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Dossier : 2001-1569(IT)G

ENTRE :

PLOMBERIE J.C. LANGLOIS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 juin 2004 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Martin Pichette

Avocate de l'intimée :

Me Marie Bélanger

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995, 1996, 1997 et 1998 sont rejetés, avec frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre, 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


Référence : 2004CCI734

Date : 20041102

Dossier : 2001-1569(IT)G

ENTRE :

PLOMBERIE J.C. LANGLOIS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx

[1]      Il s'agit d'un appel concernant les années d'imposition 1995 à 1998.

[2]      La question en litige est de savoir si une même personne contrôlait l'appelante et une ou d'autres sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit au sens de l'alinéa 256(1)b) et du paragraphe 256(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[3]      Si la réponse à cette question est affirmative, cela aurait pour effet que l'appelante et ces autres sociétés seraient des sociétés associées au sens de l'article 256 de la Loi, ce qui amène des conséquences à l'égard de l'application de l'article 125 de la Loi concernant la déduction accordée aux petites entreprises. C'est cette déduction qui a été refusée à l'appelante.

[4]      Il a été admis que les actionnaires de l'appelante étaient Les Placements René Simoneau Inc. et monsieur Richard Hallas, chacun détenant 50 p. 100 des actions. Monsieur René Simoneau est actionnaire à 100 p. 100 de la société Les Placements René Simoneau Inc. L'annexe A de la Réponse à l'avis d'appel décrit l'organigramme des différentes sociétés du groupe Simoneau. Cette description n'est pas contestée.

[5]      Pour l'intimée, c'est monsieur René Simoneau qui est l'entité dominante qui a une influence directe ou indirecte dont l'exercice a entraîné le contrôle de fait de l'appelante au sens du paragraphe 256(5.1) de la Loi. La prétention du ministère est qu'il y a contrôle de fait, s'il n'y a pas de contrôle de jure. L'appelante conteste évidemment que monsieur Simoneau exerçait un contrôle de fait sur l'appelante. Elle prétend que les deux actionnaires détenaient une influence égale et que s'il y avait quelque déséquilibre, cela penchait plutôt du côté de monsieur Hallas.

[6]      Monsieur René Simoneau, lors de son témoignage a relaté l'historique de l'appelante, qui exerce dans le domaine de la plomberie industrielle, commerciale et institutionnelle.

[7]      Il a connu monsieur Jean-Claude Langlois en 1990, lors de la construction de la première usine de Bouilloire et Soudure Rive-Sud Inc., une société détenue à 100 p. 100 par Les Placements René Simoneau Inc. Plomberie Roger Langlois avait obtenu le contrat de plomberie pour la construction de l'usine. Monsieur Jean-Claude Langlois travaillait pour l'entreprise de son père, Roger Langlois. C'est monsieur Richard Hallas qui avait exécuté les travaux en tant que plombier.

[8]      Quelque temps après, monsieur Jean-Claude Langlois a demandé à monsieur Simoneau de commencer une entreprise de plomberie avec lui. Il y a eu entente : monsieur Simoneau s'occuperait de l'administration et monsieur Jean-Claude Langlois de la gestion opérationnelle.

[9]      La relation d'affaires n'a pas duré. Je résume brièvement la suite : monsieur Simoneau a racheté les actions de monsieur Langlois et les a transférées à monsieur Hallas, dont il voulait s'assurer les services. Le 30 novembre 1992, monsieur Hallas est devenu détenteur de 50 p. 100 des actions de l'appelante.

[10]     Un cahier de documents a été déposé comme pièce A-1. Il contient neuf onglets. À l'onglet 2, se trouve la Convention entre actionnaires, en date du 30 novembre 1992. Il y a trois parties à cette convention : les deux actionnaires et la société (l'appelante), représentée par son président, René Simoneau. Ce dernier a de plus signé pour la société à titre de secrétaire.

[11]     C'est un fait admis par l'appelante que le conseil d'administration de cette dernière n'a toujours été constitué que d'un administrateur unique soit monsieur René Simoneau qui a agi à titre de président et de secrétaire. Ce fait est d'ailleurs confirmé par les documents produits comme pièce I-1.

[12]     Monsieur Simoneau explique que monsieur Hallas s'occupe de la gestion opérationnelle de l'appelante c'est à dire de la totalité des affaires relatives à la plomberie. C'est lui qui fait les soumissions ou les estimations, embauche le personnel, s'occupe de l'achat et de l'entretien de l'équipement et des outils.

[13]     Les compétences particulières de monsieur Hallas en matière de plomberie permettent à l'appelante de détenir les licences nécessaires à l'entreprise.

[14]     Monsieur Simoneau s'occupe de l'administration du bureau, de la publicité, du paiement des salaires et des factures, de la signature des chèques, des affaires bancaires et de la marge de crédit. Les factures des fournisseurs sont préalablement approuvées par monsieur Hallas.

[15]     Le témoin affirme qu'il n'y a aucun lien de parenté avec monsieur Hallas et que durant les années en litige, monsieur Hallas n'était impliqué dans aucune autre des sociétés du groupe Simoneau. Monsieur Hallas est aujourd'hui actionnaire du groupe Simoneau à 18 p. 100.

[16]     Monsieur Simoneau conclut son témoignage en disant qu'il considère qu'il ne contrôle pas l'appelante parce qu'il ne s'y connaît pas en plomberie et que le rôle de monsieur Hallas est dans ce sens aussi, si ce n'est plus important, que le sien.

[17]     En contre-interrogatoire, l'avocate de l'intimée lui montre des cartes d'affaires de différents employés du groupe Simoneau. Le nom de quatre sociétés se trouve sur chacune de ces cartes soit Bouilloire et Soudure Rive-Sud Inc, Plomberie J.C. Langlois Inc, Les Constructions René Simoneau et Combustion Rive-Sud Ltée. Elle lui montre également les documents imprimés du site web, des discours, des articles de l'année 1997. Tous ces documents indiquent la force dominante de monsieur René Simoneau. L'appelante y est mentionnée comme étant une filiale au sein du groupe Simoneau. À tout cela, le témoin répond que c'est pour une question de meilleure apparence. Les cartes d'affaires et autres documents de publicité ont été produits comme pièce I-4.

[18]     Le bureau de l'appelante est situé au même endroit que celui de Bouilloire et Soudure Rive Sud Inc, une société appartenant à 100 p. 100 à Les Placements René Simoneau Inc. Un loyer est chargé à l'appelante. Le loyer de l'appelante aurait été déterminé selon son chiffre d'affaires. Les frais de secrétariat étaient partagés. La base du partage n'a pas été expliquée. Des employés de Bouilloire et Soudure Rive-Sud Inc. travaillaient souvent pour l'appelante.

[19]     À cet égard, l'avocate de l'intimée produit la pièce I-7 constituée de factures entre compagnies qui montrent des rapports considérables entre l'appelante et Bouilloire. Elle se réfère aussi comme exemple aux états financiers du 30 avril 1998, produits avec les autres états financiers comme pièce I-5, au paragraphe 13 des Notes complémentaires, il y est indiqué que la compagnie a effectué les opérations suivantes avec des compagnies apparentées en 1998: Ventes et revenus divers, 222 517 $ et Achats et services divers, 654 053 $. Selon monsieur Simoneau, la répartition des dépenses communes se faisait avec l'assentiment de monsieur Hallas.

[20]     Différents documents d'autorisation de marges de crédit par la banque pour l'appelante et d'autres sociétés du groupe Simoneau ont été produits comme pièce I-3. On y voit que les cautions sont données par monsieur René Simoneau et les autres sociétés du groupe Simoneau. Ainsi, en date du 9 février 1996, une marge de crédit de 345 017 $ est autorisée pour l'appelante. Des cautionnements sont donnés par Les Placements René Simoneau Inc., Bouilloire et Soudure Rive-Sud Inc., Les Constructions René Simoneau Inc. et René Simoneau lui-même. C'est monsieur Simoneau qui a signé pour toutes ces entités. Un document en date du 31 octobre 1996, montre qu'un financement est autorisé au montant total de 1 084 000 $ pour Les Constructions René Simoneau Inc. Ce crédit est garanti par Les Placements René Simoneau Inc., Bouilloire et Soudure Rive-Sud Inc., Plomberie J.C. Langlois Inc. (l'appelante) et René Simoneau personnellement. Il y a quelques autres documents de même nature.

[21]     On lit à l'état financier pour l'année se terminant le 30 avril 1997, au paragraphe 4 des Notes complémentaires, ayant comme titre : « Placements » : Avances à des compagnies privées sans intérêts ni modalités de remboursement : 84 106 $. Au paragraphe 12, ayant comme titre « Éventualité » , on lit : La compagnie garantit des emprunts d'autres compagnies privées. Au 30 avril 1997, ces emprunts se chiffrent à 1 969 707 $. Concernant ces garanties, s'il y avait obligation d'acquitter une réclamation dont il n'est pas possible de préciser le montant, la perte qui en résulterait serait imputée au résultat de l'exercice en cours.

[22]     Le prochain témoin a été monsieur Richard Hallas. Il est maintenant directeur des chantiers de construction et vice-président du groupe Simoneau. Son témoignage n'a pas été différent de celui de monsieur Simoneau. Il relate que l'entente entre lui et monsieur Simoneau était que lui s'occuperait de la plomberie et que monsieur Simoneau serait le bailleur de fonds et le gestionnaire. Il avait vu que ce dernier réussissait bien en affaires, alors il l'a laissé s'occuper de l'administration.

[23]     Il n'a jamais signé de cautionnement bancaire pour des prêts, des avances ou des marges de crédit. Justement, il s'était associé avec monsieur Simoneau parce que ce dernier serait le bailleur de fonds. Toutefois, deux conventions d'indemnisation et de sûretés ont été produites aux onglets 6 et 7 de la pièce A-1. La dernière convention produite à l'onglet 6 est en date du 21 décembre 1998. On y lit que : « Richard Hallas est garant à titre personnel uniquement en ce qui a trait aux cautionnements émis pour Plomberie J.C. Langlois Inc. » .

[24]     Il explique toutefois que lui et monsieur Simoneau se parlaient tous les jours des travaux, des chiffres et des profits. Selon lui, il n'y avait pas d'entente quelconque à l'effet que monsieur René Simoneau serait, dans les faits, l'unique dirigeant car il ne pouvait être l'unique dirigeant de ce qui leur appartenait à tous les deux.

[25]     À l'égard de l'absence de réunions formelles des actionnaires, il dit que ces réunions n'étaient pas nécessaires, puisque René et lui, se voyaient tous les jours. Toutefois, il admet qu'il ne savait pas ce qui se passait au niveau du conseil d'administration puisque monsieur Simoneau était l'administrateur unique.

[26]     L'avocate de l'intimée a déposé en liasse comme pièce I-6, les paiements faits par l'appelante à Plomberie R.H. Inc. une société dont toutes les actions appartenaient à Monsieur Hallas. Il n'y a pas eu d'explication à savoir sur quelle base les réclamations de Plomberie R.H. Inc. se faisaient. Tous ces paiements étaient approuvés par monsieur Simoneau.

[27]     Monsieur Alain Lafond a témoigné à la demande de l'intimée. Il est un architecte en pratique privée. Il possédait 50 p. 100 des actions de Les Constructions René Simoneau Inc. pour lesquelles il n'avait rien payé. Son actionnariat pendant trois ans permettait à l'entreprise d'exercer dans le domaine de la construction. Mais il n'a pas participé aux opérations de cette entreprise. Il n'y occupait pas même un bureau.

Plaidoiries

[28]     L'avocat de l'appelante rappelle qu'il faut déterminer si dans la relation des deux actionnaires il y a une entité dominante qui a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société appelante. Il fait valoir que les deux actionnaires ont déterminé le cadre de leur relation sur la base d'une égalité complète et que cette égalité doit être acceptée comme elle l'avait été dans la décision de cette Cour dans Multiview Inc. v. The Queen, 97 DTC 1489. Il rappelle la convention des actionnaires que l'on trouve à l'onglet 2 de la pièce A-1. Selon cette convention les actionnaires sont égaux. De plus, dans les faits, chacun apporte ses qualités et avantages qui lui sont propres. Monsieur Hallas est un homme de terrain et monsieur Simoneau a le sens de l'administration. Il s'agit d'une situation d'interdépendance où les actionnaires communiquent quotidiennement et s'informent mutuellement.

[29]     L'avocate de l'intimée se rapporte à la décision du juge Bowman de cette Cour dans Société foncière d'investissement Inc. c. Canada, [1995] A.C.I. no 1568 (Q.L.) et notamment aux paragraphes 8 et 10 :

8           Depuis ces décisions, d'autres mots ont été ajoutés dans le but évident d'élargir le concept de contrôle, en particulier les mots « directement ou indirectement, de quelque manière que se soit. » À ma connaissance, la question n'a pas été tranchée, mais j'aurais cru qu'on pourrait raisonnablement soutenir que ces mots renferment nécessairement l'idée du contrôle de fait d'une corporation, dans le cas d'une personne qui ne détient pas plus de 50 % des actions mais qui a une influence dominante, soit économique, soit contractuelle, soit morale, sur les affaires d'une corporation. Il est difficile de s'imaginer des mots ayant un sens plus large.

...

10         Je suis convaincu que les résolutions votées par les autres actionnaires ont eu pour effet de conférer à monsieur Allain un contrôle pratiquement absolu sur les affaires de S.F.I. Pendant les années où les résolutions étaient en vigueur, il avait l'autorité complète de diriger tous les aspects des activités commerciales et financières de la corporation. Je reconnais que les autres actionnaires avaient le pouvoir de lui enlever cette autorité, mais aussi longtemps qu'on lui permettait de l'exercer, il était dans une position de contrôle sans borne.

[30]     Elle dit qu'elle ne veut pas faire véritablement l'analyse de la Convention des actionnaires à savoir si ces derniers étaient dans une situation d'égalité. Mais, elle fait valoir qu'en conférant à un des actionnaires l'autorité de l'administrateur unique, l'autre actionnaire lui conférait toute son autorité. Elle rappelle que monsieur Hallas a admis qu'il ne savait pas ce que faisait monsieur Simoneau en tant qu'administrateur unique. La preuve a révélé que c'était ce dernier qui décidait de la répartition des dépenses communes aux diverses sociétés qu'il administrait. Ainsi, c'était lui qui déterminait le coût de location de l'immeuble dans lequel l'appelante exerçait son activité et la portion des frais de secrétariat. C'était lui qui engageait l'appelante dans les financements des autres entreprises du groupe Simoneau. Il avait, somme toute, les pleins pouvoirs pour gérer et engager l'appelante. La gestion opérationnelle de monsieur Hallas ne peut équivaloir à un contrôle d'une société.

[31]     En réplique, l'avocat de l'appelante fait valoir que dans l'affaire Société foncière d'investissement inc., précitée, les actionnaires avaient donné carte blanche à l'administrateur, ce qui n'était pas le cas dans la présente affaire. Il se réfère à l'article 11 g) de la Convention des actionnaires :

11.        Tout règlement ou résolution des administrateurs de la compagnie ayant pour objet ou pour effet, direct ou indirect, l'un des points suivants, devra être ratifié par une résolution des actionnaires adoptée à l'unanimité des voix pour être valide :

...

g)          toute décision autre qu'une décision administrative prise dans le cours ordinaire des affaires de la compagnie.

[32]     L'avocate de l'intimée fait alors remarquer les articles 5 et 6 de la Convention des actionnaires, qui selon elle sont bien différents de ce qui s'est passé dans la réalité des choses, pour montrer l'importance bien minime que l'on doive porter à cette convention :

CONTRIBUTION

5.          Toute mise de fonds qui pourra de temps à autre devenir nécessaire pour la bonne administration de la compagnie, telle que déterminée par le conseil d'administration comme étant nécessaire dans le meilleur intérêt de la compagnie, sera investie par les actionnaires au prorata de leur détention d'actions catégorie « A » , sans intérêt. Au cas où les circonstances exigeraient que l'un d'eux fasse une avance supérieure à la proportion à laquelle il est tenu, la partie excédente de l'avance portera intérêt au taux des certificats de dépôts émis pour une période d'un (1) an par l'institution financière avec laquelle la compagnie transigera à cette époque, ce taux étant révisable annuellement.

6.          D'autre part, dans l'éventualité où il serait nécessaire que des endossements et garanties personnelles soient requis des actionnaires afin de garantir des emprunts ou obligations de la compagnie, les actionnaires s'engagent à fournir tel endossement ou garantie, au prorata de leur détention d'actions catégorie « A » dans la compagnie.

Conclusion

[33]     L'alinéa 256(1)b) et le paragraphe 256(5.1) de la Loi se lisent comme suit :

256(1) Sociétés associées - Pour l'application de la présente loi, deux sociétés sont associées l'une à l'autre au cours d'une année d'imposition si, à un moment donné de l'année :

...

b)          la même personne ou le même groupe de personnes contrôle les deux sociétés, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit;

256(5.1) Contrôle de fait - Pour l'application de la présente loi, lorsque l'expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes - appelé « entité dominante » au présent paragraphe - à un moment donné si, à ce moment, l'entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l'exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d'un contrat de concession, d'une licence, d'un bail, d'un contrat de commercialisation, d'approvisionnement ou de gestion ou d'une convention semblable - la société et l'entité dominante n'ayant entre elles aucun lien de dépendance - dont l'objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l'entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle-ci n'est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l'entité dominante du seul fait qu'une telle convention existe.

[34]     La preuve a révélé qu'il y avait deux actionnaires détenant un nombre égal d'actions. Ni l'un ni l'autre des actionnaires ne détiendrait donc le contrôle de jure. Je cite la Cour suprême du Canada dans Duha Printers c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 795, à la page 838, où elle définit ce qu'il faut entendre par le contrôle de jure :

...

(2)         Le critère général du contrôle de jure a été énoncé dans l'arrêt Buckerfield's, précité ([1964] C.T.C. 504) : il s'agit de décider si l'actionnaire majoritaire exerce un « contrôle effectif » sur « les affaires et les destinées » de la société, contrôle qui ressort de la « propriété d'un nombre d'actions conférant la majorité des voix pour l'élection du conseil d'administration » .

[35]     En ce qui concerne le rôle de la notion de contrôle de facto à l'article 256 de la Loi, je cite la même décision à la page 824 :

... Il est donc tout à fait souhaitable d'utiliser un critère simple comme celui qui a été appliqué depuis Buckerfield's. Si la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto doit être éliminée à ce moment-ci, il devrait appartenir au Parlement, et non aux tribunaux, de le faire. En fait, bien que cela ne soit pas directement pertinent quant à l'issue du présent pourvoi, je ferais observer néanmoins que le Parlement a reconnu la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto, en retenant ce dernier comme étant la nouvelle norme des règles de la société associée, au moyen du par. 256(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu adopté en 1988.

[36]     Dans la présente affaire, un des actionnaires a-t-il exercé le contrôle de facto de l'appelante? Il me faut constater que durant les années en litige, il n'y a toujours eu qu'un administrateur unique. Qui pouvait exercer le contrôle sur l'appelante si ce n'est cet administrateur unique? Dans l'affaire Multiview, précitée, à laquelle l'avocat de l'appelante s'est référé, les deux actionnaires égaux étaient également les administrateurs égaux, ce qui n'est pas le cas ici.

[37]     Dans la présente affaire, les pouvoirs de l'administrateur unique sont très grands. Je ne veux pas répéter tout ce qui a été dit par l'avocate de l'intimée qui n'a en fait que repris les faits qui avaient été mis en preuve. Je suis d'accord avec sa description de la preuve. Il ne me reste à ajouter que monsieur Simoneau était le président et le secrétaire du conseil d'administration.

[38]     Il n'y a pas de doute qu'en tant que gestionnaire principal de l'appelante, monsieur Hallas jouait un rôle d'une grande importance auprès de l'appelante. Il ne s'agit pas cependant d'un rôle qui est afférent à la notion du contrôle d'une société. Il s'agit d'un rôle d'exécution et non de décision. Le rôle de décision revient à l'administrateur d'une société et c'est ce rôle qui est afférent à la notion de contrôle de fait d'une société.

[39]     Je trouve intéressante la définition de « contrôle » donnée dans le Vocabulaire juridique, 2e édition, Gérard Cornu, PUF 1990 à la page 207 :

•     3      Maîtrise exercée sur la gestion d'une entreprise ou d'un organisme; pouvoir assurant à son détenteur une influence dominante dans la direction ou l'orientation des destinées d'un groupe, d'une société, etc.

[40]     Je suis d'avis que monsieur Simoneau a exercé sur l'appelante une telle maîtrise. En tant qu'administrateur unique, il avait le pouvoir lui assurant une influence dominante dans la direction de l'appelante. L'autre actionnaire, en tant qu'actionnaire égal, avait le pouvoir de lui enlever cette autorité mais il ne l'a pas fait durant les années en litige. En conclusion, monsieur Simoneau a exercé, durant ces années, un contrôle de fait sur l'appelante au sens du paragraphe 256(5.1) de la Loi. C'était là, selon les parties, le seul point que j'avais à décider dans cette affaire.


[41]     En conséquence les appels sont rejetés avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de novembre, 2004.

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


RÉFÉRENCE :

2004CCI734

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-1569(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Plomberie J.C. Langlois Inc. et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 30 juin 2004

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 2 novembre 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :

Me Martin Pichette

Pour l'intimée :

Me Marie Bélanger

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Martin Pichette

Étude :

de Grandpré Chait, s.e.n.c.

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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