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Dossier : 2004-510(EI)

ENTRE : 

NIAGARA INTERNATIONAL INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Niagara International Inc. (2004-511(CPP))

à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2004

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions : 

 

Représentant de l’appelante :

Patrick Smyth

 

Avocate de l’intimé :

Me Kandia Aird

 

 

JUGEMENT

 

Le présent appel est accueilli conformément aux motifs du jugement ci‑joints, et la décision du ministre du Revenu national est annulée en partant du principe que M. Livingston exécutait des services auprès de Niagara International Inc. à titre d’entrepreneur indépendant et n’exerçait donc pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi pendant la période du 3 mars 2000 au 1er juin 2001.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 24e jour de février 2005.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

Dossier : 2004-511(CPP)

ENTRE : 

NIAGARA INTERNATIONAL INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Niagara International Inc. (2004-510(EI))

à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2004

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions : 

 

Représentant de l’appelante :

Patrick Smyth

 

Avocate de l’intimé :

Me Kandia Aird

 

 

JUGEMENT

 

Le présent appel est accueilli conformément aux motifs du jugement ci‑joints, et la décision du ministre du Revenu national est annulée en partant du principe que M. Livingston exécutait des services auprès de Niagara International Inc. à titre d’entrepreneur indépendant et n’exerçait donc pas un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada pendant la période du 3 mars 2000 au 1er juin 2001.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 24e jour de février 2005.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

Référence : 2005CCI147

Date : 20050224

Dossiers : 2004-510(EI)

2004-511(CPP)

ENTRE : 

NIAGARA INTERNATIONAL INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, Niagara International Inc. (la société « Niagara »), interjette appel à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle Anthony Livingston exerçait un emploi ouvrant droit à pension[1] et assurable[2] pendant la période du 3 mars 2000 au 1er juin 2001. Les appels ont été entendus sur preuve commune. Les questions en litige dans les présents appels sont de savoir si M. Livingston travaillait aux termes d’un contrat de louage de services (à titre d’employé) ou bien aux termes d’un contrat de services (à titre d’entrepreneur indépendant).

 

[2]     Lorsqu’il a pris sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

                  

[traduction]

 

a)                 l’entreprise de l’appelante fait de la distribution de produits de boulangerie fabriqués en Russie;

 

b)                les actionnaires de l’appelante sont Leonid Pekker et Matvei Gouterman;

 

c)                 le travailleur a été embauché à titre de « courtier » chargé de la vente des produits de l’appelante aux termes d’un accord écrit intitulé « accord de co‑courtage » (l’« accord »);

 

d)                l’accord a été signé le 3 mars 2000;

 

e)                 l’accord couvrait une période préétablie de deux ans;

 

f)                  l’accord pouvait être résilié à tout moment par consentement mutuel, après avis de soixante jours;

 

g)                 l’accord précisait que le travailleur recevrait une somme de 50 000 $ par année et qu’il se verrait accordé les dépenses suivantes : allocation de voiture (location et essence), dépenses afférentes à l’utilisation d’un téléphone cellulaire et à un bureau à domicile;

 

h)                 selon l’accord, le travailleur devait recevoir une commission de vente de 1,5 %;

 

i)                   le travailleur devait fournir lui-même ses propres services;

 

j)                   l’appelante établissait le territoire que devait couvrir le travailleur, soit la région de l’Ontario;

 

k)                 l’appelante établissait les prix de vente des produits;

 

l)                   l’appelante fournissait au travailleur les outils nécessaires à l’exécution de ses tâches;

 

m)              l’appelante fournissait également au travailleur une carte de crédit Visa au nom de la société;

 

n)                 M. Gouterman et L. Pekker supervisaient le travail du travailleur;

 

o)                l’appelante devait approuver toutes les décisions du travailleur concernant les prix, les devis et les modalités de paiement;

 

p)                les clients étaient les clients de l’appelante et non du travailleur.

 

[3]     Niagara est une société ontarienne qui exploite une entreprise de distribution,  laquelle distribue notamment des produits alimentaires au Canada et à l’étranger. Il est pratique courante dans cette industrie de recourir aux services de « courtiers » afin d’établir un lien entre les producteurs et les éventuels acheteurs. Les courtiers établissent et entretiennent leur propre liste de clients. M. Livingston travaillait comme courtier touchant une commission auprès d’une société concurrente au moment où, par l’entremise d’un collègue, il a été mis au courant d’une occasion de travail auprès de Niagara. Le collègue en question l’a mis en communication avec Niagara et, à la suite d’une rencontre avec les directeurs de l’entreprise, Matvei Gouterman et Leonid Pekker, un accord a été conclu selon lequel M. Livingston commencerait à travailler auprès de Niagara en mars 2000. Le ministre a tenu pour acquis[3] que l’accord était régi par un document intitulé « accord de co‑courtage »[4] daté du 3 mars 2000, et Niagara a d’ailleurs convenu que c’était bel et bien le cas.

 

[4]     Les directeurs de Niagara, MM. Pekker et Gouterman, sont originaires de Russie et font toujours affaire là‑bas. Ils étaient à l’extérieur du pays au moment de l’audience. Niagara était représentée à l’audience par M. Patrick Smyth, son commis comptable. Ce dernier a aussi témoigné au nom de la société. Bien que la Cour ait préféré entendre le témoignage des directeurs, M. Smyth s’était informé des présents appels interjetés sous le régime de la procédure informelle et a témoigné au nom de Niagara. Il avait été chargé des mêmes dossiers dans le cadre de deux appels traités au ministère. Il avait aussi participé à une action au civil entre Niagara et M. Livingston, action n’ayant aucun lien avec les présents appels, mais portant sur quelques‑uns des mêmes faits. De plus, en raison de ses années de travail auprès de Niagara, il est généralement au courant des pratiques de l’industrie de la distribution alimentaire, y compris le recours aux services de courtiers. Il a témoigné de façon claire, concise et ordonnée et a fourni des documents à l’appui de son témoignage, au besoin. À mon avis, il était un témoin tout à fait crédible.

 

[5]     M. Livingston est le seul témoin ayant été appelé par la Couronne. Curieusement, il a catégoriquement nié avoir signé l’accord de co‑courtage, malgré le fait que le ministre avait tenu la validité de ce document pour acquise, et il a prétendu qu’après sa rencontre avec les directeurs de Niagara, ces derniers lui avaient demandé de rédiger un contrat[5] et de leur faire signer. Dans son témoignage, et sur ce sujet en particulier, M. Livingston n’était généralement pas convaincant. Ses propos comportaient bon nombre de contradictions et d’incohérences, notamment les éléments ci‑dessous :

 

a)     même s’il niait la validité de l’accord de co‑courtage, il n’a pas expliqué comment Niagara aurait pu déroger à sa pratique normale qui est d’utiliser un contrat‑type rédigé en deux langues (anglais et russe) pour demander à un « employé » nouvellement embauché de rédiger sa propre entente en termes de non initié et en anglais seulement;

 

b)    il n’était pas capable d’expliquer pourquoi, si l’accord de co‑courtage n’était pas valide, il avait résilié son entente avec Niagara conformément aux modalités énoncées dans l’accord de co‑courtage;

 

c)     lorsqu’il a contesté la validité de l’accord de co‑courtage, il a prétendu ne rien connaître du travail d’un « courtier »; lorsqu’on lui a demandé d’expliquer, il a précisé en disant qu’il était un « courtier » d’expérience, mais qu’il ne savait pas ce qu’était un « co‑courtier »;

 

d)    même si, au départ, il a affirmé qu’on l’avait [traduction] « entraîné » à quitter la société pour laquelle il travaillait auparavant pour aller travailler auprès de Niagara, il a plus tard affirmé qu’il avait été mis en communication avec Niagara pas un de ces anciens collègues; 

 

e)     même s’il a d’abord nié qu’il avait la chance de toucher une commission avec la transaction connue sous le nom de [traduction] « transaction Sports », il a plus tard affirmé que Niagara ne lui avait jamais versé la commission pour la « transaction Sports » à laquelle il soutenait avoir droit. 

 

[6]     Par conséquent, je conclus que l’accord de co‑courtage était le seul contrat valide existant entre Niagara et M. Livingston. La position de la Couronne est que, conformément à l’accord, M. Livingston devait être payé 50 000 $ par année et recevoir une commission de 1,5 %. Selon le témoignage de M. Smyth, les 50 000 $ ont été payés à titre de prime à la signature. L’argent lui a été versé en 52 paiements égaux de 961,54 $. Cependant, M. Livingston n’a reçu aucune commission pendant la période au cours de laquelle il a travaillé auprès de Niagara pour la simple et bonne raison qu’il n’a effectué aucune vente. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi Niagara a exercé son droit conféré par l’accord de co‑courtage de résilier son entente avec M. Livingston à compter du 1er juin 2001. Étant donné que M. Livingston nie l’existence de l’accord et étant donné la faiblesse de son témoignage en général, selon la prépondérance des probabilités, je préfère le compte rendu des événements fourni par M. Smyth. Compte tenu de la preuve dont j’ai été saisie, je suis convaincue que Niagara a réussi à s’acquitter de sa charge de présentation visant à réfuter les hypothèses qui ont mené le ministre à conclure que M. Livingston était un employé. Pour trancher la question dont elle a été saisie, la Cour doit suivre le critère à quatre volets établi dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. Minister of National Revenue [6] et précisé dans la jurisprudence ultérieure : le contrôle; la propriété des outils; la possibilité de profit et le risque de perte; et le degré d’intégration. Niagara ne « contrôlait » pas M. Livingston. Dans son témoignage, celui‑ci a affirmé qu’il avait sa propre clientèle et que, lorsqu’il a quitté Niagara, aucun de [traduction] « ses » clients[7] n’a continué de faire affaire avec la société. MM. Livingston et Smyth ont tous deux nié l’hypothèse du ministre selon laquelle le travail de M. Livingston se limitait à un certain territoire[8]. En tant que courtier, la nature du travail de M. Livingston demandait qu’il fasse appel à ses propres relations pour établir un lien entre les producteurs et les clients – la façon dont il s’y prenait n’intéressait pas Niagara. Lorsqu’il s’est présenté à Niagara, il a mis l’accent sur son expérience et sur sa clientèle déjà établie. Ce sont ces facteurs qui ont convaincu Niagara que M. Livingston serait un atout pour la société. Forte de telles affirmations, et afin de donner à ce dernier la possibilité de s’imposer dans de nouveaux marchés, Niagara a convenu de lui accorder une prime à la signature unique de 50 000 $, qui était prévue dans la pièce A-1. M. Livingston devait faire son travail sans la supervision de Niagara et négocier des transactions avec les meilleures modalités possibles. Il était libre d’embaucher un adjoint qui pourrait l’aider à faire son travail. Le fait qu’il ait décidé de ne pas le faire ne signifie pas qu’il était un employé. 

 

[7]     Le fait qu’on lui ait remboursé ses dépenses relatives à l’utilisation de sa voiture ou d’un téléphone cellulaire ne permet pas de conclure, en soi, qu’il existait une relation employeur-employé. Il en est de même pour ce qui est de la carte de crédit que la société lui fournissait parfois pour un certain nombre de choses. Enfin, rien ne vient prouver le fait que Niagara aurait payé des [traduction] « frais de bureau à domicile »[9], à moins qu’il ne s’agisse d’une répétition faite par mégarde des autres dépenses dont on a déjà fait mention plus haut. Concernant les outils, toutes les parties conviennent que cette question ne s’applique pas vraiment en l’espèce.

 

[8]     La « possibilité de profit » et le « risque de perte » sont inhérents au travail d’un courtier. La réussite financière de M. Livingston était liée aux efforts qu’il déployait et à ses capacités. À part la prime de signature, ses revenus découlaient de ses commissions de vente. La relation entre l’appelante et M. Livingston s’est détériorée quand, après quelque dix-huit mois de services et malgré les prévisions qu’il avait faites, ce dernier n’avait fait aucune vente.

 

[9]     Ses efforts personnels ne faisaient pas [traduction] « partie intégrante » de l’entreprise de Niagara. Bien que la nature de l’entreprise de l’appelante comprenne le recours aux services de courtiers, ses activités ne dépendaient pas précisément du travail de M. Livingston. Ce dernier travaillait plutôt pour son propre compte en tant que courtier. Il pouvait offrir ses services à d’autres sociétés que Niagara. C’est d’ailleurs ce qu’il faisait.

 

[10]    Pour tous ces motifs, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que M. Livingston travaillait à titre d’entrepreneur indépendant aux termes d’un contrat de services auprès de Niagara. Par conséquent, les présents appels sont accueillis, et les décisions du ministre sont annulées en partant du principe que, pendant la période du 3 mars 2000 au 1er juin 2001, M. Livingston n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 24e jour de février 2005.

 

 

 

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI147

 

Nos DES DOSSIERS :

2004-510(EI) et 2004-511(CPP)

 

INTITULÉ :

Niagara International Inc. c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 février 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Patrick Smyth

 

Avocate de l’intimé :

Me Kandia Aird

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] En vertu du paragraphe 27.2(3) et selon l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada.

[2] En vertu de l’article 93 et selon l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[3] Réponse à l’avis d’appel, alinéa 6c).

[4] Pièce A-1.

[5] Pièce A-8.

[6] 87 DTC 5025 (C.A.F.)

[7] Réponse à l’avis d’appel, alinéa 6p).

[8] Réponse à l’avis d’appel, alinéa 6j).

[9] Réponse à l’avis d’appel, alinéa 6g).

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