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Dossier : 2004‑683(IT)I

ENTRE :

BERNARD TANNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

 

COLIN LESSER,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Bernard Tanner (2004‑684(GST)I), à Calgary (Alberta), le 23 novembre 2004.

 

Devant : L’honorable D.W. Rowe, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Galina Bining

 

Avocat de l’intervenant :

Me Jeffrey E. Sharpe

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1998 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 11e jour de février 2005.

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mai 2008.

 

Sara Tasset


 

 

 

Référence : 2005CCI119

Date : 20050211

Dossiers : 2004‑683(IT)I

2004‑684(GST)I

ENTRE :

BERNARD TANNER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

 

COLIN LESSER,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rowe

 

[1]     L’appelant, M. Tanner, a interjeté appel d’une cotisation d’impôt établie conformément à l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») par suite de l’omission de la société Specter Services Ltd. (« Specter ») de verser un certain montant au titre de retenues sur la paie pour l’année d’imposition 1998, les intérêts et pénalités y afférents étant par ailleurs imposés.

 

[2]     M. Tanner a également fait l’objet d’une cotisation conformément au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») par suite de l’omission de Specter de verser un montant au titre de la taxe sur les produits et services nette (la « TPS ») conformément au paragraphe 228(2) de la LTA. Des intérêts et pénalités ont également été ajoutés au principal.

 

[3]     Jefffrey E. Sharpe a comparu pour le compte de Colin Lesser (« M. Lesser »), dont il avait été fait mention à plusieurs reprises dans les avis d’appel déposés par M. Tanner dans l’appel concernant l’impôt sur le revenu (l’« IR ») et dans l’appel concernant la TPS. M. Tanner avait signifié à M. Lesser une assignation à comparaître à l’audition de ces appels.

[4]     M. Sharpe a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance conformément à l’article 28 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), qui est rédigé comme suit :

 

Autorisation d’intervention

 

(1)               Quiconque n’est pas partie à l’instance et prétend

 

a)    qu’il a un intérêt dans l’objet de cette instance;

 

b)    qu’il peut subir un préjudice par suite du jugement;

 

c)    que lui‑même et l’une ou plusieurs des parties à l’instance sont liés par la même question de droit, la même question de fait ou la même question de droit et de fait,

 

peut demander, par voie de requête, l’autorisation d’intervenir dans l’instance.

 

(2)               Saisie de la requête, la Cour, après avoir examiné si l’intervention risque de retarder indûment ou de compromettre la décision sur les droits des parties à l’instance, peut :

 

a)    autoriser le requérant à intervenir à titre d’intervenant bénévole et sans être partie à l’instance, afin d’éclairer la Cour par son témoignage ou son argumentation;

 

b)    rendre toute directive qu’elle estime appropriée en matière d’actes de procédure, d’interrogatoire préalable ou de frais.

 

[5]     L’appelant n’a pas pris position à l’égard de la demande et il a comparu pour son propre compte.

 

[6]     Après avoir entendu M. Sharpe et après avoir examiné certaines allégations énoncées dans les avis d’appel respectifs, j’ai autorisé Colin Lesser à intervenir dans l’instance aux fins énoncées à l’alinéa 28(2)a) des Règles. Je m’abstiendrai de donner des motifs additionnels à l’appui de l’octroi de l’autorisation étant donné que cela n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit de trancher les questions qui sont ici en litige. En outre, si ces allégations non prouvées étaient énoncées dans le cadre du prononcé des motifs, cela minerait le but dans lequel l’autorisation a été accordée.

 

[7]     L’avocate de l’intimée et l’appelant ont convenu que l’appel concernant l’IR et l’appel concernant la TPS pouvaient être entendus ensemble.

 

[8]     Bernard Tanner a témoigné être ingénieur; il a déclaré que les hypothèses de fait suivantes figurant au paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») qui a été déposée dans l’appel 2004‑683(IT)I sont exactes :

 

[traduction]

a)         la société a été constituée le 28 mars 1995 en vertu de la Business Corporations Act de l’Alberta;

 

b)         l’appelant est devenu administrateur de la société le 28 mars 1995;

 

c)         l’appelant était l’unique administrateur de la société;

 

d)         pendant la période pertinente, la société était une société existante légitime;

 

e)         pendant la période pertinente, la société s’occupait de fournir et de vendre un processus d’application de peinture en poudre;

 

f)          la société a mis fin à ses activités le 31 août 1998 ou vers cette date;

 

g)         la société a exercé ses activités pendant environ 3 ans et demi;

 

[9]     M. Tanner a affirmé qu’il voulait que Specter déclare faillite, mais qu’il n’avait pas pu se procurer la somme de 7 000 $. L’appelant a déclaré que M. Lesser avait constitué Spectrum Process Industries Inc. (« SPI ») en société le 21 novembre 1997, comme l’indique une recherche effectuée dans le système d’enregistrement des sociétés de l’Alberta, le document y afférent ayant été produit sous la cote A‑1. Aux dires de M. Tanner, toutes les recettes, y compris la TPS applicable, générées par l’entente commerciale conclue entre Specter et SPI étaient déposées dans un compte établi au nom de SPI; avant que SPI eût été constituée, les versements à effectuer au titre de la TPS avaient été effectués par Specter. Ainsi, M. Tanner a produit sous la cote A‑2 la photocopie d’un chèque daté du 30 juin 1998 à l’ordre du receveur général, d’un montant de 3 258,32 $, lequel avait été tiré sur un compte, à la succursale de la cinquième avenue, à Calgary, de l’institution financière appelée Alberta Treasury Branches (l’« ATB »). Le chèque a été tiré sur un compte désigné par le préfixe 127 et ci‑après appelé le compte 127; le nom de Specter Services Ltd. était imprimé sur le chèque et le nom de Spectrum Process Industries était inscrit en‑dessous, entre parenthèses. Ce chèque était signé par M. Lesser et par Renee Tanner, la fille de l’appelant, qui était présidente de Specter. Selon M. Tanner, la succursale de l’ATB avait insisté pour que Renee Tanner cosigne tous les chèques émis par M. Lesser sur le compte 127, de sorte qu’il fallait deux signatures pour émettre un chèque. L’appelant n’était pas signataire autorisé à l’égard de ce compte et seule Renee Tanner avait un pouvoir de signature à l’égard du compte que Specter avait auprès de l’ATB. M. Tanner a déclaré qu’il croyait comprendre que le chèque du 30 juin 1998 avait été envoyé au receveur général aux fins du paiement intégral d’un montant à payer ou qu’il avait été émis aux fins du paiement d’arriérés se rapportant à certains versements. Specter avait des employés à ce moment‑là et M. Tanner a déclaré que même si sa fille, en sa qualité de présidente, était une employée de la société, elle ne touchait pas de salaire pour ses services et qu’elle avait été obligée d’engager sa responsabilité afin de financer certaines activités commerciales de Specter. L’appelant a déclaré que Specter embauchait des conseillers, comme des ingénieurs en mécanique et d’autres spécialistes, et qu’elle leur versait des honoraires à l’acte. D’autres personnes travaillaient à l’occasion, selon les besoins, et s’occupaient de vendre et de fournir à divers clients le processus spécial d’application de peinture en poudre. M. Tanner a déclaré que M. Lesser s’y connaissait en ce qui concerne cette application spéciale de peinture et qu’il avait obtenu des contrats pour le compte de Specter, et notamment un contrat important conclu avec Wheatland Bins Ltd. (« Wheatland ») concernant de grosses installations d’entreposage de céréales. M. Tanner a déclaré que Wheatland avait modifié la conception des installations et qu’un différend était par la suite survenu, de sorte que ce client avait retenu un paiement final d’environ 100 000 $. Des pourparlers ont eu lieu avec Wheatland, mais aucun paiement n’a été effectué et Specter n’a pas intenté d’action en justice pour recouvrer le solde impayé qui était censément dû pour les services rendus conformément au contrat. Specter avait construit de gros fours dans lesquels on insérait les cellules à céréales pour les chauffer à une certaine température pendant une durée précise, et la peinture en poudre était directement appliquée sur l’objet à peindre au moyen d’un appareil ou d’un « fusil », à l’aide d’un boyau. En ce qui concerne la relation existant entre Specter et SPI, M. Tanner a déclaré avoir eu des pourparlers avec M. Lesser au mois de décembre 1997 et qu’ils étaient arrivés à une entente aux termes de laquelle SPI devait acquitter toutes les factures, y compris les impôts et les taxes, l’idée étant qu’en fin de compte les bénéfices tirés de l’entreprise de peinture seraient partagés également entre Specter et SPI. M. Tanner a déclaré qu’après avoir reçu des renseignements d’un tiers, il croyait comprendre que M. Lesser était comptable et que SPI avait dépensé 7 000 $ pour acheter des ordinateurs et des logiciels afin de permettre à M. Lesser d’effectuer la tenue de livres et les travaux comptables nécessaires de SPI et de Specter à l’égard de l’entreprise de peinture. M. Tanner a expliqué que SPI facturait les clients et que les chèques étaient déposés, sur réception, dans le compte 127, à l’ATB, comme en fait foi l’état de compte se rapportant à la période ayant pris fin le 31 juillet 1998, produit sous la cote A‑3. Sur ledit état, l’identité du détenteur du compte est indiquée comme étant Specter Services Ltd., ce nom étant imprimé au‑dessus du nom Spectrum Process Industries, et une adresse, Coventry Lane, à Calgary, y figure également. Specter avait un compte à la même succursale de l’ATB, comme le montre l’état de compte se rapportant à la période ayant pris fin le 31 août 1998 produit sous la cote A‑4. L’adresse Coventry Lane, pour Specter, qui est imprimée sur cet état est la même que celle qui figure dans la pièce A‑3. M. Tanner a donné des explications au sujet de l’entente commerciale que Specter et SPI avaient conclue, aux termes de laquelle SPI établissait les chèques en faveur de Specter pour couvrir les dépenses sur le terrain, telles que les sommes remises aux membres de l’équipe pour les frais d’hébergement, d’alimentation et de déplacement. Selon l’appelant, au 1er décembre 1997, SPI était responsable du paiement des salaires des travailleurs et de tous frais connexes parce que, après cette date, SPI était l’entité qui facturait les clients pour les services rendus et que tous les paiements en résultant effectués en faveur de cette société étaient déposés dans le compte 127 décrit dans la pièce A‑3. M. Tanner estimait que des recettes d’un montant d’environ 350 000 $ avaient été déposées dans le compte 127 entre le 1er décembre 1997 et le 9 juillet 1998. Il estimait qu’avant le 1er décembre 1997 et pendant la période qui avait commencé au mois d’avril 1995, les recettes brutes annuelles réalisées par Specter s’élevaient à environ 100 000 $, lorsqu’elles étaient basées sur une année complète d’exploitation comme l’année 1996, et qu’elles avaient par la suite été les mêmes jusqu’au 1er décembre 1997, lorsque SPI avait commencé à facturer les clients. M. Tanner a déclaré qu’avant le différend qui était survenu avec Wheatland au sujet du paiement final, il estimait que les dettes commerciales de SPI s’élevaient à environ 100 000 $ et qu’il croyait comprendre que SPI avait versé toute la TPS perçue des clients selon les factures qui avaient été envoyées à ceux‑ci. M. Tanner était l’unique actionnaire de Tanner Engineering Ltd. (« Engineering »), une société professionnelle fournissant des services à des clients dans les champs de pétrole de l’Alberta. Il a émis un chèque au nom d’Engineering d’un montant de 2 000 $ en faveur de Specter afin de permettre à cette dernière de payer la somme de 1 900,46 $ au titre de la TPS. Le bordereau de dépôt pertinent à été produit sous la cote A‑5 et le chèque de Specter, signé par Renee Tanner, daté du 22 juin 1998 et payable à Revenu Canada, a été produit sous la cote A‑6. Le numéro d’inscription aux fins de la TPS de Specter était inscrit sur la ligne pour note dudit chèque. M. Tanner a déclaré avoir commencé à éprouver des problèmes de santé et avoir subi un triple pontage au mois d’avril 2000. Auparavant, il savait que les lettres envoyées par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») au sujet de l’omission de Specter de verser les fonds au receveur général étaient envoyées à l’adresse de Specter, mais il ne s’est pas arrêté à la question tant qu’il n’est pas devenu évident qu’il était personnellement responsable du paiement de certains montants au titre de l’impôt sur le revenu et de la TPS. M. Tanner a déclaré qu’à son avis, SPI était l’entité concernée qui était responsable du versement de l’impôt sur le revenu et des autres sommes retenues à la source ainsi que des montants dus pour la TPS qui était perçue, étant donné que c’était SPI qui était tenue de payer les salaires et qui avait établi toutes les factures, y compris les sommes à payer au titre de la TPS, qui étaient adressées aux clients depuis le 1er décembre 1997. M. Tanner a déclaré qu’à ce moment‑là, il n’avait pas les moyens de retenir les services d’un comptable, mais qu’il avait embauché un service de tenue de livres pour examiner la situation et que celui‑ci l’avait informé de l’existence d’un arriéré, avant le mois de novembre 1997, à l’égard de certains versements qui devaient être effectués par Specter. M. Tanner a déclaré que la découverte, pendant ce processus d’examen, de chèques s’élevant en tout à environ 40 000 $ émis à l’ordre de M. Lesser sur le compte 127 l’avait fâché parce qu’il croyait comprendre que les bénéfices seraient partagés entre Specter, SPI et Brad Popowich, un chef de chantier, uniquement à la fin des travaux exécutés pour Wheatland, une fois que le paiement aurait été reçu au complet. M. Tanner a affirmé qu’il croyait comprendre que tous les intéressés voulaient qu’il cesse de participer aux activités de l’entreprise, que Specter mette fin à ses activités, que SPI exploite l’entreprise de peinture et que la fille de M. Tanner, Renee, ait une participation dans SPI en reconnaissance des efforts qu’elle avait déployés ainsi que du temps consacré et des sommes investies personnellement jusqu’alors. Une fois achevé le premier contrat conclu avec Wheatland, il y avait trois autres projets d’envergure à réaliser et l’on s’attendait à ce que SPI, qui exploitait seule l’entreprise, ait un flux de revenu intéressant dans un avenir rapproché parce que l’expérience qu’elle avait acquise pendant le premier contrat serait précieuse lorsqu’il s’agirait d’entreprendre des travaux additionnels d’une nature similaire. L’appelant a fait remarquer que, malheureusement, cet avenir prometteur ne s’était pas réalisé à cause du différend qui existait avec Wheatland au sujet du paiement final à effectuer pour le projet initial et de la perte de possibilité d’exécuter des travaux continus lucratifs pour cette grosse société. M. Tanner a déclaré qu’à un moment donné, il avait demandé conseil à un avocat qui lui avait dit que le délai de prescription était expiré et que ni Specter ni SPI ne pouvaient présenter de réclamation contre Wheatland à l’égard de toute somme qui aurait censément été payable pour les services fournis. L’appelant a déclaré qu’il voulait qu’il soit clair que sa fille Renee n’avait pas tiré avantage de la situation en recevant un salaire de Specter, contrairement aux allégations du ministre, et qu’elle avait engagé sa responsabilité afin de louer un véhicule destiné à être utilisé par les travailleurs de Specter et de SPI. L’appelant, avec l’autorisation de Renee (elle était présente à l’audience), a produit un imprimé de la déclaration de revenu de Renee pour l’année d’imposition 1998, dans laquelle le revenu d’entreprise net déclaré était de 9 675 $. En ce qui concerne le fait que Renee avait engagé sa responsabilité personnelle et qu’elle avait utilisé ses propres cartes de crédit, l’appelant a produit sous la cote A‑8 un rapport d’Equifax dans lequel il était fait mention du fait que Renee avait puisé dans diverses lignes de crédit et qu’elle avait utilisé des cartes de crédit au profit de Specter. L’appelant a déclaré que Renee utilisait souvent ses propres cartes de crédit pour couvrir les dépenses de Specter et que le bailleur avait exigé qu’elle cosigne un contrat de location concernant un camion et d’autre matériel pour que Specter puisse obtenir un véhicule en vue d’exploiter son entreprise. M. Tanner s’est reporté à une liasse de bordereaux de dépôt produits sous la cote A‑9 concernant diverses sommes déposées dans le compte 127, à l’ATB. L’appelant a déclaré que ces dépôts représentaient des paiements effectués par des clients en faveur de SPI, la société exploitante, et que ces paiements avaient été effectués en réponse aux factures soumises par SPI. En ce qui concerne le paiement des comptes de SPI, M. Tanner a déclaré qu’il croyait comprendre que M. Lesser exigeait que Renee Tanner signe des chèques en blanc, de façon qu’il puisse par la suite ajouter sa signature, comme l’exigeait l’ATB. L’appelant a déclaré qu’à la fin du mois d’août 1998, lorsqu’il était devenu évident que Wheatland n’allait plus verser d’argent à SPI, Specter et SPI n’avaient pas pu satisfaire à leurs obligations financières. Jusqu’alors, SPI avait de temps en temps émis des chèques en faveur de Specter afin de rembourser Specter des frais engagés pour son compte dans le cadre de la réalisation des travaux de peinture. Une série de bordereaux de dépôt se rapportant au compte de Specter à l’ATB ont été produits sous la cote A‑10. Les montants y afférents variaient de 1 500 $ à 2 500 $ et les notes inscrites sur les bordereaux indiquaient la raison apparente pour laquelle les divers chèques étaient émis, y compris le chèque du 22 juin 1998, sur lequel il était indiqué qu’un montant de 1 900,46 $, déposé au moyen d’un chèque établi par Engineering, était [traduction] « un prêt pour la TPS ».

 

[10]    L’appelant Bernard Tanner a été contre‑interrogé par l’avocate de l’intimée, qui l’a référé à un document intitulé [traduction] « État des résultats, état consolidé », pour la période ayant pris fin le 30 avril 1998, produit sous la cote R‑1. M. Tanner a convenu que les chiffres y figurant se rapportaient à Specter et à SPI même s’il n’avait pas demandé à l’aide‑comptable d’effectuer ce genre d’analyse parce qu’il voulait uniquement obtenir des renseignements au sujet de la participation de Specter à l’entente commerciale qui avait été conclue avec SPI, de façon à être en mesure de mieux comprendre ce qui était arrivé pendant la période où Specter et SPI exploitaient ce qui était selon lui une coentreprise. L’avocate a renvoyé M. Tanner à la cinquième page dudit état et à une inscription indiquant qu’au 30 avril 1998, le montant payable au titre de la TPS s’élevait à 17 427,58 $. M. Tanner a convenu que ces renseignements y étaient énoncés, mais il a signalé qu’il avait demandé que cet état soit préparé bien des années après et qu’il n’était pas au courant de cette dette particulière au titre de la TPS au 30 avril 1998, et ce, tant que l’aide‑comptable ne lui avait pas remis ce document. M. Tanner a déclaré avoir exploité sa propre société professionnelle, Engineering, pendant 30 ans et que même si ses travailleurs sont des entrepreneurs indépendants, lorsqu’ils exécutent des tâches se rapportant à des essais sur des puits de pétrole et de gaz, il était parfaitement au courant de la nature et de l’effet des retenues à la source effectuées au titre de l’impôt sur le revenu ou à d’autres fins ainsi que des exigences relatives à la TPS associées à sa propre entreprise étant donné que la TPS était incluse dans les factures qu’Engineering envoyait à ses clients. M. Tanner a déclaré avoir rencontré M. Lesser par l’entremise de Brad Popowich qui, à ce moment‑là, était un ami intime de Renee Tanner. L’avocate a renvoyé M. Tanner à un document, la pièce R‑2, en date du 2 octobre 1997, et ce dernier a reconnu que ce document était censé représenter le procès‑verbal d’une réunion qu’il avait eue avec Renee et M. Popowich au sujet de la nature d’une entente commerciale qui devait être conclue entre Specter, M. Lesser – sa société future – et Renee Tanner. Aux dires de l’appelant, il avait été décidé que Renee agirait à titre de présidente de Specter et que M. Popowich, pour des raisons personnelles attribuables à des difficultés conjugales, serait commanditaire. En 1998, Renee travaillait comme courtier en immeubles. L’appelant a convenu que, dans ce procès‑verbal, et pendant toute la durée de la relation, M. Lesser avait révélé qu’il était employé à plein temps par une autre société. Il a également reconnu que M. Lesser n’était pas présent à cette réunion. M. Tanner a déclaré qu’on avait réussi à le convaincre que M. Lesser pouvait continuer à exercer son emploi existant tout en accomplissant son travail pour le compte de Specter et de SPI, et ce, même si c’était dans la même industrie, parce que ce travail était limité à la vente de matériaux plutôt qu’à l’application du produit. En ce qui concerne le fait qu’il a mentionné que M. Lesser était capable d’assumer les tâches de comptable pour la coentreprise, M. Tanner a déclaré qu’il avait peut‑être eu cette impression à cause de quelque chose que M. Popowich lui avait dit. L’appelant a déclaré qu’il se rendait bien compte que M. Lesser avait le droit de recevoir des chèques émis sur le compte 127 afin d’être remboursé des frais liés aux projets, mais qu’il croyait néanmoins que M. Lesser avait touché un salaire sous une forme ou une autre en recevant des chèques tirés sur ce compte qui étaient signés par Renee Tanner et par M. Lesser. L’appelant a reconnu que les livres et registres de Specter n’étaient pas à jour à la fin du mois d’août 1998 à cause des pressions auxquelles il faisait face lorsqu’il s’agissait de régler les problèmes que posait la dernière phase du contrat de Wheatland.

 

[11]    L’appelant Bernard Tanner a été contre‑interrogé par Jeffrey Sharpe, l’avocat de M. Lesser, qui agissait à titre d’intervenant. M. Tanner a convenu que M. Lesser obtenait du travail par l’entremise de SPI et que cette société et Specter auraient bénéficié, à la fin du projet initial réalisé pour Wheatland, du partage à parts égales des recettes nettes. M. Tanner a convenu que M. Lesser n’était pas responsable de la gestion de Specter et n’y participait pas et qu’il agissait à titre d’unique administrateur de SPI. M. Tanner a également convenu que M. Lesser, dans le cadre de leur relation d’affaires, n’avait jamais déclaré être comptable. M. Tanner a convenu qu’il était probable que le compte 127 à l’ATB eût été ouvert avant le 21 novembre 1997, soit la date à laquelle SPI avait été constituée en société. Il a également accepté la thèse de M. Sharpe selon laquelle il semblait que le nouveau compte, à l’ATB, lequel devait être utilisé en tant que compte d’exploitation distinct, eût été enregistré au nom de Specter, le nom de Spectrum Process Industries ayant été ajouté plus bas dans la description du compte. M. Tanner a convenu que M. Lesser avait fourni des copies de tous les chèques établis sur ce compte, de façon que Renee et lui puissent les examiner. M. Sharpe a remis à M. Tanner une série de feuilles manuscrites tirées d’un grand livre qui renfermait censément la description de tous les chèques établis sur le compte 127. Après avoir examiné brièvement les feuilles, l’appelant a affirmé ne les avoir jamais vues auparavant. M. Sharpe a signalé une série d’inscriptions indiquant que chaque fois qu’un chèque était libellé au nom de M. Lesser sur ce compte, un autre chèque, au même montant, était émis à l’ordre de Specter. M. Sharpe a renvoyé M. Tanner à d’autres inscriptions figurant sur les feuilles et M. Tanner a convenu que, dans certains cas, un chèque d’un montant de 1 500 $ avait été émis sur ce compte en faveur de Specter, et qu’un montant égal avait été versé à M. Lesser par chèque. L’appelant a reconnu qu’à l’égard de projets autres que celui qui concernait Wheatland, Specter avait reçu sa part des recettes générées par l’entreprise d’application de peinture exploitée par SPI. M. Sharpe a renvoyé l’appelant à d’autres inscriptions indiquant qu’elles se rapportaient à des chèques émis sur ce compte 127 aux fins du paiement de matériel et de diverses autres dépenses d’entreprise. M. Sharpe a signalé à l’appelant qu’il y avait des cas dans lesquels un chèque avait été rédigé à l’ordre de Specter, mais non à l’ordre de M. Lesser et que, dans l’ensemble, il semblait y avoir sur ce compte un plus grand nombre de chèques libellés au nom de Specter qu’au nom de M. Lesser. M. Tanner a affirmé qu’il considérait ces renseignements comme exacts et qu’il convenait que les chèques établis sur ce compte étaient émis à l’ordre de M. Lesser personnellement et non à l’ordre de SPI, sa société.

 

[12]    L’appelant a déclaré qu’il ne citait pas Renee Tanner pour témoigner et qu’il ne voulait pas citer M. Lesser comme témoin même si celui‑ci était présent à la suite de la signification d’une assignation, par l’appelant.

 

[13]    L’avocate de l’intimée et l’avocat de l’intervenant n’ont pas cité de témoins.

 

[14]    Afin de comprendre la nature de la jurisprudence pertinente aux fins du règlement des appels, l’appelant a retenu la suggestion que je lui avais faite, à savoir qu’il écoute les observations de l’avocate de l’intimée avant de présenter ses propres observations.

 

[15]    L’avocate de l’intimée a fait valoir que l’appelant était un ingénieur chevronné qui avait exploité sa propre entreprise pendant 30 ans et qui était parfaitement au courant des tâches incombant à l’administrateur d’une société pour ce qui est du versement des sommes retenues à la source et de la TPS. Selon l’avocate, l’appelant tentait d’imputer à M. Lesser ou à Renee Tanner la responsabilité de questions commerciales importantes et il avait omis de faire en sorte que des mesures appropriées soient en place sur le plan comptable afin d’empêcher que la situation se reproduise, en ce qui concerne l’accumulation d’arriérés à l’égard des retenues à la source ou de la TPS. En ce qui concerne le compte 127, l’avocate a soutenu qu’il s’agissait, du point de vue de l’appelant du moins, d’un compte détenu en commun avec SPI, mais que la preuve étayait l’idée selon laquelle c’était toujours le compte de Specter et que l’ajout de l’entité qui n’était pas encore constituée en société désignée sous le nom de Spectrum Process Industries constituait simplement un arrangement de la part de l’ATB envers Specter, son client. L’avocate a soutenu que rien ne donnait à entendre que des services étaient fournis par des travailleurs à une société autre que Specter. Les factures que SPI envoyait aux clients comprenaient le numéro d’enregistrement aux fins de la TPS qui avait été attribué à Specter et tout paiement de la TPS par les clients était destiné à ce compte particulier. L’avocate a soutenu que l’appelant, en sa qualité d’unique administrateur de Specter, aurait pu remettre à l’ATB une résolution radiant le nom de M. Lesser comme signataire autorisé à l’égard du compte 127 et aurait pu y substituer son nom comme unique signataire ou comme cosignataire, avec Renee Tanner, s’il décidait que le nom de cette dernière devait continuer à figurer sur ce compte.

 

[16]    L’avocat de l’intervenant a déclaré qu’il était convaincu qu’aucune des allégations contenues dans les avis d’appel déposés à l’égard de l’appel concernant l’IR ou de l’appel concernant la TPS n’avait été prouvée et, par conséquent, qu’il n’avait rien à ajouter.

 

[17]    L’appelant a soutenu qu’il avait pris des mesures raisonnables afin de faire en sorte que les versements appropriés soient effectués. À son avis, SPI était l’âme dirigeante de la coentreprise à laquelle participait Specter, c’était elle qui s’occupait de facturer les clients et qui contrôlait donc les fonds reçus à titre de paiements et par la suite déposés dans le compte 127. L’appelant a soutenu qu’il n’avait aucun pouvoir de signature à l’égard du compte 127 et qu’il n’aurait pas pu émettre de chèques pour payer quelque montant dû à qui que ce soit. Il a ajouté que c’était M. Lesser qui aurait dû être chargé de veiller à ce que la TPS perçue par SPI soit versée au receveur général, lorsqu’elle était exigible. Selon l’appelant, la tournure radicale des événements par suite de la non‑réception du dernier paiement de Wheatland, qui représentait un gros montant, n’avait pas été prévue et ce manquement était à l’origine de la situation dans laquelle Specter et SPI s’étaient trouvées lorsqu’il s’était agi d’exploiter l’entreprise d’application de peinture en poudre.

 

[18]    Les dispositions pertinentes de la LTA sont ci‑après reproduites :

 

323(1) Responsabilité des administrateurs ‑ Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

323(3) Diligence – L’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[19]    Conformément au paragraphe 153(1) de la Loi, les sociétés sont tenues d’effectuer des retenues au titre de l’impôt et à d’autres fins sur le salaire d’un employé et de remettre ces sommes au receveur général. En vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, la société est redevable des sommes non versées et les administrateurs sont par ailleurs solidairement responsables du défaut. Toutefois, les administrateurs peuvent éviter d’être tenus personnellement responsables s’ils réussissent à établir qu’ils ont agi de façon à avoir droit à la protection fournie au paragraphe 227.1(3), qui est identique quant au libellé à la disposition d’exception susmentionnée de la LTA.

 

[20]    L’appel concernant l’IR et l’appel concernant la TPS ont été entendus ensemble. Les décisions et faits pertinents qui sont examinés dans les présents motifs s’appliquent également lorsqu’il s’agit de savoir si l’appelant a établi que ses actions étaient visées par les dispositions d’exception libellées dans des termes identiques qui figurent dans la Loi et dans la LTA.

 

[21]    Dans l’arrêt Soper v. The Queen, 97 DTC 5407, la Cour d’appel fédérale a examiné à fond la question de la responsabilité personnelle des administrateurs à l’égard de l’omission de la société de verser les sommes retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu. Dans son jugement, le juge Robertson a examiné l’historique et le contexte législatifs des dispositions concernant la responsabilité personnelle des administrateurs ainsi que la norme de soin telle qu’elle est illustrée par la jurisprudence dans ce domaine. Aux pages 5416 et suivantes, le juge Robertson a dit ce qui suit :

 

  Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l’expérience de l’administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d’affaires chevronnés).

 

  La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n’est donc pas purement objective. Elle n’est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu’un administrateur affirme qu’il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l’intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n’est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l’idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ».

 

 

 

V. ANALYSE

 

  Il existe un nombre considérable de décisions qui portent sur l’article 227.1 de la Loi. Une façon de saisir l’ampleur du droit existant consiste à classer les décisions pertinentes par catégories. En fait, cette tâche a déjà été accomplie en grande partie par quelques‑uns des commentateurs : voir, p. ex. Moskowitz [...]; voir aussi R. L. Campbell, « Director’s Liability for Unremitted Employee Deductions » (1993), 14 Advocates’, Q. 453.

 

  À titre d’exemple, dans certains cas, la question pertinente sera de savoir si une personne était, dans les faits ou en droit, un administrateur à l’époque pertinente aux fins d’imposer une responsabilité personnelle ou si cette personne avait cessé d’exercer ses fonctions au moyen d’une démission valide. Dans d’autres cas, comme ceux qui concernent une faillite et une mise sous séquestre, la question centrale sera un contrôle de droit. Dans d’autres cas encore, notamment les situations dans lesquelles un administrateur dominant est en mesure de limiter l’influence exercée par les autres sur les affaires de la société, il s’agira d’un contrôle de fait. J’entends m’attarder à la catégorie de décisions relative à la distinction entre les administrateurs internes et les administrateurs externes puisqu’il s’agit de la jurisprudence qui est la plus pertinente dans le cadre du présent appel.

 

  Je tiens tout d’abord à souligner qu’en adoptant cette démarche analytique, je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu’une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c’est‑à‑dire ceux qui s’occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l’entreprise, elles n’avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l’emporter sur la présomption qu’elles étaient au courant des exigences de versement et d’un problème à cet égard, ou auraient dû l’être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l’élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l’aspect objectif de la norme.

 

  Dans certaines affaires, il est facile de voir pourquoi les administrateurs internes ont été tenus responsables. C’est vrai pour l’affaire Barnett [...], qui est la première affaire dans laquelle la défense de diligence raisonnable a été examinée. Dans cette affaire, le contribuable, à titre d’administrateur et d’unique actionnaire de la société, avait retenu les services d’un contrôleur. Quand celui‑ci a avisé le contribuable que la société était à court d’argent, le contribuable lui a répondu que les principaux fournisseurs devraient être payés en premier. Dans les circonstances, la Cour de l’impôt a rejeté l’appel interjeté par le contribuable contre la cotisation du ministre qui tenait le contribuable personnellement responsable des retenues à la source qui avaient été faites mais n’avaient pas été versées. Il est également compréhensible que des administrateurs internes aient été tenus responsables dans les affaires suivantes : Quantz c. M.R.N., 88 D.T.C. 1201 (C.C.I.); et Beutler c. M.R.N., 88 D.T.C. 1286 (C.C.I.).

 

 

[22]    Dans les présents appels, il est certain que M. Tanner, un ingénieur chevronné qui exploite sa propre société depuis 30 ans, était parfaitement au courant du fait que les sociétés sont obligées de retenir l’impôt sur le revenu et d’effectuer d’autres retenues à la source et qu’elles doivent verser la TPS au besoin. À un moment donné, M. Tanner a avancé des fonds provenant de sa propre société, Engineering, à Specter de façon que celle‑ci puisse verser au receveur général des arriérés de TPS. La position prise par l’appelant pendant ces appels était que M. Lesser était responsable du versement de la TPS et des sommes retenues à la source parce que SPI agissait à titre de « société exploitante », en ce sens qu’elle traitait directement avec les clients de la coentreprise existant entre Specter, SPI et, dans une certaine mesure, Renee Tanner et M. Popowich personnellement. Dans ces appels, peu d’éléments de preuve ont été présentés pour établir que SPI était exploitée à titre de société et les autres faits pertinents sur ce point indiquent le contraire. Le compte 127, à l’ATB, a été ouvert au nom de Specter (pièce A‑3), le nom de l’entité non constituée en société, Spectrum Process Industries, ayant été ajouté en‑dessous. L’appelant a témoigné qu’au mieux de sa connaissance, toutes les factures étaient envoyées aux clients sur du papier à en‑tête de SPI, la société, et que les paiements y afférents étaient effectués au moyen de chèques à l’ordre de SPI, mais il n’existe aucun autre élément de preuve à l’appui de cette prétention. Nous savons que les factures envoyées aux clients comprenaient la TPS, facturée sous le numéro d’enregistrement aux fins de la TPS qui avait été attribué à Specter. Les paiements effectués par les clients étaient déposés dans le compte 127, à l’ATB, au nom de Specter/Spectrum Process Industries, et tous les chèques tirés sur ce compte devaient être signés par M. Lesser et par la fille de l’appelant, Renee Tanner. Renee était présidente de Specter et l’appelant était l’unique actionnaire et administrateur de la société. De temps en temps, des chèques étaient émis sur le compte 127 à l’ordre de M. Lesser, personnellement et non pour le compte de SPI, ainsi qu’à l’ordre de Specter. Les employés en cause dans l’entreprise d’application de peinture ont probablement continué à être des employés de Specter comme ils l’avaient été avant le 1er décembre 1997, mais selon la position prise par l’appelant, M. Lesser aurait dû veiller à ce que les sommes retenues à la source applicables soient remises au receveur général. Toutefois, il est clair que M. Lesser n’avait aucun rôle dans la gestion de Specter.

 

[23]    De toute évidence, les événements ne se sont pas déroulés comme on l’avait prévu à cause de l’incapacité de Specter et de SPI, la société, ou de Specter et de Spectrum Process Industries, le nom sous lequel l’entité non constituée en société était exploitée, de recouvrer le paiement final, d’un montant élevé, que Wheatland devait aux termes du contrat initial. Et, qui plus est, l’appelant et son groupe avaient prévu que Wheatland offrirait à leur consortium plusieurs autres contrats et que ces contrats seraient rentables à cause de l’expérience acquise lors de la réalisation du premier projet. M. Tanner a témoigné qu’il était en mauvaise santé et qu’il ne s’était pas arrêté à la question des versements en retard au titre de l’impôt sur le revenu et des autres déductions à la source, ainsi que de la TPS, au receveur général tant qu’il n’est pas devenu évident qu’il était personnellement responsable à cause de son rôle d’administrateur de Specter. L’accumulation des arriérés n’avait rien de neuf; en effet, M. Tanner avait déjà renfloué Specter une fois à l’égard de la TPS impayée et par la suite il aurait dû surveiller la situation afin de faire en sorte que les versements appropriés soient effectués en temps opportun. En sa qualité d’unique actionnaire et administrateur de Specter, il avait la capacité, pendant la période pertinente, d’assurer le contrôle du compte 127, à l’ATB, et de veiller ainsi à ce que la TPS perçue des clients, et déposée dans ce compte, soit versée au receveur général. Le numéro figurant sur les factures pour ce qui est de la TPS était celui qui avait été attribué à Specter et les clients devaient mentionner ce numéro afin de demander des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») lorsqu’ils produisaient leurs propres déclarations concernant la TPS.

 

[24]    Compte tenu de la preuve, je conclus que l’appelant ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait en sa qualité d’administrateur, laquelle était imposée par les dispositions pertinentes de la Loi ou de la LTA, parce qu’il n’a rien fait pour empêcher Specter d’accumuler encore une fois des arriérés à l’égard des retenues effectuées au titre de l’impôt sur le revenu ou du versement de la TPS. Il ne suffisait pas que sa fille agisse comme présidente de Specter et que M. Tanner prenne des dispositions pour qu’il soit nécessaire qu’elle soit cosignataire à l’égard du compte 127 s’il n’allait pas s’assurer que sa fille et M. Lesser émettent les chèques appropriés à l’ordre du receveur général au besoin. S’ils ne s’acquittaient pas de cette obligation, M. Tanner, en sa qualité d’unique administrateur de Specter, aurait pu radier leur nom du compte et les remplacer comme seul signataire autorisé. L’argent était perçu des clients et il existait une obligation de faire le suivi des montants reçus au titre de la TPS et de verser le montant approprié au receveur général lorsque ce montant était exigible. L’approche désordonnée qui a été adoptée à l’égard de l’entreprise, comme le fait que Renee Tanner utilisait son crédit personnel pour les besoins de Specter et le fait qu’aucun document approprié ne faisait foi de la relation existant entre Specter et SPI, si SPI exerçait ses activités à titre de société pendant la période pertinente, a obligé l’appelant à reconstituer lui‑même les événements et à se fonder sur la façon dont il concevait, tardivement, les mécanismes d’exploitation qui étaient employés par lui, par Specter, sa société, et par Renee ainsi que par MM. Popowich et Lesser dans la poursuite de leur coentreprise. L’appelant espérait que le problème des versements impayés allait disparaître, mais ce n’est pas ce qui s’est produit.

 

[25]    La cotisation établie par le ministre conformément aux dispositions de la Loi est confirmée et l’appel concernant l’IR est rejeté.

 

[26]    La cotisation établie par le ministre conformément aux dispositions de la LTA est confirmée dans la mesure où elle se rapporte à l’impôt sur le revenu fédéral ainsi qu’aux pénalités et intérêts fédéraux sur ces montants. Par conséquent, l’appel concernant la TPS est également rejeté.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 11e jour de février 2005.

 

 

 

 

 

« D.W. Rowe »

Juge Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de mai 2008.

 

Sara Tasset

 

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