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Dossier : 2003-4352(GST)I

ENTRE :

CLAUDE JAMES GARLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à St. John's (Terre-Neuve), le 15 avril 2004.

Devant : L'honorable E.A. Bowie

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Kent Morris

Avocate de l'intimée :

Me Sue McKinney

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à la suite de la signification de l'avis de cotisation à un tiers prévue au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise, cet avis étant daté du 19 juillet 2002 et portant le numéro 24601, est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


Dossier : 2003-4575(IT)I

ENTRE :

CLAUDE JAMES GARLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu à St. John's (Terre-Neuve), le 15 avril 2004.

Devant : L'honorable E.A. Bowie

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Kent Morris

Avocate de l'intimée :

Me Sue McKinney

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 19 juillet 2002 et porte le numéro 11490, est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


Référence : 2004CCI494

Date : 20040709

Dossiers : 2003-4352(GST)I

2003-4575(IT)I

ENTRE :

CLAUDE JAMES GARLAND,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bowie

[1]      Ces deux appels sont interjetés à l'encontre de cotisations établies en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR » ) et de l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA » ). Ces dispositions imposent une responsabilité personnelle aux administrateurs d'une société à l'égard des retenues d'impôt sur le revenu impayées et de la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) due par la société. Les appels ont été entendus ensemble sur preuve commune sous le régime de la procédure informelle de la Cour. Selon les cotisations, l'appelant est redevable, en sa qualité d'administrateur de Short Stop Foods (1984) Limited ( « Short Stop » ), d'un montant de 1 911,23 $ au titre des retenues à la source payables en vertu de la LIR et d'un montant de 78 460 $ au titre de la TPS payable en vertu de la LTA, ainsi que des intérêts et pénalités prévus dans ces deux lois.

[2]      Au début des années 1980, M. Garland a ouvert un dépanneur avec un associé. Vers 1984, il a acheté la part de son associé et, à compter de ce moment-là, l'entreprise a appartenu à la société qui venait d'être constituée et a été exploitée par cette dernière. M. Garland était l'unique administrateur de Short Stop pendant la période pertinente et il gérait l'entreprise. Au cours des quelque huit années suivantes, l'entreprise a pris de l'essor jusqu'à ce qu'il y ait environ cinq magasins, dont certains appartenaient à Short Stop et étaient exploités par cette dernière, alors que d'autres étaient exploités en vertu de contrats de franchisage.

[3]      Avant d'ouvrir Short Stop, M. Garland n'avait pas de formation et d'expérience dans les affaires ou en matière de tenue de livres. Une employée qui s'appelait Judy Payne tenait initialement les livres. Elle a quitté son emploi en 1992 et la femme de l'appelant s'est ensuite chargée de tenir les livres. Pour accomplir cette tâche, la femme de l'appelant se fondait uniquement sur le fait qu'elle avait suivi un cours de secrétariat dans une école professionnelle et que, dans le cadre du programme, il y avait un cours sur la tenue de livres. Pendant les deux semaines qui ont précédé son départ, Mme Payne a donné des instructions à la femme de l'appelant au sujet de la tenue de livres de l'entreprise. Avec ces antécédents, la femme de l'appelant s'est chargée de toute la tenue de livres ainsi que de la production des déclarations de TPS et de revenu. Un comptable, dont les titres de compétence n'ont pas clairement été établis, établissait les déclarations de fin d'exercice. La preuve ne montre pas clairement si le comptable accomplissait d'autres fonctions.

[4]      L'entreprise était tenue de produire des déclarations de TPS tous les trois mois. Mme Garland établissait les déclarations et préparait un chèque au montant de la taxe qui devait être remise. Elle présentait ces documents à l'appelant pour qu'il les signe. L'appelant avait une moins bonne formation et moins de connaissances que sa femme en matière de TPS. Après 1992, il s'en est entièrement remis à sa femme pour établir les déclarations et calculer correctement le montant dû par la société, comme il s'en était remis à Mme Payne auparavant.

[5]      Au cours des années 1990, un certain nombre d'événements se sont produits, lesquels ont eu des conséquences défavorables sérieuses sur l'entreprise de Short Stop. Notamment, il y a eu le moratoire imposé sur la pêche à la morue en haute mer, qui a entraîné une forte baisse du chiffre d'affaires de Short Stop. L'un des principaux fournisseurs de Short Stop a également fait défaut. Selon l'appelant, des pertes additionnelles ont été subies par suite des menus larcins auxquels se livraient certains employés et des erreurs commises par le personnel à la caisse.

[6]      En fin de compte, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a procédé à une vérification des comptes TPS de la société. Peu de temps après, les autorités responsables de la taxe de vente provinciale ont effectué leur propre vérification. Ces deux vérifications ont donné lieu à l'établissement de cotisations élevées à l'égard de la société. La Banque fédérale de développement détenait une hypothèque sur l'immeuble dans lequel la société était établie. Étant donné que l'entreprise a fait défaut à la suite de ces vérifications, la Banque a procédé à une saisie et a pris des mesures en vue de liquider les stocks. L'appelant attribue tous ces malheurs au fait que la vérificatrice chargée de la TPS a produit une cotisation qui, selon lui, était beaucoup plus élevée que ne le justifiaient les faits de l'affaire. À la suite d'une opposition déposée à l'égard de la première cotisation, la Direction des appels de l'ADRC a réduit le montant de beaucoup. Toutefois, l'appelant affirme que l'établissement de la première cotisation a occasionné toutes les autres difficultés financières qui ont en fin de compte obligé la société à cesser ses activités. À ce moment-là, les montants élevés qui étaient dus pour la TPS et pour les retenues à la source non remises étaient en souffrance, et ils ont donné lieu à l'établissement de cotisations dérivées à l'égard de M. Garland, lesquelles font actuellement l'objet d'un appel.

[7]      En témoignant, l'appelant a pris la position selon laquelle il n'était pas justifié d'établir la cotisation dont Short Stop avait fait l'objet pour la TPS non remise, même si la cotisation avait été ramenée à un montant moins élevé au moyen d'une nouvelle cotisation établie par suite de l'opposition déposée par la société; il a en outre soutenu que ses déclarations de TPS ne comportaient en fait aucun vice. Toutefois, l'appelant a concédé que la société avait appelé en vain de la nouvelle cotisation devant la présente cour. Au cours de l'argumentation, son avocat a reconnu, quoique avec réticence, que dans ces conditions il ne lui était pas loisible de contester l'étendue de l'obligation de Short Stop.

[8]      Le paragraphe 227.1(1) de la LIR est libellé comme suit :

227.1(1) Lorsqu'une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l'article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d'impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d'imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s'y rapportant.

Le paragraphe 323(1) de la LTA est libellé comme suit :

323(1) Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

Chacun des articles 227.1 et 323 prévoit un certain nombre de moyens de défense que l'administrateur à l'encontre duquel ces dispositions ont été invoquées peut soulever, mais dans ce cas-ci, il n'est pas contesté que toutes les conditions imposées par la loi pour que l'appelant soit responsable sont respectées et que l'appelant peut uniquement invoquer le moyen de défense prévu au paragraphe (3) de chacune de ces dispositions, communément appelé le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable :

227.1(3) Un administrateur n'est pas responsable de l'omission visée au paragraphe (1) lorsqu'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

323(3) L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[9]      Il ressort clairement de la jurisprudence portant sur ces dispositions qu'il faut tenir compte d'éléments subjectifs et objectifs en se prononçant sur l'étendue de l'obligation de diligence qui incombe à un administrateur particulier et que ces éléments peuvent varier énormément en fonction de la mesure dans laquelle l'administrateur en question s'occupe activement de la gestion des affaires de la société, de son niveau de scolarité, de sa formation, de son expérience et de son sens des affaires, pour ne mentionner que quelques-uns des facteurs pertinents. Dans ce cas-ci, M. Garland était l'unique administrateur, et c'était lui qui avait la responsabilité complète des affaires de la société. M. Garland est loin d'être un homme d'affaires chevronné, mais il s'est chargé de gérer de la société, même s'il devait savoir qu'il était tenu de se conformer à certaines obligations financières en vertu des diverses lois fiscales. Il devait savoir également, lorsqu'il a décidé de faire à ce point confiance à sa femme, que les connaissances et la formation de celle-ci étaient minimes.

[10]     Les administrateurs sont tenus d'agir avec « le degré de soin, de diligence et de compétence qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables » [1]. Il incombe toutefois à l'appelant d'établir qu'il a fait preuve de ce degré de soin, de diligence et de compétence.

[11]     L'avocat de l'appelant s'est fondé sur la décision rendue dans l'affaire Lau[2], mais il a uniquement pu faire référence à un bref sommaire de la décision. Dans cette affaire, la femme d'un des administrateurs s'occupait de la tenue de livres, calculait le montant dû au titre de la TPS et produisait les déclarations. Elle n'avait pas de formation régulière ou d'expérience en matière de tenue de livres. À première vue, ces faits sont semblables à ceux de l'affaire qui nous occupe. Toutefois, il ressort du compte rendu publié de cette décision que le système que la femme suivait avait été établi par un cabinet national de comptables agréés et qu'un ordinateur et un logiciel approprié étaient utilisés à cette fin. Ce cabinet avait également formé la femme pour qu'elle puisse exploiter le logiciel et supervisait régulièrement le travail de celle-ci. Ces faits ne peuvent pas vraiment être comparés à ceux de la présente espèce; la seule formation que Mme Garland avait suivie avait été assurée par une personne dont les titres de compétence ne sont aucunement connus, et rien ne montre que Mme Garland ait été supervisée.

[12]     L'avocat de l'appelant s'est également fondé sur un bref sommaire du jugement rendu par le juge suppléant Rowe dans l'affaire Cassels v. The Queen[3]. Toutefois, cette affaire est tout à fait différente de celle dont je suis ici saisi. Le juge Rowe a conclu que l'appelant avait satisfait au critère de la diligence raisonnable pendant une partie de la période en cause, parce qu'il avait un personnel bien formé ayant l'expérience voulue pour s'occuper de la comptabilité en matière de TPS sous la supervision d'un cabinet de comptables agréés.

[13]     Dans l'affaire Armstrong v. The Queen[4], un administrateur avait omis de satisfaire aux exigences touchant la diligence raisonnable en se contentant de confier la comptabilisation de la TPS à un comptable de profession qui avait de l'expérience. Comme dans ce cas-ci, on avait retenu les services d'un comptable agréé pour les écritures comptables de fin d'exercice et afin d'établir les déclarations, mais le comptable n'avait apparemment aucune responsabilité à l'égard de la comptabilisation de la TPS. M. Armstrong était un homme d'affaires qui avait énormément d'expérience, de sorte qu'on exigerait de lui un degré plus élevé de diligence que celui qui est exigé de M. Garland. Si M. Garland avait laissé un comptable ayant le titre de CGA s'occuper de ses affaires, cela aurait peut-être été suffisant. Toutefois, il s'en est en fait simplement remis à sa femme, apparemment sans supervision. La diligence raisonnable exige que l'administrateur, et à coup sûr un administrateur comme M. Garland qui est l'unique administrateur et directeur de la société, prenne des mesures bien précises en vue de s'assurer que la TPS et les retenues d'impôt sont calculées et remises de la façon appropriée. L'administrateur n'est pas un assureur, mais il doit être capable de signaler certaines mesures préventives qu'il a prises. Or, M. Garland n'a pas réussi à le faire. Je comprends bien la situation dans laquelle il se trouve maintenant, mais je me vois obligé de rejeter les appels.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2004.

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de décembre 2004.

Jacques Deschênes, traducteur


RÉFÉRENCE :

2004CCI494

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2003-4352(GST)I et

2003-4575(IT)I

INTITULÉ :

Claude James Garland et

Sa Majesté la Reine

LIIEU DE L'AUDIENCE :

St. John's (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 15 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable E.A. Bowie

DATE DES ORDONNANCES :

Le 9 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Avocat du demandeur :

Me Kent Morris

Avocate de l'intimée :

Me Sue McKinney

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le demandeur :

Nom :

Kent Morris

Cabinet :

Cabinet Morris

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada



[1]           Lau v. The Queen, [2003] G.S.T.C. 1, juge Bowman, J.C.A., au par. 23.

[2]           Précité.

[3]           [2001] G.S.T.C. 122; confirmé par [2002] G.S.T.C. 81 (C.A.F.).        

[4]           [2002] G.S.T.C. 78; confirmé par [2003] GSTC 64 (C.A.F.).

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