Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2004-104(IT)I

ENTRE :

PAUL GAGNON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 5 juin 2004 à Calgary (Alberta)

Par le juge Gerald J. Rip

COMPARUTIONS

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me John Paul Hargrove

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de l'avis de cotisation établi en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2001 est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2004.

G.J. Rip

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI530

Date : 20040729

Dossier : 2004-104(IT)I

ENTRE :

PAUL GAGNON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Rip

[1]      Paul Gagnon interjette appel à l'encontre d'une pénalité qui lui a été infligée en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Le ministre du Revenu national a imposé cette pénalité parce que M. Gagnon avait omis d'inclure dans son revenu pour l'année 2001 un dividende de 75 000 $ qui, une fois majoré conformément au paragraphe 82(1) de la Loi, s'élevait à 93 750 $.

[2]      La Couronne a infligé la pénalité pour plusieurs raisons, précisées par Mme Sharon Batshaw, vérificatrice à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « ADRC » ), qui a vérifié la déclaration de revenus de M. Gagnon et recommandé la pénalité en question. Le revenu de l'appelant en 2001, à l'exclusion du dividende, s'établissait à 209 000 $, et l'omission représentait une part importante, soit plus de 30 %, du revenu total à déclarer. L'appelant est un homme d'affaires d'expérience qui, dans le passé, a déclaré des dividendes versés par l'entreprise en cause, Joli Fou Petroleums Ltd. Le dividende était inscrit dans les livres comptables de l'entreprise. Les deux administrateurs de l'entreprise, M. Gagnon et sa femme, ont adopté le 16 janvier 2001 la résolution autorisant le versement du dividende le 31 janvier 2001, date de clôture de l'exercice de l'entreprise. M. Gagnon a signé la déclaration de revenus de l'entreprise et sa déclaration de revenus personnelle pour 2001.

[3]      Mme Batshaw a décrit M. Gagnon comme un contribuable informé, quelqu'un qui a déjà donné des conseils à des tiers sur la façon de déclarer des pertes d'entreprise aux fins fiscales. M. Gagnon aurait aussi procédé à plusieurs transferts de biens, choisissant de reporter les gains en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi. Il a également négocié avec l'ADRC le traitement fiscal de certaines questions relatives au pétrole et au gaz du point de vue fédéral, a-t-elle précisé. Bref, Mme Batshaw considérait que M. Gagnon était un homme d'affaires chevronné qui connaissait bien au moins certaines questions fiscales.

[4]      La thèse de M. Gagnon est claire et simple. Il ne nie pas les allégations de la Couronne : le dividende lui a été versé en 2001 et il ne l'a pas inscrit sur sa déclaration de revenus pour 2001.

[5]      Il a expliqué que le teneur de livres de l'entreprise avait démissionné le 8 mars 2001. Toutefois, avant de quitter son emploi, celui-ci avait mis une note dans un dossier indiquant qu'un feuillet T5 devait être produit à l'intention de M. Gagnon. Le teneur de livres n'a pas envoyé ce feuillet à M. Gagnon. La personne qui l'a remplacé n'a pas remarqué la note en question et aucun feuillet T5 pour 2001 n'a été délivré à l'intention de M. Gagnon par Joli Fou Petroleums Ltd. à l'égard du dividende de 75 000 $. Lorsqu'il a signé sa déclaration de revenus pour 2001 en avril 2002, M. Gagnon a [TRADUCTION] « malencontreusement oublié » le dividende reçu en passant sa déclaration en revue et a signé le certificat.

[6]      La déclaration de revenus de M. Gagnon pour l'année 2001 a été remplie par un comptable agréé. M. Gagnon a précisé que cette déclaration était accompagnée de 59 pièces jointes (dont 47 reçus pour des dons à des organismes de bienfaisance enregistrés). À cause du temps qui s'était écoulé entre le versement du dividende en janvier 2001 et la date où la déclaration de revenus a été remplie, c'est-à-dire en avril 2002, et compte tenu de la [TRADUCTION] « complexité » de la déclaration accompagnée de nombreuses pièces jointes, il y a eu, selon lui, une [TRADUCTION] « erreur compréhensible » , et aucune pénalité n'aurait dû lui être infligée. Dès que Mme Batshaw l'a informé de l'omission du dividende, et c'était d'ailleurs la première fois qu'il avait connaissance de l'erreur, il a offert toute sa coopération à l'ADRC et lui a fourni tous les documents demandés. Le paragraphe 163(2) dispose ce qui suit :

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...] rempli[e], produit[e] ou présenté[e] [...] pour une année d'imposition [...] ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale [...] à 50 % [...]

[7]      Sur la foi des éléments de preuve qui m'ont été présentés, je suis convaincu que M. Gagnon n'a pas « sciemment » omis d'inclure le montant « majoré » du dividende sur sa déclaration de revenus pour 2001. Par ailleurs, je suis convaincu que l'omission est attribuable à la négligence de M. Gagnon. Je dois maintenant décider si l'omission constituait une « faute lourde » .

[8]      M. Gagnon a déclaré qu'il était astreint à une norme plus élevée que l'ADRC elle-même. Il a produit deux avis de confirmation de la pénalité qui ont été délivrés à son intention par l'ADRC. Un d'entre eux remplaçait un avis antérieur. Le premier avis de confirmation indique qu'il est passible d'une pénalité de 4 516 $ et l'autre, d'une pénalité de 7 343,82 $. Le ministre, selon M. Gagnon, a manifestement fait une erreur et, si le ministre peut faire une erreur, un contribuable ne devrait pas être soumis à une norme qui ne tolère aucune erreur.

[9]      Le juge Strayer a défini la « faute lourde » comme suit :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi[1].

[10]     M. Gagnon explique son omission de déclarer le dividende en disant qu'il n'a pas reçu de feuillet T5 de l'entreprise et, de toute manière, qu'il s'était écoulé plus d'un an entre le versement de ce dividende en janvier 2001 et le moment où il devait déclarer son revenu de dividende lorsqu'il a produit sa déclaration de revenus pour 2001 en avril 2002.

[11]     Ce n'est pas quand il reçoit le feuillet T5 qu'un contribuable touche un revenu, c'est quand il reçoit le dividende. La société qui a versé le dividende peut, pour toutes sortes de raisons, omettre de produire un feuillet T5 à l'intention d'un actionnaire, mais il incombe à ce dernier de déclarer le montant (majoré) du dividende pour l'année d'imposition où il a reçu le dividende en question. De même, si un résident canadien touche durant l'année un dividende d'une entreprise qui réside dans un pays autre que le Canada, par exemple les États-Unis, le résident canadien doit inclure le montant de ce dividende (en dollars canadiens) dans son revenu de l'année sur sa déclaration de revenus au Canada. Le contribuable qui est un résident canadien n'aurait pas reçu de feuillet T5 de l'entreprise américaine, bien que celle-ci ait pu lui envoyer un formulaire fiscal des États-Unis analogue au feuillet T5 .

[12]     Selon les circonstances, on peut excuser l'omission d'un revenu de dividende sur la déclaration de revenus d'un contribuable lorsque le montant est peu élevé relativement au revenu total du contribuable ou lorsque celui-ci n'a reçu aucun feuillet T5. En l'espèce, toutefois, le montant du dividende touché - si nous laissons de côté pour le moment le dividende « majoré » - représentait environ 37 % du revenu déclaré de M. Gagnon et plus de 25 % du revenu qu'il aurait dû déclarer.

[13]     Je ne crois pas que l'omission de l'entreprise, dont l'appelant est le seul actionnaire, d'envoyer le feuillet T5 à l'appelant constitue un oubli malencontreux ou une raison « valable » justifiant l'omission du dividende majoré dans le revenu déclaré de M. Gagnon. Même compte tenu du temps qui s'était écoulé, l'importance du montant en cause aurait dû faire en sorte que M. Gagnon s'aperçoive de l'omission lorsqu'il a passé en revue et signé sa déclaration. L'omission d'une partie de son revenu par M. Gagnon dans sa déclaration n'est pas imputable à une erreur mathématique; elle découle du défaut de l'appelant de comptabiliser ou de se rappeler une partie importante du revenu qu'il avait touché dans l'année. L'omission de M. Gagnon de déclarer le dividende a été causée par une faute lourde de sa part.

         

[14]     L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2004.

G.J. Rip

Juge Rip

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de février 2005.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI530

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-104(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Paul Gagnon et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 5 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable Gerald J. Rip

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me John Paul Hargrove

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1] Vennev. The Queen, 84 DTC 6247, à la p. 6256, [1984] C.T.C. 223 (C.F. 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.