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Dossier : 2004-943(IT)I

ENTRE :

DON J. SWITZER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à Edmonton (Alberta), le 26 octobre 2004.

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Marta E. Burns

____________________________________________________________________

JUGEMENT

L'appel de la cotisation établie en application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est admis et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que le montant de 42 711,72 $ doit être inclus dans le revenu de l'appelant conformément à l'alinéa 6(1)f) de la Loi.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 9e jour de mars 2005.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2006.

Christian Laroche, LL.B.


Référence : 2005CCI181

Date : 20050309

Dossier : 2004-943(IT)I

ENTRE :

DON J. SWITZER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      En 2001, M. Don Switzer a reçu un paiement au montant de 53 455 $ par suite d'un règlement négocié avec la Great-West, Compagnie d'Assurance-Vie. M. Switzer n'a pas inclus ce montant dans son revenu de 2001 aux fins de l'impôt sur le revenu. Selon la position prise par le ministre du Revenu national (le « ministre » ), la partie représentant une prestation d'invalidité accumulée, mais impayée, est imposable, conformément à l'alinéa 6(1)f) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Cette affaire a été entendue une semaine avant que la Cour suprême du Canada eût entendu l'appel dans l'affaire Tsiaprailis c. Canada[1]. J'ai reporté mon jugement en attendant que la Cour suprême du Canada donne des précisions au sujet de l'application de l'alinéa 6(1)f) aux sommes forfaitaires payées aux termes d'un règlement négocié. La décision de la Cour suprême du Canada a été rendue publique le 25 février 2005. Compte tenu de cette décision, je dois rejeter l'argument de M. Switzer selon lequel le produit du règlement représentant une partie des prestations passées qui étaient payables n'est pas imposable.

[2]      Depuis 1977, M. Switzer travaillait comme technicien d'aéronefs chez Spar Aerospace Limited, autrefois Canadian Aviation Electronics et auparavant Northwest Industries. Au mois de février 1996, il est devenu président du syndicat local, poste dans le cadre duquel il s'occupait de négociation collective et qui l'a amené à se trouver sur le chemin d'une certaine personne au sein du service des ressources humaines de l'employeur. Selon M. Switzer, la chose a occasionné toute une série de malheurs. Au mois d'août 1996, M. Switzer a été congédié. L'arbitrage n'a commencé qu'un an plus tard; il a duré 22 jours. Le 12 août 1998, M. Switzer a été réintégré dans ses fonctions et une indemnité lui a été accordée. Le paiement de l'indemnité a été retardé jusqu'au mois de juillet 1999 et un montant d'environ 33 000 $ a été déduit de l'indemnité, montant à l'égard duquel M. Switzer n'a jamais reçu de reddition de compte. À la suite de la réintégration, l'employeur a surveillé de près M. Switzer.

[3]      Au mois d'août 1999, M. Switzer fut atteint d'une dépression; selon le rapport d'un psychologue, M. Switzer ne pouvait pas continuer à occuper son poste en toute sécurité. Des médicaments lui ont été prescrits. Au mois de novembre 1999, le docteur Hibbard a confirmé que M. Switzer était toujours invalide et qu'il devait poursuivre son traitement. M. Switzer a présenté une demande en vue d'obtenir des prestations d'invalidité de courte durée et de longue durée, mais sa demande a été rejetée.

[4]      M. Switzer a déclaré que l'employeur avait mis fin, sans qu'il le sache à ce moment-là, à son droit aux prestations. M. Switzer a fourni une copie d'un formulaire de la GW expliquant les prestations accordées au prestataire, en date du 23 octobre 1999; il y était mentionné ce qui suit : [TRADUCTION] « [L]es dépenses engagées après que de l'assurance a pris fin ne sont pas couvertes. » Or, M. Switzer n'a appris la chose qu'après avoir finalement conclu un règlement avec la GW.

[5]      Le manuel des avantages sociaux de l'employé traite du droit à des prestations d'invalidité de courte durée (40 $ par semaine pendant 15 semaines) et de longue durée (60 p. 100 de la rémunération mensuelle régulière).

[6]      M. Switzer a retenu les services d'un avocat pour qu'il poursuive sa réclamation auprès de la GW. Le 12 juillet 2001, l'avocat l'a informé de ce qui suit au moyen d'une note :

[TRADUCTION]

1.          Il sera mis fin à votre assurance dès que l'entente sera signée;

2.          Ils paieront les arriérés actuels au titre de l'ILD, ainsi que les prestations d'assurance maladie qui seraient normalement payables en vertu de cette clause de la police jusqu'au montant d'assurance, pendant la durée de la police, tant qu'il n'y sera pas mis fin; le maximum annuel pour les prothèses dentaires est de 500 $; selon leurs calculs, les arriérés de l'ILD s'élèvent actuellement à 37 600 $; ils doivent également payer environ 600 $ à l'égard de l'obligation prévue dans la disposition relative à l'ICD; ils paieront les dépenses relatives aux rapports médicaux et au traitement jusqu'au maximum prévu par la police;

3.          [...]

En 2001, M. Switzer a accepté un règlement au montant de 53 455,81 $; il a signé une quittance, qui était en partie ainsi libellée :

[TRADUCTION] Il est entendu et convenu que ce règlement constitue un compromis concernant une demande ou des demandes contestées, que le paiement ne doit pas être interprété comme un aveu de responsabilité de la part de la Great-West à l'égard du paiement de prestations en ma faveur aux termes de la police et que la Great-West nie expressément une telle responsabilité.

[7]      Sur le montant de 53 455,81 $, un montant de 3 455 $ se rapportait directement aux frais. Sur le reste, l'avocat de M. Switzer a retenu environ 7 661 $ pour les frais juridiques. M. Switzer a reçu le reste. L'intimée a modifié sa position par rapport à la cotisation, et elle a reconnu que, sur le montant de 50 000 $ initialement visé par la cotisation, et inclus dans le revenu assujetti à l'impôt, seule la partie représentant les prestations d'invalidité de courte durée et de longue durée devait être ainsi incluse. La prestation d'invalidité de courte durée s'élevait à 600 $. L'intimée a calculé que la prestation d'invalidité de longue durée se rapportait à une période de 84 semaines (du 31 janvier 2000 au 12 septembre 2001) ce qui, multiplié par 501,33 $, soit le montant présumé dans la réponse à l'avis d'appel, donne un montant de 42 711,72 $ en tout. M. Switzer n'a pas présenté de preuve en vue de réfuter le montant présumé dans la réponse.

Analyse

[8]      L'alinéa 6(1)f) de la Loi est la disposition pertinente; il est rédigé comme suit :

6(1)             6. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

           

            a) [...]

f)     [...] le total des sommes qu'il a reçues au cours de l'année, à titre d'indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l'un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

(i)    [...]

(ii) un régime d'assurance invalidité.

[9]      Dans un arrêt récent, Tsiaprailis, la Cour suprême du Canada examinait également le cas d'une contribuable qui avait reçu une somme forfaitaire représentant son droit à des prestations échues dans le cadre d'un régime d'assurance, de même que 75 p. 100 de la valeur actuelle de son droit à des prestations futures, ainsi qu'un montant pour honoraires, débours et TPS. La question en litige portait sur l'application de l'alinéa 6(1)f) de la Loi à la portion de la somme forfaitaire correspondant aux prestations échues. Comme la Cour suprême du Canada l'a dit, il s'agit de savoir si le montant convenu pour les prestations échues était « payable périodiquement » et « en vertu d'un régime d'assurance invalidité » . La Cour a répondu à ces deux questions par l'affirmative. Elle a ensuite procédé à l'analyse suivante :

15       Les questions décisives sont les suivantes : (1) que visait à remplacer le paiement et, si la réponse est suffisamment claire, (2) l'élément remplacé aurait-il été imposable pour la personne qui en a bénéficié? En l'espèce, la preuve de ce que le paiement visait à remplacer est claire et convaincante. Comme le fait observer ma collègue, la preuve établit que la somme forfaitaire a été négociée "en fonction de trois éléments, les arriérés, les prestations futures et les dépens, une somme étant attribuée à chacun d'eux" (par. 54 (je souligne)). Il est donc manifeste qu'une partie de la somme forfaitaire visait à remplacer des prestations d'invalidité échues. Nul ne conteste non plus que ces prestations auraient été imposables si elles avaient été versées à Mme Tsiaprailis.

[10]     Je conclus qu'il est également clair, dans le cas de M. Switzer, qu'une partie du paiement de 50 000 $ était destinée à remplacer les prestations échues, comme le montrent :

(i)       la déclaration que M. Switzer a déposée contre la GW en vue d'obtenir un montant égal aux prestations d'invalidité impayées;

(ii)       la note de l'avocat de M. Switzer, en date du 12 juillet 2001, confirmant que la GW paierait les arriérés des prestations d'invalidité de courte durée et de longue durée.

Pourtant, M. Switzer souligne que dès le mois de septembre 1999, la GW avait mis fin à son assurance et que tout paiement effectué par la suite par la GW ne pouvait donc pas se rapporter à des prestations. Cet argument n'est pas soutenable, étant donné que la poursuite engagée par M. Switzer est fondée sur le fait même qu'il était couvert et que la GW était tenue de payer les prestations conformément à la police. Le règlement concernant la somme forfaitaire a été établi sur cette base, même si M. Switzer a signé une quittance dans laquelle il reconnaissait que le paiement ne devait pas être interprété comme un aveu de la responsabilité de la part de la GW. Dans l'affaire Tsiaprailis, il y avait une dénégation de responsabilité similaire.

[11]     En réponse à la seconde question examinée par la Cour suprême du Canada, il est certain que le montant des prestations échues aurait été imposable s'il avait été payé à M. Switzer périodiquement en tant que prestation d'invalidité de longue durée.

[12]     L'affaire Tsiaprailis et l'affaire dont je suis ici saisi sont tout simplement trop similaires pour qu'il soit possible de faire autre chose que de répondre aux deux questions énoncées par la Cour suprême du Canada de façon à rendre imposable le montant de 42 711,72 $ reçu par M. Switzer, conformément à l'alinéa 6(1)f). Malheureusement pour M. Switzer, les arguments qui auraient pu m'inciter à rendre une autre décision sont ceux qui sont incorporés dans le jugement dissident de la Cour suprême du Canada.

[13]     Étant donné que le montant en cause est inférieur à celui de la cotisation initiale de 50 000 $, l'appel est admis et l'affaire est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que le montant de 42 711,72 $ doit être inclus dans le revenu de l'année d'imposition 2001, conformément à l'alinéa 6(1)f) de la Loi.

Signé à Edmonton (Alberta), ce 9e jour de mars 2005.

« Campbell J. Miller"

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mars 2006.

Christian Laroche, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2005CCI181

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-943(IT)I

INTITULÉ :

Don J. Switzer c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 26 octobre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 mars 2005

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Marta E. Burns

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           2005 CSC 8.

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