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Dossier : 2003-2446(EI)

ENTRE :

MARIO COUTURE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 décembre 2003 à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Alain Bélanger

Avocate de l'intimé :

Me Mélanie Bélec

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 19e jour d'avril 2004.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


Référence : 2004CCI266

Date : 20040419

Dossier : 2003-2446(EI)

ENTRE :

MARIO COUTURE,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Savoie

[1]      Cet appel a été entendu à Trois-Rivières (Québec), le 2 décembre 2003.

[2]      Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelant lorsqu'au service de Ramoneur Bois-Francs Inc., le payeur, pour la période du 2 juin au 25 octobre 2002.

[3]      Le 10 avril 2003, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a informé l'appelant de sa décision selon laquelle l'emploi qu'il occupait n'était pas assurable parce qu'il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services et qu'il n'existait pas de relation employeur-employé entre lui et le payeur.

[4]      En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises, niées ou ignorées par l'appelant :

a)          le payeur a été constitué en société le 3 juin 2002; (ignoré)

b)          le payeur exploitait une entreprise de ramonage dans la région des Bois-Francs comprenant entre autres, les municipalités de Princeville, de St-Christophe et de Plessisville; (admis)

c)          du 3 juin au 18 juillet 2002, l'actionnaire unique du payeur était Line Boucher; (ignoré)

d)          depuis le 18 juillet 2002, l'actionnaire unique du payeur était Benoît Leclerc; (ignoré)

e)          Benoît Leclerc est l'oncle de l'appelant; (admis)

f)           le 10 mars 2003, Benoît Leclerc déclarait à un représentant de l'intimé que Line Boucher ne voulait pas s'occuper de la société; (ignoré)

g)          le 10 mars 2003, Benoît Leclerc déclarait à une représentant de l'intimé qu'il n'a rien payé pour le transfert d'actions entre Line Boucher et lui; (ignoré)

h)          le 20 mars 2003, Benoît Leclerc déclarait à un représentant de l'intimé qu'il n'a rien investi dans le payeur, ni signé de marge de crédit; (ignoré)

i)           durant la période en litige, le payeur a eu des revenus bruts d'environ 18 000 $; (ignoré)

j)           l'appelant était le seul employé du payeur; (admis)

k)          les tâches de l'appelant consistaient à solliciter les clients, à ramoner les cheminées, à facturer les clients et à recevoir les paiements, à faire les dépôts, à faire la conciliation bancaire, à faire sa paye et les remises gouvernementales et à assurer le service à la clientèle en cas de plainte des clients; (admis avec précisions)

l)           l'appelant travaillait du dimanche au samedi de 8 h 00 à 21 h 00 selon les rendez-vous et selon la température; (admis)

m)         l'adresse du payeur était celle de la résidence de l'appelant; (admis)

n)          toute la correspondance du payeur était adressée chez l'appelant; (admis avec précisions)

o)          l'appelant signait seul les chèques du payeur; (admis avec précisions)

p)          l'appelant utilisait son propre camion pour exécuter ses tâches; (admis)

q)          durant la période en litige, l'appelant n'a pas réclamé au payeur de remboursements pour les dépenses du camion; (nié)

r)           l'appelant fournissait ses outils et son téléphone cellulaire pour accomplir ses tâches; (nié)

s)          l'appelant recevait une rémunération une fois par mois; (admis)

t)           l'appelant apparaissait au journal des salaires avec une rémunération horaire de 10 $ en juin, en novembre et en décembre et de 15 $ en juillet, en août, en septembre et en octobre; (admis avec précisions)

u)          l'appelant s'inscrivait au journal des salaires avec 50 heures de travail par semaine; (admis)

v)          les heures déclarées de travail de l'appelant étaient constantes peu importe les activités du payeur; (admis)

w)         l'appelant n'avait pas d'avantages sociaux ni de vacances payées et il n'a pas reçu de paie de vacances; (admis)

x)          Benoît Leclerc ne supervisait pas le travail de l'appelant; (nié)

y)          Benoît Leclerc ne notait pas les heures de travail de l'appelant; (nié)

z)          Benoît Leclerc parlait une ou deux fois pas mois avec l'appelant; (nié)

aa)        le 2 décembre 2002, Benoît Leclerc déclarait à un représentant de l'intimé qu'il laissait carte blanche à l'appelant puisque c'est lui qui avait de l'expérience dans le domaine; (ignoré)

bb)        le 2 décembre 2002, Benoît Leclerc déclarait à un représentant de l'intimé « Qu'il n'aurait pas la compagnie si Mario Couture n'était pas son employé » ; (ignoré)

cc)        le 2 décembre 2002, Benoît Leclerc déclarait à un représentant de l'intimé qu'il ne connaissait pas le chiffre d'affaires hebdomadaire ou mensuel du payeur; (ignoré)

dd)        le 29 novembre 2002, l'appelant déclarait à un représentant de l'intimé qu'il avait déboursé personnellement pour une assurance responsabilité et que le payeur était pour le rembourser; (ignoré)

ee)        le 25 octobre 2002, le payeur émettait un relevé d'emploi à l'appelant, pour la période débutant le 2 juin 2002 et se terminant le 25 octobre 2002, et qui indiquait 1 120 heures assurables et une rémunération assurable totale de 15 800,00 $; (admis)

ff)          le relevé d'emploi était signé par l'appelant; (admis avec précisions)

gg)        après sa mise à pied, l'appelant a continué à rendre des services au payeur sans percevoir de rémunération;

hh)        au 31 mars 2003, l'appelant avait des dépenses non remboursées par le payeur de 10 336,21 $; (admis)

ii)          le 29 novembre 2002, l'appelant déclarait à un représentant de l'intimé qu'il avait fait quelques ramonages après sa mise à pied du 25 octobre 2002 sans être payé, car il préférait garder l'argent dans la compagnie pour payer les dépenses; (ignoré)

jj)          l'appelant prenait toutes les décisions pour le payeur; (nié)

kk)        l'appelant était le maître d'oeuvre de la société. (nié)

[5]      À l'audition, l'appelant, Mario Couture, a été le seul à témoigner au soutien de son appel. Il convient de signaler que le payeur, Benoît Leclerc, sommé de comparaître à l'audition par le Ministre, n'a pas comparu en dépit du fait qu'il a été dûment signifié. Cependant, la version donnée par le payeur a été recueillie par l'agent des appels ainsi que l'enquêteur au cours de l'enquête menée par le Développement des ressources humaines Canada (DRHC).

[6]      La preuve a révélé que l'appelant, pendant la période en litige, notait ses heures de travail sur un papier pour vérifier qu'il avait bien effectué 50 heures par semaine. Lorsqu'il recevait sa paie pour les heures travaillées et que le tout concordait, il ne conservait pas ses notes.

[7]      Il a été établi que l'appelant, Mario Couture, a suivi une formation de trois jours à l'Association professionnelle du chauffage (APC), en janvier 2003. Le payeur a reçu une subvention provinciale pour l'aide à la formation. Cette subvention payait la moitié et l'autre moitié était payée par le payeur. Mario Couture avait parlé à Benoît Leclerc de son intérêt pour suivre cette formation, et ce dernier a décidé de l'y envoyer. L'appelant a payé le montant total de la formation avec sa carte de crédit personnelle et devait se faire rembourser par le payeur, selon l'information recueillie de l'appelant.

[8]      L'appelant a révélé à l'agent des appels que le payeur lui payait les frais d'assurance-responsabilité en cas d'accident ainsi que les frais de couverture pour la responsabilité civile en cas de bris chez un client. Cependant, au courant de l'enquête sur le dossier de l'assurabilité, l'appelant révélait que la compagnie avait une assurance-responsabilité mais que pour l'instant c'était lui, l'appelant, qui l'avait payée mais que la compagnie allait lui rembourser. Quant au payeur, Benoît Leclerc a confirmé que la compagnie avait une assurance-responsabilité mais qu'il n'avait jamais vu la facture puisque c'était Mario Couture qui s'en était occupée.

[9]      À l'agent des appels, Benoît Leclerc a précisé que c'était Mario Couture qui notait ses heures et les lui donnait par téléphone. Il a ajouté qu'il les prenait en note mais ne gardait rien d'écrit, puisqu'il se fiait à l'appelant Mario Couture.

[10]     L'information recueillie de Benoît Leclerc indique que celui-ci et Mario Couture communiquaient ensemble trois ou quatre fois par semaine, mais pendant l'enquête sur le dossier de l'assurabilité il a révélé qu'il parlait à son neveu une ou deux fois par mois.

[11]     Benoît Leclerc a admis que l'appelant avait travaillé après la période en litige. Il a révélé que celui-ci avait travaillé 20 heures en novembre 2002 et en décembre, cinq heures. Il a révélé que l'appelant avait été payé 10 $ l'heure pour cette période et que les revenus n'avaient pas été assez élevés pour pouvoir le payer 15 $ l'heure.

[12]     Il a été établi qu'à l'occasion l'appelant recevait des plaintes des clients. Lorsqu'un client exprimait son insatisfaction, l'appelant en discutait avec son oncle, le payeur, et celui-ci décidait si l'appelant devait refaire le travail ou non. Les clients payaient directement leur compte à l'appelant. Il n'est jamais arrivé qu'un chèque ne soit pas honoré. Le payeur indique que si cela s'était produit, l'appelant serait retourné voir le client pour demander le paiement de la facture.

[13]     Benoît Leclerc affirme que la compagnie ne partage pas les chances de profit ou les risques de perte avec l'appelant, mais il admet que le taux horaire de ce dernier peut diminuer selon les revenus de la période. Par exemple, en juin, comme il y avait moins de travail et donc moins de revenus, la rémunération de l'appelant était fixée à 10 $ l'heure au lieu de 15 $.

[14]     Dans sa déclaration au dossier de l'assurabilité, Benoît Leclerc a indiqué que c'est l'appelant qui s'est occupé de l'incorporation du payeur. Il ignore combien cette incorporation a coûté, disant : « Mario ne m'a pas donné de facture » . En ce qui concerne la compagnie, le payeur n'a pas eu à débourser d'argent et n'a contracté aucune marge de crédit, ni aucun emprunt. Pour les travaux de la compagnie, le payeur loue le camion de l'appelant. Le payeur a déclaré qu'il prenait des décisions importantes avec l'appelant, mais, par la suite, il a avoué laisser carte blanche à ce dernier puisqu'il avait de l'expérience dans le domaine. En outre, il a révélé qu'il n'aurait pas sa compagnie si l'appelant n'était pas son employé. Il a déclaré qu'il ne désirait pas embaucher d'autres employés, mais il a ajouté que si l'appelant voulait un autre employé sur la route, il faudrait qu'il s'arrange avec ça parce que, selon lui, le payeur, un seul camion suffisait.

[15]     Benoît Lecler a indiqué qu'il ne connaissait pas le chiffre d'affaire hebdomadaire ou mensuel de la compagnie. Il pense que la compagnie fait des profits, mais pas beaucoup. Par ailleurs, il pense que l'appelant dépose tous les revenus de la compagnie et qu'il peut lui faire confiance. Il a déclaré : « Je ne sais pas s'il y a un comptable, ce n'est pas une grosse affaire, c'est Mario Couture qui s'occupe de la paperasse pour l'instant » . Il a avoué qu'il avait une compagnie pour procurer du travail à son neveu, Mario Couture.

[16]     Le Ministre s'est appuyé sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) pour décider que l'emploi de l'appelant n'était pas assurable.

[17]     Le paragraphe 5(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

            5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a)     l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[18]     Selon l'arrêt bien connu Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, la jurisprudence a établi une série de critères pour déterminer si un contrat constitue un contrat de louage de services ou un contrat d'entreprise. Bien qu'il en existe d'autres, les quatre critères suivants sont les plus couramment utilisés :

a)    Le degré, ou l'absence de contrôle exercé par le prétendu employeur;

b)    La propriété des instruments de travail;

c)    Les chances de profit et les risques de perte;

d)    L'intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l'entreprise de l'employeur présumé.

[19]     Il convient d'examiner la preuve à la lumière de chacun de ces critères.

Le contrôle

[20]     Mario Couture, l'appelant, prenait les appels des clients, fixait les rendez-vous et effectuait le ramonage des cheminées. Il s'occupait des remises gouvernementales et voyait à la conciliation bancaire et les dépôts. Il était payé directement par les clients pour les ramonages. Les relevés bancaires lui étaient postés directement. Il signait les chèques pour le payeur quoique Benoît Leclerc pouvait aussi signer, mais une seule signature était nécessaire. En outre, Mario Couture préparait et signait lui-même son chèque de paie.

[21]     Il a été établi que les clients rejoignaient directement l'appelant sur son cellulaire pour prendre rendez-vous. En outre, c'est lui qui recevait et traitait les plaintes des clients. L'appelant travaillait du dimanche au samedi, de 8 h à 21 h. Ses heures n'étaient pas consignées et il travaillait en moyenne 50 heures par semaine.

[22]     Benoît Leclerc a déclaré qu'il ne supervisait pas Mario Couture et que celui-ci s'arrangeait seul. Il a déclaré à l'agent de l'assurabilité qu'il pensait que le salaire de Mario Couture lui était versé une fois par semaine alors qu'effectivement l'appelant préparait son chèque de paie une fois par mois. Le Ministre a fait la preuve que l'appelant a suivi un cours de formation, en janvier 2003 qui a coûté 1 200,00 $, mais le payeur ne sait pas exactement qui donnait le cours.

[23]     Les données recueillies et examinées sous cet aspect des conditions de travail indiquent clairement que le degré de contrôle exercé par le payeur sur l'emploi de l'appelant était minime.

La propriété des outils

[24]     La preuve a démontré que le seul équipement de grande valeur utilisé dans le travail de l'entreprise était le camion qui était la propriété de l'appelant et que ce dernier l'utilisait exclusivement pour le travail. Il est vrai que les brosses et les échelles étaient auparavant la propriété de l'appelant, mais celui-ci a indiqué qu'il les avait vendues au payeur. Cependant, un examen minutieux par les enquêteurs ne lui a pas permis de découvrir quoique ce soit concernant la propriété ou les transferts de ces brosses et échelles. Quant au cellulaire utilisé par l'appelant dans son travail, Benoît Leclerc et l'appelant ont tous les deux affirmé que le payeur en était le propriétaire. Cependant, les enquêteurs n'ont trouvé aucune facture provenant d'une compagnie de téléphone pour l'usage du service téléphonique.

Chances de profit et risques de perte

[25]     À l'audition, la preuve a révélé que l'appelant était payé une fois par mois, par chèque à son nom. Benoît Leclerc a affirmé que le taux horaire du salaire de l'appelant pouvait diminuer selon les revenus de la période. Par exemple, en juin, comme il y avait moins de travail, donc moins de revenus, le payeur ne versait que 10 $ l'heure à l'appelant, au lieu de 15 $. Par ailleurs, il a été établi que l'appelant ne recevait aucun avantage social, n'avait aucune vacance payée et ne recevait aucune paie de vacance.

[26]     Après sa mise à pied, l'appelant avait des dépenses non remboursées par le payeur. En mars 2003, lors des entrevues téléphoniques, il a rapporté que plusieurs milliers de dollars de dépenses qui lui était dues n'avaient pas été remboursés. Le tarif de kilométrage variait selon les revenus du payeur et non selon l'augmentation du prix de l'essence. Durant la période en litige, une partie du kilométrage de l'appelant a été remboursée à 41 cents le kilomètre alors que le reste était inclus dans la réclamation du 17 mars 2003 au taux de 35 cents le kilomètre. Après la période en litige, l'appelant a suivi une formation de trois jours qu'il a payée lui-même et il attend toujours le remboursement par le payeur.

L'intégration

[27]     La preuve a révélé que le payeur n'avait mis aucun bureau à la disposition de l'appelant; celui-ci travaillait de sa résidence. L'adresse de la compagnie est celle de la résidence de l'appelant. L'appelant recevait lui-même les paiements de factures des clients. Il faisait lui-même sa paie et signait lui-même son chèque. Les relevés bancaires étaient expédiés chez-lui. C'est lui qui s'occupait des plaintes des clients et c'est lui également qui recrutait les clients et qui s'occupait de la publicité. Il ne recevait pas de paie de vacances ni bénéficiait de vacances payées. Entre lui et le payeur, il n'y avait aucun contrat ou accord écrit.

[28]     Les circonstances examinées sous ces critères établissaient clairement que le payeur n'était pas le véritable maître d'oeuvre de la société.

[29]     L'examen de ce dossier par les représentants du Ministre a révélé plusieurs contradictions selon que l'on examinait les déclarations faites à l'agent de l'assurabilité ou à l'agent des appels. Ainsi, l'appelant a révélé à l'agent des appels qu'il n'y avait pas vraiment de tenue de livres alors qu'à l'agent de l'assurabilité, il a révélé qu'il s'occupait de la tenue de livres (facturation, comptes à recevoir, livres des salaires, déductions à la source et autres), sur Lotus. Il aurait aussi indiqué qu'il n'avait pas investi d'argent dans la compagnie alors que, selon l'information disponible, les agents d'enquête ont découvert qu'il avait utilisé ses propres fonds pour déposer dans le compte de la compagnie en juin 2002.

[30]     Pour sa part, Benoît Leclerc a déclaré à l'agent de l'assurabilité qu'il communiquait avec Mario Couture une ou deux fois par mois alors qu'à l'agent des appels il a fixé à trois ou quatre fois par semaine ses rencontres avec l'appelant. Quant à l'appelant, il a déclaré à l'agent de l'assurabilité qu'il rencontrait Benoît Leclerc une fois par mois pour parler des affaires de la compagnie alors qu'à l'agent des appels, il a affirmé qu'il l'appelait ou le rencontrait quatre ou cinq fois par semaine. Les enquêteurs ont découvert une autre contradiction dans les déclarations de l'appelant et de Benoît Leclerc en ce qui concerne l'assurance-responsabilité. Les différentes versions données ont été décrites plus haut.

[31]     L'analyse de la preuve, selon les critères établis dans l'arrêt Wiebe Door, précité, nous amène à la conclusion que :

1.        L'examen des tâches de l'appelant et la preuve recueillie indiquent clairement que l'appelant faisait à peu près tout. Benoît Leclerc niait l'existence des relevés bancaires alors que les documents recueillis ont prouvé le contraire.

2.        Les contradictions découvertes dans les différentes déclarations ont indiqué que Benoît Leclerc ne savait pas trop ce qui se passait dans l'entreprise.

3.        La preuve a établi que lorsque les affaires allaient bien, l'appelant était payé à 15 $ l'heure et qu'en d'autres temps, son salaire horaire était fixé à 10 $.

4.        Par ailleurs, la preuve a démontré que l'appelant avait payé lui-même pour sa formation et qu'il en attendait toujours le règlement par le payeur en plus d'autres dépenses.

5.        L'appelant n'a pu expliquer pourquoi une avance avait été faite de son compte personnel à celui de l'entreprise en juin 2002.

6.        La prépondérance de la preuve semble indiquer que l'appelant est effectivement l'âme dirigeante de l'entreprise.

[32]     L'appelant demande à cette Cour de renverser la décision du Ministre. Mais, à l'analyse de la preuve recueillie, à la lumière des critères établis, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée.

[33]     Dans des circonstances similaires, la Cour d'appel fédérale a rejeté la demande d'intervention. Le juge Marceau dans l'arrêt Scalia c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.)(C.A.F.), [1994] A.C.F. no 798, expliquait le raisonnement de la Cour en ces termes :

À l'analyse de la preuve, cependant, on constate que le requérant avait sur la compagnie, sur ses activités, sur les décisions de son bureau de direction composé de lui-même, de son neveu et de sa belle-soeur, un ascendant tel qu'entre lui-même et la compagnie ne pouvait exister ce rapport d'indépendance nécessaire à la création d'un véritable lien de subordination. [...]

[34]     Cette Cour examinait des faits semblables dans l'arrêt Therrien c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1994] A.C.I. no 859, et le juge Robichaud statuait au paragraphe 10 ce qui suit :

L'appelant avait sur les activités du Club et sur les décisions à prendre, un ascendant tel qu'il excluait tout rapport d'indépendance nécessaire à la création d'un véritable lien de subordination. Voir à cet effet les notes du juge Louis Marceau dans l'arrêt Scalia et M.N.R., 19 mai 1994, numéro A-222-93, Cour d'appel fédérale.

[35]     Cette cause a été portée en appel dans l'arrêt Therrien c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1995] A.C.F. no 1206, et le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale s'est exprimé de la façon suivante :

Le juge de la Cour canadienne de l'impôt, se basant sur les éléments de preuve au dossier, a conclu que le requérant était "l'autorité suprême et l'âme dirigeante" de son Club et qu'il avait sur ce dernier un ascendant qui excluait toute possibilité d'un lien de subordination. Il s'agit là des conclusions de fait où notre Cour, dont les pouvoirs en matière de contrôle judiciaire se limitent à la révision de la légalité des décisions attaquées, ne peut pas intervenir.

La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[36]     Il est clair, compte tenu de ce qui précède, que l'appelant n'a pas réussi à se libérer du fardeau qui lui incombait. Il faut ajouter, en outre, que l'appelant a admis la plupart des allégués du Ministre sur lesquels il s'est fondé pour rendre sa décision. À ce propos, il convient de rappeler la règle énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1998]A.C.F. no. 316, où le juge Pratte statuait que :

[...] les allégations de la réponse à l'avis d'appel, où le Ministre énonce les faits sur lesquels il a fondé sa décision, doivent être tenus pour avérés aussi longtemps que l'appelant n'en a pas prouvé la fausseté.

[37]     En conséquence, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 19e jour d'avril 2004.

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :

2004CCI266

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-2446(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Mario Couture et M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Trois-Rivières (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 2 décembre 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 avril 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

Me Alain Bélanger

Pour l'intimé :

Me Mélanie Bélec

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant :

Nom :

Me Alain Bélanger

Étude :

Me Alain Bélanger

Victoriaville (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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