, il demandait à quelqu’un de s’en charger pour lui; toutefois, il a indiqué également qu’il n’avait pas déduit de dépenses salariales dans sa déclaration de revenus puisqu’il n’avait pas embauché d’employés. De plus, M. Manwell a témoigné que les explications offertes par M. Webb Wehbe pendant la vérification ne corroboraient pas celles offertes par les travailleurs. Effectivement, M. Webb Wehbe a affirmé que les travailleurs étaient rémunérés quotidiennement ou à la pièce, ce qui ne semble pas avoir été le cas. Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les travailleurs ont été rémunérés autrement que par un salaire hebdomadaire, ni qu’ils aient eu à débourser effectivement quelque dépense. Cela dit, je constate que M. Tremblay a affirmé avoir eu à verser des frais de location à l’appelante. Néanmoins, aucun élément de preuve porte à croire que les travailleurs étaient dans le même cas.

 

[37]     Quant à l’intégration de leur travail dans l’entreprise de l’appelante, bien que les travailleurs aient témoigné qu’ils avaient effectivement travaillé pour le compte d’autres entreprises, ces affirmations ne sont pas corroborées par les déclarations de revenus déposées en preuve. Les seuls revenus déclarés étaient versés par l’appelante. Pourtant, Hussein et Ahmad ont témoigné qu’ils avaient de nombreux autres clients. Si tel était le cas, les revenus ainsi gagnés auraient dû être déclarés. En outre, M. Tremblay a affirmé qu’il ne lui était pas loisible d’utiliser la dépanneuse pour le compte d’autres entreprises, car le nom de l’appelante figurait sur celle‑ci. Quant à Abdul Hamid, il a dit qu’il n’avait travaillé que pour l’appelante, et M. Webb Wehbe a indiqué à M. Manwell que Abdul Hamid travaillait 40 heures par semaine.

 

[38]     En conclusion, comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F., no A‑531‑87, 15 janvier 1988 ([1988] 2 C.T.C. 2377), à la page 2379, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger. La jurisprudence ne permet pas de requalifier a posteriori une relation sans égard aux faits, c’est‑à‑dire comme étant autre que ce qu’elle était vraiment. Dans l'arrêt M.R.N. c. Standing, C.A.F., no A‑857‑90, 29 septembre 1992 ((1992), 147 N.R. 238), la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit aux pages 239‑40 :

 

[...] Peu importe l'appréciation, par la Cour de l'impôt, du critère énoncé dans l'arrêt Wiebe Door, l'essentiel, tout compte fait, c'est que les parties elles-mêmes ont ensuite qualifié leur relation d'employeur‑employé. Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards [sic] aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

 

[39]     À mon avis, la preuve présentée par l’appelante lors de l’audience était insuffisante pour démontrer que les travailleurs avaient conclu des contrats par lesquels ils étaient liés à titre d’entrepreneurs indépendants. J’ai de la difficulté à accorder un poids quelconque à la preuve présentée par la famille Wehbe, preuve qui, à mon avis, est intéressée a posteriori et entachée par les nombreuses contradictions qui laissent planer le doute quant à sa crédibilité.

 

[40]     Compte tenu de cette conclusion, et vu l’ensemble de la preuve qui m’a été présentée, je considère que l’appelante n’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que le ministre a eu tort de conclure que les travailleurs exerçaient auprès de l’appelante des emplois en vertu de contrats de louage de services pendant la période en litige.

 

[41]     En ce qui a trait à la détermination du ministre selon laquelle les emplois exercés par les travailleurs n’étaient pas exclus de la rémunération assurable en application des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi, je conclus que l’appelante n’a pas démontré que le ministre avait exercé incorrectement son pouvoir discrétionnaire. D’ailleurs, étant donné le manque de crédibilité de la preuve présentée par la famille Wehbe, il ne m’est pas loisible d’infirmer la décision du ministre au motif que celle‑ci n’était pas raisonnable. Il m’est impossible de présumer que les conditions d’emploi des travailleurs étaient différentes de celles des autres employés.

 

[42]     Pour tous ces motifs, les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2004.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’août 2004.

 

 

 

 

Daniel E. Renaud, traducteur



[1]           Khaled Wehbe est le seul travailleur qui n’a pas été appelé à témoigner. Par conséquent, aucun document visant ce dernier n’a été déposé, à l’exception de l’entente conclue le 1er janvier 2001 qui a été déposée sous la cote A‑1.

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