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Dossier : 2004-1050(IT)I

ENTRE :

TAMERA CALLON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 16 septembre 2004.

 

Devant : L’honorable T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me John Grant

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 20e jour d’octobre 2004.

 

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005

 

 

Jacques Deschênes, traducteur


 

 

Référence : 2004CCI683

Date: 20041020

Dossier : 2004-1050(IT)I

ENTRE :

TAMERA CALLON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

Le juge O’Connor

 

[1]     Les faits fondamentaux et la question en litige dans cet appel sont adéquatement énoncés aux paragraphes 5 à 13 de la réponse de l’intimée. Ces paragraphes sont rédigés comme suit :

 

[traduction]

5.         Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a initialement établi une cotisation à l’égard de la dette fiscale de l’appelante pour l’année d’imposition 2000, dont l’avis est daté du 22 juillet 2002.

 

6.         Le revenu total de l’appelante a initialement fait l’objet d’une cotisation d’un montant de 39 000 $ tel qu’il avait été déclaré par l’appelante au titre de la pension alimentaire pour conjoint qui avait été reçue.

 

7.         Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2000, dont l’avis est daté du 10 avril 2003.

 

8.         Dans le calcul du revenu pour l’année d’imposition 2000, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de la dette fiscale de l’appelante en vue d’inclure un revenu additionnel de 30 000 $ (le « montant ») dans l’année conformément à l’alinéa 56(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée (ci‑après la « Loi »), pour le motif que ce montant constituait une pension alimentaire pour conjoint reçue par l’appelante.

 

9.         L’appelante a également fait l’objet d’une nouvelle cotisation en vue d’inclure les intérêts et les pénalités pour production tardive applicables.

 

10.       L’appelante s’est opposée à la nouvelle cotisation au moyen d’une lettre datée du 22 avril 2003.

 

11.       La nouvelle cotisation datée du 10 avril 2003 a été ratifiée par le ministre au moyen d’un avis daté du 23 décembre 2003.

 

12.       En ratifiant ainsi la nouvelle cotisation, le ministre s’est fondé sur les hypothèses ci‑après énoncées :

 

a)         l’appelante vivait séparée de son mari, Thomas Callon, pendant toute l’année 2000;

 

b)         aux termes d’une ordonnance rendue le 12 août 1998 par le juge O’Connell, de la Cour de l’Ontario (Division générale), l’appelante devait recevoir une pension alimentaire pour conjoint s’élevant à 6 500 $ par mois à compter du 1er septembre 1998;

 

c)         conformément au procès‑verbal de transaction et à un jugement rendu le 20 juin 2000 par le juge Campbell, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la pension alimentaire pour conjoint a été réduite à un montant de 5 000 $ par mois à compter du 1er juillet 2000;

 

d)         les paiements qui ont été effectués aux termes du jugement du 20 juin 2000 devaient continuer à être faits jusqu’au décès du conjoint de l’appelante et devaient être indexés au taux de 2 p. 100 l’an à compter du 1er juillet 2001;

 

e)         aux termes de l’ordonnance en date du 12 août 1998 et du jugement en date du 20 juin 2000, l’appelante a reçu de son mari un montant de 69 000 $ au titre de la pension alimentaire pour conjoint pendant l’année d’imposition 2000;

 

f)          l’appelante a inclus la pension alimentaire pour conjoint d’un montant de 39 000 $ dans son revenu;

 

g)         l’appelante n’a pas inclus le montant (30 000 $) dans son revenu.

 

B.        QUESTIONS À TRANCHER

 

13.       Il s’agit de décider si le montant que l’appelante a reçu dans l’année d’imposition 2000 est à inclure dans le calcul du revenu.

 

Arguments de l’appelante

 

[2]     Selon l’appelante, étant donné que son mari et elle avaient convenu avant le jugement du 20 juin 2000 que le montant de 30 000 $ sur le total de 69 000 $ versé au titre de la pension alimentaire pour conjoint n’était pas à inclure dans le revenu de l’appelante, ce montant ne devrait pas être ainsi inclus et l’appelante a eu raison de ne déclarer qu’un montant de 39 000 $ au titre de la pension alimentaire pour conjoint. L’appelante affirme en outre qu’à cause des garanties fournies par sa fille et par son avocat ainsi que par [traduction] « la magistrature », elle était convaincue que le montant de 39 000 $ était libre d’impôt et qu’elle a donc accepté de signer le procès‑verbal de transaction du 20 juin 2000 qui a donné lieu au prononcé du jugement daté du même jour. Ledit jugement, qui est joint à l’avis d’appel, est rédigé comme suit :

 

[traduction]

No du dossier du greffe : 96-MC-2339

 

ONTARIO

COUR SUPÉRIEURE DE JUSTICE

 

L’HONORABLE CAMPBELL

LE MARDI 20 JUIN 2000

 

ENTRE

TAMERA CALLON,

demanderesse (conjointe)

 

et

 

THOMAS PETER CALLON,

défendeur (conjoint)

 

JUGEMENT

 

LA PRÉSENTE AFFAIRE a été entendue en ce jour en présence de l’avocat du défendeur, la demanderesse ayant comparu en personne.

 

Les actes de procédure ayant été lus, la preuve ayant été entendue et le procès‑verbal de transaction qui a été déposé ayant été lu :

 

1.         LA COUR ORDONNE à la demanderesse, en vertu de la Loi sur le droit de la famille, de verser au défendeur un paiement d’égalisation de 200 000 $. Cette somme sera payée en deux versements :

 

a)         un montant de 100 000 $ sera payé au plus tard le 31 août 2000;

 

b)         un montant de 100 000 $ ainsi que des intérêts au taux de 6 p. 100 à être capitalisés seront payés au plus tard le 31 mars 2001. Le défendeur aura le droit d’enregistrer, en vue de garantir le paiement de la somme prévue à l’alinéa 1(b), une seconde hypothèque sur la propriété située au 37, Pitcairn Crescent, à Toronto (« le foyer conjugal »), à condition que la première hypothèque sur le foyer conjugal ne soit pas supérieure à 175 000 $, somme sur laquelle un montant de 100 000 $ sera utilisé aux fins du paiement prévu à l’alinéa 1a). La seconde hypothèque doit être enregistrée uniquement après que la demanderesse aura enregistré une nouvelle première hypothèque de 175 000 $.

 

2.         LA COUR ORDONNE aux deux parties de signer tous les documents nécessaires afin de procéder à l’enregistrement de l’hypothèque, et ce, immédiatement.

 

2. [sic] LA COUR ORDONNE, en vertu de la Loi sur le droit de la famille, que la pension alimentaire provisoire pour conjoint cesse d’être payée le 30 juin 2000. Le 1er juillet 2000, le défendeur versera à la demanderesse une pension alimentaire pour conjoint d’un montant de 5 000 $ par mois, et ce, jusqu’à son décès. La pension alimentaire pour conjoint sera indexée chaque année au taux de 2 p. 100 l’an, à compter du 1er juillet 2001.

 

3.         LA COUR STATUE que chaque partie, en vertu de la Loi sur le droit de la famille, conservera tous les biens qui sont en sa possession ou sous son contrôle, y compris le droit de la demanderesse de conserver le foyer conjugal et son contenu à l’exception des articles énumérés à l’annexe A du présent jugement, que la demanderesse permettra au défendeur de récupérer immédiatement.

 

4.         LA COUR ORDONNE au défendeur, en vertu de la Loi sur le droit de la famille, de faire annuler immédiatement toute désignation de foyer conjugal qu’il a enregistrée sur la propriété.

 

5.         LA COUR DÉCLARE que les prestations liées à la pension de juge sont dévolues à la demanderesse.

 

6.         LA COUR STATUE qu’elle n’accordera pas de jugement de divorce à moins d’être convaincue que la demanderesse continuera à recevoir les prestations de survivant liées à la pension de juge une fois que le jugement de divorce aura été accordé.

 

7.         LA COUR ORDONNE à chaque partie de supporter ses propres frais dans la présente action.

 

8.         LA COUR STATUE que le présent jugement lie les successions des parties.

 

9.         LA COUR STATUE qu’à moins que l’ordonnance relative à la pension alimentaire ne soit retirée des bureaux du directeur du Bureau des obligations familiales, l’ordonnance sera exécutée par le directeur et les montants qui sont dus en vertu de l’ordonnance relative à la pension alimentaire seront versés au directeur, qui les versera à la personne à qui ils sont dus.

 

10.       LE PRÉSENT JUGEMENT PORTE INTÉRÊT au taux de 5 p. 100 l’an à compter du 20 juin 2000.

 

 

 

 

Créancier :

 

Tamera Callon

37, Pitcairn Crescent

North York (Ontario)

M4A 1P5

 

Débiteur :

 

Thomas Callon

955, Avenue Road Lower

Toronto (Ontario)

M5P 2K9

 

Arguments de l’avocat de l’intimée

 

[3]     Selon l’avocat de l’intimée, malgré toute entente conclue entre l’appelante et son mari ou malgré toute garantie susmentionnée qui a été fournie quant au fait que le montant de 30 000 $ n’est pas à inclure dans le revenu de l’appelante, c’est la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’applique, cette loi prévoyant que tous les paiements effectués au titre d’une pension alimentaire de la nature ici en cause sont à inclure dans le revenu, malgré toute entente ou toute garantie.

 

[4]     L’avocat de l’intimée m’a référé aux décisions suivantes, qui sont toutes fondamentalement à cet effet, à savoir : R. v. Sigglekow, [1985] 2 C.T.C. 251 (C.F. 1re inst.), Arshinoff v. Canada, [1994] 1 C.T.C. 2850 (C.C.I.), Bates v. R., [1998] 4 C.T.C. 2743 (C.C.I.), Beaulieu c. Canada, [2001] A.C.I. no 718 (C.C.I.). L’avocat a également mentionné les articles 3 et 56.1 ainsi que l’alinéa 56(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée.

 

[5]     Les décisions susmentionnées sont fondamentalement similaires quant à leur résultat, qui est essentiellement que, malgré les dispositions de l’ordonnance ou du jugement quant au fait que les montants en question ne sont pas assujettis à l’impôt entre les mains du bénéficiaire, l’ordonnance ou le jugement ne peut pas l’emporter sur les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui indique expressément que les paiements effectués au titre de la pension alimentaire ou de l’entretien sont assujettis à l’impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire.

 

[6]     Les extraits suivants tirés de la décision Bates, qui a été rendue en 1998 par le juge Mogan, de la Cour de l’impôt, constituent peut-être le meilleur résumé des considérations en cause. La décision Bates portait sur des paiements effectués au titre d’une pension alimentaire pour enfants, mais les mêmes conclusions s’appliquent aux paiements versés à un conjoint au titre de la pension alimentaire. De plus, dans la décision Bates, même s’il existait un doute au sujet de la question de savoir si l’ordonnance rendue par le maître des rôles principal Sedgwich indiquait clairement que les paiements devraient être libres d’impôt, le juge Mogan a procédé à l’analyse suivante en se fondant sur le fait qu’il fallait considérer que l’ordonnance indiquait qu’ils étaient de fait libres d’impôt :

 

7          Selon les actes de procédure déposés en l’espèce, le ministre du Revenu national (le « MRN ») s’appuie sur les alinéas 56(1)b) et 56(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’alinéa 56(1)b) dit :

 

56(1)    Sans restreindre la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition,

 

[...]

 

b)     toute somme reçue dans l’année par le contribuable, en vertu d’un arrêt, d’une ordonnance ou d’un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d’un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le bénéficiaire vivait séparé en vertu d’un divorce, d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation du conjoint ou de l’ex‑conjoint tenu de faire le paiement, à la date où le paiement a été reçu et durant le reste de l’année.

 

Au paragraphe 13 de l’ECF [exposé conjoint des faits], l’épouse reconnaît ce qui suit :

 

            [traduction]

a)         les paiements de pension alimentaire pour les enfants ont été reçus en vertu d’une ordonnance provisoire d’un tribunal compétent pour ordonner de tels paiements;

 

b)         les paiements de pension alimentaire pour les enfants ont été reçus à titre d’allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants issus du mariage;

 

c)         tout au long de l’année d’imposition 1993, l’épouse vivait séparée de l’époux tenu de faire les paiements, à la date où les paiements ont été faits;

 

d)         tout au long de l’année d’imposition 1993, l’épouse était, en vertu d’un divorce, d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation, séparée de l’époux tenu de faire les paiements, à la date où les paiements ont été faits.

[...]

 

13        Le MRN peut-il être lié par l’ordonnance du protonotaire principal? À mon avis, il ne le peut pas. Dans l’affaire Sigglekow v. The Queen, 85 DTC 5471, un jugement conditionnel exigeait d’un époux qu’il paie à son épouse la somme de 20 $ toutes les semaines, « non imposable ». L’épouse n’avait pas inclus ces paiements de 20 $ dans le calcul de son revenu. Se prononçant contre la contribuable (l’épouse) dans l’appel en matière d’impôt sur le revenu, le juge en chef adjoint Jerome a dit à la page 5473 :

 

            Tant le jugement de première instance que l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Sills ont décidé que l’assujettissement à l’impôt ne découle pas d’un accord de séparation ou d’une ordonnance de la Cour. L’article 56 prévoit que toute somme reçue doit être incluse dans le revenu.

 

[...]

 

En l’espèce, la question est encore plus claire parce que M. Sigglekow a effectué les paiements précisément en exécution d’une ordonnance de la Cour, exception faite, bien entendu, des sommes pouvant se rapporter à l’expression « non imposable », ayant naturellement choisi de ne pas en tenir compte. Compte tenu du raisonnement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sills, il ne fait pas de doute que ces sommes réellement reçues par la défenderesse sont précisément visées par l’article 56, et celle-ci aurait dû les inclure dans son revenu pour les années d’imposition 1975, 1976 et 1977. La nouvelle cotisation du Ministre reposait sur ce fondement et était, à mon avis, entièrement justifiée.

 

À mon avis, le juge en chef adjoint Jerome a correctement résumé l’état du droit en disant que l’assujettissement à l’impôt ne découle pas d’un accord de séparation ou d’une ordonnance d’un tribunal. L’assujettissement à l’impôt est établi par les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, et plus particulièrement par l’article 56.

 

14        D’autres jugements appuient le point de vue selon lequel le MRN ne peut être lié par l’ordonnance du protonotaire principal. Dans l’affaire Arshinoff v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 2850, une épouse a interjeté appel, soutenant que certains paiements reçus de son époux, dont elle était séparée, ne devaient pas être inclus dans le calcul de son revenu. Dans l’affaire Arshinoff, le protonotaire de la Cour suprême de l’Ontario avait rendu une ordonnance disant :

 

LA COUR ORDONNE au requérant de verser à l’intimée, en attendant une autre audition de la présente requête à la suite des contre-interrogatoires des parties, une pension alimentaire provisoire de 5 000 $ par mois à l’exclusion de l’impôt, à compter du 1er septembre 1989.

 

Se fondant sur cette disposition, l’épouse soutenait que toute somme reçue de son époux devait être libre d’impôt. L’affaire Arshinoff a été entendue par mon collègue le juge Brulé, qui a passé les faits en revue et a dit ce qui suit après s’être référé aux dispositions de certaines ordonnances de juges et d’autres officiers des tribunaux de l’Ontario :

 

[...] S’ils voulaient que l’appelante reçoive la somme de 5 000 $ nette d’impôt, l’ordonnance alimentaire aurait dû alors majorer la somme de manière à ce que l’appelante reçoive de fait la somme de 5 000 $ nette par mois. Le fait que l’ordonnance fixait une certaine somme « à l’exclusion de l’impôt » ne peut pas lier le ministre, qui a le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante relativement à toute somme reçue à titre de pension alimentaire en vertu d’une ordonnance rendue par un tribunal compétent. Une fois que les conditions énumérées à l’alinéa 56(1)c) ont été respectées, l’appelante doit inclure les sommes en question dans le calcul de son revenu.

 

15        Une autre affaire semblable est l’affaire Halligan v. The Queen, [1996] 2 C.T.C. 2555, dans laquelle mon collègue le juge Sarchuk avait à se pencher sur la question de savoir si certains paiements reçus en vertu d’un jugement de divorce rendu par un tribunal de l’État de Géorgie (États‑Unis) devaient être inclus dans le calcul du revenu de la bénéficiaire, qui était venue s’installer au Canada. Se prononçant contre la contribuable, le juge Sarchuk a dit à la page 2560 :

 

            Dans le cadre de son argumentation, l’appelante a également contesté que le jugement avait été rendu par un tribunal compétent au sens de l’alinéa 56(1)b) de la Loi. [...] L’appelante dit maintenant qu’elle ne parlait pas de la compétence du tribunal de la Géorgie d’accorder le divorce, mais plutôt de la compétence dudit tribunal de tenir compte des effets des dispositions de la Loi concernant la pension alimentaire pour enfants. Elle a sans doute raison lorsqu’elle affirme qu’il ne s’agissait pas d’une question sur laquelle le tribunal de la Géorgie se serait penché étant donné que la question n’avait rien à voir avec l’affaire dont il était saisi. Cependant, cela n’aide pas beaucoup l’appelante puisque la question de savoir de quels faits le tribunal de la Géorgie pouvait tenir compte, ou avait le droit de tenir compte, en prononçant le jugement n’a rien à voir avec la décision que je dois rendre, à savoir si le ministre a eu raison d’inclure dans le revenu les montants que l’appelante avait reçus à titre de pension alimentaire en 1990 et en 1991.

 

16        La cour supérieure d’une province a compétence pour ordonner que des paiements de pension alimentaire pour un conjoint ou des enfants soient faits à la rupture d’un mariage. Cette compétence n’inclut pas le pouvoir de déterminer le caractère imposable ou non de ces paiements aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Une fois que la cour supérieure d’une province a ordonné que des paiements de pension alimentaire s’effectuent à la rupture d’un mariage, le caractère imposable ou non de ces paiements sera déterminé en fonction des conditions énoncées aux alinéas 56(1)b) et 56(1)c) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Si j’avais le moindre doute quant à l’existence de compétences distinctes pour ordonner le paiement d’une pension alimentaire et pour déterminer le caractère des paiements de cette pension du point de vue fiscal, je me fonderais sur les propos suivants tenus par les juges Cory et Iacobucci dans l’arrêt Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, à la page 703 :

 

            En l’espèce, c’est une ordonnance alimentaire rendue conformément à la Loi sur le divorce, S.R.C. 1970, ch. D‑8, qui a déclenché l’application des al. 56(1)b) et 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, les dispositions fiscales s’appliquent en étroite relation avec le droit de la famille. Le montant du revenu imposable en vertu des al. 56(1)b) et 60b) est déterminé par le jugement de divorce ou de séparation et, à moins que le régime du droit familial fonctionne mal, le montant de la prestation alimentaire des enfants comprendra les calculs de majoration pour tenir compte de l’impôt que l’ex-conjoint bénéficiaire devra payer sur ce revenu. S’il y a un transfert disproportionné de l’impôt à payer entre les anciens conjoints (comme ce semble être le cas pour Mme Thibaudeau), la responsabilité n’en incombe pas à la Loi de l’impôt sur le revenu, mais au régime du droit de la famille et aux procédures dont résultent les ordonnances alimentaires. Ce régime prévoit des moyens de réexaminer les ordonnances alimentaires qui, par erreur, n’ont pas tenu compte des conséquences fiscales des versements de pension. Étant donné l’interaction entre la Loi de l’impôt sur le revenu et les lois relatives au droit de la famille, on ne peut donc pas dire que l’al. 56(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu impose à l’intimée un fardeau au sens de la jurisprudence relative à l’art. 15.

 

[7]     Cette décision et les autres décisions qui y sont mentionnées s’appliquent a fortiori au présent appel puisque, dans ce cas‑ci, ni le procès‑verbal de transaction ni le jugement, qui sont tous deux datés du 20 juin 2000, ne prévoient que les paiements en question sont libres d’impôt. Il existe uniquement la présumée entente conclue entre l’appelante et son ancien mari ainsi que les garanties susmentionnées qui ont été fournies au sujet du fait que les paiements étaient libres d’impôt. Si un jugement rendu par un tribunal compétent dans lequel il est déclaré que les paiements effectués au titre de la pension alimentaire pour conjoint sont libres d’impôt ne suffit pas, une simple entente ou une simple garantie telles que celles dont il est ci‑dessus fait mention ne sont certes pas suffisantes pour rendre les paiements libres d’impôt.

 

[8]     Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté. Il a été fait mention des intérêts et des pénalités. Je n’ai pas compétence à l’égard des intérêts, mais si l’affaire a été renvoyée ou doit être renvoyée au comité de l’équité, je recommanderais fortement à celui‑ci de renoncer au paiement des intérêts puisque l’appelante a de toute évidence agi en toute innocence et qu’elle était de bonne foi en se fondant sur l’entente conclue avec son ancien mari, selon laquelle les paiements étaient libres d’impôt. Quant à la pénalité, j’ai compétence et, compte tenu des circonstances susmentionnées, j’ordonne qu’aucune pénalité ne soit imposée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’octobre 2004.

 

 

 

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de mars 2005

 

 

Jacques Deschênes, traducteur


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI683

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-1050(IT)I

 

INTITULÉ :

Tamera Callon et S.M.R.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 septembre 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable T. O’Connor

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 octobre 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimée :

Me John Grant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

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