Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2002-1958(EI)

2002-1959(CPP)

ENTRE :

GUNTER HINZ,

appelant (intimé dans la requête),

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé (demandeur dans la requête).

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

___________________________________________________________________

 

Requêtes entendues le 8 août 2003, à Hamilton (Ontario)

 

Par : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Pour l’intimé :

L’intimé lui-même

 

Avocate du demandeur :

Me Jocelyn Espejo-Clarke

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Vu les requêtes de l’intimé pour obtenir des ordonnances annulant les jugements à l’encontre de l’intimé, dont l’avocat n’a pas comparu lors de l’audition des appels en raison de problèmes de santé, et fixant une nouvelle date pour audition des causes par la Cour;

 

          Après lecture des affidavits de Me Eric Sherbert et de Mme Holly Tang;

 

          Après avoir entendu les parties;

 

          Il est ordonné que les requêtes de l’intimé soient accueillies. Les jugements de l’honorable juge T. E. Margeson, datés du 6 mai 2003, sont annulés et une nouvelle date d’audition sera fixée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2003.

 

 

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme ce

23e jour de septembre 2004

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

Dossier : 2002-2849(IT)I

ENTRE :

HENRY TOGERETZ,

appelant (intimé dans la requête),

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée (demanderesse dans la requête).

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 8 août 2003, à Hamilton (Ontario)

 

Par : L’honorable juge E. A. Bowie

 

Comparutions :

 

Pour l’intimé :

L’intimé lui-même

 

Avocate de la demanderesse :

Me Jocelyn Espejo-Clarke

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

Vu la requête de l’intimée pour obtenir une ordonnance annulant le jugement à l’encontre de l’intimée, dont l’avocat n’a pas comparu lors de l’audition de l’appel en raison de problèmes de santé, et fixant une nouvelle date pour audition de la cause par la Cour;

 

          Après lecture des affidavits de Me Eric Sherbert et de Mme Holly Tang;

 

          Après avoir entendu les parties;

 

          Il est ordonné que la requête de l’intimée soit accueillie. Le jugement de l’honorable juge T. E. Margeson, daté du 6 mai 2003, est annulé et une nouvelle date d’audition sera fixée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2003.

 

 

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme ce

23e jour de septembre 2004

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

Référence : 2003CCI727

Date : 20031015

Dossiers : 2002-1958(EI)

2002-1959(CPP)

ENTRE :

GUNTER HINZ,

appelant (intimé dans la requête),

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé (demandeur dans la requête),

 

Dossier : 2002-2849(IT)I

ET ENTRE :

HENRY TOGERETZ,

appelant (intimé dans la requête),

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée (demanderesse dans la requête).

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Bowie

 

[1]     M. Hinz a interjeté appel devant la présente cour contre des décisions du ministre du Revenu national (le « ministre ») prises en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi[1] (LAE) et du Régime de pensions du Canada[2] (RPC).

M. Togeretz a interjeté appel devant la Cour sous le régime de la procédure informelle d’une cotisation d’impôt établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu[3] (LIR). L'élément que ceux-ci ont en commun est le fait que leurs appels ont été fixés pour audition par la Cour à Hamilton, en Ontario, le 1er mai 2003. Ce matin-là, l’avocat du ministère public (qui n’est pas le même que celui qui a comparu devant moi dans le cadre des requêtes dont il est question en l’espèce) n’a pas comparu devant la Cour et un jugement a été prononcé en faveur des appelants. Le ministère public présente maintenant des requêtes dans chacune de ces instances pour faire annuler les jugements rendus le 1er mai 2003 et pour que la tenue de nouvelles audiences soit ordonnée. Toutes les parties ont convenu que les requêtes devraient être entendues simultanément puisqu’elles soulèvent toutes la même question.

 

 [2]    Deux affidavits déposés au soutien des requêtes relatent les faits liés à l’absence de l’avocat du ministère public le 1er mai 2003. Un de ces affidavits a été préparé par l’avocat, l’autre par une assistante juridique qui travaille pour le ministère de la Justice à son bureau de Toronto. Les intimés ont choisi de ne pas faire de contre-interrogatoires quant au contenu de ces affidavits puisque cela leur ferait perdre davantage de temps de travail et repousserait en outre le règlement final de leurs appels. Ils ont préféré accepter la preuve par affidavit sans la contester. Voici comment elle peut être résumée. Le matin du 1er mai 2003, l’avocat qui réside à Toronto a prévu se rendre en voiture jusqu’à Hamilton, là où il avait été chargé de comparaître au nom du ministère public dans les appels qui font l’objet des présentes requêtes. Il est devenu malade à un point tel qu’il ne pouvait continuer à conduire. Il a téléphoné à une assistante juridique à son bureau qui, à son tour, a téléphoné au palais de justice d’Hamilton. Elle a laissé un message à l’attention du greffier audiencier. Ce dernier a reçu le message, mais en partie seulement, de telle sorte que, lorsque les causes ont été appelées à être instruites devant le juge qui siègeait, il ne savait pas que l’absence de l’avocat du ministère public était attribuable à un problème de santé soudain. Il savait uniquement que l’avocat avait envoyé le message qu’il n’était pas en mesure de se présenter à la Cour ce jour-là. Le juge a entendu les causes en l’absence de l’avocat du sous-procureur général du Canada et il a fait droit aux appels. Il ne fait aucun doute qu’il s’est fondé sur l'article 140 des Règles de procédure générale qu’il a appliqué par analogie. Il appert des dossiers de la Cour qu’aucun témoin n’a été assermenté et qu’aucune pièce n’a été déposée durant l’audience. Ainsi, aucun élément de preuve n’a été déposé afin que les appelants s’acquittent de leur fardeau de preuve. À leur face même, les jugements ont été rendus sur la base de la non-comparution du ministère public.

 

[3]     L’avocat du ministère public qui comparaît dans le cadre des présentes requêtes s’est fondé sur l’article 140 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), dont le libellé est le suivant :

 

 

140(1)  Si à l’audience, une partie omet de comparaître, la Cour peut accueillir l’appel, rejeter l’appel ou donner une directive appropriée.

 

     (2)   Pourvu que la demande soit faite dans les trente jours qui suivent le prononcé du jugement ou de l’ordonnance, la Cour peut infirmer ou modifier, aux conditions qui sont appropriées, un jugement ou une ordonnance obtenu contre une partie qui n’a pas comparu à l’audience, à l’audience sur l’état de l’instance ou à la conférence préparatoire à l’audience.

 

En dépit du fait que l'article est édicté pour s’appliquer uniquement aux appels qui se déroulent sous le régime de la procédure générale, l’avocat soutient qu’il devrait être appliqué, par analogie, aux causes qui sont entendues sous le régime de la procédure informelle, de même qu’aux causes qui découlent de l’application de la LAE et du RPC.

 

[4]     Je ne peux trouver aucun motif qui justifierait l’application de l'article 140 des Règles de procédure générale par analogie, que ce soit dans le cas d’un appel en matière d’impôt sur le revenu interjeté sous le régime de la procédure informelle ou dans le cadre d’un appel interjeté en vertu de la LAE ou du RPC. La Loi sur la Cour canadienne de l’impôt contient une disposition spécifique, dont le libellé est semblable à celui de l'article 140, qui prévoit la possibilité de prononcer un jugement par défaut si l’appelant ne comparaît pas à l’audition d’un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle et d'annuler ce jugement si l’appelant en fait subséquemment la demande par requête. Cette Loi ne contient aucune disposition similaire pour traiter du défaut de comparaître du représentant du ministère public. Il n’existe aucune disposition similaire dans la Loi ou les Règles qui soit applicable aux appels interjetés en vertu de la LAE ou du RPC. Si le législateur ou le comité des règles avait souhaité édicter une disposition semblable à l'article 140 des Règles pour régir le défaut de comparaître du ministère public, il aurait été très simple de le faire. Dans le cadre des appels interjetés sous le régime de la procédure informelle et pour les appels qui découlent de la LAE et du RPC, il faut limiter le recours aux Règles de procédure générale aux situations qui requièrent une procédure. Il n’existe aucun mandat pour appliquer les Règles de procédure générale à toutes les situations pour lesquelles le Comité des règles n’a pas jugé bon de prévoir une disposition dans les Règles de procédure informelle ou dans celles applicables en matière d’assurance emploi et celles relatives au régime de pensions du Canada. Cela est particulièrement vrai lorsque la question à trancher a un effet sur des droits établis et pas uniquement sur la procédure à suivre.

 

[5]     Cela ne signifie pas pour autant que la présente cour est impuissante pour traiter de la question. Dans May & Baker (Canada) Ltd. c. The « Oak » [4] , la Cour d’appel fédérale a eu l’occasion de se pencher sur une demande semblable, au niveau des principes, aux demandes qui me sont soumises, bien qu’elles découlent de circonstances différentes. Dans l’affaire May, des dommages encourus par un cargo ont donné lieu à une action devant la Section de première instance de la Cour fédérale le 24 octobre 1972. Les Règles[5] prévoyaient que la déclaration pouvait être signifiée dans l’année à compter du jour où elle était déposée et accordait à la Cour le pouvoir de proroger ce délai pour procéder à la signification. Deux jours avant l’expiration du délai de signification, le demandeur a obtenu une ordonnance ex parte qui prorogeait ce délai. Plus tard, une ordonnance subséquente rendue par la Section de première instance de la Cour fédérale a prorogé ce délai à nouveau. La Section de première instance a entendu et rejeté une requête qui visait à faire annuler la signification au motif que les ordonnances qui avaient prorogé le délai de signification n’auraient pas dues être prononcées. En appel, la Cour d’appel fédérale a jugé que les ordonnances de la Section de première instance n’auraient pas dû être rendues parce que la preuve déposée devant la Cour lors de l'audition de ces requêtes était insuffisante pour y faire droit. Comme ces ordonnances n’avaient pas fait l’objet d’appels, la Cour devait examiner la question à savoir si la Section de première instance aurait pu annuler ses propres ordonnances rendues antérieurement lorsqu’elle a tranché la requête qui contestait la validité de la signification de la déclaration. La Cour d’appel a jugé qu’elle le pouvait et qu’elle aurait dû le faire puisque les ordonnances avaient été prononcées ex parte et sur la foi d’une preuve insuffisante. Le juge en chef Jackett a rédigé les motifs unanimes de la Cour et a affirmé aux pages 404 et 405 :  

 

En règle générale, quant une cour rend une ordonnance ou prononce un jugement, à moins de disposition particulière, elle n’est pas compétente pour réviser cette ordonnance ou ce jugement. Son bien-fondé ne peut être examiné qu’en appel. Toutefois, quand une ordonnance est rendue ex parte, à mon sens, sauf disposition contraire, la Cour est naturellement compétente, après avoir accordé à la partie lésée l’occasion de faire valoir ses droits, s’il apparaît alors que l’ordonnance ou le jugement ex parte n’aurait pas dû être rendu,

 

a)                          pour annuler l’ordonnance ou le jugement ex parte à compter du jour où elle rend cette ordonnance et

 

b)                         pour rendre toute ordonnance corrélative qu’elle juge nécessaire pour remettre la partie lésée dans l’état où elle aurait été si l’ordonnance ou le jugement ex parte n’avait pas été rendu.

 

Il s’ensuit, selon moi, dans un tel cas, que la partie lésée a le droit de se voir accorder l’annulation de l’ordonnance ex parte et que l’appelante, en tant que partie lésée, aurait dû obtenir ce redressement en vertu du jugement qui fait l’objet du présent appel.

 

                     

[7]     Je n’ai aucun doute que le principe appliqué par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt « Oak » s’applique également en l’espèce. Lorsque je considère les affidavits à leur face même, tel que je me dois de le faire, il appert que la non-comparution du ministère public était inévitable dans les circonstances. En conséquence, il faut considérer que les jugements ont été rendus ex parte. A la suite du jugement dans l’affaire « Oak », la présente cour a rendu une décision dans l’affaire Curoe v. M.N.R.[6] par la plume du juge en chef adjoint Christie (tel était alors son titre). Selon la description qu’il fait du pouvoir d’annuler un jugement ex parte mal fondé, il s’agit d’un pouvoir [TRADUCTION] « ... que toutes les cours de common law ont depuis longtemps déclaré inhérent à leur juridiction [...]»[7]. Il ne fait aucun doute que, si les jugements ex parte prononcés le 1er mai 2003 avaient fait l’objet d’appels, ceux-ci auraient été accueillis. Ainsi, la présente cour a le pouvoir et l’obligation de les annuler lorsque la partie lésée en fait la demande.

 

[8]     Je regrette de ne pas détenir le pouvoir de rendre une ordonnance quant aux dépens relatifs aux présentes requêtes. Si j’étais convaincu que le droit du ministère public à des ordonnances qui annulent les jugements était discrétionnaire, je rendrais des ordonnances conditionnelles à ce que le sous-procureur général s’engage à verser une indemnité aux intimés pour les compenser de la perte de revenu qu’ils ont subie du fait qu’ils auraient à se présenter à trois audiences plutôt qu’à une seule. Cependant, une lecture attentive de la doctrine et de la jurisprudence me convainc que le ministère public a le droit d'obtenir l’annulation des jugements, et ce, de plein droit. Bien entendu, le procureur général pourrait verser une indemnité aux appelants à titre gracieux pour le temps qu’ils ont perdu.

 

[9]     Des ordonnances seront rendues dans lesquelles les jugements seront annulés et de nouvelles dates de procès seront fixées.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2003.

 

 

« E. A. Bowie »

Le juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme ce

23e jour de septembre 2004

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

 

 

 



[1]           1996, ch. 23, dans sa forme modifiée.

2           L.R.C. (1985), ch. C-8, dans sa forme modifiée.

 

 

[3]           L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[4]           [1979] 1 C.F. 401.

[5]           Règle 306 des Règles de la Cour fédérale, telle qu’elle était libellée.

[6]           91 DTC 782.

[7]           Précitée, note 4.

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