Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier: 2002-2055(IT)I

ENTRE :

WARD S. SMITH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 février 2003 à Toronto (Ontario)

 

Devant : l’honorable juge Michael J. Bonner

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Jason J. Wakely

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 25e jour d’avril 2003.

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de février 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence: 2003CCI191

Date: 20030425

Dossier: 2002-2055(IT)I

ENTRE :

WARD S. SMITH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bonner, C.C.I.

 

[1]     Il s’agit de l’appel d’une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») concernant le droit de l’appelant à un crédit pour taxe sur les produits et services (« CTPS ») pour l’année d’imposition 2000.

 

[2]     Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré :

 

                        [traduction]

 

« Sur ma déclaration de revenus pour l’année 2000, j’ai indiqué séparé à la section d’identification. Je sentais que c’était ce qui décrivait le mieux ma situation. À cette époque, j’étais marié, et je le suis toujours. Mon épouse et moi partageons la même résidence. Le litige tient au fait que nous sommes séparés mais vivons sous le même toit. Je considère que je suis séparé, mais le ministre du Revenu national n’est pas d’accord. »

 

[3]     Selon la réponse à l’avis d’appel, la nouvelle cotisation a été établie au motif que l’appelant n’était pas séparé et que Bonita M. Kelly Smith était le conjoint visé de l’appelant pendant l’année d’imposition 2000. Le montant de CTPS auquel l’appelant avait droit pour l’année d’imposition 2000 a été fixé à zéro et il a été demandé à l’appelant de rembourser le montant de CTPS de 140,82 $ (la somme de 70,41 $ payée le 5 juillet 2001 plus la somme de 70,41 $ payée le 5 octobre 2001).

 

[4]     Le litige prend source dans la définition de « conjoint visé » de l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cette définition se lit      comme suit : 

 

 « conjoint visé » Personne qui, à un moment donné, est l'époux ou le conjoint de fait d'un particulier dont il ne vit pas séparé à ce moment. Pour l'application de la présente définition, une personne n'est considérée comme vivant séparée d'un particulier à un moment donné que si elle vit séparée du particulier à ce moment, pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait, pendant une période d'au moins 90 jours qui comprend ce moment.

 

[5]     Les conclusions et les hypothèses de fait à partir desquelles la nouvelle cotisation a été établie sont les suivantes :

 

            [traduction]       

 

(a)        pendant toute l’année d’imposition 2000, le conjoint visé de l’appelant était Bonita M. Kelly Smith (la « conjointe de l’appelant »);

 

(b)        pendant toute l’année d’imposition 2000, l’appelant, la conjointe de l’appelant et leur enfant résidaient ensemble dans le même établissement domestique autonome situé au 21, avenue Elba, Scarborough (Ontario);

 

(c)        l’appelant et la conjointe de l’appelant détenaient conjointement le titre de propriété de l’établissement domestique autonome mentionné précédemment à l’alinéa 12(b);

 

(d)        pendant l’année d’imposition 2000, l’appelant et la conjointe de l’appelant étaient titulaires d’un compte conjoint;

 

(e)        pendant l’année d’imposition 2000, le revenu net de l’appelant a été établi à 31 768,00 $;

 

(f)         pendant l’année d’imposition 2000, le revenu net de la conjointe de l’appelant a été établi à 12 599,00 $.

 

[6]     L’appelant a témoigné à l’audition de l’appel. Il a affirmé qu’en septembre 1993, son mariage avait atteint le creux de la vague. Sa conjointe l’avait quitté et n’était revenue qu’en mars 1995, moment à partir duquel le couple a tenté de se réconcilier. Les conjoints se sont bien entendus pendant un an, puis la relation a commencé de nouveau à se détériorer. L’appelant a déclaré qu’en septembre 2000, il avait [traduction] « mentalement choisi de se séparer ».

 

[7]     L’appelant a décrit la manière dont ils s’étaient partagé la résidence pendant l’année 2000. Il a déclaré que sa conjointe et lui vivaient ensemble avec leur fils né en 1988 dans une maison de 700 pieds carrés. Il a affirmé qu’il était en quelque sorte obligé de rester dans cette maison car il aurait été défavorisé s’il avait déménagé.

 

[8]     À compter de janvier 2000, les conjoints ont dormi dans des endroits séparés : l’appelant dormait sur un lit escamotable, derrière un rideau, et Mme Smith dormait dans la chambre à coucher. Le couple n’a pas eu de relations sexuelles durant l’année.

 

[9]     M. et Mme Smith n’ont mangé ensemble qu’à quelques reprises, soit de 10 à 15 fois durant l’année. Ils partageaient les aliments dans le réfrigérateur. L’appelant payait les services publics, sauf le service de câble dont le coût était pris en charge par Mme Smith. La ligne téléphonique était établie au nom de l’appelant. L’appelant et sa conjointe étaient titulaires d’un compte bancaire conjoint. La banque prélevait les paiements hypothécaires sur ce compte. Seul l’appelant effectuait des dépôts et des retraits. Les conjoints subvenaient tous deux aux besoins de leur fils et en prenaient soin.

 

[10]    L’appelant et sa conjointe n'étaient pas sans vie sociale commune. M. Smith a indiqué qu’ils louaient à l’occasion une cassette vidéo et regardaient le film ensemble. À Noël, l’appelant a visité ses parents accompagné de sa conjointe. M. Smith a déclaré qu’il avait acheté un cadeau de Noël pour sa conjointe mais il a précisé que ce n’était que dans le but de donner l’exemple à son fils.  

 

[11]    L’appelant a soutenu que sa liberté de pensée doit être respectée. Il a affirmé que, dans le fond de son cœur, il sentait qu’il était séparé de sa conjointe et qu’il était en droit de choisir ou de désigner lui-même son état matrimonial.

 

[12]    La question de savoir si la conjointe de l’appelant était sa « conjoint(e) visé(e) » au sens de l’article 122.6 ne doit pas être tranchée d’après l’opinion personnelle de l’appelant mais selon une interprétation adéquate de la définition de la Loi s’appliquant aux faits tels qu’ils ont été établis par la preuve.

 

[13]    Les tribunaux ont depuis longtemps reconnu qu’une union conjugale peut se détériorer au point où l’on puisse considérer que les conjoints vivent séparés même si elles vivent sous le même toit. Cependant, lorsque c’est le cas, la preuve doit montrer de manière claire et convaincante que l’union s’est terminée à toutes fins pratiques. Les circonstances suivantes étaient généralement présentes dans les affaires où l’on a conclu que les conjoints vivaient séparément[1] :

 

(i) Les conjoints occupent des chambres à coucher distinctes.

 

(ii) Les conjoints n'ont pas de relations sexuelles.

 

(iii) Il y a peu de communication entre les conjoints, pour ne pas dire aucune.

 

(iv) La femme n'effectue pas de travaux ménagers pour le mari.

 

(v) Les conjoints prennent leurs repas séparément.

 

(vi) Les conjoints n'ont pas d'activités sociales communes.

 

[14]    Je considère que le témoignage de l’appelant était sincère. Néanmoins, j’ai conclu que la preuve n’a pas établi clairement que M. et Mme Smith vivaient séparément en raison de l'échec de leur mariage. M. Smith m’a donné l’impression que la situation factuelle qu’il dépeignait était incomplète. Quant à Mme Smith, elle n’a pas témoigné et il n’a pas été suggéré qu’elle n’était pas en mesure de le faire.

 

[15]    L’absence de relations sexuelles et le fait qu’ils dormaient dans des endroits séparés ne sont pas des facteurs déterminants.

 

[16]    Le nombre de repas qu’ils ont pris ensemble était limité, mais cela peut s’expliquer en partie par le fait que Mme Smith travaillait comme serveuse durant trois ou quatre soirs de la semaine. Par ailleurs, je constate qu’ils partageaient les aliments ou du moins les aliments périssables qui étaient conservés dans le réfrigérateur. Il n’a pas été clairement établi qui s’occupait de préparer les repas et d’acheter les aliments.

 

[17]    La preuve n’a pas précisé de quelle manière le couple s’organisait en ce qui a trait aux corvées domestiques telles que la lessive et le ménage. Le couple semblait réussir à se partager la responsabilité pour élever leur fils.

 

[18]    Le fait que les conjoints rendaient visite à Noël aux parents de M. Smith représente une certaine forme d’activité sociale commune. Ils avaient un certain divertissement commun lorsqu’ils louaient et regardaient des films ensemble.

 

[19]    Il appert que, en septembre 2000, les conjoints ont traversé une certaine crise conjugale, mais il n’est pas clair que cette crise les ait conduit à rejeter mutuellement leur union conjugale. L’appelant a fait enlever le nom de Mme Smith du régime de pension du syndicat, mais il n’a pas suggéré que cette crise avait provoqué d’autres changements dans la relation. Il n’a pas été suggéré que les conjoints avaient discuté de la relation ou qu’ils avaient convenu de se séparer. Il n'a pas été suggéré non plus que l’appelant avait avisé sa conjointe de sa décision de se séparer.

 

[20]    Si, comme il convient de le faire, on examine globalement la preuve relative à la relation et à la vie commune des conjoints, on obtient le portrait d’un couple ayant continué de cohabiter durant toute l’année malgré la détérioration progressive de son union conjugale, laquelle n’a pas abouti à un échec.

 

[21]    Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 25e jour d’avril 2003.

 

 

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de février 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure



[1]           Dans Kelner c. Canada, [1995] A.C.I. no 1130 ([1996] 1 C.T.C. 2687), le juge Bowman cite la décision Cooper v. Cooper (1972), 10 R.F.L. 184 (H.C. Ont.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.