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Dossier : 2004-3248(GST)I

ENTRE :

VILLE DE MATANE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

___________________________________________________________________

Appel entendu le 14 décembre 2004, à Matane (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jean-Pierre Chamberland

 

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

  L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 21 janvier 2004 et porte le numéro 0254904, relativement à la taxe sur les produits et services pour la période du 1er octobre 1999 au 30 juin 2003, est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de février 2005.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2005CCI53

Date : 20050211

Dossier : 2004-3248(GST)I

ENTRE :

 

VILLE DE MATANE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]  Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « L.T.A. »); la période visée par la cotisation est celle du 1er octobre 1999 au 30 juin 2003.

 

[2]  Pour établir la cotisation, le ministre du Revenu national s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)  l'appelante est un inscrit aux fins de l'application de la TPS; (admis)

 

b)  l'appelante, en sa qualité de municipalité, est un organisme de services publics; (admis)

 

c)  de par sa vocation, l'appelante effectue principalement des fournitures exonérées; (admis)

 

d)  au cours de la période du 1er octobre 1999 au 30 juin 2003 (« la période »), l'appelante exerçait aussi des activités commerciales; (admis)

 

e)  menant à la fois des activités commerciales donnant droit à des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») et des activités exonérées pour lesquelles aucun CTI ne peut être réclamé, l'appelante, au cours de la période, devait employer une méthode juste et raisonnable pour déterminer la mesure dans laquelle les biens et services qu'elle acquit étaient consommés par elle pour effectuer des fournitures taxables ou à d'autres fins; (admis)

 

f)  pour la période précédant le 1er janvier 2002, l'appelante réclama, à titre de CTI, la totalité de la TPS afférente aux dépenses de la patinoire intérieure; (admis)

 

g)  après le 1er janvier 2002, l'appelante réclama, à titre de CTI, 30,95 % de la TPS afférente à ces mêmes dépenses; (admis)

 

h)  pour la période précédant le 1er janvier 2002, l'appelante réclama, à titre de CTI, 86 % de la TPS afférente aux dépenses de la piscine municipale; (admis)

 

i)  pour ses réclamations de CTI au cours de l'année 2002, le pourcentage de 86 % a été maintenu par l'appelante pour une partie de l'année pour être ensuite abaissé à 77 % pour le reste de l'année; (admis)

 

j)  pour la période, le Ministre a procédé à une répartition des CTI afférents aux activités taxables et exonérées de l'appelante selon une méthode juste et raisonnable reposant sur des données empiriques reflétant la réalité;

 

k)  ainsi, le Ministre a établi le pourcentage de l'utilisation commerciale de la patinoire intérieure à 31 % et le pourcentage de l'utilisation commerciale de la piscine municipale à 50 %;

 

l)  à cet égard, le Ministre a tenu compte du fait que l'appelante louait des heures de glace aux organismes mineurs de la région au taux horaire de 2,00 $ l'heure; (admis)

 

m)  le Ministre a aussi tenu compte du fait que l'appelante louait des heures de piscine aux organismes mineurs de la région au taux horaire de 1,00 $ l'heure; (admis)

 

n)  dans l'établissement de la répartition des CTI afférents à la fourniture de la patinoire intérieure et de la piscine municipale, le Ministre a notamment considéré que : (nié)

 

i)  les contreparties de 1,00 $ et de 2,00 $ l'heure, exigées respectivement pour la fourniture de la patinoire intérieure et de la piscine municipale, ne sont pas des contreparties puisqu'elles sont symboliques; (nié)

 

ii)  l'appelante n'a reçu aucune subvention pour la fourniture de la patinoire intérieure et de la piscine municipale; (admis)

 

o)  au cours de la période, l'appelante réclama en trop, à titre de CTI, un montant total de 40 514,92 $;

 

[3]  Avant le début de l'audition, le procureur de l'appelante après avoir admis les alinéas a), b), c), d), e), f), g), h), i), l) et m) et le sous-alinéa n) ii), a indiqué qu'il retirait l'argument relatif aux subventions formulé dans son avis d'appel comme suit :

 

A) Subventions

 

En vertu du paragraphe 141.01(1.2) de la Loi sur la taxe d'accise (Ci‑après « LTA »), un inscrit qui reçoit une subvention, un prêt, un remboursement conditionnel ou tout autre montant semblable qui n'est pas la contrepartie d'une fourniture mais qu'il est raisonnable de le considérer comme accordé en vue de financer une activité de l'inscrit comportant la réalisation de fournitures taxables à titre gratuit, est réputé être la contrepartie de ces fournitures.

 

En d'autres termes, lorsqu'un inscrit reçoit des montants d'argent à titre de subvention et que celle-ci sert à effectuer des fournitures pour une contrepartie moindre ou nulle, la subvention est réputée être la contrepartie de la fourniture.

 

Étant donné que la Ville a reçu des subventions pour financer les activités de l'aréna et de la piscine sur le territoire de la Ville, celles-ci sont réputées avoir été accordées en vue de financer les activités de la Ville et constitue la contrepartie des fournitures de location de glace et de piscine.

 

[4]  Le procureur de l'appelante a également indiqué qu'il se désistait du volet de son appel relatif à la piscine, réservant cependant tous ses droits quant à la cotisation émise dans le cadre de l'exploitation de la patinoire.

 

[5]  Suite aux admissions et au nouvel objet de l'appel, la seule question en litige consiste à déterminer si le tarif de 2 $ exigé de certains utilisateurs (ligue mineure de hockey) constitue une véritable contrepartie ou plutôt une contrepartie symbolique équivalant à l'absence de toute contrepartie.

 

[6]  Les faits pertinents sont relativement simples à résumer. L'appelante, la ville de Matane, loue la patinoire à divers organismes, notamment à une ligue mineure de hockey, pour une contrepartie de 2 $ l'heure.

 

[7]  Le coût réel est de plus de 150 $ l'heure. Chaque année, la patinoire est utilisée pendant environ 3 500 heures dont environ 2 500 pour le hockey mineur. Les équipes mineures de hockey doivent payer 2 $ l'heure, alors que les autres utilisateurs déboursent un montant qui peut varier entre 70 $ et 90 $ l'heure.

 

[8]  L'exploitation d'une patinoire constitue évidemment une activité fondamentale à la vocation de l'appelante. Il s'agissait d'une activité dont l'ultime but était de contribuer au bien-être des membres de sa communauté en leur offrant une activité récréo‑sportive, soit une patinoire intérieure à l'abri des intempéries.

 

[9]  La ville de Matane a soutenu qu'elle avait le droit de réclamer des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») relativement aux améliorations apportées à la patinoire et à toutes les dépenses s'y rattachant. L'appelante prétend que le taux de location de 2 $ l'heure ne constitue pas une contrepartie symbolique et que les présomptions prévues aux sous-alinéas 141.01(2)b)(i) et 141.01(3)b)(i) de la L.T.A.  ne s'appliquent pas.

 

141.01(2) La personne qui acquiert ou importe un bien ou un service, ou le transfère dans une province participante, pour consommation ou utilisation dans le cadre de son initiative est réputée, pour l'application de la présente partie, l'acquérir, l'importer ou le transférer dans la province, selon le cas, pour consommation ou utilisation :

 

a)  [...]

 

b)   hors du cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l'acquiert, l'importe ou le transfère dans la province :

 

(i)  afin d'effectuer, dans le cadre de l'initiative, une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie, 

 

(ii)  [...]

 

141.01(3) La consommation ou l'utilisation d'un bien ou d'un service par une personne dans le cadre de son initiative est réputée, pour l'application de la présente partie, se faire :

 

a)    [...]

 

b)  hors du cadre des activités commerciales de la personne, dans la mesure où elle a pour objet :

 

(i)  la réalisation, dans le cadre de l'initiative, d'une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie,

 

(ii)  [...]

[Je souligne.]

 

[10]  De son côté, l'intimée soutient que le taux horaire de location de la patinoire de 2 $ constitue une contrepartie essentiellement symbolique visée au paragraphe 141.01(1.1) de la L.T.A.

 

141.01(1.1)  Pour l'application des paragraphes (1.2), (2) et (3), une contrepartie symbolique n'est pas une contrepartie.

 

[11]  Selon l'intimée, l'appelante ne pouvait pas réclamer les CTI pour les dépenses d'amélioration, d'entretien et d'exploitation, et cela, en vertu des sous‑alinéas 141.01(2)b)(i) et 141.01(3)b)(i) de la L.T.A. tels que décrits au paragraphe [9].

 

[12]  Le procureur de l'appelante a fait référence à des exemples où des entreprises, pour divers buts et raisons, offrent aux consommateurs des fournitures en contrepartie de montants substantiellement inférieurs à leur coût de production (billets d'avion, promotions, etc.).

 

[13]  Il a également soutenu énergiquement qu'il n'était pas nécessaire que l'appelante effectue des fournitures avec une attente raisonnable de profit pour être réputée effectuer des fournitures taxables dans le cadre d'une activité commerciale donnant droit à la réclamation de CTI.

 

[14]  Pour avoir droit aux CTI, l'appelante devait démontrer qu'elle exerçait une activité commerciale conformément au principe général énoncé au paragraphe 169(1) de la L.T.A., qui se lit comme suit :

 

169. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

 

A x B

 

où :

 

A  représente la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

 

B :  a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d'une année d'imposition de la personne, le pourcentage que représente l'utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l'utilisation totale qu'elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d'améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l'immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l'immobilisation;

 

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l'a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[15]  Il est vrai qu'il n'est pas nécessaire qu'un organisme effectue des fournitures avec une attente raisonnable de profit pour qu'il soit réputé effectuer des fournitures taxables dans le cadre d'une activité commerciale. Cela est vrai en raison de la définition même des termes « activité commerciale » au paragraphe 123(1) de la L.T.A. Voici le libellé de cette disposition :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a)  l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b)  les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c)  la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

 

[Je souligne.]

 

[16]  Dans cette définition, l'alinéa a) vise aussi bien les activités à but lucratif que les activités sans but lucratif. De plus, c'est seulement lorsqu'on est en présence d'une entreprise exploitée par un particulier que le critère de l'expectative raisonnable de profit s'applique. À cet égard, j'aimerais citer un passage de l'arrêt Corporation de l'École polytechnique c. Canada, C.A.F., no A-452-03, 26 mars 2004, 2004 CAF 127, [2004] A.C.F. no 563 (Cour d'appel fédérale), où cette question fut abordée :

 

[22]  L'expression « activités commerciales » est définie au paragraphe 123(1) de la Loi. L'appelante dit relever de la catégorie b), soit « les projets à risque et les affaires de caractère commercial » (« an adventure or concern in the nature of trade »). L'intimée prétend que si l'on peut dire que l'appelante exerce des activités commerciales, elle relèverait plutôt de la catégorie a), soit « l'exploitation d'une entreprise ».

 

[23]  L'appelante cherche à jouer sur deux tableaux. Elle se dit « entreprise », donc se qualifiant sous a), pour soutenir que la définition d'entreprise élimine l'exigence d'un but lucratif, mais elle se dit « projets à risque et affaires de caractère commercial », donc se qualifiant sous b), et soutient qu'autant sous a) que sous b), l'exigence d'un but lucratif a été écartée.

 

[24]  Il y a là erreur d'interprétation. C'est l'« entreprise » seule (donc a)) qui, par la définition qui en est donnée, vise aussi bien les affaires avec but lucratif que celles sans but lucratif. Les « projets à risque et les affaires de caractère commercial » (donc b)), dont se réclame l'appelante, ne sont pas des « entreprises », la définition d'« entreprise » ne leur est pas applicable et ils n'incluent pas les projets ou affaires sans but lucratif. On doit, selon nous, donner à l'expression « projets à risque et les affaires de caractère commercial » le sens qu'elle a dans la définition d'« entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Or, selon la jurisprudence, « la première condition de l'existence d'un projet comportant un risque de caractère commercial est qu'il comporte un "plan visant la réalisation d'un bénéfice" » (Friensen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, para. 16, j. Major).

[Je souligne.]

 

[17]  L'appelante soutient qu'elle a effectivement exercé une activité commerciale lui donnant droit aux CTI.

 

[18]  N'eût été les présomptions prévues aux sous-alinéas 141.01(2)b)(i) et 141.01(3)b)(i) de la L.T.A., l'argument de l'appelante serait possiblement recevable. Cependant, étant donné que les présomptions s'appliquent à toute la partie IX de la L.T.A. excluant ainsi certaines situations particulières de la définition d'activité commerciale, il me faut en tenir compte pour les fins du présent appel.

 

[19]  Pour les fins des paragraphes 141.01(2) et (3), la notion de « contrepartie » a été légèrement modifiée lorsque le législateur a introduit le paragraphe 141.01(1.1). Ce nouvel ajout venait préciser qu'une « contrepartie symbolique » n'est pas une contrepartie :

 

141.01(1.1)  Pour l'application des paragraphes (1.2), (2) et (3), une contrepartie symbolique n'est pas une contrepartie.

 

[20]  La notion de « contrepartie symbolique » n'est pas définie dans la L.T.A. Il me faut donc décider si la contrepartie de 2 $ l'heure exigée pour la fourniture de l'utilisation de la patinoire intérieure est une contrepartie symbolique.

 

[21]  Il n'existe pas de règle précise afin de déterminer si une contrepartie quelconque constitue une contrepartie symbolique. Un examen de l'ensemble des faits et des circonstances doit être effectué afin d'en arriver à une conclusion.

 

[22]  Un des facteurs importants à considérer pour déterminer si une somme donnée constitue une contrepartie symbolique est sans aucun doute la prise en considération de la valeur de ce qui est exigé à titre de contrepartie pour une fourniture donnée par rapport à la juste valeur marchande réelle de ce qui est fourni dans un contexte d'une opération sans lien de dépendance et non effectué dans un contexte particulier ou dans des circonstances exceptionnelles.

 

[23]  En effet, il peut y avoir des circonstances qui faussent la qualité de la contrepartie. Je pense notamment à des questions de publicité, de développement de marché, de création de besoin et d'absence d'acheteur. Ce sont là autant de situations où une contrepartie en apparence symbolique peut être une contrepartie véritable justifiée par des conditions particulières.

 

[24]  En l'espèce, il a été démontré qu'il en coûtait à l'appelante plus ou moins 150 $ l'heure pour exploiter la patinoire. De plus, le taux horaire pour louer la patinoire se situait entre 70 $ et 90 $ l'heure pour un certain nombre d'utilisateurs.

 

[25]  La version anglaise de la L.T.A. utilise les termes « nominal consideration » afin de traduire le terme « contrepartie symbolique » au paragraphe 141.01(1.1). Voici le libellé de la version anglaise de ce paragraphe :

 

141.01(1.1)  In subsections (1.2), (2) and (3), "consideration" does not include nominal consideration.

 

[26]  L'ouvrage Black's Law Dictionary (8e édition) définit ainsi la notion de « nominal consideration » :

 

nominal consideration. Consideration that is so insignificant as to bear no relationship to the value of what is being exchanged.

 

[27]  Louer la patinoire à 2 $ l'heure alors qu'elle se loue pour un montant environ 35 fois plus élevé à certains autres utilisateurs constitue un élément pertinent pour conclure qu'il s'agissait d'une contrepartie symbolique d'autant plus que même dans cette situation cela ne représentait aucunement la vraie valeur de ce qui est échangé.

 

[28]  Pour consolider mon interprétation à l'effet que le paiement d'une somme de 2 $ constitue une contrepartie symbolique lorsque la valeur de ce qui est échangé est d'environ 160 $, je me réfère également à une décision récente de la Cour d'appel du Québec.

 

[29]  Dans l'affaire Auberge La Calèche 1992 inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), C.A.Q., no 500-09-011756-012, 28 janvier 2004, [2004] J.Q. no 446, l'honorable juge Dalphond a conclu que des cadeaux promotionnels ayant une valeur commerciale d'environ 50 $ acquis pour un montant bien inférieur à 50 $ constituaient des « fournitures gratuites » puisqu'elles étaient effectuées « sans contrepartie ou pour une contrepartie symbolique » conformément à l'article 42.0.6 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (« L.T.V.Q. »).

 

[30]  Pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de commenter, l'appelante a décidé de louer sa patinoire à une ligue mineure de hockey à un taux de 2 $ l'heure alors que dans d'autres situations, ce taux se situe entre 70 $ et 90 $ l'heure. L'appelante, la ville de Matane a soutenu qu'idéalement, elle voudrait bien que ses coûts de production de la fourniture soient assumés par les utilisateurs, voire même lui permettre de dégager des surplus, mais qu'elle avait malheureusement dû écarter un tel scénario.

 

[31]  Sur ce point, je me limiterai à citer un passage du jugement de la Cour Suprême du Canada dans l'arrêt Shell, [1999] 3 R.C.S. 622, afin de réfuter l'argument de l'appelante :

 

40  Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie : l'examen de la « réalité économique » d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée : Continental Bank, précité, au par. 51, le juge Bastarache; Tennant, précité, au par. 16, le juge Iacobucci; Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, aux pages 326, 327 et 330, le juge Iacobucci; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, au par. 11, le juge Major; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, au par. 15, le juge Cory.

 

[32]  D'autre part, il existe un grand principe en fiscalité à savoir que l'analyse doit porter sur les faits réels et non sur ceux souhaités par les intéressés. À la lumière de la prépondérance de la preuve, il me faut donc conclure que la contrepartie de 2 $ l'heure exigée pour la fourniture de la patinoire intérieure constitue une contrepartie symbolique; conséquemment, elle n'est pas une véritable contrepartie au sens de la Loi.

 

[33]  Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de février 2005.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

RÉFÉRENCE :

2005CCI53

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-3248(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Ville de Matane et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Matane (Québec)

 

DATES DE L'AUDIENCE :

le 14 décembre 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :

le 11 février 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jean-Pierre Chamberland

 

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom de l'avocat :

Nom de l'étude :

Ville :

Me Jean-Pierre Chamberland

Chamberland & Houde Avocats

Matane (Québec)

 

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r. sous-ministre de la Justice

et sous-procureur général du Canada

Ottawa , Canada

 

 

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