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Dossier : 2002-3876(EI)

ENTRE :

DELL SUTTON,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu à Vancouver (Colombie-Britannique),

les 16 juillet 2003 et 13 janvier 2005.

Devant : L'honorable juge Gordon Teskey

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Christopher M.A. Bungay

Avocat de l'intimé :

Me Victor Caux

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JUGEMENT

L'appel est accueilli et la décision du ministre du Revenu national est modifiée en vertu de l'alinéa 103(3)a) de la Loi sur l'assurance-emploi en vue de prévoir que le nombre d'heures assurables travaillées pendant la période en question était de 714,37 heures, le tout selon les motifs de jugement ci-joints.


Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de février 2005.

« Gordon Teskey »

Juge Teskey

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de novembre 2005.

Sara Tasset


Référence : 2005CCI125

Date : 20050210

Dossier : 2002-3876(EI)

ENTRE :

DELL SUTTON,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Teskey

[1]      L'appelante interjette appel de la décision par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a confirmé la décision de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (maintenant l'Agence du revenu du Canada) selon laquelle elle avait accumulé 476,25 heures d'emploi assurable auprès du district scolaire 36 pendant la période allant du 14 juin 2000 au 14 juin 2001 (la « période » ).

Les faits

[2]      En concluant que l'appelante avait accumulé 476,25 heures assurables pendant la période en question, le ministre s'est fondé sur dix hypothèses de fait distinctes qui étaient énoncées dans la réponse à l'avis d'appel, au paragraphe 3, alinéas a) à j).

[3]      L'appelante souscrivait aux alinéas a) à g) inclusivement, lesquels sont rédigés comme suit :

[traduction]

a)          l'appelante travaillait pour le district scolaire 36 de Surrey et enseignait l'anglais, langue seconde (l' « ALS » );

b)          en Colombie-Britannique, les enseignants sont régis par la convention collective provinciale conclue entre la B.C. Public Schools Employers Association (la « BCPSEA » ) et la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique (la « FECB » );

c)          l'appelante est considérée comme un professeur en éducation des adultes ( « PEA » );

d)          l'appelante enseignait du lundi au jeudi, de 18 h 30 à 21 h 30, à l'école Princess Margaret;

e)          l'appelante faisait du travail de suppléance;

f)           l'appelante était rémunérée à l'heure au taux de 44,40 $ et elle touchait sa rémunération toutes les deux semaines;

g)          les PEA sont régis par la convention collective provinciale.

[4]      L'appelante était initialement représentée par un avocat qui a été radié du barreau avant la conclusion du présent appel. Pour le compte de l'appelante, l'avocat avait souscrit à l'hypothèse de fait énoncée à l'alinéa h), qui est rédigé comme suit :

[traduction]

h)          en vertu de la convention collective, les PEA n'ont pas le droit d'être rémunérés pour le temps de préparation;

[5]      Lorsque j'ai été saisi de l'affaire, le nouvel avocat qui représentait l'appelant ne souscrivait pas à cette hypothèse. L'avocat de l'intimé ayant soulevé une objection, j'ai autorisé le retrait de l'entente selon laquelle ce fait était accepté parce que j'estimais que cette hypothèse n'était pas pertinente et qu'elle prêtait à confusion. La convention collective ne renferme tout simplement aucune disposition dans le cas des PEA, contrairement à ce qui est le cas pour les enseignants d'école élémentaire ou secondaire.

[6]      La convention n'empêche pas les PEA de faire reconnaître leur temps de préparation en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ).

[7]      La Cour a reçu le témoignage de l'appelante, qui est PEA depuis 1987, de Susan Newman, qui est PEA suppléante depuis le mois d'octobre 2002, et de Douglas Flemming qui, en plus d'occuper un poste de PEA à plein temps depuis 20 ans, est sur le point de défendre sa thèse de doctorat, laquelle porte sur l'éducation des adultes, anglais, langue seconde.

[8]      Je conclus que l'appelante consacrait au moins une heure et demie à la préparation pour chaque période de trois heures passée dans la salle de classe.

[9]      Malgré l'objection soulevée par l'avocat de l'intimé, une lettre du district scolaire 36 (Surrey) adressée à l'appelante, datée du 20 janvier 2003, a été produite sous la cote A-1. Cette lettre est ainsi libellée :

[traduction]

[...] Je tiens à confirmer que le service fourni par les professeurs en éducation des adultes à Surrey ne comprend pas uniquement les heures d'enseignement pour lesquelles ils sont rémunérés. Ainsi, la préparation et l'évaluation sont incluses dans ce service. Le « temps » consacré à ces tâches est nécessaire et est considéré comme étant « pris en compte dans la rémunération au taux horaire » .

[10]     Compte tenu du témoignage qui a été présenté, je reconnais les faits énoncés dans cette lettre.

Analyse

[11]     Le ministre a fondé sa décision sur l'article 9.1 du Règlement sur l'assurance-emploi (le « Règlement » ), qui est rédigé comme suit :

9.1        Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

[12]     L'appelante n'était pas rémunérée à l'heure de la façon envisagée par le règlement précité; le salaire accordé aux PEA était plutôt fixé en vue d'indiquer le temps supplémentaire qu'il faut consacrer à la préparation en dehors des heures d'enseignement régulières.

[13]     Je suis convaincu que, pour accomplir leur tâche d'enseignant de la façon appropriée (même dans le cas d'une personne comme l'appelante qui enseigne depuis 17 ans), les PEA doivent consacrer au moins une heure et demie à la préparation pour chaque période de trois heures d'enseignement en salle de classe.

[14]     Dans la décision Franke c. M.R.N., [1999] A.C.I. no 645 (QL), mon collègue le juge Bonner a conclu, comme en l'espèce, que l'appelant devait consacrer le temps et les efforts nécessaires pour s'acquitter de sa tâche d'enseignant d'une façon convenable.

[15]     Dans la décision Chisholm c. M.R.N., [2001] A.C.I. no 28 (QL), le juge en chef adjoint Bowman a fait remarquer que les dispositions du Règlement ne peuvent pas l'emporter sur les faits réels. Dans cette décision, le juge a conclu que l'appelante ne pouvait pas avoir accompli ce qu'on attendait d'elle dans le temps prévu selon les conditions de travail.

[16]     Je crois que le texte de l'article 9.1 du Règlement est ambigu dans un cas comme celui-ci. Les mots « effectivement travaillées » figurant dans le Règlement vont à l'encontre des mots « pour lesquelles elle a été rétribuée » .

[17]     Dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci, de la Cour suprême du Canada, a conclu qu'une loi conférant des avantages doit être interprétée de façon libérale et généreuse et que tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du demandeur.

[18]     Je suis au courant de la décision que mon collègue le juge Tardif a rendue dans l'affaire Dupuis c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.I. no 295 (QL). Je souscris à la décision qu'il a rendue, qui était fondée sur les faits de l'affaire. En l'espèce, la preuve justifie l'intervention de la Cour.

[19]     Pour les motifs susmentionnés, l'appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée en vertu de l'alinéa 103(3)a) de la Loi en vue de prévoir que le nombre d'heures assurables travaillées pendant la période en question était de 714,37 heures.

Signé à Toronto (Ontario), ce 10e jour de février 2005.

« Gordon Teskey »

Juge Teskey

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de novembre 2005.

Sara Tasset

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