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Référence : 2004TCC623

Date : 20040917

Dossier : 2004-214(IT)I

ENTRE :

DOUG A. HAMPSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Pour l’appelant : L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée : Andrew Majawa (étudiant en droit)

____________________________________________________________________

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience à

Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 juillet 2004)

 

Le juge Bowie

 

[1]     Cette affaire concerne les déductions faites par l’appelant de son revenu d’un travail indépendant de psychologue pour l’année d’imposition 1999. Le travail de psychologue de l’appelant découlait en grande partie, mais pas complètement, d’un contrat avec Service correctionnel Canada. Son revenu était de 60 756 $. De ce revenu, il a déduit 46 224 $ de dépenses, ce qui donne un revenu net de 14 532 $. 

 

[2]     Le 28 octobre 2002, une nouvelle cotisation a été établie pour lui, et d’importants montants de dépenses qui avaient été déduits ont été rejetés. Le ministre a donc établi la cotisation selon le revenu net tiré d’un travail indépendant de 48 798 $. À la suite d’une autre nouvelle cotisation, établie le 14 octobre 2003, le montant du revenu a été réduit à 48 754 $. À ce moment-là, cinq éléments avaient été rejetés, complètement ou en partie, et le présent appel a pour but de déterminer si l’appelant a le droit de déduire ces éléments. Je traiterai de ces éléments selon l’ordre dans lequel ils sont énumérés dans l’annexe A de la réponse du ministre à l’avis d’appel, ce qui établit de façon pratique l’ordre de présentation.

 

[3]     Le premier élément est un montant de 700 $ pour créances irrécouvrables. Dans son travail à Service correctionnel Canada, l’appelant travaille auprès de détenus et d’anciens détenus de pénitenciers. Il a expliqué que ce montant de 700 $ représentait le total des montants qu’il avait prêtés de temps à autre à des détenus pour les aider d’une façon ou d’une autre, et qui ne lui avaient pas été remboursés. Questions de temps mises à part, l’appelant n’est pas un prêteur d’argent. Donc, pour être en mesure de faire la déduction, il faudrait que le montant corresponde aux exigences de l’alinéa 20(1)p) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Un montant correspond aux exigences de l’alinéa 20(1)p) seulement si on peut établir qu’il a été inclus dans le calcul du revenu pour l’année ou une année d’imposition antérieure. Les éléments probants dans ce cas-ci établissent, je crois, selon une prépondérance des probabilités, que l’appelant n’a jamais inclus le montant dans son revenu. L’appel interjeté concernant ce montant est donc rejeté.

 

[5]     Le prochain élément en cause est la déduction de 16 000 $ pour des dépenses décrites comme des dépenses de gestion et d’administration. La preuve fournie révèle que la déduction correspond en fait à des montants que l’appelant dit avoir payés à son épouse pour son aide dans son travail. Il a produit comme pièce A-6 la liste des tâches qui constituaient le travail pour lequel il dit avoir payé le montant à son épouse. Comme je le comprends, cette liste n’a pas été établie dans le but de servir de guide pour l’épouse de l’appelant dans son travail, mais plutôt pour essayer d’établir, pour le vérificateur, qu’elle faisait du travail qui était digne d’une rémunération. La liste présente des tâches comme : recevoir des appels téléphoniques et des courriels et y répondre; fixer des rendez-vous; « m’informer de tout besoin immédiat »; aider à la conception et à l’établissement de rapports professionnels; réviser des textes; fournir de l’aide lors d’interventions en situation de crise. Au contre-interrogatoire, l’appelant a convenu que, dans une large mesure, cette dernière tâche se résumait simplement à un appui que les conjoints se donnent généralement à la suite d’une dure journée au bureau, si je peux me permettre de paraphraser. La liste indiquait également une tâche qui consistait à fournir de l’aide pour les activités de relations publiques (lire des communiqués de presse, tenir l’appelant au courant de l’actualité). Le contre-interrogatoire a permis de déterminer que cette tâche, si j’ai bien compris l’appelant, consistait pour l’épouse à informer l’appelant des éléments de nouvelles qu’elle voyait concernant des détenus ou d’anciens détenus auxquels s’intéressait l’appelant en raison de son contrat. Également, la liste énumérait les tâches suivantes : payer les factures et tenir à jour les reçus – ce qui selon moi peut raisonnablement être davantage considéré comme couvrant les factures du ménage plutôt que les factures directement liées aux obligations professionnelles de l’appelant – aider à la négociation des contrats, et organiser et animer des rencontres d’ordre professionnel. 

 

[6]     La position du ministre est la suivante : tout d’abord, que toutes ces tâches représentent en fait peu ou rien de plus que les tâches qu’effectuerait normalement un conjoint à la maison sans rémunération; ensuite que l’argent n’a jamais été versé; et finalement, que s’il avait été versé et s’il y avait eu des tâches à accomplir, le montant versé aurait été excessif pour les services rendus. La preuve fournie par l’appelant afin de démontrer que les montants avaient bel et bien été payés était constituée de la pièce A-1, soit les relevés bancaires pour l’année civile 1999 du compte conjoint au nom de l’appelant et de son épouse, en plus de la pièce A-3, qui se veut un document extrayant des entrées les montants que l’épouse de l’appelant a retirés du compte pour elle-même et comprenant le 16 000 $ en question ainsi qu’un 2 684,08 $ additionnel. La liste de la pièce A-3 contient des éléments comme des paiements pour la voiture qui, selon l’appelant, appartient à son épouse, des paiements versés à la Mennonite Educational Institute pour les frais de scolarité de leurs deux enfants, qui ont fréquenté cette école, la moitié des paiements hypothécaires faits conjointement en leurs noms pour leur maison, 40 $ en avril pour un permis de conduire, des paiements irréguliers d’intérêts sur des prêts, ainsi que d’autres paiements qui n’ont jamais été précisés, comme 34 $ pour quelque chose appelé Nutrizoo, 10 $ pour Athabasca, 100 $ pour Peewee, et 19 $ pour quelque chose appelé Mountain West, en plus de 955 $ pour, semble-t-il, payer une facture de MasterCard. Selon moi, ces montants ressemblent davantage à des dépenses normales d’un ménage qu’au paiement d’un salaire pour la prestation de services administratifs.

 

[7]     Lors de la vérification de ses affaires, on a insisté pour que l’appelant fournissent des preuves. À ce moment-là, l’appelant a apparemment fourni un chèque d’un montant de 16 000 $ fait au nom de son épouse, en mai 2002. On peut supposer que ce chèque a été redéposé par l’épouse dans le même compte conjoint, bien que les preuves ne permettent pas d’établir la chose. Cependant, la volonté de l’appelant d’effectuer absolument cette transaction en 2002 vient, selon moi, clairement démontrer qu’il mentait quand il a avancé que les transactions énumérées dans la pièce A-3 constituaient le paiement de salaire de 16 000 $ versé à son épouse. 

 

[8]     Je reviendrai à ce dernier élément plus loin quand je traiterai de l’élément concernant les paiements prétendument versés aux enfants de l’appelant. Pour l’instant, je passe au prochain élément en litige, soit le montant de 837 $ déduit par l’appelant pour des dépenses déclarés sous la rubrique « Repas et frais de représentation ». Les dépenses sont entrées cumulativement dans la pièce A-10. La pièce A-10 est une liste d’environ deux pages et quart de dépenses allant d’un minimum de 1,55 $ pour une tasse de café du Starbucks avec Joe McKenna à un maximum de 110 $ pour un souper avec Dale Sawatzky au restaurant Earl’s de White Rock. L’appelant a expliqué que ces dépenses correspondaient en grande partie à deux catégories. Certaines ont été effectuées pour des employés de Service correctionnel avec qui il traitait quotidiennement et qui, il espérait, pourraient l’aider à obtenir d’autres contrats, et peut-être aussi pour quelques personnes n’ayant pas de lien avec Service correctionnel avec qui il avait des activités de représentation essentiellement pour les mêmes raisons. D’autres dépenses ont été effectuées pour quelques personnes qui faisaient le même travail que l’appelant et avec lesquelles celui-ci échangeait des opinions et des renseignements à l’occasion d’un café ou d’un repas. Il y avait aussi une troisième catégorie, soit les anciens détenus avec qui il avait travaillé dans le cadre de son contrat avec Service correctionnel. 

 

[9]     L’observation de la Couronne est que des 881 $ déduits, qui représentent la moitié du montant total que l’appelant dit avoir dépensé, 44 $ ont été admis. Il s’agit du seul montant qui peut être déterminé comme ayant été dépensé en vue de tirer un revenu. Selon moi, il s’agit ici d’une vision assez restreinte de ce qui peut être considéré comme étant une dépense faite en vue de tirer un revenu, et je suis plutôt porté à penser que, si ce n’est une seule exception notable, les dépenses étaient ici légitimes et pourraient entrer dans la catégorie de la promotion des affaires ou des discussions traitant de questions d’affaires. 

 

[10]    La seule exception notable est la dépense de 82 $ effectuée au restaurant Spaghetti Factory, où l’appelant, son épouse et ses enfants sont allés souper le 24 mai. La justification fournie par l’appelant pour la déduction de ce montant était qu’étant donné que son épouse et ses enfants travaillaient pour lui, ils avaient droit à ce qui pourrait être considéré comme une fête de bureau annuelle, et que c’était ce que représentait cette sortie au restaurant. Je ne suis pas du même avis. Comme il deviendra évident plus loin, je ne considère pas que l’épouse et les enfants de l’appelant travaillaient pour ce dernier dans quelque mesure que ce soit, et je ne vois aucune raison légitime pour cette dépense. Les repas et les frais de représentation déduits de 881 $ seront réduits de 41 $. L’appelant a donc le droit de déduire 840 $ pour les repas et les frais de représentation.

 

[11]    Le prochain élément est une déduction concernant des frais de bureau. On m’a avisé, dès le début de la procédure, que les parties avaient conclu une entente concernant cet élément. Le ministre avait rejeté le montant de 4 185 $ pour le coût d’un ordinateur qui avait été déduit comme des frais de bureau. Les parties ont convenu que l’appelant a le droit de demander une déduction pour amortissement d’un montant de 860,55 $ pour l’ordinateur, montant calculé en fonction d’un coût en capital de 4 185 $, suivant la règle du calcul sur six mois pour le compte de la catégorie 10.

 

[12]    Le dernier élément est le montant de 12 500 $ que l’appelant dit avoir payé à ses deux enfants pour leurs services. À l’époque concernée, le fils de l’appelant était âgé de 14 ans, et sa fille était âgée de 9 ou 10 ans. Le fils était en neuvième année, et la fille en quatrième ou cinquième. La position que défend l’appelant est qu’il a payé 7 000 $ à son fils pour des services qu’il décrit assez vaguement, mais qui pourraient être catégorisés comme de l’aide concernant la programmation d’ordinateurs et des logiciels informatiques et des services du même genre. Étant donné que la description des tâches du fils est assez vague, il n’est pas clair si l’appelant est allé jusqu’à établir dans ses preuves que son fils développait des programmes informatiques. Je ne doute pas que le fils de l’appelant est un jeune homme brillant, ou était un jeune homme brillant à 14 ans, et qu’il avait probablement plus de connaissances et de compétences en informatique que son père. Néanmoins, afin de justifier des dépenses de 7 000 $ pour les services fournis par le fils, il me faudrait beaucoup plus de preuves que ce que j’ai entre les mains aujourd’hui.

 

[13]    Tout d’abord, il y a la question de savoir si l’argent a vraiment été versé à la fille ou au fils de l’appelant. Les pièces A-4 et A-5 sont deux reçus, un signé par le fils et un autre signé par la fille. Les deux sont datés du 31 décembre 1999 et les deux sont rédigés d’une façon plus adulte qu’enfantine. Les mots qui nous intéressent ici sont :

 

J’ai reçu un total de 5 500 $ de Doug Hampson pour des services que j’ai rendus [sic] à l’égard de l’entreprise de M. Hampson.

 

signé par XXXXX, et :

 

J’ai reçu 7 000 $ en espèces de Doug Hampson pour des services que j’ai rendus à l’égard de l’entreprise de M. Hampson.

 

signé par XXXXX.

 

[14]    Pendant le contre-interrogatoire de M. Hampson, il est apparu que les paiements qu’il dit avoir faits à son fils constituaient en fait le paiement des frais de scolarité de celui-ci, et que des crédits, décrits vaguement, pour la propriété future éventuelle par son fils de ce que l’appelant disait être le « camion familial ». À partir de la preuve fournie, il est très clair qu’aucun paiement, ou aucune série de paiements, n’a été fait à XXXXX pour un total de 7 000 $ au cours de l’année 1999, et qu’aucun paiement, ou aucune série de paiements, n’a été fait par M. Hampson à XXXXX pour un total de 5 500 $ au cours de l’année 1999. De plus, lorsqu’il s’est fait demander de préciser les paiements faits à XXXXX, l’appelant a dit qu’une partie du montant servait à payer les frais de scolarité de sa fille. En général, les preuves fournies par l’appelant étaient évasives, contradictoires, et avaient pour but, selon moi, de semer la confusion et de dérouter. Voici donc la considération déterminante en ce qui a trait aux paiements que l’appelant dit avoir faits à son épouse et à ses enfants pour les services qu’ils lui ont censément rendus. L’appelant a dit que son contrat avec Service correctionnel Canada lui a rapporté 58 500 $ pour 15 heures de travail par semaine au cours de l’année. Il a facturé Service correctionnel selon ce barème, ce qui correspond à 75 $ de l’heure. Ensuite, il a calculé le montant qui aurait été son taux de salaire annuel s’il avait été un psychologue employé de Service correctionnel et a conclu, avec raison ou non, que ce salaire correspondait à 32 $ de l’heure. Il a ensuite déduit que l’écart de 43 $ par heure devait être la valeur (selon ses dires) de l’appui fourni par son épouse et ses deux enfants pour l’aider à effectuer ses services contractuels, et qu’ils devaient recevoir, à eux trois, le total de ce 43 $ par heure, ce qui correspond à 28 500 $ par année. Il n’a pas très bien précisé comment il divisait le montant entre son épouse et ses enfants pour obtenir les montants de 12 500 $ pour ses enfants et de 16 000 $ pour son épouse. Il n’a pas signé de contrat écrit avec eux, que ce soit un contrat établissant les tâches à effectuer ou un contrat établissant les montants à payer. Il n’a pas établi de registre qui pourrait venir prouver que les transactions qu’il a imaginées ont effectivement eu lieu. Il n’a pas tenu de registre et n’a pas fait d’estimation du nombre d’heures que son épouse et ses enfants ont consacrées aux soi-disant tâches pour lesquelles ils étaient censément rémunérés. L’appelant a dit que les tâches de sa fille étaient de faire le ménage de son bureau de 10' x 12' dans la maison familiale et d’aider à nettoyer son véhicule. Selon moi, il est tout simplement faux d’affirmer que les montants versés constituaient des paiements pour des services rendus.

 

[16]    La déclaration de revenus de l’appelant a été produite électroniquement, mais M. Majawa lui a présenté pendant le contre-interrogatoire, une reconstitution de cette déclaration, que l’appelant a acceptée comme étant exacte. Elle indique les montants de 16 000 $ pour la gestion et l’administration et de 12 800 $ pour les salaires et traitements. Je ne suis pas certain de la nature de l’écart de 300 $, mais de toute évidence il y a un 300 $ qui a été admis par le ministre lors de l’établissement de la cotisation. Compte tenu des preuves fournies par l’appelant, les deux déductions demandées me sont apparues comme étant à proprement parler fictives. Manifestement, le ministre n’a pas appliqué de pénalité à l’égard de ces montants, et pour cela, l’appelant peut peut-être s’estimer chanceux. Aucun montant ne devrait être admis concernant les paiements que l’appelant dit avoir faits à son épouse et à ses enfants, parce que les éléments de preuve ne m’ont pas convaincu que ces paiements leur ont bel et bien été versés dans un cas ou dans l’autre pour des services rendus. Si de tels paiements avaient été faits, je ne doute aucunement qu’ils ne répondraient pas au critère du caractère raisonnable tel qu’établi il y a plusieurs années par le juge Cattanach dans l’affaire Gabco v. M.N.R.[1]

 

[18]    Par conséquent, l’appel sera admis pour permettre à l’appelant de déduire des montants additionnels de 840 $ pour les repas et les frais de représentation et de demander une déduction pour amortissement de 860,55 $. Si je pouvais faire une attribution des dépens à l’appelant, je ferais une telle attribution.  Cependant, comme il s’agit ici d’un appel relevant de la procédure informelle, la loi m’interdit d’en faire une.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de septembre 2004.

 

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2005

 

 

 

 

 

Colette Dupuis-Beaulne


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2004TCC623

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-214(IT)I

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Doug A. Hampson et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

14 juillet 2004

 

MOTIFS DU JUGEMETN PAR :

L’honorable juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :

19 juillet 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Andrew Majawa (étudiant en droit)

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

S/O

 

Cabinet :

S/O

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           68 DTC 5210.

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