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Dossier : 2003-1576(GST)I

ENTRE :

THOMPSON TRAILBREAKERS SNOWMOBILE CLUB INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu à Thompson (Manitoba), le 8 avril 2004.

Observations soumises en dernier lieu le 24 mars 2005.

Devant : L'honorable juge J.E. Hershfield

Comparutions :

Représentante de l'appelante :

Mme Colleen Smook

Avocat de l'intimée :

Me Michael Van Dam

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 26 juillet 2001 pour la période allant du 1er janvier au 31 mars 2000, est accueilli avec dépens pour les motifs énoncés dans les motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, ce 23e jour de juin 2005.

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d'avril 2006.

Christian Laroche, LL.B.


Référence : 2005CCI269

Date : 20050623

Dossier : 2003-1576(GST)I

ENTRE :

THOMPSON TRAILBREAKERS SNOWMOBILE CLUB INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hershfield

[1]      L'appelante, un club de motoneigistes, a fait l'objet d'une cotisation pour la période de déclaration allant du 1er janvier au 31 mars 2000 et les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI » ) demandés à l'égard de l'achat de matériel (un Snowcat) utilisé pour damer les pistes ont été refusés. Le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a refusé les CTI demandés par l'appelante à l'égard de la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) payée sur cet achat pour le motif que l'appelante n'avait pas acquis le Snowcat en vue de l'utiliser dans le cadre d'une activité commerciale qu'elle exerçait, comme l'exige l'article 169 de la Loi sur la taxe d'accise (passages concernant la TPS), partie IX (la « Loi » ).

[2]      L'appelante entretenait des pistes pour motoneiges dans la région de Thompson, sur des terres provinciales, et vendait des laissez-passer pour l'utilisation de ces pistes. Il est reconnu que les activités de l'appelante constituent une entreprise au sens de l'article 123 de la Loi, mais l'intimée affirme que l'appelante est un « organisme à but non lucratif admissible » qui effectue des fournitures exonérées. Il s'agit en somme de savoir si l'appelante reçoit une « contrepartie » pour ses fournitures. Dans la négative, les activités de l'appelante ne constituent pas une activité commerciale et la demande concernant les CTI sera refusée.

[3]      Je note au départ que le ministre a permis à l'appelante de demander une remise de 50 p. 100 sur la TPS payée conformément au paragraphe 259(2) de la Loi pour le motif que l'appelante était un « organisme à but non lucratif admissible » telle que cette expression est définie au paragraphe 259(2), qui prévoit ce qui suit :

(2) Pour l'application du présent article, une personne est un organisme à but non lucratif admissible à un moment donné de son exercice si, à ce moment, elle est un organisme à but non lucratif et son pourcentage de financement public pour l'exercice est d'au moins 40 %.

[Non souligné dans l'original.]

[4]      L'appelante a reconnu être un « organisme à but non lucratif » , mais elle a affirmé que les recettes que le ministre considérait comme constituant un financement public étaient en fait une contrepartie que les motoneigistes lui versaient pour la fourniture de services d'entretien et de damage des pistes. Si l'assertion de l'appelante est exacte, cette dernière aura droit aux CTI demandés par opposition à la remise[1]. Par ailleurs, même si ces services sont considérés comme ayant été payés par le gouvernement, l'assertion de l'appelante, selon laquelle ses activités constituent une activité commerciale, devra néanmoins l'emporter si le financement public a été payé à titre de « contrepartie » de ces services.

[5]      L'intimée considère les sommes versées par les motoneigistes pour les laissez-passer comme des revenus provinciaux qui ont été remis à des clubs de motoneigistes tels que l'appelante en tant que subvention ou paiement de transfert accordé par le Manitoba. Or, si ces revenus sont des subventions gouvernementales qui ne sont pas de la nature d'une contrepartie payée pour un service, la fourniture est une fourniture exonérée et les activités de l'appelante ne constituent pas une « activité commerciale » entraînant le rejet de la demande concernant les CTI.

[6]      Les dispositions législatives qui prescrivent ce résultat commencent à l'article 169, qui autorise les CTI dans les circonstances de la présente espèce uniquement à l'égard de fournitures utilisées dans le cadre d'une activité commerciale. L'expression « activité commerciale » est définie à l'article 123 de la Loi, dont les passages pertinents sont rédigés comme suit :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

[Non souligné dans l'original.]

[7]      Comme il en a été fait mention, l'intimée maintient que l'entreprise de l'appelante comporte la réalisation d'une fourniture exonérée. Cette position est fondée sur le fait que l'appelante est un « organisme du secteur public » dont les fournitures sont exonérées si elles sont effectuées à titre gratuit. L'article 10 de la partie VI de l'annexe V de la Loi prévoit ce qui suit :

10. La fourniture par un organisme du secteur public de biens ou services, sauf la fourniture de sang ou de dérivés du sang, si la totalité, ou presque, des fournitures des biens ou services sont effectuées par l'organisme à titre gratuit.

[Non souligné dans l'original.]

[8]      Selon les définitions des expressions « organisme de services publics » et « organisme du secteur public » figurant au paragraphe 123(1) de la Loi, un organisme à but non lucratif est un organisme de services publics et un organisme de services publics est un organisme du secteur public. Par conséquent, pour reconnaître qu'elle est un « organisme à but non lucratif » , l'appelante doit admettre qu'elle est un « organisme du secteur public » pour l'application de la Loi. Cela se ramène essentiellement à une seule question : la caractérisation des sommes reçues par l'appelante. À cet égard, la source des recettes que l'appelante a tirées de la vente des laissez-passer exige un examen minutieux. Ces laissez-passer sont appelés des « SnoPasses » . Ils sont valables dans toute la province sur les terres provinciales où des pistes ont été aménagées et sont entretenues par des clubs de motoneigistes sous les auspices d'un organisme central que j'appellerai « Snoman » dans le paragraphe suivant de ces motifs.

[9]      Une représentante de l'appelante a témoigné pour le compte de cette dernière. Elle a reconnu que l'appelante avait été constituée pour exploiter un club de motoneigistes dans la région de Thompson, au Manitoba, à titre de membre de Snowmobilers of Manitoba Inc. ( « Snoman » ), qui est également un organisme à but non lucratif constitué en personne morale. Snoman s'occupe de l'aménagement et de l'entretien de pistes pour motoneiges sûres sur des terres de la Couronne provinciale au Manitoba. Il s'agit d'une organisation-cadre sous les auspices de laquelle les clubs régionaux de motoneigistes sont exploités. Une cinquantaine de clubs de motoneigistes sont membres de Snoman et chacun est un organisme à but non lucratif constitué en personne morale. Chaque club membre a désigné des pistes dont il assume l'entretien. Chaque club vend des laissez-passer à ses membres et aux amateurs de motoneige en général qui veulent utiliser les pistes entretenues par les clubs membres qui exercent leurs activités sous les auspices de Snoman. Les recettes tirées de ces ventes constituent, indirectement du moins, une source majeure du financement pour chaque club.

[10]     Les frais de laissez-passer sont régis par une entente écrite conclue entre le Manitoba et Snoman au mois de mars 1998 (l' « entente concernant les pistes désignées » ). L'intimée affirme qu'aux termes de cette entente, le rôle de Snoman en sa qualité d'organisation-cadre consiste à gérer les subventions provinciales financées à l'aide des recettes provenant des laissez-passer. Selon le programme de subvention, Snoman attribue et distribue les subventions à des clubs membres tels que l'appelante. L'intimée va encore plus loin en soutenant qu'en sa qualité de bénéficiaire de subventions, l'appelante, un « organisme du secteur public » , ne recevait pas de « contrepartie » pour ses services, y compris les services de damage des pistes.

[11]     Pour déterminer le bien-fondé de la position prise par l'intimée, il faut examiner minutieusement le système des laissez-passer et les arrêts faisant autorité portant sur le traitement différent réservé aux organismes du secteur public qui reçoivent des fonds publics.

Le système des laissez-passer

[12]     Les conditions auxquelles les recettes tirées des laissez-passer sont générées et conservées figurent dans l'entente concernant les pistes désignées. Aux termes de cette entente, les sommes périodiquement remises à Snoman par les clubs membres sont déposées dans un compte appelé le Snowmobile Network Opportunities Fund (le « SnoFund » ). Le SnoFund est entièrement composé, semble-t-il, de sommes reçues par suite de la vente de laissez-passer, à l'exception d'une contribution initiale effectuée par la province en 1996. Le montant de cette subvention initiale n'a pas été établi et les parties ne se sont pas entendues sur ce point, mais l'intimée a soumis une preuve indiquant qu'un montant n'excédant pas 87 500 $ avait été prévu dans le budget à l'égard du SnoFund, en 1995. Depuis lors, le SnoFund a apparemment uniquement été financé à l'aide des recettes tirées des laissez-passer.

[13]     L'entente concernant les pistes désignées comprend les dispositions suivantes :

[TRADUCTION]

2(1)       Le Manitoba et Snoman s'engagent à participer conjointement à un programme ( « le programme » ) pour la gestion, le contrôle et l'entretien de pistes pour motoneiges désignées sur les terres de la Couronne ( « les pistes désignées » ), à l'exclusion des pistes situées dans les parcs provinciaux qui, à l'heure actuelle, sont entretenues par le Manitoba.

[...]

2(4)       Snoman s'engage à s'occuper de la gestion, du contrôle et de l'entretien des pistes désignées conformément aux conditions énoncées dans la présente entente ainsi qu'aux spécifications et directives de temps en temps données à Snoman par le Manitoba.

[...]

3(3)       Snoman déposera dans le SnoFund toutes les sommes qui lui auront été versées ou qui auront été versées aux vendeurs à titre de droits pour les laissez-passer annuels et pour les laissez-passer de quatre jours exigés par les enregistrements faits en vertu de la Loi sur les terres domaniales pour l'utilisation des pistes désignées et utilisera les fonds déposés dans le SnoFund pour des activités destinées à l'entretien et à l'amélioration de pistes désignées, conformément à la présente entente.

[...]

5(1)       Le Manitoba, à sa seule discrétion, déterminera les droits annuels à exiger pour les laissez-passer et inclura ces frais dans un règlement pris en vertu de la Loi sur les terres domaniales.

[...]

8(1)       Snoman s'engage à entretenir les pistes désignées d'une façon prudente et raisonnable se prêtant à l'utilisation des pistes pour les randonnées en motoneige.

[...]

11(1)     La présente entente ne crée pas de relation employeur-employé, ou de relation mandant-mandataire, entre le Manitoba et Snoman ou entre le Manitoba et les agents, employés ou mandataires de Snoman.

[...]

13(2)     Snoman sera seule responsable :

[...]

(b)        en cas de violation d'une condition de la présente entente de sa part ou de la part de ses agents, employés, mandataires ou membres;

[...]

et indemnisera le Manitoba, ses agents, employés et mandataires contre toute demande ou réclamation ou à l'égard de toute obligation prévue aux clauses a), b) et c).

13(3)     Pendant toute la durée de la présente entente, Snoman maintiendra une assurance dommages corporels ou matériels aux tiers à l'égard des demandes fondées sur une lésion corporelle ou sur un décès ou encore sur l'endommagement de biens résultant des activités qu'elle exerce en vertu de la présente entente, ou encore de ses actes ou omissions ou de ceux de l'un quelconque de ses agents, employés ou mandataires, la police d'assurance y afférente devant :

a)          prévoir une limite minimale de responsabilité de cinq millions de dollars (5 000 000 $) par événement;

            b)          énoncer des conditions acceptables pour le Manitoba;

c)          désigner le Manitoba ainsi que ses agents, employés et mandataires à titre d'assurés additionnels à l'égard des activités exercées en vertu de la présente entente et de l'utilisation des pistes désignées.

[...]

14(1)     Le Manitoba et Snoman peuvent résilier la présente entente en expédiant par écrit un préavis d'au moins trente (30) jours à l'autre partie.

14(2)     Sur résiliation de la présente entente ou à son expiration, les parties n'auront aucune autre obligation l'une envers l'autre, sous réserve des dispositions prévues aux paragraphes (3) et (4).

14(3)     Dans les trente (30) jours suivant la date de résiliation ou d'expiration de la présente entente, Snoman transférera au Manitoba toutes les sommes conservées dans le SnoFund, un rapprochement et une vérification pouvant toutefois être effectués par le Manitoba.

[14]     Il importe de noter que les clubs tels que l'appelante qui sont membres de Snoman ne sont pas mentionnés, dans l'entente concernant les pistes désignées, comme ayant des droits ou des obligations. Dans le manuel du SnoFund, il est précisé que ces clubs font partie d'une structure selon laquelle ils sont conjointement responsables de la mise en oeuvre du programme du SnoFund. Dans le cadre de ce programme, un fonds spécialisé (à savoir le SnoFund) détient les recettes des laissez-passer en fiducie pour qu'elles soient entièrement affectées aux activités pour motoneiges en vue d'aider à couvrir les frais associés à des choses comme l'entretien des pistes existantes, l'aménagement de nouvelles pistes, l'achat et l'entretien de matériel pour les pistes, l'achat et l'installation de panneaux indicateurs et la production de cartes des pistes[2]. Cette description du SnoFund étaye l'avis de l'intimée selon lequel il s'agit d'un fonds en fiducie constitué par la province et destiné à être utilisé par les clubs membres aux fins de la fourniture de pistes sûres. L'intimée a reconnu cette position en accordant des remises à l'appelante pour le motif que les recettes tirées des laissez-passer qui sont transférées à l'appelante par l'entremise du SnoFund sont des fonds publics reçus par l'appelante.

[15]     D'autre part, l'appelante fait valoir que le SnoFund est au coeur de ce qui est essentiellement un système de pistes pour motoneiges financé par l'usager. De fait, dans le manuel du SnoFund du mois d'août 2001, le système des laissez-passer est décrit comme un système de financement par l'usager. En outre, je ne dispose d'aucune preuve directe montrant que les recettes tirées des laissez-passer sont incluses dans les revenus généraux de la province. Cela étaye la théorie de l'appelante selon laquelle les recettes tirées des laissez-passer ne sont pas des recettes appartenant à la province, mais qu'il s'agit plutôt de recettes auxquelles Snoman et ses clubs membres ont droit du fait d'une cession. La cession du droit est l'élément qui empêche de considérer les recettes de l'appelante comme provenant du gouvernement, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de subventions, mais plutôt d'une contrepartie versée aux clubs par les motoneigistes qui acquièrent des laissez-passer. Selon la preuve soumise par l'appelante, un rendement constant correspondant à environ 80 p. 100 des sommes associées aux laissez-passer qu'elle recevait était obtenu du SnoFund. L'appelante fait valoir que, sous réserve d'une retenue administrative de 20 p. 100 visant à couvrir des frais tels que l'assurance-responsabilité, le SnoFund est son mandataire, chargé de gérer les recettes qu'elle tire de la vente des laissez-passer.

[16]     Toutefois, la réalité, telle qu'elle ressort de l'entente concernant les pistes désignées, ne permet pas de conclure que le droit aux recettes provenant des laissez-passer a été cédé. Ces recettes n'appartiennent jamais à l'appelante. Les montants que les motoneigistes paient sont des « droits » exigés par la province pour les laissez-passer conformément aux exigences du règlement pris en vertu de la Loi sur les terres domaniales pour l'utilisation des pistes désignées. Snoman est chargée de vendre les laissez-passer au prix fixé par la province. Il incombe à Snoman de produire les laissez-passer, mais ces laissez-passer doivent être livrés au début de chaque saison à la Section de l'octroi des permis, Direction des services financiers, Ressources naturelles Manitoba, qui les remet à Snoman pour qu'elle les délivre aux clubs membres qui servent de point de vente principaux des laissez-passer. Les sommes que les clubs membres reçoivent des acquéreurs de laissez-passer (y compris la portion afférente à la TPS perçue des acquéreurs de laissez-passer) sont remises à Snoman pour qu'elle les dépose dans le SnoFund. Snoman est chargée d'effectuer un rapprochement entre les laissez-passer qui sont délivrés et le produit reçu. Les documents financiers du SnoFund doivent être acceptables pour la province et ils doivent sur demande être mis à la disposition de la province à des fins de vérification. À la fin de la saison, les laissez-passer qui ne sont pas vendus sont remis à la Section de l'octroi des permis du ministère des Ressources naturelles de la province. Snoman remet au ministre la partie correspondant à la TPS sur les sommes reçues pour les laissez-passer sous le numéro d'inscription de la province aux fins de la TPS[3]. Les recettes tirées des laissez-passer, à l'exclusion de la TPS, sont utilisées pour payer les frais d'exploitation de Snoman, ce qui comprend une assurance pour tous les clubs membres, et le solde est distribué aux clubs membres pour qu'ils puissent financer les activités d'aménagement et d'entretien des pistes pour motoneiges qu'ils exercent dans leurs régions respectives, conformément à l'entente concernant les pistes désignées. Un comité composé du président de Snoman, de cinq représentants régionaux membres et d'un représentant de la province est constitué en vue de gérer le SnoFund, et notamment en vue de prendre des décisions au sujet de l'affectation des fonds aux clubs membres compte tenu des soumissions que ceux-ci présentent aux fins de l'entretien et de l'amélioration des pistes désignées. Cela étant, on ne saurait dire que les recettes de l'appelante représentent les frais qui lui sont versés par les motoneigistes. Il s'agit de recettes reçues de la province, comme l'affirme l'intimée. Le fait que l'appelante obtient un rendement constant correspondant à environ 80 p. 100 des frais qu'elle reçoit n'indique pas que celle-ci a droit au produit de la vente des laissez-passer[4]. Les frais associés aux laissez-passer constituent un revenu pour la province, d'autant plus qu'en vertu de l'entente concernant les pistes désignées, c'est la province qui exerce un contrôle sur le programme et sur les fonds lorsque l'entente est résiliée. Le SnoFund conserve au gré de la province les recettes tirées des frais associés aux permis provinciaux.

[17]     La première assertion de l'appelante, à savoir qu'elle reçoit les recettes directement des motoneigistes par suite de la vente des laissez-passer, n'est donc pas bien fondée. Toutefois, l'assertion subsidiaire de l'appelante, à savoir que les fonds reçus de la province constituent une contrepartie pour les services fournis, est fondée, selon les arrêts faisant autorité.

S'agit-il d'une contrepartie pour services rendus ou d'une subvention provinciale à titre gratuit?

[18]     Comme le montre la jurisprudence portant sur ce point[5], le Bulletin d'information technique B-067 concernant la TPS est utile aux fins de l'examen de la distinction à faire entre les subventions et les services acquis. Le bulletin traite des répercussions des paiements de transfert sur la TPS, y compris les subventions gouvernementales; il est précisé que le critère du « lien direct » est celui qu'il convient d'appliquer pour déterminer si un paiement de transfert doit être considéré comme la contrepartie d'une fourniture et, par conséquent, si une activité commerciale est exercée. Voici ce que dit le bulletin :

En règle générale, on ne considère pas les paiements de transfert effectués dans l'intérêt public ou à des fins de charité comme la contrepartie d'une fourniture.

Toutefois, lorsque sont directement liés un paiement de transfert accordé à une personne et une fourniture effectuée par cette personne, soit au donateur du paiement de transfert ou à un tiers, le paiement de transfert sera considéré comme la contrepartie de la fourniture. [...]

[19]     Les pratiques et bulletins ministériels n'ont pas force obligatoire et n'indiquent peut-être pas le droit que la Cour doit appliquer, mais ils peuvent être utiles et on ne saurait omettre d'en tenir compte lorsqu'ils donnent des renseignements utiles qui concordent avec le droit écrit ou des renseignements qui concordent avec les principes juridiques et l'esprit de la loi en cas d'ambiguïté du droit. De fait, lorsqu'il s'agit d'élaborer des lignes directrices permettant de déterminer les circonstances dans lesquelles un paiement gouvernemental constitue la « contrepartie » d'une fourniture et lorsque le paiement vise à appuyer un projet ou un programme pour le bien de la communauté et qu'il existe des conditions destinées à assurer l'intégrité de ce projet ou programme pour ce qui est de l'intérêt de la communauté, les renseignements utiles provenant d'une source réfléchie pourraient être bien accueillis, en particulier lorsqu'il semble exister des approches opposées. Les exemples suivants montrent le problème que posent des approches opposées dans ce domaine :

a)        Certains bénéficiaires veulent que les subventions reçues ne soient pas considérées comme la « contrepartie » d'une fourniture. Il s'agirait habituellement de cas dans lesquels les subventions proviennent d'entités telles que des municipalités qui paient la TPS. Si le paiement effectué par la municipalité représente la contrepartie d'une fourniture ou s'il existe entre ce paiement et une fourniture un lien suffisant pour que le paiement soit à juste titre considéré comme la contrepartie de la fourniture, la TPS est facturée sur la fourniture et le bénéficiaire de la subvention est tenu de percevoir la taxe et de la verser. Le bénéficiaire qui veut se soustraire à cette responsabilité doit établir que la subvention a été accordée dans un but public plutôt qu'à titre de contrepartie. En pareil cas, pour protéger ou accroître le trésor, le ministre peut être porté à s'appuyer sur un critère voulant que la contrepartie soit considérée d'une façon générale, ce qui revient à dire qu'il existe un lien suffisant entre une fourniture et un paiement pour qu'il y ait contrepartie et que l'avantage public soit considéré comme un accessoire de l'octroi de la subvention plutôt que comme constituant l'objet réel de la subvention;

b)       Il y a ensuite des cas, comme celui qui nous occupe, dans lesquels le ministre peut être porté à s'appuyer sur un critère voulant que la contrepartie soit considérée d'une façon restrictive, ce qui revient à dire que l'avantage ou le but public visé par la subvention en constitue l'objet réel ou l'effet juridique. Le ministre soutiendrait alors que la subvention ne constitue pas une contrepartie, compte tenu du but public visé, et que tout élément, lien ou but apparent associé à un achat à l'égard d'une fourniture doit être considéré comme accessoire à la subvention (même s'il est nécessairement accessoire à cette subvention), mais non comme une fourniture que le donateur « a payée » au sens contractuel ou juridique du terme. On pourrait s'attendre à ce que le ministre adopte cette approche lorsque les services sont fournis à une province. En effet, les provinces ne sont pas imposables, de sorte que les fournitures effectuées en faveur d'une province créent un résultat déséquilibré lorsque le fournisseur reçoit des CTI. En fait, la TPS n'est pas perçue lorsque la province est l'utilisateur final de la fourniture. Il s'agit toutefois d'un résultat du système tel qu'il est légiféré. Habituellement, dans le cas du fournisseur d'un service commercial, le ministre n'a pas grand-chose à dire : le trésor perd; cependant, lorsque le fournisseur de service est un organisme à but non lucratif, le ministre a la possibilité de rétablir l' « équilibre » si le paiement effectué en faveur du fournisseur est une subvention qui n'est pas une contrepartie. L'appelante fait valoir qu'on ne saurait en bonne justice la mettre dans une situation plus défavorable que les fournisseurs commerciaux, étant donné en particulier que dans ce cas-ci, la TPS est payée par les motoneigistes qui sont les utilisateurs ultimes réels de ses fournitures. Toutefois, cet argument met trop l'accent sur l' « équilibre » dans un système où il est clair que l'équilibre n'a pas toujours une importance primordiale pour le législateur qui, en tentant d'établir un certain équilibre, a offert, par exemple, une remise aux fournisseurs qui exploitent une entreprise à but non lucratif;

c)        Certaines activités communautaires financées par les usagers qui sont exercées par des organismes à but non lucratif donnent droit à des CTI que le système considère comme appropriés lorsque les usagers paient la TPS. Pourquoi faudrait-il faire une distinction d'avec l'activité financée par les usagers dans ce cas-ci, où les usagers paient la TPS, simplement parce que le gouvernement s'est interposé pour remettre les frais d'utilisation qui sont payés au fournisseur? Sur le plan des politiques, le traitement différent, dans ces deux cas, ne concorde sans doute pas avec les objectifs d'un système de taxe sur la valeur ajoutée. Si le système des laissez-passer est un système financé par l'usager - si les frais associés aux laissez-passer constituent une contrepartie versée aux clubs pour la fourniture de pistes damées - et si la province cède simplement les terres à titre de concession en faveur des amateurs de motoneige de la province - il semblerait approprié d'accorder des CTI pour assurer la neutralité fiscale dans un système de taxe sur la valeur ajoutée. Les motoneigistes sont les utilisateurs ultimes des pistes damées. Ils paient la TPS pour utiliser les pistes et celui qui fournit les pistes devrait avoir droit aux CTI sur les fournitures qu'il a achetées et sur lesquelles il a payé une taxe. Un club de golf à but non lucratif qui exige des frais d'utilisation et qui entretient le terrain de golf pour ces utilisateurs aurait droit aux CTI sur le matériel d'entretien qui est acquis. Aux yeux de l'appelante, il est difficile de justifier un traitement différent dans son cas. Toutefois, ce point de vue pose un problème en ce sens qu'on n'accorde pas suffisamment d'importance au rôle du gouvernement dans la présente espèce, par exemple quant à l'utilisation des terres publiques, et qu'il n'est pas tenu compte de la relation contractuelle qui existe entre l'appelante et le gouvernement.

[20]     Ces exemples montrent que les comparaisons comportent des anomalies intrinsèques qui ne seront jamais pleinement rationalisées. La rationalisation devrait donc céder le pas à l'élaboration et à l'application de principes pertinents destinés à assurer une application uniforme aux fins du règlement de la question cruciale qui se pose en l'espèce, à savoir la question de savoir dans quelles circonstances une subvention constitue la contrepartie d'une fourniture.

[21]     Les lignes directrices énoncées dans le Bulletin constituent un bon point de départ aux fins du règlement du point litigieux et des questions pertinentes y sont soulevées lorsqu'il s'agit de déterminer si une subvention est davantage de la nature d'une dépense engagée dans l'intérêt public ou de la nature d'un paiement effectué comme contrepartie d'une fourniture, mais il importe de noter que le fondement réel de l'examen se ramène de façon générale à l'analyse d'une relation contractuelle et à la détermination en droit de la nature des engagements contractuels. À cet égard, l'intention des parties est pertinente. Les parties veulent-elles acheter une fourniture moyennant contrepartie? Le Bulletin décrit donc bien le problème comme étant de savoir s'il existe un but d'achat ou un but public. Quelle est l'intention des parties? Un contrat écrit aidera à déterminer l'intention ou pourrait préciser d'une façon suffisante les obligations mutuelles des parties, de façon à permettre de trancher la question indépendamment du but visé. Comme le juge Noël l'a fait remarquer dans l'arrêt Des Chênes[6], lorsqu'un contrat écrit prévoit une obligation de payer un service, une contrepartie sera inévitablement payable pour ce service, ce qui confirme que le but d'achat peut s'induire de la réalité ou de la substance du contrat, indépendamment d'un but public fort apparent, le problème consistant à déterminer « les circonstances dans lesquelles il existe une obligation de payer un service » par opposition à l'octroi d'une subvention à l'égard de laquelle certaines exigences sont imposées quant au rendement en vue d'assurer le respect de l'obligation de rendre compte de l'utilisation des fonds publics. L'arrêt Des Chênes et les décisions rendues par la présente cour donnent à penser que l'existence d'un vague lien entre un service et le financement provincial est suffisante pour que le financement public soit considéré comme la contrepartie de ce service. Il s'agit d'une approche peu sûre, étant donné que la Loi impose de fait un critère fondé sur la notion de contrepartie, celle-ci étant considérée comme un élément essentiel d'un contrat. L'existence d'un vague lien entre l'obligation de payer et un service fourni ne constituerait habituellement pas une contrepartie, selon les principes de common law. Toutefois, en l'espèce, le service en cause en est un que le gouvernement s'est engagé à fournir et pour la prestation duquel les services d'un tiers ont en fait été retenus. À mon avis, le financement accordé à l'égard des services qui ont été retenus peut à juste titre être considéré comme la contrepartie des services fournis. En effet, en impartissant un service, on reconnaît généralement l'existence d'une obligation de payer et le fait de mettre des fonds de côté en vue d'aider à payer ce service pourrait facilement être considéré comme un moyen de payer le service fourni[7]. Je tiens ici à souligner également que la question du caractère adéquat de la contrepartie n'est pas en cause, et ce, que ce soit en common law ou aux termes de la Loi. En effet, la contrepartie est définie à l'article 123 de la Loi comme comprenant tout montant payé pour une fourniture. Même si une petite partie seulement des fonds mis de côté par la province est destinée à permettre de payer du matériel, comme le matériel de damage, en échange de services de damage des pistes, et même si la subvention ne permet pas réellement de couvrir entièrement le coût de ce matériel, il peut suffire, pour qu'il y ait contrepartie en droit, que des fonds soient mis de côté à cette fin dans le cadre d'une impartition[8].

[22]     Il n'est peut-être pas nécessaire ou utile de se reporter aux décisions montrant que, pour qu'il y ait contrepartie, il suffit qu'il y ait de vagues liens entre le financement et les services fournis, mais par souci d'exhaustivité, je traiterai brièvement de ces décisions.

[23]     Dans l'affaire Westcan Malting, l'appelante avait obtenu des fonds publics qu'elle avait utilisés pour construire et exploiter une usine de traitement de malt. À l'instruction, l'appelante avait soutenu qu'aucune TPS n'était percevable sur la valeur de l'usine, étant donné que les subventions gouvernementales ne constituaient pas une contrepartie, et, par conséquent, qu'aucune fourniture taxable n'avait été effectuée. En réponse, le ministre s'était appuyé sur la définition de la « contrepartie » figurant au paragraphe 123(1), qui prévoit qu' « [e]st assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture » . L'appelante s'était appuyée sur le Bulletin et avait soutenu que le lien existant entre la subvention et ce qui était fait n'était pas suffisant pour qu'il soit possible de conclure que le financement public constituait une contrepartie. Le juge Teskey a adopté le critère du « but » énoncé dans le Bulletin, mais il a conclu à l'existence du lien nécessaire. Le juge a statué que les sommes versées au titre de la subvention avaient été payées conformément à une entente écrite, dont le but principal se rapportait à la construction d'une infrastructure municipale. Le juge a conclu que l'argent avait été payé à l'égard de la fourniture d'une infrastructure et il a conclu que le paiement constituait une contrepartie. Il a expressément mentionné, en les adoptant apparemment, les considérations mentionnées dans le Bulletin, mais le lien dont il a exigé l'existence est sans doute plutôt ténu.

[24]     Dans l'affaire Meadow Lake, la municipalité de Meadow Lake possédait une parcelle de terre sur laquelle il y avait une piscine. Le juge suppléant Rowe a examiné la décision Westcan Malting et l'analyse du Bulletin technique effectuée par le juge Teskey. Après avoir examiné la preuve, le juge Rowe a statué ce qui suit :

[20]       [...], la preuve a établi que l'appelante a fait exactement ce qu'elle était censée faire conformément au plan conçu par elle et la Ville au début du processus de planification en vue de la construction d'une piscine. [...]

[21]       [...] Celle-ci [la Ville] était propriétaire de l'établissement et elle avait l'obligation de faire en sorte que les résidents de Meadow Lake aient le droit d'utiliser la piscine. À cette fin, elle pouvait exploiter la piscine dans le cadre des opérations municipales ordinaires ou conclure avec une autre personne ou entité une entente relative à la gestion de l'établissement, en contrepartie du paiement de certains montants d'argent à des conditions précises. Elle a choisi de payer le comité pour gérer la piscine au jour le jour et elle a obtenu le service qui était l'objet du paiement. Pour les motifs qui précèdent, le ministre a à juste titre établi une cotisation à l'égard de l'appelante en tenant compte du fait que les paiements reçus de la Ville constituaient la contrepartie d'une fourniture qui était taxable conformément aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise[9].

Encore une fois, l'argument voulant que le paiement avait été effectué au profit du public ne convainquait pas la Cour, qui a statué que la présence d'un lien entre le paiement et la fourniture était suffisante pour qu'il soit possible de conclure que le paiement effectué par le gouvernement constituait une contrepartie.

[25]     Dans la décision Des Chênes, la présente cour a refusé d'accorder des CTI à la commission scolaire Des Chênes pour le motif que les fonds publics que la commission avait reçus (une subvention de transport) ne constituaient pas une contrepartie. Après avoir examiné le Bulletin, la juge Lamarre Proulx a rejeté l'appel en disant qu'il n'existait aucun lien entre la fourniture et la subvention. En appel, le juge Noël a repris, au paragraphe 10 de ses motifs, le « fond » des motifs énoncés par la juge Lamarre Proulx au paragraphe 32 de ses motifs :

[...] La preuve n'a pas révélé que la subvention fournie par le ministère de l'Éducation était liée au prix du service du transport. Au contraire, la preuve a révélé que le Ministère n'avait aucune obligation quant au coût réel du service du transport des élèves, que les commissions scolaires conservaient une grande latitude quant à l'usage des fonds attribués pour ce transport et qu'il n'y avait aucun lien entre le paiement de la subvention et le coût réel du service. La subvention est de la nature d'une assistance financière mise à la disposition de la commission scolaire pour lui permettre d'accomplir la prestation d'une de ses tâches, soit le service de transport des élèves. Elle n'est pas de la nature d'un paiement pour le prix d'un service. Aucune contrepartie n'est donc payée pour ce service. L'acquéreur de la fourniture du service est donc l'étudiant du primaire ou du secondaire au profit duquel le service est rendu tel que décrit à l'article 5 de la Partie III de l'Annexe V de la Loi.

[26]     Selon cette approche, pour qu'il soit possible de conclure qu'une contrepartie a été payée pour le service, il doit exister un lien direct clairement prescrit entre le paiement et le service. Il s'agit d'une approche raisonnable, qui concorde avec les principes de common law, et d'une approche que je serais porté à adopter, mais la Cour d'appel fédérale a infirmé la décision en disant ce qui suit :

[30]       La première juge semble avoir accordé une importance démesurée au fait que la subvention constitue une forme d'aide financière payée dans l'intérêt public. Même si les subventions versées dans l'intérêt public ne sont généralement pas liées à une obligation correspondante, ceci n'est pas toujours le cas. Quel que soit l'intérêt visé, un paiement sera considéré comme contrepartie dans la mesure où il est directement lié à la fourniture d'un bien ou d'un service par la personne qui a reçu le paiement [...]

[31]       La première juge semble aussi avoir retenu le fait que la subvention ne coïncidait pas avec le coût réel du service offert par l'appelante. Cette dichotomie n'est pas surprenante puisque la subvention était calculée avant que soient encourus les frais qu'elle cherchait à défrayer. Mais de toute façon, une contrepartie n'a pas à être égale au coût du bien ou du service qu'elle procure et l'est d'ailleurs rarement. Il est plus important de constater que la subvention était calculée selon l'expérience des années passées afin que l'appelante puisse rencontrer ses obligations courantes en matière de transport scolaire.

Les conclusions tirées en première instance ont été rejetées après qu'il eut été conclu que le lien existant entre la subvention et la fourniture était sans équivoque. Après avoir tenu compte du fait que la subvention de transport pouvait être annulée si les conditions y afférentes n'étaient pas remplies, le juge Noël a conclu ce qui suit :

[28]       Ainsi l'on constate que le but de la subvention est sans équivoque et que le lien avec la fourniture envisagée l'est tout aussi; le service doit être fourni sous peine de son annulation. Considérant que nous nous situons à l'extérieur du domaine contractuel, il est difficile de concevoir un lien plus direct entre le paiement et la fourniture du service de transport scolaire.

[27]     Je mentionnerai également la décision Regina (Ville) c. Canada, [2001] A.C.I. no 315. Cette décision a été rendue avant que la Cour d'appel fédérale se prononce dans l'affaire Des Chênes, mais un principe conforme à cet arrêt y a été appliqué. En effet, le juge Rip a fait remarquer que la notion de lien entre la subvention et la fourniture « est simplement un moyen de déterminer si un paiement de transfert a été effectué pour financer une fourniture donnée - en d'autres termes, si une fourniture a été effectuée à titre onéreux » [10]. Le juge a ensuite conclu ce qui suit :

[41]       [...] Il se peut bien que, pour déterminer le montant des subventions inconditionnelles qu'il versait à la ville, le gouvernement de la Saskatchewan ait inclus des sommes destinées à la construction de routes de jonction ou à la construction d'ajouts à ces routes. Cependant, compte tenu de la preuve en l'espèce, je ne peux conclure qu'une partie ou la totalité de quelque subvention inconditionnelle que ce soit ait été liée à l'un des projets en l'espèce que la province a convenu de subventionner. Par conséquent, aucune contrepartie n'a été versée à la ville par le gouvernement de la Saskatchewan.

[Non souligné dans l'original.]

Le fait que le montant de la subvention n'était pas lié à un projet particulier était un facteur déterminant. En l'espèce, presque tout le montant de la subvention est lié à un projet particulier et ce montant est destiné à permettre de payer ou à subventionner les frais engagés par le tiers aux termes du contrat pour la réalisation de ce projet. Or, dans l'arrêt Des Chênes, la Cour d'appel fédérale a jugé un tel lien suffisant.

[28]     Toutefois, il ne faut pas considérer que, dans l'arrêt Des Chênes, la Cour d'appel fédérale a miné l'importance de trancher la question de savoir si l'intention visée, dans un contrat aux termes duquel le gouvernement a effectué un paiement, se rapporte à un but public général, à condition qu'il soit satisfait aux exigences concernant l'obligation de rendre compte et le rendement qui sont imposées en vue d'assurer la réalisation de ce but public. En l'espèce, il existe clairement un but public, mais il ne s'agit pas d'un but visé uniquement par un organisme du secteur public et financé par le gouvernement. Il s'agit d'un projet associé à un service public entrepris par la province, qui a sous-traité à un organisme de services publics la gestion du projet, la province s'étant engagée à fournir des fonds en vue du paiement de ces services de gestion. Il existe une entente écrite qui impose clairement à celui qui reçoit les fonds publics des obligations telles que celles qui sont imposées à l'alinéa 3(3)b) et au paragraphe 8(1) de l'entente concernant les pistes désignées. L'exécution de ces obligations constitue l'essence de ce que Snoman et ses clubs membres ont apporté à titre de contribution à cet effort conjoint, décrit au paragraphe 2(1) de l'entente concernant les pistes désignées. De son côté, la province fournit les terres et des fonds importants. Chaque partie fournit sa contribution en se fondant sur la contribution de l'autre; telle est l'essence d'une contrepartie mutuelle dans un projet conjoint tel que celui-ci.

[29]     En fin de compte, l'intention, selon l'arrangement, est la suivante : la province a cherché à impartir l'entreprise moyennant contrepartie en affectant des frais perçus en vue de financer ou d'aider à financer cette entreprise. Dans le contexte de la présente espèce, une telle contribution constitue la contrepartie des services rendus. Il n'est pas nécessaire d'indiquer le montant exact de la contrepartie payée pour un élément particulier de la fourniture et il n'est pas fatal qu'un but public soit associé au paiement ou que le celui-ci soit effectué dans l'intérêt public. Par l'entremise de Snoman, l'appelante a reçu des sommes de la province, mais la réception de ces sommes était assortie d'obligations allant au-delà de l'obligation de rendre compte et de celle de veiller à ce que les fonds publics soient dépensés d'une façon appropriée. Les obligations en cause sont de la nature de la prestation de services impartis que l'auteur de la subvention était tenu de fournir dans le cadre de son propre mandat. Le financement pourrait être considéré comme une aide financière publique de la nature d'une subvention, mais le régime contractuel permet de conclure que les sommes reçues constituent une contrepartie versée pour des choses faites conformément aux exigences du contrat. Par conséquent, l'appelante n'a pas effectué une fourniture exonérée. Son entreprise constituait une activité commerciale à l'égard de laquelle elle a droit aux CTI demandés.

[30]     Avant de conclure, j'aimerais faire certaines remarques au sujet d'une autre question, à savoir si les activités de l'appelante, considérées dans leur ensemble, donneraient à l'analyse une orientation différente. La question se pose parce que l'appelante a d'autres sources de revenu.

[31]     L'examen de l'état des résultats de l'appelante pour l'an 2000 offre un contexte utile lorsqu'il s'agit d'examiner ses activités dans leur ensemble. Les recettes étaient d'environ 48 000 $[11]; elles s'élevaient aux montants approximatifs suivants :

           - dons reçus par l'entremise de la ville de Thompson                       8 800 $

           - ventes (t-shirts, fournitures pour les pistes,

           comptoir de vente d'aliment)                                                          1 600 $

           - sommes reçues des membres                                                            500 $

           - SnoFund (exploitation et financement de projets spéciaux)            15 900 $

           - collecte de fonds                                                                         17 700 $

           - services de sécurité                                                                        2 500 $

           - recettes diverses                                                                            1 000 $

Le montant des dépenses était d'environ 18 500 $ en tout; ces dépenses s'élevaient aux montants approximatifs suivants :

           - coût des marchandises vendues                                                     1 000 $

           - frais de damage (intérêts sur le prêt afférent au Snowcat,
           entretien, carburant et assurance)                                                    7 000 $

           - collecte de fonds                                                                           9 000 $

           - frais administratifs (bureau, chalet, honoraires, assurance,
           frais bancaires)                                                                            10 500 $

[32]      Cet aperçu des activités de l'appelante montre le problème qui se pose lorsqu'il s'agit de déterminer s'il est nécessaire d'isoler ce qui pourrait être une fourniture exonérée dans une entreprise qui pourrait avoir des fournitures exonérées et des fournitures non exonérées et, au besoin, d'isoler une telle fourniture. S'il y avait une fourniture exonérée dans ce cas-ci, il faudrait décider de la mesure dans laquelle le Snowcat a été utilisé dans le cadre de l'activité de fourniture non exonérée (commerciale), par exemple en faveur des membres, par opposition à une fourniture exonérée au profit du gouvernement[12]. Paradoxalement, plus cette détermination milite en faveur d'une conclusion selon laquelle la fourniture du Snowcat se rapporte à une « fourniture exonérée » , plus il est probable que la fourniture soit liée au paiement effectué pour son utilisation par le gouvernement, ce qui peut, si ce lien est un facteur pertinent pour trancher la question de savoir si la fourniture est une fourniture exonérée, contredire la conclusion selon laquelle la fourniture du Snowcat est une « fourniture exonérée » . Cela semble susciter des questions lorsqu'il s'agit de savoir si les liens existant entre le financement et les services doivent se voir accorder du poids en tant que contrepartie. Quoi qu'il en soit, j'ai néanmoins conclu que les fournitures que l'appelante avait effectuées au profit de la province l'avaient été moyennant contrepartie. Cela suffit pour régler l'appel en faveur de l'appelante. La prise en considération des activités de l'appelante dans leur ensemble ne change rien à cette conclusion.

[33]     Par conséquent, l'appel est accueilli avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2005.

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d'avril 2006.

Christian Laroche, LL.B.


RÉFÉRENCE :

2005CCI269

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1576(GST)I

INTITULÉ :

Thompson Trailbreakers Snowmobile

c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Thompson (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 8 avril 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge J.E. Hershfield

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 juin 2005

COMPARUTIONS :

Représentante de l'appelante :

Mme Colleen Smook

Avocat de l'intimée :

Me Michael Van Dam

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

S/O

Cabinet :

S/O

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]La remise prévue à l'article 259 s'applique uniquement si la TPS payée lors de l'achat du Snowcat était une « taxe exigée non admise au crédit » , telle qu'elle est définie dans cette disposition. D'une façon générale, la TPS payée à l'égard du Snowcat est une « taxe exigée non admise au crédit » si, comme l'affirme le ministre, elle ne donne pas droit à des CTI. Si elle donne droit à des CTI, la remise ne s'applique pas.

[2] Pages 1-3 et 1-4 du Snowmobile Network Opportunities Fund (manuel du SnoFund, août 2001).

[3] Cela a continué à être le cas même après que Snoman et les clubs membres tels que l'appelante eurent obtenu leurs propres numéros d'inscription aux fins de la TPS.

[4] Le comité responsable du SnoFund appliquait un critère précis aux fins de la distribution des fonds aux clubs membres, mais je retiens la déposition du témoin de l'appelante, à savoir qu'en pratique, pendant la période pertinente du moins, la plupart des clubs se voyaient habituellement remettre environ 80 p. 100 des sommes tirées de la vente des laissez-passer qui leur étaient attribuées. C'était peut-être parce que les facteurs utilisés pour déterminer la mesure dans laquelle des fonds étaient nécessaires étaient fondés sur des indicateurs d'utilisation des pistes, comme la durée de la saison et le nombre de pistes. Le nombre de ventes de laissez-passer était un tel facteur, mais il indiquait également probablement d'autres éléments. Ainsi, un nombre plus élevé de ventes de laissez-passer indiquait une plus grande utilisation, une saison plus longue et un nombre plus élevé de pistes. Il n'est donc pas surprenant qu'il existe une forte corrélation entre les sommes tirées de la vente des laissez-passer et les montants distribués aux clubs membres.

[5] Westcan Malting Ltd. c. Canada, [1998] A.C.I. no 252; Meadow Lake Swimming Pool Committee Inc. c. Canada, [1999] A.C.I. no 723; Des Chênes (Commission scolaire) c. R., [2000] G.S.T.C. 36 (C.C.I.), [2002] 1 G.S.T.C. 11 (C.A.F.).

[6] Au paragraphe 20.

[7] Dans le Bulletin, on fait remarquer que « les paiements effectués en vue d'une impartition » (c.-à-d. dans les cas où le donateur paie le bénéficiaire pour faire quelque chose qu'il serait autrement tenu de faire) indiquent assez clairement qu'il y a un but d'achat et qu'il s'agit par conséquent de la contrepartie d'une fourniture. D'autre part, on pourrait soutenir que la remise est destinée aux organismes à but non lucratif qui ont eux-mêmes été intégrés à la chaîne des services impartis en vue d'aider le gouvernement dans la prestation d'un service public.

[8] En l'espèce, Snoman n'a pas procédé à une affectation spéciale de fonds aux fins de l'achat du Snowcat et les fonds donnés à l'appelante n'étaient pas affectés à une fin précise et n'étaient pas adéquats pour financer l'achat en question, mais cela ne porte pas un coup fatal si le régime contractuel concerne le transfert de fonds visant à reconnaître l'existence d'une obligation d'aider à payer le matériel en cause en échange des services de damage de pistes.

[9] Meadow Lake,précité, paragraphe 20.

[10] Paragraphe 31.

[11] Sur ce total, un montant de 24 700 $, provenant de la ville de Thompson et du SnoFund, ou environ 50 p. 100 des recettes globales, était considéré par le ministre comme un financement public aux fins de l'octroi de la remise relative à la TPS.

[12] Les membres ne financent les dépenses de l'appelante que pour un montant nominal et il y a peu de fournitures de l'appelante, à l'exclusion de ce qui est requis en vertu de l'entente concernant les pistes désignées, qui constituent des activités commerciales à l'égard desquelles la TPS est payée. L'intimée a soutenu que, sur cette base, si la fourniture à la province était une fourniture exonérée, l'utilisation du Snowcat devrait être entièrement attribuable à cette fourniture.

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