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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier: 2002-2019(IT)I

ENTRE :

DOROTHY HOLLINGSWORTH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 8 janvier 2003, à Toronto (Ontario).

Devant : L'honorable juge E. A. Bowie

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Raymond F. Sim

Avocate de l'intimée :

Me Nimanthika Kaneira

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont admis, le cas échéant avec frais, et les cotisations sont déférées au Ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif qu'aux fins du calcul de son revenu pour les années 1997, 1998 et 1999, l'appelante a le droit de déduire les pertes respectives de son emploi auprès de Know the World Tours Organizers Inc. de 3 943 $, 7 993 $ et 8 675 $, et l'appelante a droit au remboursement de la taxe sur les produits et services demandé pour chacune de ces années.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2005.

Sophie Debbané, réviseure


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Référence: 2003CCI134

Date: 20030318

Dossier: 2002-2019(IT)I

ENTRE :

DOROTHY HOLLINGSWORTH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      L'appelante interjette appel à l'encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999. La question soulevée est de savoir si l'appelante peut, aux fins du calcul de son revenu conformément à l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), prendre en compte une perte découlant de sa charge, ou de son emploi, comme présidente d'une entreprise dont elle n'a tiré aucun revenu au cours des années en cause. À mon avis, elle a le droit de ce faire et ses appels sont admis. Une question subsidiaire et connexe est de savoir si l'appelante a droit à un remboursement de la taxe sur les produits et services (TPS) en vertu de l'article 253 de la Loi sur la taxe d'accise relativement au montant de ses frais de véhicule assujettis à la TPS.

[2]      En 1991, Mme Hollingsworth a créé une entreprise d'organisation de voyages pour groupes à affinité de plusieurs types. Elle a exploité cette entreprise en entreprise individuelle jusqu'en 1994. En novembre de cette même année, elle a constitué l'entreprise en société, principalement pour protéger sa responsabilité personnelle car elle commençait à conclure de très importants contrats pour les frais de voyage de certains groupes assez grands. Depuis cette date, elle est l'unique actionnaire et la présidente de Know the World Tours Organizers Inc. (KWTO).

[3]      Depuis la création de son entreprise, Mme Hollingsworth a consacré la plupart de son temps à sa mise sur pied. Depuis 1991, elle a organisé plus de 50 circuits de groupes et un grand nombre de circuits individuels et familiaux. Elle a organisé des circuits pour des groupes allant de deux à quarante personnes. Elle et son conjoint ont effectué eux-mêmes le plus gros du travail et, jusqu'à la fin de la période dont traitent ces appels, ils l'ont effectué seuls et sans rémunération. Ce n'est que récemment qu'elle a recruté un employé salarié et qu'elle a commencé à verser un salaire modeste à elle-même et à son mari. Auparavant, bien qu'elle ait un volume d'affaires considérable, la société ne réalisait que peu de profits. Au cours des premières années, Mme Hollingsworth a contribué d'importants fonds de roulement. En 1999, la société a réalisé un profit modeste et ses perspectives semblent bonnes. Au cours des années dont traitent les appels, elle ne s'est versé aucun salaire, tout simplement parce que la société ne pouvait se le permettre. Son intention a toujours été de s'accorder un salaire raisonnable lorsqu'il y aurait un profit.

[4]      L'appelante a témoigné que son contrat avec la société exigeait d'elle qu'elle utilise son véhicule privé pour mener les activités de la société et qu'elle en paie les frais sans remboursement. Comme cela se produit souvent lorsque des individus concluent un contrat avec les sociétés dont ils sont l'âme dirigeante, l'appelante n'a pas consigné par écrit les conditions de son contrat avec KWTO. Cependant, elle a produit la formule réglementaire déclaration des conditions de travail avec sa déclaration de revenus pour l'année 1997, signée par elle-même en tant que présidente de KWTO et attestant qu'elle était tenue d'acquitter ses propres frais sans en recevoir le remboursement ni aucune indemnité. Elle a également témoigné qu'elle passait la plupart de son temps à prospecter pour sa société, ce qui impliquait de nombreuses visites auprès de représentants de clients potentiels et de prestataires, ainsi qu'à rencontrer des gens à l'aéroport et à se déplacer loin de son bureau, qui est situé dans sa résidence.

[5]      Au départ, l'intimée a prétendu que l'appelante n'avait pas engagé les dépenses déclarées au cours des trois années d'imposition dont il est fait appel, que si elle les avait engagées, ces dépenses n'avaient pas été encourues aux fins de gagner un revenu d'une source de revenu d'emploi, mais qu'il s'agissait plutôt de dépenses personnelles ou de frais de subsistance, et finalement, en dernier recours, que ces frais n'étaient pas déductibles parce qu'ils n'étaient pas raisonnables. Le Ministre a rejeté la demande de remboursement de la TPS sur le fondement que les frais étaient des dépenses personnelles. Aux termes des dépositions, l'avocate de l'intimée a déclaré qu'elle était convaincue que l'appelante avait effectivement engagé les dépenses et qu'il ne s'agissait pas de dépenses personnelles, mais que l'appelante les avait encourus dans le cadre de ses devoirs en tant que présidente de KWTO. Elle s'opposait à l'appel sur le simple fondement que l'appelante n'avait tiré aucun revenu de son emploi auprès de la société au cours des années dont il est fait appel, et par conséquent, elle n'était pas une employée de la société et n'avait pas auprès de la société d'emploi qualifié de source de revenu aux fins des articles 3 et 5 de la Loi.

[6]      Les dispositions pertinentes de la Loi sont reproduites en entier à l'annexe « A » . Il suffit cependant de savoir que les articles 3 et 5 prévoient que pour déterminer son revenu pour l'année, le contribuable peut tenir compte des « pertes subies par le contribuable pour l'année qui résultent d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien » et que la perte du contribuable pour l'année résultant d'une charge ou d'un emploi est le montant de la perte éventuelle du contribuable pour l'année de cette source. Il n'est plus contesté que l'appelante a conduit son véhicule pour s'acquitter de ses fonctions de présidente de KWTO, ni qu'elle a ce faisant encouru des dépenses de 3 943 $, 7 993 $ et 8 675 $ en 1997, 1998 et 1999 respectivement. L'opposition de l'intimée aux appels, tel que j'ai compris son avocate, se fonde entièrement sur deux prétentions. La première est qu'une personne ne peut avoir de source de revenu d'emploi dans une année donnée à moins de recevoir un revenu d'emploi de cette source au cours de cette même année. La seconde est qu'une personne ne peut être un « employé » d'une société à moins de recevoir une rémunération de cette dernière.

[7]      Je commencerai par ce dernier point. Les termes « employé » , « charge » et « fonctionnaire » ou « cadre » sont définis comme suit à l'article 248 de la Loi :

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« employé » Sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires.

« charge » Poste qu'occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d'une assemblée législative ou de membre d'un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d'administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s'entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d'école.

Il est évident à la lumière de ces définitions que Mme Hollingsworth, qui était indéniablement cadre de la société pendant toute la période pertinente, doit en avoir été en même temps une employée aux fins de la Loi : voir Scott c. Canada.[1] La position de l'intimée est sans aucun mérite.

[8]      Je suis également d'avis que l'emploi de l'appelante doit être considéré comme une source de revenu, même si elle n'en a tiré aucun revenu au cours des années en cause. L'analogie appropriée est celle d'une entreprise qui ne tire aucun profit pour son propriétaire. Celle-ci sera néanmoins considérée comme constituant une source de revenu si elle est exploitée comme une activité commerciale, à des fins de profit et non pour des raisons personnelles.[2] L'appelante a consacré la plupart de son temps pendant les années dont il est fait appel à promouvoir les intérêts commerciaux de KWTO. Elle n'a travaillé que quelques journées par an comme enseignante suppléante, et ce uniquement pour aider le directeur d'école pour lequel elle avait travaillé dans le passé. Elle s'est certainement acquittée de ses devoirs envers la société de façon professionnelle et dans le but de rendre l'entreprise de la société rentable. Son intention a toujours été de se verser un salaire dès que l'activité de la société deviendrait rentable. Son emploi auprès de KWTO constitue une source de revenu pour les années en question et l'appelante a donc le droit de déduire ses pertes de cette source de son revenu d'autres sources aux fins de déterminer son revenu conformément à l'article 3 de la Loi. Elle a également droit au remboursement de la TPS, tel que prévu à l'article 253 de la Loi sur la taxe d'accise, pour les frais de véhicule encourus par elle au cours de son emploi pour chaque année. Le calcul de ces remboursements n'est pas contesté.

[9]      Les appels sont admis et les nouvelles cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur cette base. Les frais de l'appelante, s'il en est, lui sont adjugés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2003.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de février 2005.

Sophie Debbané, réviseure


ANNEXE « A »

Les articles pertinents de la Loi sont les suivants :

3           Pour déterminer le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, pour l'application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a)          le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en capital imposable résultant de la disposition d'un bien) dont la source se situe au Canada ou à l'étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

b)          le calcul de l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i)          le total des montants suivants :

(A)        ses gains en capital imposables pour l'année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

(B)        son gain net imposable pour l'année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

(ii)         l'excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l'année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise pour l'année, subies par le contribuable;

c)          le calcul de l'excédent éventuel du total établi selon l'alinéa a) plus le montant établi selon l'alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous-section e dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l'alinéa a));

d)          le calcul de l'excédent éventuel de l'excédent calculé selon l'alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l'année qui résultent d'une charge, d'un emploi, d'une entreprise ou d'un bien et des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise subies par le contribuable pour l'année;

Pour l'application de la présente partie, les règles suivantes s'appliquent:

e)          si un montant est calculé selon l'alinéa d) à l'égard du contribuable pour l'année, le revenu du contribuable pour l'année correspond à ce montant;

f)           sinon, le revenu du contribuable pour l'année est réputé égal à zéro.

5(1)       Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu d'un contribuable, pour une année d'imposition, tiré d'une charge ou d'un emploi est le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l'année.

8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

a)          [...]

h.1)       dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été habituellement tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu d'affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas:

(i)          reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

(ii)         demandé une déduction pour l'année en application de l'alinéa f);

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« employé » Sont compris parmi les employés les cadres ou fonctionnaires.

« charge » Poste qu'occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d'une assemblée législative ou de membre d'un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d'administrateur de société; « fonctionnaire » ou « cadre » s'entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d'école.



[1]               Cour d'appel fédérale, no A-352-91, 5 janvier 1994, (94 DTC 6193 (FCA)), juge Heald,

          à la page 7.

[2]           Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, paragraphes 50-54.

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