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Dossier : 2003-1849(EI)

ENTRE :

TIP INVESTMENT ADVISORS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 20 janvier 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Anthony Giammaria

Avocate de l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

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JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi concernant la décision du ministre du Revenu national en date du 7 mars 2003 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2004CCI236

Date : 20040322

Dossier : 2003-1849(EI)

ENTRE :

TIP INVESTMENT ADVISORS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en date du 7 mars 2003, voulant que monsieur Jean-Charles Dubois ait exercé un emploi assurable auprès de l'appelante pour la période du 1er janvier 2002 au 26 août 2002, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[2]      Les faits sur lesquels le Ministre s'est appuyé pour rendre sa décision sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)          l'appelante a été constituée en société le 23 avril 1990;

b)          l'appelante exploitait une entreprise de conseiller fonds de placements;

c)          le travailleur avait été embauché comme vice-président opérations et système informatique;

d)          le travailleur avait été embauché avec un salaire annuel de 72 000 $ et avec 4 semaines de vacances par année;

e)          le travailleur avait un horaire de travail de 9h00 à 17h00 du lundi au vendredi;

f)           le travailleur oeuvrait dans les bureaux du payeur;

g)          les entrées et les sorties du travailleur ainsi que le nombre de ses heures travaillées étaient contrôlées par le payeur;

h)          le payeur donnait des instructions précises et des objectifs à atteindre au travailleur;

i)           le payeur fournissait tout l'équipement nécessaire au travailleur, ainsi qu'un ordinateur et un téléphone cellulaire;

j)           le travailleur recevait une rémunération de 6 000 $ par mois;

k)          le travailleur avait droit à des congés de maladies;

l)           le payeur remboursait les frais de voyage du travailleur;

m)         le travailleur n'avait aucune possibilité de perte ou de gain lors de ses fonctions chez le payeur;

n)          les fonctions du travailleur étaient parfaitement intégrées aux activités du payeur.

[3]      Les faits décrits à l'Avis d'appel sont les suivants :

LES FAITS PERTINENTS

Monsieur Jean-Charles Dubois était un administrateur de TIP INVESTMENT ADVISORS LTD ( « TIP ADVISORS » ) ainsi que de la compagnie de fonds de placement publique TIP FUNDS CANADA LTD ( « TIP FUNDS » ) et son rôle était de compléter le transfert du système de gestion informatisé du fond (back-office) et du système informatisé de fixation des prix (pricing).

TIP FUNDS CANADA LTD est une entité publique ce qui signifie en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec que cette dernière est un émetteur assujetti à cette loi et qu'elle se trouve dans l'obligation de la respecter rigoureusement. Par conséquent, afin d'occuper le poste qu'occupait Monsieur Dubois, la loi exige que le candidat ne soit pas un employé de la compagnie mais bien un cadre supérieur ou un administrateur. Dans les faits, bien que Monsieur Dubois occupait ce poste, ce dernier gérait sa propre firme de consultant en informatique, ARISKA INC, et ses services ont été retenus en tant que consultant. En effet, la principale occupation de Monsieur Dubois était président de ARISKA Inc. une firme de consultant en technologie de gestion de l'information spécialisé en stratégie de gestion du risque et en prise de décision. Cette information est disponible dans les documents qui ont été divulgués au public et que l'on retrouve sur le réseau SEDAR (service de divulgation continue pour les compagnies publiques).

Pour la période en cause, la loi exigeait que Monsieur Dubois soit un administrateur ce qu'il fut. De plus, Monsieur Dubois a agi comme consultant au nom de sa firme afin qu'il puisse compléter le transfert du back-office et du pricing. Monsieur Dubois avait reçu le mandat fixe de compléter ledit transfert selon le meilleur de ses capacités. En tant que professionnel en informatique, TIP ADVISORS lui avait donné la liberté de gérer son propre temps et il n'était subordonné à aucun horaire obligatoire imposé par TIP ADVISORS. De plus, puisque Monsieur Dubois détenait sa propre firme et que ce dernier avait d'autres clients, ses revenus ne provenaient pas uniquement de TIP ADVISORS.

MOTIF D'APPEL

Selon les faits pertinents relatés ci-haut, la décision rendue par le Ministre du Revenu est erronée puisqu'il n'existait aucun lien de subordination entre TIP ADVISORS et Jean-Charles Dubois. Ce dernier a été engagé par TIP ADVISORS comme consultant avec un mandat spécifique de gérer le système informatique et de compléter le transfert du back-office et du pricing. Il gérait sa propre compagnie, il n'était pas assujetti à des horaires de travail imposés par TIP ADVISORS et il ne se trouvait surtout pas dans l'obligation d'être présent au bureau puisque ce dernier pouvait faire du travail de son domicile. De plus, il possédait ses propres clients et il n'existait aucune dépendance économique entre lui et TIP ADVISORS. Finalement, pour le temps qu'il gérait le système informatique, Monsieur Dubois agissait non seulement à titre de consultant mais aussi à titre d'administrateur de TIP ADVISORS et de TIP FUNDS.

[4]      Monsieur Paul Gagné, président et actionnaire principal de l'appelante, a témoigné pour cette dernière. Les alinéas 5 a) et 5 b) ont été admis. Les alinéas 5 c), 5 f), 5 h), 5 i) et 5 l) ont été niés tels que rédigés. Les alinéas 5 d), 5 e), 5 g), 5 j), 5 k), 5 m) et 5 n) ont été niés.

[5]      Monsieur Gagné a expliqué que l'appelante est une société de gestion de portefeuille ou conseiller de plein exercice selon la Loi sur les valeurs mobilières. Monsieur Gagné a expliqué plus en détail les activités de l'appelante, mais comme ces activités ne sont pas essentielles ou nécessaires pour déterminer l'issue de cet appel, j'éviterai d'en faire une description qui ne serait pas exacte.

[6]      Monsieur Gagné connaît monsieur Dubois depuis 1998. En mai 2001, il lui a proposé de se joindre à la société appelante en tant que membre du conseil d'administration. Il a également retenu les services de la société Ariska, société contrôlée par monsieur Dubois. Cette société avait été retenue pour faire la tenue de livres de l'appelante et développer un système informatique.

[7]      Monsieur Gagné relate que vers la fin de septembre ou au début octobre de cette année 2001, monsieur Dubois l'a informé qu'il n'avait pas trouvé d'autres mandats et qu'il serait intéressé à travailler à titre d'employé à plein temps pour l'appelante. Il aurait été, à ce moment, engagé comme directeur des opérations de l'appelante.

[8]      La pièce A-2 est un contrat, non signé, en date du 10 octobre 2001, qui confirme le fait que monsieur Dubois est engagé à titre de directeur des opérations et que son poste comme membre du conseil d'administration est maintenu. Ce document indique que le salaire sera versé à la firme de consultation comme honoraire professionnel. Selon monsieur Gagné, monsieur Dubois aurait demandé à agir comme consultant jusqu'à la fin de l'année 2001.

[9]      Au mois de décembre 2001, monsieur Gagné relate qu'il aurait fait une proposition à monsieur Dubois pour l'année suivante où il lui offrait une rémunération d'environ 6 000 $ par mois. Il n'a pas retrouvé cette proposition, bien qu'il l'ait cherchée partout. De toute façon à partir de janvier 2002, la rémunération a été payée directement à monsieur Dubois et non plus à sa société.

[10]     Toutefois, à la mi-janvier, les avocats de l'appelante lui ont rappelé que la Loi sur les valeurs mobilières exigeait que deux des trois membres du conseil d'administration de l'appelante en tant que gestionnaire de fonds aient une certaine indépendance. Ils ne pouvaient être des employés de l'appelante. Les trois membres du conseil d'administration étaient messieurs Gagné, Antoine Dagher et Dubois.

[11]     Monsieur Gagné a fait part à monsieur Dubois, à la fin janvier ou au début février, qu'il vaudrait mieux que ce soit l'entreprise de monsieur Dubois qui soit rémunérée que monsieur Dubois lui-même. Mais monsieur Dubois lui a répondu qu'il préférait être rémunéré personnellement et qu'il voulait que l'appelante fasse les déductions à la source. Le comptable de l'appelante lui aurait dit qu'au lieu de donner un T4, il donnerait un T4A à monsieur Dubois ce qui signifierait qu'il s'agit d'un travailleur autonome et non d'un employé. Il n'y a eu aucun document déposé à cet égard.

[12]     Monsieur Gagné a produit comme pièce A-3 quelques documents relatifs à la demande de certification d'un employé pour avoir droit à l'exemption partielle d'impôt sur le revenu accordée aux employés des centres financiers internationaux. Monsieur Gagné affirme que monsieur Dubois n'a jamais obtenu cette confirmation car l'appelante n'en a jamais fait la demande pour lui. Donc l'appelante ne le considérait pas un employé.

[13]     Monsieur Gagné affirme que monsieur Dubois déterminait son propre horaire. Ses heures n'étaient pas contrôlées. Monsieur Gagné affirme aussi que monsieur Dubois n'avait pas droit à des vacances. Il n'aurait pas travaillé durant le mois de juillet à cause du décès de son père, et par la suite, aurait pris quelques semaines de vacances.

[14]     Au bureau, monsieur Dubois avait une station de travail avec un ordinateur. Quand il voyageait, l'appelante lui fournissait un ordinateur portable. L'appelante lui remboursait ses dépenses de voyage. À la maison, monsieur Dubois avait son propre équipement. Il avait accès au serveur du bureau. Le logiciel était la propriété de l'appelante. L'accès Internet à haute vitesse lui était fourni par l'appelante.

[15]     Monsieur Dubois a toujours une rémunération de 6 000 $ moins les déductions à la source.

[16]     Il y a eu une rencontre au mois de février avec monsieur Dubois, monsieur Gagné et l'autre membre du conseil d'administration, monsieur Antoine Dagher. Messieurs Gagné et Dagher auraient alors expliqué à monsieur Dubois qu'il ne pouvait plus être un employé de l'appelante mais un consultant. Une lettre en ce sens en date du 12 février 2002 lui est remise à cette occasion (pièce A-4).

[17]     La pièce A-5 sont des documents, fournis à la Commission des valeurs mobilières, où paraît la signature de monsieur Dubois à titre de membre du conseil d'administration de l'appelante.

[18]     Est déposé comme pièce A-6 quelques documents en liasse, dont une photocopie d'une lettre manuscrite écrite par monsieur Dubois à monsieur Gagné en date du 8 août 2002. Cette lettre dit ceci :

Par la présente, je confirme ma démission en tant qu'employé de Conseillers en placements Tip Ltée.

Je confirme également mon retrait en tant qu'administrateur des fonds Tip Canada et de Conseillers en placements Tip.

Cette démission et ces retraits sont effectifs dès aujourd'hui.

[19]     Par sa lettre du 13 août 2002 (pièce A-6), monsieur Gagné répond ainsi à monsieur Dubois :

Tel que discuté récemment, votre lettre de démission datée du 8 août n'est pas acceptée. En effet, vous n'avez pas complété votre mandat courant, ni avez permis à un entraînement adéquat pour permettre à un employé de vous remplacer.

J'estime que le tout prendrait environ 10 à 15 jours ouvrables. Après quoi votre démission pourrait être acceptée.

Nous avons également discuté notre surprise de votre approche. Je vous suggère fortement de consulter des conseillers comptables et juridiques. Après quoi nous devrions fixer une rencontre pour déterminer la cause de votre décision précipitée.

[20]     Monsieur Dubois écrit une autre lettre en date du 30 août (pièce A-6), celle-là tapée à la machine. Elle dit ce qui suit :

Suite à la votre du 13 août dernier, la présente a pour but de confirmer ma démission, tant à titre d'employé que d'administrateur, des sociétés ci-haut mentionnées. Cette démission est effective au 8 août 2002, tel qu'indiqué à ma lettre de démission originale datée du 8 août.

Tel que discuté, mon départ a été rendu nécessaire suite à la découverte de nombreuses irrégularités dans la gestion et l'administration des fonds TIP.

Après discussion, j'ai accepté, pour le bien des sociétés ci-haut mentionnées et de leurs actionnaires, de poursuivre mon travail, à titre d'employé uniquement avec la société Conseillers de placements TIP et ce, jusqu'au 29 août dernier. Ceci ne devait en aucun cas être interprété comme une prolongation de mon emploi ou de mes fonctions à titre d'administrateur mais uniquement comme délai congé afin de permettre une transition sans embûche. Nonobstant cet engagement, vous m'avez demandé, le 26 août dernier, de quitter le bureau sans délai, ce que j'ai fait.

En conséquence de ce qui précède, je considère ma relation avec les sociétés ci-haut mentionnées terminée et je suis dans l'attente de recevoir les sommes et les actions qui me sont dues.

[21]     Lors du contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimé dépose comme pièce I-1 une photocopie d'un courriel, en date du 20 mars 2002, qui se lit comme suit :

Tel que discuté votre emploi sera maintenu chez les Conseillers Tip. Celui-ci inclus 4 semaines de vacances payées. Le salaire de base est de $72,000 par année plus les avantages tel que partage de profit etc.

Paul Gagné

[22]     Monsieur Gagné affirme qu'il n'a jamais envoyé ce courriel et qu'il s'agit d'un faux.

[23]     Il dit que le travailleur travaillait là où il voulait pour accomplir son mandat. Il admet que l'appelante avait fourni un téléphone cellulaire à monsieur Dubois mais que c'était dans le but de pouvoir le rejoindre à tout moment.

[24]     Lors de son témoignage, monsieur Dubois affirme que la pièce I-1, le courriel reçu de monsieur Paul Gagné, est authentique. Quant à son horaire, c'était du 9 h à 17 h. À quelques occasions, il travaillait les soirs ou les fins de semaine dans les situations de crise, mais habituellement il entrait aux heures régulières du bureau. Il explique qu'il était pratiquement impossible de faire le travail à la maison, quelques petites tâches à l'occasion quand il a été malade, mais normalement, il travaillait au bureau. Le travail impliquait qu'il faille avoir un ordinateur avec des logiciels spécialisés, que seul le bureau possédait.

[25]     Quand il a commencé à travailler comme un employé en janvier 2002, sa rémunération a été de 6 000 $ par mois, 72 000 $ par année. Le chèque de paie lui était adressé personnellement et non plus à sa société.

[26]     Il a déposé comme pièce I-2 le relevé informatique concernant son compte bancaire. Cette pièce montre les dépôts mensuels reçus de la part de l'appelante. La pièce I-3 sont les informations concernant les déductions à la source. Du salaire mensuel de 6 000 $ de monsieur Dubois, l'appelante déduisait 892,45 $ pour l'impôt fédéral, 131,95 $ pour la part de l'employé à l'assurance-emploi, 510,52 $ pour l'impôt du Québec, 134,62 $ pour le plan de pension du Québec, pour une paye nette de 4 330,46 $. La part de l'employeur pour l'assurance-emploi était de 79,51 $ et pour le plan de pension du Québec, 134,62 $. Quand il recevait ses chèques, les talons n'y étaient pas.

[27]     Il avait droit à quatre semaines de vacances. Il a pris trois semaines de vacances qui, effectivement, ont coïncidé avec le décès de son père.

[28]     La carte d'affaires de monsieur Dubois a été produite comme pièce I-5. C'est la carte qui lui avait été remise par l'appelante. Elle indique que monsieur Dubois est le « Vice-président, Systems & Operation » .

[29]     Il a bénéficié du certificat pour les employés de centres financiers internationaux. C'est une des raisons pour laquelle il voulait être permanent dans l'organisation. C'est le gestionnaire qui inscrit les candidats et il s'attendait toujours à avoir cette confirmation qu'il n'a jamais eue finalement. Par contre, on constate dans les déductions que la déduction de salaire au niveau provincial tient compte de 50 p. 100 de la réduction d'impôt, alors il croyait qu'effectivement il avait été inscrit.

[30]     Monsieur Dubois dit que, quand il a reçu la lettre A-4, il a flanché pour quelques semaines mais que, par la suite, il a réitéré auprès de monsieur Gagné qu'il voulait être un employé, ce qui a été confirmé par la pièce I-1, le courriel qui lui a été envoyé en date du 20 mars 2002.

[31]     Monsieur Antoine Dagher a témoigné. Il fait partie du conseil d'administration de l'appelante. Il y a eu une rencontre entre monsieur Dubois, monsieur Gagné et lui-même au début de février 2002. Le but de cette réunion était de signifier à monsieur Dubois qu'ils ne voulaient plus qu'il soit employé. Il pouvait rester comme consultant et terminer le mandat, mais il ne devait plus être employé. Monsieur Gagné n'aurait pas proposé à monsieur Dubois d'être un employé sans l'avoir consulté à cet égard. Selon le témoin, la lettre du 12 février 2002 aurait été remise au moment de cette rencontre.

[32]     L'avocat de l'appelante s'est référé à une décision, Groupe Yoga Adhara inc. c. La coopérative de travail Le Collège de Saint-Césaire, [1998] J.Q. no 4780 (Q.L.), une décision de la Cour supérieure du Québec en date du 15 juillet 1998. Il s'est référé au paragraphe 23 de cette décision :

Quant aux deux derniers critères énoncés par l'article 2099, il faut d'abord constater que la demanderesse elle-même a admis qu'elle avait le choix des moyens d'exécution du contrat, ce qui exclut un lien de subordination. De plus le fait que les élèves, l'horaire et les locaux aient été fournis par la défenderesse ne pourrait, dans l'esprit du Tribunal, être reconnu comme critère dans l'évaluation d'un lien de subordination puisque la demanderesse s'engageait justement, par le contrat, à offrir le programme R.E.M. aux élèves du Collège du lundi au jeudi de chaque semaine et que la défenderesse s'engageait en contrepartie à fournir les locaux adéquats. La demanderesse, le client, fixe le résultat et conserve le droit de veiller à ce que les services rendus soient conformes au contrat. Le lien d'indépendance entre le client et le prestataire de services n'a pas à être total.

[33]     L'avocat de l'appelante s'est également référé à la décision Canada (Procureur général) c. Rousselle (C.A.F.), une décision de la Cour fédérale, [1990] A.C.F. no 990 (Q.L.), à la page 3 :

A mon avis, il est évident que le juge n'a pas compris le sens du mot contrôle. Ce n'est pas de contrôler un travail que de fixer la valeur de la rémunération ou de définir le but recherché. Le contrat d'entreprise comporte ces éléments aussi bien que le contrat de louage de services A plus forte raison, le contrôle ne réside pas dans l'acte de paiement que ce soit par chèque ou autrement.

Finalement, le fait de donner des instructions sur la sorte de bois à couper et la vérifier à l'occasion du mesurage, ne crée pas en lui-même un lien de subordination comme celui qui existe entre l'employeur et l'employé.

[34]     L'avocate de l'intimée s'est référé à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), [2002] A.C.F. no 572 (Q.L.), aux paragraphes 4 à 6 :

4           Le premier juge, en concluant à l'absence d'un lien de subordination entre les travailleurs et la défenderesse, semble ne pas avoir tenu compte du principe bien établi à l'effet que la société a une personnalité juridique distincte de celle de ses actionnaires et que par voie de conséquence, les travailleurs étaient assujettis au pouvoir de contrôle de la défenderesse.

5           La question que devait se poser le premier juge était de savoir si la société avait le pouvoir de contrôler l'exécution du travail des travailleurs et non pas si la société exerçait effectivement ce contrôle. Le fait que la société n'ait pas exercé ce contrôle ou le fait que les travailleurs ne s'y soit pas senti assujettis lors de l'exécution de leur travail n'a pas pour effet de faire disparaître, réduire ou limiter ce pouvoir d'intervention que la société possède, par le biais de son conseil d'administration.

6           Nous ajouterions que le premier juge ne pouvait conclure à l'absence de lien de subordination entre la défenderesse et les travailleurs du seul fait qu'ils accomplissaient leurs tâches journalières de façon autonome et sans supervision. Le contrôle exercé par une société sur ses employés cadres est évidemment moindre que celui qu'elle exerce sur ses employés subalternes.

[35]     La preuve a prouvé dans l'ensemble les faits décrits à la Réponse. Je crois cependant que les affirmations des alinéas 5 g) et 5 h) peuvent ne pas être aussi absolues qu'elles le sont dans le texte. Ces affirmations sont que les entrées et les sorties du travailleur ainsi que le nombre de ses heures travaillées étaient contrôlées par le payeur et que le payeur donnait des instructions précises et des objectifs à atteindre au travailleur. Monsieur Dubois était une personne au professionnalisme duquel l'appelante avait confiance. Il ne semblait pas être sujet à un contrôle étroit quant aux heures. En tout cas ce contrôle des heures ne semble pas avoir été un sujet de contention entre les parties. Je crois cependant qu'il venait au bureau tel qu'il l'a mentionné de 9 h à 17 h. Les logiciels dont il se servait étaient au bureau.

[36]     Monsieur Dubois peut avoir exercé en 2001, à titre de travailleur autonome pour sa société Ariska Inc., des fonctions fort semblables à celles qu'il a exercées en 2002. Il est possible qu'il s'agisse de fonctions qui peuvent être exécutées par des sous-traitants comme elles peuvent être exécutées par des employés.

[37]     Il s'agit alors de conditions de travail qui sont plutôt neutres. Dans ces circonstances, selon l'enseignement récent de la Cour d'appel fédérale, il faut s'attarder à l'intention commune des parties. Voir Wolf c. Canada, [2002] A.F.C. no 375 (Q.L.), Poulin c. Canada (ministre du Revenu national), [2003] A.C.F. no 141 (Q.L.) et D & J Driveway Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), [2003] A.C.F. no 1784 (Q.L.).

[38]     Ici l'intention commune des parties n'est pas claire. Une partie désirait avoir le statut d'employé et l'autre désirait qu'il ait le statut d'un consultant ou travailleur autonome.

[39]     Ce que je peux constater toutefois de la preuve c'est que monsieur Dubois a toujours demandé à exécuter ses fonctions à titre d'employé et que l'appelante lui a laissé croire par ses agissements que c'était le cas. À partir de janvier 2002, monsieur Dubois a été payé personnellement. Les déductions à la source ont été faites incluant celles de l'assurance-emploi. La formule T4A mentionnée au paragraphe 11 de ces motifs n'a pas été produite. Il s'agit d'une formule prescrite. Je peux donc m'y référer. À la face même de cette formule, il n'y a pas de case pour une déduction relative à l'assurance-emploi alors qu'il y en a une sur la formule T4 concernant le revenu d'emploi. L'impôt provincial déduit était de la moitié de l'impôt fédéral ce qui indiquait à monsieur Dubois qu'il était un employé pour lequel l'appelante avait fait une demande d'exemption pour un employé d'un centre financier international.

[40]     Les ordinateurs et les logiciels lui étaient fournis au bureau. L'appelante lui fournissait aussi un ordinateur portable lors de ses déplacements. Elle lui fournissait aussi un cellulaire.

[41]     Monsieur Dubois n'avait pas d'autres occupations que celle exercée auprès de l'appelante. Il n'avait pas d'employés et ne se faisait remplacer par personne d'autre. Il avait des tâches à accomplir et il les accomplissait au bureau, aux heures du bureau. La preuve n'a révélé aucun élément d'entreprise de la part du travailleur.

[42]     Les modalités et les circonstances de travail du travailleur telles qu'acceptées par l'appelante pour obtenir les services du travailleur étaient celles normales d'un employé. Il me faut donc conclure que durant la période en litige, monsieur Dubois était un employé de l'appelante.    


[43]     L'appel est en conséquence rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de mars 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2004CCI236

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1849(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Tip Investment Advisors Ltd. et

le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 20 janvier 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 22 mars 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Anthony Giammaria

Pour l'intimé :

Me Agathe Cavanagh

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Anthony Giammaria

Étude :

Rigutto et Associés, Avocats

Montréal (Québec)

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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