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Dossier : 2003-1148(EI)

ENTRE :

SOPHIE LEFEBVRE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

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Appel entendu le 28 janvier 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Richard Baillargeon

Avocate de l'intimé :

Me Mélanie Bélec

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JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est rejeté et la décision rendue par le ministre en date du 20 février 2003, relativement à l'appel interjeté devant lui pour la période du 1er février 2002 au 20 décembre 2002 est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


Référence : 2004CCI131

Date : 20040209

Dossier : 2003-1148(EI)

ENTRE :

SOPHIE LEFEBVRE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]      Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national ( « Ministre » ) par laquelle il a été déterminé que l'appelante a occupé un emploi assurable auprès de CPE Au Village des Petits Lutins Inc. ( « l'employeur » ) du 1er février 2002 au 1er novembre 2002 et que sa rémunération assurable totale pour la période s'établissait à 7 467,93 $ pour un total de 623.75 heures assurables.

[2]      L'appelante soutient qu'elle a bien été congédiée le 1er novembre 2002 de son emploi. Cependant, suite à plusieurs plaintes déposées en vertu du Code du travail, dont une particulièrement où elle contestait son congédiement et l'octroi d'un poste à une autre employée qu'elle, l'employeur a accepté par entente signée avec l'appelante le 20 décembre 2002, d'annuler le congédiement du 1er novembre 2002 et de mettre fin à l'emploi uniquement en date du 20 décembre 2002 au motif que l'appelante n'aurait pas obtenu sa période de probation.

[3]      Par cette entente entérinée par sentence arbitrale, l'employeur reconnaissait à l'appelante 225 heures de travail au poste de co-éducatrice auquel elle aspirait et acceptait de lui verser un montant brut de 2 700 $ pour ces 225 heures où elle aurait travaillé si elle n'avait pas été effectivement congédiée (pièce A-2). Par cette même entente, l'employeur s'engageait à corriger le relevé d'emploi de l'appelante pour tenir compte des heures reconnues ci-haut comme du temps effectivement travaillé (voir pièces A-2 et A-4). Dans les faits, l'appelante a reçu un montant net de 2 000 $ suite à cette entente, après déduction de toutes les retenues à la source, incluant les cotisations à l'assurance-emploi (pièce A-5).

[4]      L'appelante considère donc que son emploi a pris fin le 20 décembre 2002 seulement et les 225 heures ainsi octroyées doivent être comptabilisées comme des heures assurables et que la rémunération payée en retour de ces 225 heures (le montant de 2 700 $) doit faire partie de la rémunération assurable.

[5]      L'intimé a reconnu au paragraphe 10 de la Réponse à l'avis d'appel que le lien d'emploi n'a cessé que le 20 décembre 2002. Il soutient toutefois que puisque l'appelante n'a rendu effectivement aucun service pendant les 225 heures en question, elle n'est pas considérée avoir exercé un emploi assurable au cours de cette période aux termes des articles 9.1, 9.2 et 10.2 du Règlement sur l'assurance-emploi. Par ailleurs, il soutient que le montant de 2 700 $ ne lui a été octroyé qu'à l'occasion de la cessation de son emploi. Ce dernier montant ne fait donc pas partie de la rémunération assurable puisqu'il s'agit d'une allocation de retraite. L'intimé s'appuie sur les articles 1 et 2 du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations qui excluent de la rémunération assurable, une allocation de retraite.

[6]      Les dispositions réglementaires pertinentes se lisent comme suit :

Règlement sur l'assurance-emploi

          9.1 Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

          9.2    Sous réserve de l'article 10, lorsque la totalité ou une partie de la rémunération d'une personne pour une période d'emploi assurable n'a pas été versée pour les raisons visées au paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations, la personne est réputée avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées durant cette période, qu'elle ait été ou non rétribuée.

          10.1 (1) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour une période de congé payé, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées et pour lesquelles il aurait normalement été rétribué durant cette période.

          (2) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour une période de congé par un paiement forfaitaire déterminé sans égard à la durée de la période, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le moins élevé des nombres d'heures suivants :

          a) le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées et pour lesquelles il aurait normalement été rétribué durant cette période;

          b) le nombre d'heures obtenu par division du montant du paiement forfaitaire par le taux normal de salaire horaire.

           (3) Lorsqu'un assuré est rétribué par l'employeur pour un jour non ouvrable, il est réputé avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures suivant :

          a) s'il travaille ce jour-là, le plus élevé du nombre d'heures travaillées ce jour-là ou du nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées ce jour-là;

          b) s'il ne travaille pas ce jour-là, le nombre d'heures qu'il aurait normalement travaillées ce jour-là.

          10.2 Pour l'application des articles 9.1, 10, 10.1 et 22, les règles suivantes s'appliquent :

           a) une heure de travail accomplie dans un emploi assurable compte pour une seule heure d'emploi assurable, même si elle a été rétribuée au taux applicable aux heures supplémentaires;

          b) lorsque le total des heures d'emploi assurable accumulées entre le premier et le dernier jour de travail d'une période d'emploi donnée comporte une fraction d'heure, celle-ci est considérée comme une heure complète.

Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations

DÉFINITIONS ET INTERPRÉTATION

          1. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent règlement.

« allocation de retraite » Somme qu'une personne reçoit :

          a) soit en reconnaissance de longs états de service au moment où elle prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite;

          b) soit à l'égard de la perte de sa charge ou de son emploi, que la somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts ou conformément à une ordonnance ou un jugement d'un tribunal compétent. (retiring allowance)

PARTIE I

RÉMUNÉRATION ASSURABLE

Rémunération provenant d'un emploi assurable

          2. (1) Pour l'application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l'application du présent règlement, le total de la rémunération d'un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l'ensemble des montants suivants :

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l'assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l'employeur à l'égard de cet emploi;

b) le montant de tout pourboire que l'assuré doit déclarer à l'employeur aux termes de la législation provinciale.

          (2) Pour l'application de la présente partie, le total de la rémunération d'un assuré provenant d'un emploi assurable comprend la partie impayée de cette rémunération qui n'a pas été versée à cause de la faillite de l'employeur, de sa mise sous séquestre effective ou imminente ou d'un non-paiement de rétribution à l'égard duquel l'assuré a déposé une plainte auprès de l'organisme fédéral ou provincial de main-d'oeuvre. Est exclu du total de la rémunération tout montant impayé qui se rapporte au temps supplémentaire ou qui aurait été versé en raison de la cessation de l'emploi.

          (3) Pour l'application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la rémunération :

[...]

b) les allocations de retraite;

[7]      Ainsi selon l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi, une personne est considérée avoir exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

[8]      Ici, il est reconnu par l'appelante qu'elle n'a pas effectivement travaillé les 225 heures pour lesquelles elle a été rétribuée par suite de la sentence arbitrale.

[9]      De plus, si on se réfère à la définition de la rémunération assurable, celle-ci comprend le total de la rémunération provenant d'un emploi assurable, c'est-à-dire la rémunération que l'assuré reçoit de l'employeur à l'égard de cet emploi mais ne comprend pas une allocation de retraite. Une allocation de retraite est définie comme une somme reçue à l'égard de la perte d'un emploi, que cette somme soit reçue ou non à titre de dommages-intérêts.

[10]     Ici, l'appelante reconnaît que l'employeur ne voulait pas la réintégrer dans son emploi. L'employeur a, aux fins de règlement, accepté de dédommager l'appelante pour les 225 heures de travail qu'elle aurait travaillées si elle avait obtenu le poste convoité. Il ne s'agit pas d'un cas où l'employée a été rétribuée pendant une certaine période de congé, l'appelante n'étant pas revenue à l'emploi de son employeur par la suite. Il ne s'agit pas non plus d'un cas où une personne a effectivement travaillé durant une période sans être rémunérée. Ces cas sont couverts par les articles 9.2 et 10.1 du Règlement sur l'assurance-emploi et par le paragraphe 2(2) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations.

[11]     Il s'agit selon moi d'un montant versé à l'appelante à l'égard de la perte de son emploi. L'employeur a accepté de régler pour la somme de 2 700 $ parce que l'appelante acceptait de retirer ses plaintes et de quitter son emploi. D'ailleurs, l'entente reprise dans la sentence arbitrale stipule clairement que l'entente met fin à l'emploi de l'appelante. Dans les circonstances, il s'agit bien, à mon avis, d'une allocation de retraite au sens du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations.

[12]     L'appelante s'est référée à la décision de la Cour d'appel fédérale dans R. c. Sirois, [1999] A.C.F. no 523 (Q.L.). Cette décision ne fait que reconnaître l'existence d'un contrat de louage de services tant qu'il n'y a pas rupture du lien d'emploi. L'intimé ne conteste pas ce point dans la présente cause. L'intimé s'appuie plutôt sur des dispositions réglementaires pour déterminer le montant de la rémunération assurable et quantifier le nombre d'heures assurables. D'ailleurs, la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sirois, indique bien qu'aucune disposition réglementaire n'était en cause dans cette affaire. Elle reconnaît toutefois que lorsque tel est le cas, ces dispositions doivent être analysées pour déterminer l'assurabilité d'un emploi. Ainsi, tel était le cas dans l'affaire Canada c. Therrien-Beaupré (C.A.F.), [1994] A.C.F. no 715 (Q.L.) où l'on devait déterminer si un emploi était assurable aux termes de l'ancien paragraphe 13(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (lequel excluait des emplois assurables un emploi comportant moins de 15 heures par semaine et dont la rémunération hebdomadaire était inférieure à un certain montant). Ainsi malgré l'existence du lien d'emploi, la Cour avait décidé que l'employé qui n'avait pas travaillé pendant une certaine période exerçait un emploi qui comportait moins de 15 heures par semaine et donc n'exerçait pas un emploi assurable pendant cette période aux termes du paragraphe 13(1) du Règlement sur l'assurance-chômage.

[13]     Au même effet, les dispositions réglementaires applicables ici doivent être analysées pour déterminer si une période d'emploi est assurable ou si une rémunération est assurable même si comme dans le cas présent, le lien d'emploi n'a été rompu que le 20 décembre 2002.

[14]     Je considère donc que la décision du Ministre est fondée quant au nombre d'heures assurables et quant à l'établissement de la rémunération assurable, à savoir que celle-ci ne comprend pas le montant de 2 700 $ versé à l'appelante en dédommagement des 225 heures de travail associées au poste qu'elle sollicitait mais qu'elle n'a pas obtenu, et ce, par application de l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi et des articles 1 et 2 du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations.

[15]     L'appel est donc rejeté.

[16]     Par ailleurs, la somme de 2 700 $ n'aurait pas dû faire l'objet de retenues à la source en ce qui a trait aux cotisations à l'assurance-emploi. Une somme de 59,40 $ a été retenue à ce titre (pièce A-5). L'appelante peut donc demander le


remboursement de cette somme de 59,40 $, dans les délais prescrits par l'article 96 de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2004.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :

2004CCI131

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1148(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Sophie Lefebvre c. M.R.N.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 28 janvier 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

le 9 février 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :

Me Richard Baillargeon

Pour l'intimé(e) :

Me Mélanie Bélec

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

Pour l'appelant(e) :

Nom :

Me Richard Baillargeon

Étude :

Pépin et Roy

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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