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Dossier : 2002-340(IT)I

ENTRE :

REGINALD REIMER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 17 septembre 2004, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Craig Maw

JUGEMENT

L'appel de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1996 est admis, sans dépens. La cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour que celui-ci fasse un nouvel examen et qu'il établisse une nouvelle cotisation en fonction du fait que l'appelant a le droit de demander la déduction pour la résidence d'un membre du clergé en application de l'alinéa 8(1)c) de la Loi.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 2004.

« Campbell J. Miller »

Miller J.

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de novembre 2005.

Hélène Tremblay, traductrice


Référence : 2004CCI674

Date : 20041006

Dossier : 2002-340(IT)I

ENTRE :

REGINALD REIMER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      M. Reginald Reimer est un ouvrier officiel et un missionnaire de carrière de l'Alliance chrétienne et missionnaire au Canada (ACMC). En 1996, il s'occupait à plein temps du service administratif à l'Alliance évangélique du Canada (AEC). Pour cette année d'imposition-là, il a demandé une déduction selon l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) (déduction connue sous le nom de « déduction pour la résidence d'un membre du clergé » ) d'un montant de 13 200 $. L'intimée a refusé la déduction en fonction du fait que M. Reimer ne répondait pas aux critères du statut et de la fonction tels qu'ils sont établis à l'alinéa 8(1)c). À mon avis, M. Reimer répondait bel et bien aux critères du statut et de la fonction.

Faits :

[2]      L'appelant a appelé quatre membres actuels ou retraités de l'ACMC à témoigner pour lui, soit M. David Irwin, ministre à la retraite, M. David Freeman, vice-président de l'avancement de l'ACMC, M. Arnold Cook, président de l'ACMC de 1992 à 2000, et M. Brian Stiller, président du Tyndale University College and Seminary et président de l'AEC de 1983 à 1997. Chacun de ces hommes connaissait M. Reimer personnellement et a témoigné de sa relation avec lui. Cependant, avant d'examiner le détail des activités menées par M. Reimer en 1996, je vais, selon les témoignages entendus, décrire en termes généraux la structure et la composition de l'ACMC, et comment l'ACMC est liée à l'AEC et à l'Union évangélique universelle ( « UEU » ).

[3]      L'ACMC est une confession religieuse et évangélique. Elle comporte trois étapes de participation :

          (i)       l'accréditation;

          (ii)       la délivrance de permis;

          (iii)      l'ordination.

Tout d'abord, les candidats sont accrédités, ou leur candidature est approuvée en vue d'un placement, même s'ils n'ont pas encore été placés. Pour recevoir l'accréditation, le candidat doit avoir reçu une formation officielle d'un collège biblique canadien, d'un séminaire théologique canadien ou d'un autre collège ou séminaire biblique de l'Alliance chrétienne et missionnaire. Seules les personnes accréditées peuvent se voir accorder un permis. Dans le cas d'un missionnaire, pour recevoir un permis, il doit approfondir ses études dans une école biblique et recevoir une formation pratique. La formation donnée dans un collège biblique couvre les services funèbres et de mariage, ainsi que l'exécution de sacrements en général.

[4]      Une personne peut détenir un permis d'ouvrier officiel, de pasteur laïque, d'ouvrier chrétien ou d'ouvrier professionnel. Il existe plusieurs catégories d'ouvriers officiels. Certains ouvriers officiels reçoivent leur permis de l'autorité nationale de l'ACMC, et d'autres reçoivent leur permis de l'autorité de district de l'ACMC. Donc, par exemple, les pasteurs et les pasteurs adjoints d'églises, les ministres de la musique et les ministres des ministères des femmes se voient attribuer leur permis par le district, et les missionnaires et les professeurs d'établissements d'enseignement postsecondaire officiellement associés à l'ACMC se voient attribuer leur permis par l'autorité nationale. Autrement, le missionnaire et le pasteur suivent le même processus pour ce qui est de l'obtention de permis. Je note ici que la constitution générale de l'ACMC indique que les femmes peuvent accéder à divers ministères, à l'exception de pasteur principal et de l'ordination. De plus, les certificats d'ouvrier chrétien et d'ouvrier professionnel n'accordent pas les privilèges ecclésiastiques dont bénéficie l'ouvrier officiel.

[5]      L'ordination nécessite des études complémentaires bien que, selon M. Freeman, il ne s'agisse que d'une confirmation que l'Église a fait le bon choix en délivrant un permis d'ouvrier officiel à la personne en question. Il a affirmé que les droits et privilèges d'un ouvrier officiel et d'une personne ayant reçu l'ordination sont les mêmes. Effectivement, un ouvrier officiel peut exécuter toutes les mêmes fonctions qu'une personne ayant reçu l'ordination. La constitution générale de l'ACMC décrit l'ordination comme suit :[1]

L'ordination est l'observance solennelle par laquelle les représentants du corps de l'Église, avec les anciens représentant l'Assemblée locale, mettent à part et consacrent les hommes que Dieu a déjà appelés et formés pour le ministère, par l'imposition des mains et la prière en vue de l'onction de l'Esprit.

Les pasteurs principaux ont déjà reçu l'ordination ou sont en voie de la recevoir.

[6]      L'ACMC est actuellement membre de l'AEC et l'était aussi en 1996. L'AEC est un organisme cadre pour plus de 100 confessions. Sa mission est la suivante :[2]

[TRADUCTION]

Dans le but de promouvoir la mission chrétienne dans la vie et dans la société, l'Alliance évangélique du Canada est un mouvement national qui vise à susciter une participation de plus en plus universelle des églises évangéliques afin d'en arriver avec elles à l'épanouissement de la mission, du ministère et des témoins.

L'AEC est encadrée par un conseil. L'ACMC était représentée au conseil et au comité de direction de l'AEC. M. Stiller, ancien président de l'AEC, a décrit l'évangélisme comme une communauté religieuse protestante qui vise le renouvellement et qui s'appuie beaucoup sur les saintes écritures, la divinité de Jésus Christ, la conversion personnelle et le devoir de faire valoir les actions de Jésus Christ dans le monde.

[7]      L'AEC est liée au reste du monde par l'UEU, l'organisme cadre international pour les confessions évangéliques.

[8]      M. Reimer a décrit le missionnaire, l'ACMC, l'AEC et l'UEU comme une « unité organique » en ce qui a trait aux principales croyances. Il a ajouté qu'elles sont liées de façon organisationnelle, étant donné que l'ACMC est représentée au comité de direction de l'AEC et de l'UEU.

[9]      À présent, traitons plus précisément de la participation de M. Reimer à l'ACMC. Tel qu'il a été indiqué dès le début, M. Reimer était un ouvrier officiel et un missionnaire de carrière de l'ACMC. Il n'a pas reçu l'ordination de l'ACMC. Il a beaucoup travaillé en tant que missionnaire en Asie du Sud-Est.

[10]     Selon M. Stiller, au milieu des années 90, l'UEU éprouvait des difficultés, et un candidat a été demandé pour aider l'organisation. M. Reimer, qui avait de l'expérience comme missionnaire en Asie du Sud-Est, était disponible pour accomplir la tâche, soit d'occuper le poste de directeur - Église et société pour l'UEU. On ne peut pas clairement déterminer comment ce poste pour M. Reimer a été établi. M. Stiller a affirmé que M. Reimer était devenu un employé de l'AEC pour se voir détaché au poste à l'UEU avec le concours de la nomination par l'ACMC. M. Reimer était payé par l'AEC. M. Stiller a décrit la nomination comme correspondant aux valeurs de l'AEC. Dans une note de service datée du 21 janvier 1994 à l'intention du comité de direction, M. Stiller a écrit ce qui suit :[3]

          [TRADUCTION]

M. Reginald Reimer a été nommé pour servir l'Union évangélique universelle, sous les auspices de l'AEC.

Sa nomination pour apporter une aide sur le plan international découle de l'article quatre de notre énoncé de mission et est faite conformément à ce même article, qui se lit comme suit : [TRADUCTION] « Aider les personnes et les groupes à proclamer l'Évangile et à faire avancer les valeurs chrétiennes dans notre pays et partout dans le monde » .

Selon l'entente conclue, l'AEC a comme objectif d'aider notre organisme mondial (dont nous sommes membres). C'est pourquoi l'AEC a nommé M. Reimer, en tant que membre du personnel de l'UEU. Dans son rôle de détachement, il relèvera de l'AEC, mais devra accomplir des tâches précises en fonction de sa description de poste. Le projet de ministère de l'AEC relève de notre comité de direction, comme tous les autres projets.

[11]     M. Cook a décrit la « nomination » de M. Reimer par l'ACMC à l'AEC, avec un détachement continu à l'UEU, comme étant bénéfique pour l'ACMC pour ce qui est d'entretenir la relation avec les autres églises du monde, et plus particulièrement de l'Asie du Sud-Est. Il a précisé que M. Reimer ne relevait pas de l'ACMC, mais plutôt de l'AEC, qui l'avait nommé de concert avec l'Église.

[12]     M. Freeman a expliqué comment fonctionnent les « nominations » à l'ACMC. Par exemple, une église locale peut interviewer un candidat pour un poste de pasteur et l'inviter à être pasteur. C'est ensuite l'ACMC qui fait la nomination. De la même façon, en ce qui a trait à d'autres organisations, l'organisation en question, dans ce cas-ci l'AEC, peut approuver le candidat et l'inviter, mais c'est l'ACMC qui fait la nomination. M. Freeman a indiqué que dans le cas qui nous intéresse ici, M. Reimer avait été nommé pour servir l'AEC.

[13]     Il n'y a pas de doute que la fonction de M. Reimer était de s'occuper à plein temps du service administratif. M. Reimer relevait de l'AEC pour ce qui était du travail associé à l'UEU, et l'AEC rendait compte à l'ACMC. Également, M. Reimer a expliqué comment il continuait de rendre compte à l'église locale à laquelle il était rattaché.

[14]     En tant que missionnaire, M. Reimer s'était toujours concentré sur le travail à l'extérieur du Canada. On ne lui avait jamais demandé de célébrer un mariage ou des funérailles au Canada, mais il pensait détenir un permis d'ouvrier officiel lui permettant de le faire et aussi de célébrer des communions et des baptêmes.

[15]     L'AEC et l'UEU ont conclu une entente de représentation en août 1996. Cette entente indiquait notamment ce qui suit :[4]

          [TRADUCTION]

1.          L'UEU consent à :

a)          continuer à utiliser toutes ses ressources et à mener toutes ses activités afin de promouvoir, de faire avancer et de favoriser les doctrines historiques et évangéliques de la confession chrétienne et des valeurs chrétiennes;

b)          utiliser tous les fonds reçus de l'AEC, d'autres alliances évangéliques régionales et nationales et d'organismes associés à ces mêmes fins;

c)          plus particulièrement, si l'AEC fournit un financement qui se veut un appui pour un employé de l'UEU qui exécute des tâches visant ces fins, l'UEU doit appliquer le financement reçu au salaire et aux avantages de l'employé en question, à moins d'avis contraire de l'AEC.

Analyse

[16]     Cet appel comporte deux questions. La première concerne le statut de M. Reimer, et l'autre concerne sa fonction.

[17]     L'alinéa 8(1)c) se lit comme suit pour 1996 :

8(1)       Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une certaine année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

          [...]

c)          lorsque le contribuable est membre du clergé ou d'un ordre religieux ou ministre régulier d'une confession religieuse, et qu'il dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou s'occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse, un montant égal : [...]

[18]     En ce qui a trait à la question du statut, la situation de M. Reimer comporte deux éléments. D'abord, une confession religieuse entre-t-elle en jeu? Ensuite, M. Reimer est-il un ministre régulier de la confession religieuse? Il n'y a pas de doute que l'ACMC est une confession religieuse. Là n'est pas la question. La question est plutôt de savoir si M. Reimer était, en 1996, un ministre régulier de l'ACMC.

[19]     Également, en ce qui a trait à la question de la fonction, l'affaire de M. Reimer comporte deux éléments. D'abord, s'occupait-il exclusivement et à plein temps du service administratif? L'intimée admet que M. Reimer s'occupait effectivement à plein temps du service administratif en 1996. Ensuite, M. Reimer avait-il été nommé au poste par l'ACMC?

Statut

[20]     L'intimée soutient que M. Reimer n'était pas un ministre régulier de l'ACMC en 1996, étant donné que, bien qu'il était un ouvrier officiel, le statut d'ouvrier officiel n'accorde pas en soi tous les privilèges d'un ministre régulier, comme la célébration de tous les sacrements. Le raisonnement de l'intimée était que, parce que les femmes peuvent porter le titre d'ouvrier officiel, mais ne peuvent pas recevoir l'ordination, le statut d'ouvrier officiel ne correspond pas à la définition de ministre régulier. L'argument de l'intimée n'a pas réussi à me convaincre. M. Reimer a reçu la même formation qu'un ouvrier officiel qui tient le rôle de pasteur, et peut exercer toutes les mêmes fonctions. Pourquoi ne pourrait-on pas le considérer comme un ministre régulier parce qu'il a choisi de tenir le rôle de missionnaire plutôt que de pasteur, de ministre de la musique ou de directeur? Tous ces rôles sont tenus par des personnes qui sont des ouvriers officiels, mais qui détiennent différents permis. Cependant, toutes ces personnes doivent s'occuper à plein temps du ministère qu'elles ont choisi.

[21]     M. Reimer, en tant que missionnaire de l'ACMC, était-il un ministre régulier? Pour cette question, il est utile d'examiner certains éléments de jurisprudence. D'abord, une personne n'a pas à être ordonnée pour être considérée comme un ministre régulier (voir le résumé dans l'affaire Noseworthy c. La Reine,[5] qui citait le juge Rip dans l'affaire Hardy v. The Queen,[6] et le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Austin v. The Queen[7]). Ce qui est le plus utile et le plus révélateur, c'est la pratique comme telle de l'ACMC. Selon tous les témoignages entendus, il est clair que les ouvriers officiels qui ont le statut de missionnaire sont mis à part pour le placement dans un ministère et sont considérés comme des ministres réguliers.

[22]     M. Reimer n'avait pas reçu l'ordination, mais il avait certainement été placé dans le ministère de l'Église dans son rôle de missionnaire de carrière. Dans l'affaire Hardy, le juge Rip a conclu que : « Sans le pouvoir d'administrer tous les sacrements ou rites de son Église, elle ne peut être qualifiée de "ministre régulier" » . Le juge Rip n'a pas précisé que la personne doit administrer tous les sacrements, mais était plutôt intéressé par le pouvoir de le faire. Malgré les éléments de preuve soutenant que les femmes à l'ACMC ne détiennent pas tous les pouvoirs de sacrement, et malgré le fait que M. Reimer n'a pas en fait administré tous les sacrements au Canada, je suis d'avis que, selon le témoignage des dirigeants de l'Église, M. Reimer détenait les pouvoirs de sacrement. Il ne les a pas exercés au Canada, étant donné que ses tâches étaient principalement exécutées à l'étranger dans le cadre de son travail de missionnaire.

[23]     Bien que dans l'affaire McGorman et al. v. M.N.R.[8] le juge en chef adjoint Bowman étudiait la question de savoir si l'organisation était un ordre religieux, lorsqu'il a déterminé qu'elle l'était, il n'a pas hésité à déterminer qu'un missionnaire travaillant pour un tel ordre avait droit à la déduction. Je comprends que la question de statut dans cette affaire concernait le terme « ministre régulier d'une confession religieuse » plutôt que le terme « membre d'un ordre religieux » , mais j'ai de la difficulté à refuser le statut d'admissibilité à un missionnaire d'une confession religieuse si un missionnaire d'un ordre religieux est admissible, même si ce dernier doit correspondre à la norme plus élevée de « ministre régulier » et non seulement de « membre » . Je suis influencé par les éléments de preuve présentés par les dirigeants de l'Église voulant que, à l'ACMC, la délivrance d'un permis à un homme qui est un ouvrier officiel corresponde à la désignation d'un ministre dans d'autres confessions. À mon avis, M. Reimer répond à l'exigence concernant le statut.

Fonction

[24]     Comme je l'ai indiqué plus haut, la question concernant la fonction est de savoir si c'est l'ACMC qui a nommé M. Reimer à son poste à l'AEC pour travailler à l'UEU. L'intimée admet que l'ACMC a aidé M. Reimer à obtenir son poste administratif à plein temps, mais elle n'admet pas que l'obtention du poste a été faite par « nomination » . Il arrive parfois que les juges, les avocats et les administrateurs du régime fiscal coupent les cheveux en quatre lorsque vient le temps de faire des interprétations, ce qui peut laisser les contribuables assez perplexes. On aurait pu recommander, désigner, placer, sélectionner, affecter, choisir, détacher ou mettre en poste M. Reimer - mais l'a-t-on nommé?

[25]     Qu'est-ce qu'une nomination entraîne, au juste? Dans l'affaire Fitch et al. c. La Reine,[9] le juge en chef adjoint Bowman a été clair dans sa détermination qu'une confession religieuse pouvait nommer un employé à un poste dans une autre organisation. Le juge Bowman a expliqué de façon très détaillée le lien entre la confession qui fait la nomination et l'organisation qui reçoit l'employé, et a conclu que l'une faisait « partie intégrante » de l'autre. Le juge Bowman a une fois de plus soulevé la condition d'un lien entre la confession qui fait la nomination et l'organisation qui reçoit l'employé dans l'affaire Kraft et al. v. M.N.R.,[10] dans laquelle il a indiqué, au paragraphe 44 :

Je ne pense pas que M. Nielsen réponde au critère de la fonction, car il ne s'occupait pas de service administratif du fait de sa « nomination par une confession religieuse » . Il n'y a pas un lien suffisant entre sa confession religieuse et sa nomination, par Intercom, à un service administratif.

Existe-t-il un lien suffisant entre l'ACMC, la confession et l'AEC, l'entité pour laquelle travaille M. Reimer? La situation n'est pas claire, étant donné que le poste administratif à plein temps était à l'UEU selon ce qui a été décrit comme le détachement de l'AEC. Dans ce cas-là, le lien doit-il être prolongé à l'UEU? La relation entre les trois organisations n'est pas aussi proche que ce qu'elle l'était entre les deux organisations dans l'affaire Fitch. Bien qu'on ne puisse pas affirmer que l'ACMC fasse partie intégrante de l'AEC ou de l'UEU, ou vice versa, il n'y a pas de doute qu'il existe un lien entre les organisations. L'ACMC est membre de l'AEC, un organisme cadre, et avait clairement une influence dans cette organisation étant donné que des agents de l'ACMC siégeaient au comité de direction de l'AEC. De même, l'AEC était membre de l'organisation internationale, l'UEU. Ces organisations véhiculaient les mêmes croyances et avaient la même mission d'évangélisation.

[26]     Le lien qui existe entre l'AEC et l'UEU dépasse la simple structure organisationnelle selon laquelle un des organismes sert de cadre à l'autre; une entente de représentation a été signée le 15 août 1996. Cette entente a été présentée comme preuve de l'entente selon laquelle M. Reimer a été détaché à l'UEU à partir de l'AEC. Après un examen des paragraphes a), b) et c) de l'entente de représentation (voir le paragraphe 15 de ces motifs), il semblerait que l'AEC, par son financement fourni pour M. Reimer dans ses fonctions de directeur - Église et société pour l'UEU, pourrait demander que l'UEU utilise les fonds reçus aux fins pour lesquelles ils ont été versés. En fait, l'UEU ne pouvait pas refuser les services de M. Reimer. Selon moi, il s'agit ici d'un lien suffisant permettant de déterminer que le placement par l'AEC de M. Reimer à l'UEU consistait une nomination. Cependant, ce n'est pas l'AEC qui est la confession religieuse, mais plutôt l'ACMC. Je dois donc étudier le lien existant entre l'ACMC et l'AEC. Il y a certainement un lien entre les deux. L'AEC est l'organisme cadre, les deux organisations véhiculent les mêmes croyances, et les membres de l'ACMC ont la possibilité de siéger au conseil de direction de l'AEC. Cependant, le lien doit être plus important. Ce doit être un lien selon lequel la sélection par la confession de la personne qui servira l'autre organisation est essentielle. La nomination par une confession signifie que c'est à la confession de choisir. C'est ce qui distingue la nomination de la recommandation, qui comprend le droit de l'organisation qui reçoit l'employé de rejeter la recommandation. La nomination est finale.

[27]     Les particularités concernant la sélection de M. Reimer pour le poste de directeur - Église et société pour l'UEU, ne serait-ce que comme employé de l'AEC, ne sont pas claires. Il n'y avait pas de lettre de nomination comme telle, même si M. Stiller avait rédigé une note de service à l'intention du comité de direction, le 21 janvier, indiquant que : [TRADUCTION] « M. Reimer a été nommé pour servir l'UEU, sous les auspices de l'AEC » . La note de service ne mentionne pas comment M. Reimer est arrivé de l'ACMC.

[28]     J'ai bien l'impression que les membres de la communauté évangélique de l'ACMC, de l'AEC et de l'UEU se connaissaient bien et travaillaient ensemble. M. Stiller, en sa qualité de président de l'AEC, a affirmé dans son témoignage que M. Reimer était disponible et qu'il avait accepté la nomination de M. Reimer par l'ACMC. C'est cependant l'ACMC qui a effectué le placement. Après que l'ACMC ait fait la nomination, est-ce que l'AEC aurait pu dire : « Non, nous ne voulons pas que M. Reimer occupe ce poste » ? Non, parce que l'AEC et l'ACMC ont travaillé ensemble pour placer M. Reimer dans le poste en question. M. Reimer était un ouvrier officiel de l'ACMC. C'était à l'ACMC de le nommer. L'UEU aurait pu dire qu'elle voulait M. Reimer, mais si l'ACMC n'avait pas fait la nomination, M. Reimer n'aurait pas obtenu le poste de directeur - Église et société. Je peux donc conclure que le lien entre l'ACMC et l'AEC était suffisant. Dans les circonstances, M. Reimer a obtenu son poste administratif à plein temps à la suite de la nomination faite par l'ACMC, une confession religieuse.

[29]     Pour ces motifs, l'appel est admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 2004.

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de novembre 2005.

Hélène Tremblay, traductrice



[1]           Pièce R-1, page 63.

[2]           Pièce A-4.

[3]           Pièce A-3.

[4]           Pièce R-4.

[5]           [1999] A.C.I. no 209.

[6]           [1998] 2 C.T.C. 2013.

[7]           99 DTC 710.

[8]           99 DTC 699.

[9]           [1999] A.C.I. no 129.

[10]          99 DTC 693.

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