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Dossier: 2004-476(EI)

ENTRE :

603709 ALBERTA LIMITED a/s HUMPTY'S FAMILY RESTAURANT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 7 juin 2004 à Calgary (Alberta)

 

Devant : L’honorable Gerald J. Rip

 

Comparutions:

 

Mandataire de l’appelante:

Carol Sadler

 

Avocat de l’intimé:

Dawn Taylor

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi est accueilli et la décision prise par le Ministre en vertu de l’article 91 est infirmée.

 

Signé à Ottawa (Canada), le 13 août 2004.

 

 

"Gerald J. Rip"

Le juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mars 2005

 

 

 

 

 

François Brunet, traducteur


 

 

 

Référence: 2004TCC545

Date: 20040813

Dossier: 2004-476(EI)

ENTRE :

603709 ALBERTA LIMITED a/s HUMPTY'S FAMILY RESTAURANT,

appelante,

And

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rip

 

[1]     La question dont je suis saisi dans le cadre du présent appel interjeté par 603709 Alberta Limited, exploitant son entreprise sous la raison sociale  Humpty's Family Restaurant, est la suivante :  Au cours de l’année 2002, Christopher Turner (« Christopher »), le fils de Donald et Elena Turner, des personnes qui détiennent 100 pour cent des actions avec droit de vote de la société, et qui était une personne liée à celle-ci, a-t-il exercé un emploi assurable auprès de la société au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (« la Loi »)? Les parties conviennent que Christopher était un employé de la société.

 

[2]     L’emploi de Christopher ne constitue pas un emploi assurable aux termes de l’alinéa 5(2)(i) de la Loi car lui et la société étaient des personnes liées. Cependant, l’intimé, qui a exercé le pouvoir discrétionnaire conféré par l’alinéa 5(3)(b) de la Loi, était convaincu qu'il était raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de la rétribution versée, des modalités d'emploi ainsi que de la durée, la nature et l'importance du travail accompli, que Christopher et la société auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable à leur contrat de travail de 2002 s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. L’appelante est en désaccord.

 


[3]     La position de l’appelante est que Christopher n’était pas considéré comme un employé régulier et qu’il avait des obligations que les autres employés n’avaient pas. Christopher était le directeur général d’un restaurant dont la société était propriétaire. Les principaux actionnaires de la société, les parents de Christopher, ne sont pas souvent intervenus dans l’exploitation du restaurant en 2002. Donald Turner, le père de Christopher, a dit qu’il s’est occupé du restaurant en 2002 « un jour par mois, peut-être un peu plus ». Dans sa déposition, Donald Turner a déclaré qu’il travaillait au restaurant à titre de « soutien occasionnel », lorsqu’il y avait « une grosse affluence ».

 

[4]     Donald Turner a déclaré que Christopher était seul chargé de l’exploitation du restaurant. Il embauche et renvoie les employés, il fait les commandes de nourriture et de matériel et en règle les factures, il entretient le bâtiment où est situé le restaurant, il prépare les menus, etc… Un comptable prépare le livre de paye, mais Christopher signe les chèques de paye. Donald Turner a déclaré qu’il n’est intervenu dans les activités de l’entreprise en 2002 que de manière « périphérique ». « Nous discutons de ce qu’il [c’est-à-dire Christopher] fait, ... s’il veut faire des dépenses pour ... redécorer le restaurant [par exemple] ... », Christopher « doit alors obtenir notre feu vert ». Comme l’a déclaré Donald Turner, il est important que son fils réussisse.

 

[5]     L’exercice de la société prend fin au dernier jour de février. La société a versé à Christopher un bonus de 25 000 $ en 2002 et d’environ 38 000 $ en 2003. Le montant de ce bonus était fixé en fonction des profits de l’appelante et des besoins de Christopher, a rappelé Donald Turner. Si les affaires étaient bonnes l’année suivante, le montant du bonus augmentait. Outre ce bonus de fin d’année,  Christopher, en qualité de directeur général, avait aussi droit à deux bonus mensuels, l’un étant en fonction des ventes de repas, et l’autre en fonction des frais de main-d’œuvre. Christopher recevait aussi un salaire mensuel[1] qui, pour l’année s’élévait à $3 700, selon le ministre. La société a aussi prêté de l’argent à Christopher aux fins d’achat d’une maison, selon les réponses de sa mère au questionnaire que lui avait envoyé l’intimé.

 

[6]     L’appelante a fait l’acquisition du restaurant en 1995. Donald Turner a géré l’entreprise au cours des deux premières années. Christopher, qui étudiait en Angleterre à l’époque, était employé à temps complet par la société en 1998 ou en 1999. En 2002, il avait 26 ans.


[7]     Donald Turner a été remplacé au poste de gestionnaire par Paul Cleroux. M. Cleroux travaillait quarante heures par semaine comme gestionnaire. Il avait le pouvoir d’embaucher et de renvoyer les employés, était chargé de toute l’exploitation du restaurant, notamment des commandes de nourriture, de leur achat et de leur règlement et de l’établissement des pièces comptables pour le comptable. La nourriture était – et est toujours – payée comptant, et M. Cleroux était remboursé pour les achats qu’il avait réglés lui-même. Christopher est remboursé de la même manière.

 

[8]     M. Cleroux recevait un salaire mensuel d’un montant situé entre 3 000 $ et 4 000 $, et il avait droit à des bonus mensuels relatifs aux ventes de repas et aux frais de main-d’œuvre. Donald Turner participait activement à l’exploitation du restaurant lorsque M. Cleroux en était le gestionnaire.

 

[9]     Le restaurant est ouvert 24 heures par jour, tous les jours de l’année, sauf le jour de Noël. Il y a toujours environ 40 personnes qui y travaillent. De 23 h 00 à 06 h 00, il n’y a que trois personnes en service, un cuisinier, un laveur de vaisselle et un serveur; il n’y a pas de gestionnaire de nuit. Pendant le jour, il y a toujours environ huit personnes en service, quatre à la cuisine et quatre dans la salle; pendant les heures d’affluence, comme pendant les week-ends, il y a des employés supplémentaires. Pendant le jour, les employés sont sous les ordres de Christopher ou, s’il n’est pas disponible, d’un gestionnaire adjoint qui travaille cinq jours par semaine. Christopher est payé toutes les deux semaines, pour 88 heures de travail. Cependant, contrairement à M. Cleroux, Christopher est disponible 24 heures sur 24 en cas d’urgence ou pour toute autre problème exigeant son intervention.

 

[10]    Christopher et sa sœur sont chacun titulaires de 50 actions non votantes dans la société. Sa sœur ne reçoit aucun bonus et aucun élément de preuve n’indique qu’elle travaille pour la société. Les actions ont été acquises pour un dollar chacune. À l’occasion, Christopher et sa soeur ont reçu des dividendes de la société.

 

[11]    Parmi les faits tenus pour acquis par le ministre lorsqu’il a pris sa décision et reconnus comme avérés par la mandataire, on peut signaler les éléments suivants :

[Traduction]

 

5.         Pour établir sa cotisation relative au travailleur, le ministre s’est fondé sur les faits suivants :

 

...

 

c)         les deux dirigeants de l’appelante étaient Donald Turner et Elena Turner;

 

...

 

f)          le travailleur and l’appelante sont des personnes liées au sens du paragraphe 251(2) de la Loi sur l’impôt sur le revenu, L.RC. 1985 (5ème supp.) ch.1, modifiée (la Loi);

 

g)         le travailleur était chargé de gérer le restaurant et notamment de surveiller les employés, d’établir leurs horaires, de les embaucher et de les renvoyer;

 

...

 

m)        la rémunération du travailleur était semblable à celle d’une personne sans lien de dépendance avec l’appelante;

 

n)         la rémunération du travailleur était raisonnable;

 

...

 

p)         le travailleur avait un horaire flexible;

 

q)         les heures de travail du travailleur n’étaient pas inscrites aux registres;

 

...

 

u)         il n’y a pas eu de périodes de paye au cours de 2002 pour lesquelles le travailleur n’a pas reçu sa paye ou l’a reçue avec retard;

 

...

 

x)         le travailleur n’a déposé aucune portion de son salaire dans le compte bancaire de l’appelante;

 

y)         le travailleur n’a pas été payé pour ses heures supplémentaires;

 

z)         le travailleur jouissait d’une certaine flexibilité pour prendre ses vacances, ordinairement 2 à 3 semaines par an;

 

(aa)      la durée des vacances du travailleur était raisonnable;

 

(bb)      en cas d’urgence, le travailleur était libre de régler ses affaires personnelles, mais, en règle générale, le travail avait priorité;

 

...

 

(ee)          le travailleur se servait de sa voiture pour faire des courses pour l’appelante;

 

(ff)        à l’occasion, le travailleur a fait des dépenses pour l’appelante pour lesquelles il n’a pas été remboursé;

 

[12]    Dans les décisions Tignish Auto Parts Inc. c. le Ministre du Revenu national[2], Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. M.R.N.[3] et Bayside Drive-in Ltd c. La reine[4], la Cour d’appel fédérale a jugé que la Cour de l’impôt, lorsqu’elle entend un appel en vertu de la Loi, quand le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire, doit jouer un rôle de contrôle, examiner les faits dont il est établi qu’ils ont été produits au ministre lorsqu’il a formulé sa conclusion; pour ce faire, le juge de la Cour de l’impôt doit faire preuve de retenue à l'égard de la décision discrétionnaire du ministre, à moins qu’il ne soit démontré que, selon la prépondérance des preuves, le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière contraire à la loi. Il ne revient pas au juge de la Cour de l’impôt de peser les éléments de preuve ou de se livrer à des conjectures sur le poids donné à ces éléments de preuve par le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Ce n’est que si les faits sur lesquels le ministre s’est fondé sont insuffisants en droit pour justifier sa conclusion, et donc que sa décision ne peut tenir, que la Cour peut intervenir.

 

[13]    Dans l’affaire Légaré c. M.R.N.[5], la Cour d’appel a eu l’occasion de se pencher à nouveau sur cette question, et elle a formulé un nouveau critère remplaçant celui qui avait été explicité dans les jurisprudences Tignish, Ferme Émile Richard et Bayside Drive-in. Au paragraphe 4, le juge Marceau a exprimé son point de vue en ces termes :

 

La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire.  L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés.  Et la détermination du ministre n'est pas sans appel.  La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés.  La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre: c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre.  Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était "convaincu" paraît toujours raisonnable.

 

[14]    La Cour d’appel fédérale s’est de nouveau penchée sur cette question dans l’affaire Pérusse c. M.R.N.[6], et au paragraphe 14, le juge Marceau a rappelé ses observations dans la décision Légaré, précité.

 

[15]    Il a expliqué, au paragraphe 15:

 

Le rôle du juge d'appel n'est donc pas simplement de se demander si le ministre était fondé de conclure comme il l'a fait face aux données factuelles que les inspecteurs de la commission avaient pu recueillir et à l'interprétation que lui ou ses officiers pouvaient leur donner.  Le rôle du juge est de s'enquérir de tous les faits auprès des parties et des témoins appelés pour la première fois à s'expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre, sous l'éclairage nouveau, paraît toujours "raisonnable" (le mot du législateur).  La Loi prescrit au juge une certaine déférence à l'égard de l'appréciation initiale du ministre et lui prescrit, comme je disais, de ne pas purement et simplement substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu'il n'y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus.  Mais parler de discrétion du ministre sans plus porte à faux.

 

[16]    Dans Staltari c. Canada (Procureur général)[7], le juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour, a annulé la décision de cette Cour et a jugé que, comme dans la décision Valente c. M.R.N.[8], le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des directives de la cour d’appel dans les décisions Légaré et Pérusse, précités.

 


[17]    Cependant, dans l’affaire Quigley Electric Ltd. c. M.R.N.[9], les juges Linden, Sexton, et Malone ont instruit l’appel interjeté d’une décision dans laquelle cette Cour avait confirmé la décision du ministre selon laquelle le travailleur était employé dans un emploi assurable par application des dispositions déterminatives du paragraphe 5(3) de la Loi, même si elle était liée à l’appelante. Il a été plaidé que le juge de première instance n’avait pas appliqué le critère juridique, celui du caractère raisonnable, exposé dans les décisions Légaré, et Pérusse, précités ; la Cour d’appel a jugé cet argument juridiquement infondé. La formation de la Cour d’appel dans l’affaire  Quigley Electric a avalisé l’approche de la formation qui avait statué dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Jencan Ltd.[10] : la Cour ne peut intervenir que si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire conféré par l’alinéa 5(3)b) de mauvaise foi, n’a pas pris en compte tous les faits pertinents, ou a pris en compte un facteur sans pertinence. Voilà qui semble contraire à la jurisprudence Staltari, précité. Cependant, il faut signaler que la décision Staltari est du 25 novembre 2003 et Quigley Electric du 28 novembre 2003. Il est possible que la formation de la Cour d’appel fédérale qui a statué dans l’affaire Quigley Electric n’ait pas été au courant de la jurisprudence Staltari.

 

[18]    Le juge Bowie a eu l’occasion de se pencher sur le critère du caractère raisonnable dans l’affaire Glacier Raft Co. c. Canada (M.R.N.).[11] Au paragraphe 2, il a signalé que le juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour dans l’affaire Valente, précitée, avait estimé que ce critère se démarque :

 

[…] de décisions plus anciennes en ce qui a trait à la définition du rôle de la Cour de l'impôt en matière d'appels de décisions ministérielles aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi […].

 

Il a ajouté :

 

Il serait surprenant que la Cour d’appel fédérale infirme ses nombreuses décisions antérieures visant la nature de l’examen de la décision du ministre [Tignish Auto Parts, ... Jencan Ltd, ... Bayside Drive-In Ltd.] par la Cour en vertu de l’alinéa 5(3)b) sans qu’on y fasse directement référence, mais il semble que ce soit le cas.

 


[19]    Le juge Bowie a rejeté l’appel, mais il a conclu, au paragraphe 9 :

 

Il ne s’agit certainement pas d’une situation où l’on crée des emplois pour des raisons de commodité, afin d’avantager des membres de la famille qui pourraient ainsi profiter injustement du système d’assurance‑emploi. Néanmoins, la Loi est raisonnablement claire et, lorsque des parties ayant un lien de dépendance entre elles concluent des contrats de travail, elles doivent veiller scrupuleusement à ce que les modalités ne diffèrent pas de celles utilisées par l’employeur lorsqu’il embauche d’autres travailleurs ou de celles qui inciteraient les travailleurs à trouver du travail ailleurs s’ils désirent que leur emploi soit assurable en vertu de la Loi.

 

[20]    Dans l’affaire Belanger c. Canada (Ministre de Revenu national)[12], les juges Décary, Létourneau and Nadon de la Cour d’appel fédérale, ont conclu que le juge de première instance n’avait pas judicieusement pris en compte des nouvelles décisions Pérusse et  Légaré, qui ont été suivies dans les affaires Valente, et Massignani c. Canada (M.R.N.)[13].

 

[21]    La question dont je suis saisi est la suivante : lorsqu’il a déterminé, en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi, que la société et Christopher étaient réputés ne pas avoir un lien de dépendance au cours de 2002, le ministre a-t-il correctement exercé son pouvoir discrétionnaire? Si le ministre l’a exercé de manière contraire à la loi, je peux contrôler le bien-fondé de la décision qu’il a rendue : Canada c. Jencan Ltd.[14] Pour évaluer la manière dont le ministre a exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi, la Cour d’appel fédérale a déclaré que « la Cour de l'impôt peut tenir compte des faits qui ont été portés à son attention au cours de l'audition de l'appel ». Il importe peu que plusieurs des suppositions de fait sur lesquels le ministre s’est fondé aient éventuellement été réfutées au procès, je dois me demander si les autres faits établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier, ou non, la détermination du ministre selon laquelle les parties auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance. Si la détermination du ministre ne s’appuie pas sur un ensemble de preuves raisonnables, je peux intervenir. Ou encore, je peux intervenir si le ministre n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents.[15]

 

[22]    Dans cet appel, la position du ministre est que les conditions d’emploi de Christopher étaient à peu près semblables, sinon identiques, à celles de Paul Cleroux. Mais, pour parvenir à cette conclusion, le ministre a ignoré, ou n’a pas attaché sufisamment d’importance à deux facteurs au moins qui sont présents dans les conditions d’emploi de Christopher et non pas dans celles de Paul Cleroux. Le premier est que Christopher recevait un bonus annuel qui dépendait des profits de la société pour l’année et des besoins personnels de Christopher. Ce deuxième élément indique, encore plus que le premier, que ce bonus annuel était spécifique à Christopher comme enfant des principaux actionnaires de la société.

 

[23]    Le deuxième facteur des modalités d’emploi de Christopher est qu’il était disponible 24 heures sur 24. Même si Christopher était payé pour une semaine de 44 heures, sa charge de travail était plus lourde que les 44 heures pour lesquelles il était payé. À toutes fins pratiques, la société était une entreprise familiale et Christopher contribuait à ses tâches. Une personne non liée à la société ne serait pas intéressée aux conditions de travail acceptées par Christopher et celle-ci ne serait pas disposée à payer un bonus annuel à une personne non liée, fonction non seulement des profits de l’entreprise, mais aussi des besoins de la partie non liée.

 

[24]    L’appel est donc accueilli. La décision du ministre est infirmée.

 

 

 

 

 

          Signé à Ottawa (Canada), le 13 août 2004.

 

 

 

 

 

 

"Gerald J. Rip"

Le juge Rip

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mars 2005

 

 

François Brunet, traducteur


RÉFÉRENCE:

2004TCC545

 

N° DE DOSSIER DE LA COUR :

2004-476(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

603709 Alberta Limited c/o Humpty's Family Restaurant v. Minister of National Revenue

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable Gerald J. Rip

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Mandataire de l’appelante:

Carol Sadler

 

Avocate de l’intimé:

Dawn Taylor

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante:

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l’intimé:

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 



[1]           Dans un questionnaire envoyé à l’appellante, Mme Turner, la mère de Christopher, a répondu que celui-ci, au jour de la signature du questionnaire, le 10 décembre 2003, touchait un salaire mensuel de 3 700 $.

[2]           185 N.R. 73, [1994] F.C.J. No. 1130. À l’époque de l’appel interjeté dans l’affaire Tignish, la Cour de l’impôt n’était pas une cour supérieure.

[3]           178 N.R. 361, [1994] F.C.J. No. 1859.

[4]           [1997] F.C.J. No. 1019.

[5]           [1999] F.C.J. No. 878.

[6]           (2000), 261 N.R. 150.

[7]           [2003] F.C.J. No. 1771.

[8]           (2003) C.A.F. 132.

[9]           [2003] F.C.J. No. 1789.

[10]          [1998] 1 F.C. 187 (C.A.F.), au paragraphe 10.

[11]          [2003] T.C.J. No. 450.

[12]          [2003] A.C.F. No. 1774.

[13]          [2003] F.C.J. No. 542.

[14]          Supra, au paragraphes 24, 25, 31, 36, 42, 43 et 50.

[15]          Le lecteur est invité à lire les observations du juge Woods dans la décision C & B Woodcraft Ltd. c. M.R.N., [2004] T.C.J. No. 351, au paragraphes 7 à 13, au sujet du pouvoir du ministre d’intégrer les travailleurs au régime d’assurance-emploi en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.

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